Principes de Dressage et d'Équitation

(3e Édition, revue, corrigée et considérablement augmentée.)

E. Flammarion Éditeur

26, rue Racine, près l'Odéon 1892 - PARIS

James Fillis

À François CARON ancien écuyer en chef de la maison de l'Empereur de Russie

C'est à vous, cher maître et ami, que je dédie ce livre. Il vous reviendrait de droit, s'il ne vous était offert par reconnaissance. Vous avez guidé mes premiers pas dans l'art difficile de l'équitation; vous m'avez suivi, encouragé, aidé dans toute ma carrière. Autrefois, quand vous me félicitiez de mon application au travail, quand vous me disiez que vous étiez fier de votre élève, quelle ardeur je puisais dans vos paroles! Aujourd'hui, j'ai la grande joie de vous exprimer publiquement toute ma gratitude en vous offrant ce modeste travail ou vous retrouverez, j'espère, une bonne part de vous-même. Accueillez-le avec bienveillance et croyez-moi Votre élève reconnaissant, votre ami

James Fillis.

Paris, 31 mai 1890.

PRÉFACE

Je n'apporte pas ici des doctrines scientifiques : mes prétentions ne sont pas si hautes. Je suis simplement un écuyer pratiquant le cheval depuis près de cinquante ans, le connaissant, l'aimant et capable d'en raisonner.

J'avais huit ans quand on m'a mis, pour la première fois, sur le dos d'un cheval. Mon humble personne n'était pas évaluée à un très haut prix, et, dès qu'un cheval résistait ou faisait une défense, on s'écriait à l'envi : Mettez le gamin dessus. Et on le mettait dessus, le gamin, et en avant ! des talons, de la cravache et de la chambrière. Le gamin se tenait s'il pouvait et comme il pouvait, ou roulait à terre pour être aussitôt remis à califourchon.

Tels furent mes premiers pas dans l'art équestre. C'est ainsi que j'ai commencé, dès l'enfance, à cultiver le grand principe de l'impulsion qui, depuis, m'est devenu si cher.

À cette éducation, un peu brutale sans doute, mais singulièrement profitable, j'ai gagné de bonne heure la confiance, la solidité et — qu'on me permette de le dire — l'intrépidité, c'est-à- dire l'audace d'attaquer vigoureusement, mais rationnellement, dans la défense.

Plus tard est venu le travail empirique avec toutes les expérimentations qu'il comporte : les recherches, les tâtonnements, les erreurs lentement corrigées, les fautes difficilement redressées, les efforts stériles ou heureux, les bons et les mauvais conseils dans la confusion desquels il faut se reconnaître. Longue et dure période où beaucoup se découragent. Utile gymnastique pourtant, qui assouplit les membres, donne le sang- froid dans les mille incidents imprévus de tous les jours, établit l'assiette et, sans donner encore le tact, amène le cavalier à sentir le cheval.

C'est alors que j'ai commencé à chercher à me rendre compte des choses et à vouloir raisonner ce que je faisais. De là une étude plus attentive, la recherche d'une précision plus grande, des inductions, souvent hasardées, dont la pratique démontrait plus ou moins vite la justesse ou la fausseté.

Le maître vint, apportant avec lui la méthode qui ordonne toutes les connaissances, les relie entre elles, et en dégage le principe directeur.

Dès lors, je travaillai dans la lumière. Tout devint clair, aisé, naturel. On me présentait un ensemble de vues rationnelles sur la combinaison des effets de l'homme et du cheval, qui me permettait de tout classer, de tout interpréter, de tout comprendre. Restait l'application. Une fois la méthode entrée dans la tête, il s'agissait de la faire passer dans les mains et dans les jambes, c'est-à-dire de faire l'éducation des réflexes. J'y consacrai obstfhément tous mes efforts. Évitant soigneusement l'à peu près, je m'attachai par une attention plus soutenue, par une observation plus curieuse des détails, par une pratique plus délicate, à développer cette finesse de perception des mouvements et des indications du cheval, qui permet d'opposer instantanément, dans la juste mesure, effet à effet, et qu'on appelle le tact équestre.

Enfin, je pouvais raisonner et travailler par moi-même ; j'étais maître de mon art. Je pouvais faire, et je fis, la critique de la méthode. Tout passer au crible, tout soumettre à l'épreuve du manège, élaguer, modifier, innover.

Ainsi j'arrivai, tout en restant dans la voie tracée par les anciens maîtres, à me constituer une méthode propre qui n'était que le développement, que le perfectionnement des principes posés et appliqués par les créateurs de l'équita- tion française. Sans ces maîtres illustres, tous mes efforts fussent demeurés vains. Si j'ai ajouté quelque parcelle de vérité au trésor de connaissances qu'ils ont accumulé, c'est que, toujours libre de ma critique, je suis demeuré fidèle à leur enseignement. C'est donc à eux que j'en dois reporter l'honneur.

Le principe fondamental qui se dégage des études que je soumets au public, c'est qu'il faut chercher l'équilibre, la légèreté du cheval dans le mouvement en avant, dans l'impulsion, pour obtenir par l'effort moindre les effets les plus énergiques.

L'équilibre par la hauteur de l'encolure fléchie à la nuque, non au garrot; l'impulsion par les jarrets engagés sous le centre; la légèreté par la flexion de la mâchoire : voilà toute mon équitation.

Quand on sait cela, on sait tout et on ne sait rien. On sait tout, parce qu'on retrouve ces principes en toutes choses. On ne sait rien, parce qu'il reste à les faire passer dans la pratique.

La pratique, je ne puis l'enseigner par le livre. La méthode, je vais essayer de l'exposer.

Peut-être n'aurais-je jamais eu la hardiesse de le tenter, si un de mes élèves, frappé de la parfaite coordination des explications que je lui donnais au hasard des incidents des leçons de dressage, ainsi que de l'unité de méthode qui en ressortait à tout moment, ne m'eût vivement sollicité de faire cette publication.

— Mais, lui disais-je, je ne suis qu'un praticien; une pareille tâche m'effraye; si j'allais, par des explications défectueuses ou peu claires, affaiblir l'autorité de principes qui sont pourtant la vérité même !

— Soyez sans crainte, me répondait-il, pas de théorie, pas d'études de locomotion. Assez d'autres ont disséqué le cheval et mis à nu ses organes moteurs. Au lieu de disserter sur ces choses, racontez-nous simplement ce que vous faites, du jour où vous achetez un poulain de pur sang jusqu'au moment où, le dressage fini, vous le livrez aux écuyers ou écuyères qui constituent votre clientèle. C'est de ce conseil qu'est sorti le présent livre. Là est tout le plan que je me suis proposé.

Qu'on me juge, mais seulement après m'avoir lu avec l'attention que mérite une oeuvre où se trouvent résumées cinquante années d'études sérieuses et de labeur obstiné.

Je me confie à l'indulgence du public et à l'équité de la critique.

James Fillis.


PRÉFACE DE LA TROISIÈME ÉDITION

Deux éditions en moins de deux ans ! C'est un succès dont je suis fier. Depuis l'apparition de cet ouvrage, je n'ai cessé de relever, au cours de mes leçons, toutes les faites, toutes les défenses, tous les incidents qui m'ont paru pouvoir donner matière à des explications complémentaires aussi bien qu'à des développements nouveaux. C'est ce qui m'a permis de faire des additions considérables à cette troisième édition. Je signale notamment un chapitre nouveau : le cheval de promenade. Puisse le public apprécier mes efforts pour me montrer de plus en plus digne de son bienveillant accueil !



Première Partie: LE CHEVAL ET L'HOMME


I Le cheval

Je ne dresse que des pur sang, mais je suis loin de prétendre que les trois quarts ou demi-sang ne peuvent pas faire de bons chevaux de selle. C'est simplement ma préférence que j'indique.

Je ne recherche pas la grande taille : celle de 1m,56 à 1m,58 me plaît le mieux : disons, pour ne pas être exclusif, de 1m,55 à 1m,60.

Pour le choix du cheval, il faut d'abord considérer l'ensemble et, pour cela, se placer à quelques mètres de l'animal. Si la première impression est bonne, j'examine les détails et suis assez disposé à passer sur quelques imperfections. Si, au contraire, cette première impression générale n'est pas favorable, je regarde de beaucoup plus près, et suis moins disposé aux concessions. La perfection n'existe pas. Il faut surtout considérer, dans ce premier examen d'ensemble, la façon dont le cheval se sert de ses membres au pas, au trot et au galop, à la main d'abord et ensuite monté.

Tel cheval qui, au repos, paraît mal conformé, devient harmonieux, léger et adroit aussitôt qu'il est mis en mouvement. Tel autre, qui semble presque parfait au repos, est lourd et maladroit dans ses allures. Je préfère le premier, parce qu'il se sert bien de ce qu'il a.

La tête jolie, l'encolure longue et fine, le garrot bien saillant, le dos et les reins courts et larges, la croupe longue, l'épaule longue et oblique, les reins bien attachés près de la dernière côte, les cuisses et les jambes longues jusqu'aux jarrets, les canons courts; de même pour l'avant-main : les avant-bras longs, les canons courts, les paturons plutôt un peu longs que trop courts : telles sont les qualités de formes que je recherche, mais qui sont rarement réunies toutes dans le même sujet.

Je repousse absolument le cheval, quand la jointure qui lie le sabot au boulet est raide, car il manque d'élasticité, traîne ses pieds et fait forcément des fautes.

J'examine avec soin si les talons ne sont pas serrés. Pour éviter que ce défaut ne vienne à se produire plus tard, je ne fais pas ferrer mes chevaux tant qu'ils travaillent sur un terrain doux. Ils marchent alors sur la fourchette, et il en résulte un écartement du talon. Je fais toujours ferrer en demi-lune allongée, et les pointes des fers enchâssés dans les talons. J'arrive ainsi à n'avoir ni encastelures ni maladies des pieds.-

Recherchez le cheval près de terre. Un cheval sera près de terre s'il y a même distance du garrot à l'extrémité de l'épaule que de ce même point au sabot. Les grandes jambes d'un cheval dégingandé, — loin de terre, — seront toujours maladroites et disposées aux fautes.

Enfin, il en est du cheval comme de l'homme. Quand on a la perfection physique, on n'a rien encore : il faut voir ce qu'est le moral. La première qualité morale pour un cheval, c'est d'être franc et disposé à se porter en avant.

C'est le cheval chaud que je recommande par-dessus tout, parce que, contrairement à ce que l'on croit, il n'est ni susceptible, ni inquiet, ni ombrageux. Je reviendrai là- dessus. Je me borne à constater pour le moment que tel cheval médiocrement conformé est excellent s'il a la première des qualités morales : la disposition à se porter en avant. Tel autre cheval, qui est un véritable tableau, n'est bon à rien s'il en est privé.

Je commence toujours l'éducation des chevaux alors qu'ils sont encore jeunes, c'est-à-dire quand ils ont de deux à trois ans au maximum.

Je les achète autant que possible vers le mois de septembre. Comme les chevaux naissent au printemps, ils ont à cette époque deux ans et demi.

Le motif qui me fait préférer les chevaux jeunes est que ces derniers n'ont presque jamais été soumis à l'entraînement, ou du moins très peu, et qu'ils sont par conséquent bien conservés.

Il est d'ailleurs facile de se les procurer, car, à côté des pur sang qui ont quelques chances de réussir sur les hippodromes, il y en a un grand nombre que l'on considère comme des non-valeurs au point de vue des courses, et qui peuvent néanmoins devenir de merveilleux chevaux d'école et de service. Du reste, pour une foule de raisons, on trouve à acheter un grand choix de pur sang de cet âge.

Je n'achète jamais de juments. Ma raison est qu'elles deviennent trop souvent quinteuses ou même pisseuses à l'éperon. Je fais toujours subir à mes chevaux l'opération de la castration, et cela pour plusieurs raisons. D'abord, le pur sang entier a l'habitude de se jeter sur tous les chevaux qu'il rencontre, ce qui n'a rien d'agréable pour celui qui le monte. D'autre part, il se cabre avec une très grande facilité. Or beaucoup de chevaux que je dresse sont destinés à des dames, et on ne doit jamais permettre à une dame de monter les chevaux qui usent de cette défense.

Les chevaux entiers arabes et les chevaux allemands dits trakenes n'ont généralement pas les mêmes défauts. Ils vivent côte à côte avec les juments, sans presque jamais y faire attention.

Enfin, en prenant des années, le pur sang entier engraisse surtout de l'avant-main. Tandis que l'avant- main s'épaissit, s'alourdit, l'arrière-main périclite, la croupe reste mince et les fesses pointues, ce qui est un défaut chez le cheval de selle. Celui-ci doit, au contraire, avoir l'arrière-train assez développé et l'avant- main fin. (Tout en prenant beaucoup d'embonpoint, les pur-sang qui font, dans les haras, le service d'étalon, et rien que ce service, conservent mieux leurs proportions.)

En outre, tout le monde sait que le cheval hongre a le caractère bien plus doux que le cheval entier.

Pour la castration, j'envoie, après les chaleurs, mes chevaux à l'école d'Alfort, où ils restent quinze jours. Je les place ensuite à la campagne, au grand air, dans un grand établissement où ils reçoivent tous les soins qui leur sont indispensables, et je les y laisse pendant trois mois et demi.

Pendant ces quatre premiers mois, j'évite de leur mettre sur le dos même le poids d'une selle. Ce temps écoulé, je commence leur éducation, le plus doucement possible.

Quand ils savent marcher au pas, au trot et au galop, tourner avec facilité, reculer et faire quelques pas de côté, quand, enfin, j'ai obtenu la mise en main, je commence à les sortir, et ce n'est plus que l'affaire de quelques jours pour les rendre très agréables à monter dehors. J'en fais donc d'abord des chevaux de promenade, ce que les Anglais appellent hacks.

Pendant les deux ou trois mois qui suivent, je confirme, en plein air, le travail appris au manège pour amener mes chevaux à être légers et liants dans les allures naturelles.

Ainsi, de septembre à la fin décembre, rien que des soins et du repos. De janvier à mars, dressage au manège; et d'avril à juin, confirmation, au dehors, du travail appris dans les mois précédents.

En juillet, j'envoie mes chevaux à la campagne : je les laisse complètement libres dans la prairie et leur donne de l'avoine. C'est pour eux le mois des vacances.

En août, je reprends le travail en plein air, et en même temps, comme les bêtes ont eu du repos et ont pris des forces, je commence l'équitation savante. Mes chevaux étant résistants, déjà légers et bien équilibrés, - le progrès est assez rapide, et généralement je termine leur éducation de chevaux d'école vers la fin de décembre, quelquefois deux mois plus tôt ou plus tard, selon les difficultés que j'ai rencontrées et aussi suivant le travail plus ou moins savant auquel je les destine. Je leur donne alors un nouveau repos de quinze jours, et ensuite, si cela est possible, je les fais chasser.

Ce n'est qu'après ces différentes épreuves que je considère leur éducation comme complètement terminée.

J'ai alors, en effet, dans le même animal, un excellent cheval de promenade pour le printemps et l'été, un cheval de chasse résistant pour l'automne, et un cheval d'école agréable à monter l'hiver.


II Nourriture du cheval

Je nourris copieusement mes chevaux et leur donne surtout beaucoup d'avoine : douze litres par jour. Cela les rend énergiques, et je ne trouve jamais qu'ils le sont trop.

Je donne peu d'avoine le matin, pour ne pas charger l'estomac de l'animal, et je le nourris fortement le soir, parce que c'est le moment où il est le plus tranquille. N'étant pas tourmenté, il mange lentement et mâche mieux ses aliments, qui, par conséquent, lui profitent davantage.

Je distribue mes douze litres d'avoine de la façon suivante : deux litres le matin, quatre à midi et six le soir. L'avoine du matin est donnée au moins deux heures avant tout travail, afin qu'à ce moment le cheval ait l'estomac vide. Dans le même but, je prends toujours la précaution de le faire attacher haut pour qu'il ne puisse manger sa litière.

Une demi-heure après le travail, je fais distribuer un quart de botte de foin par cheval, puis à midi on fait boire (trois quarts de seau d'eau environ) et on donne l'avoine. A quatre heures, chaque cheval reçoit une botte de paille comme litière, et à cinq heures un quart de botte de foin. Enfin, à sept heures, on fait boire de nouveau (même quantité qu'à midi), et on - distribue la ration d'avoine du soir. Deux fois par semaine, je remplace cette'dernière ration d'avoine par des mâches. ;

III Intelligence du cheval

La difficulté dans tout le dressage est de faire comprendre au cheval ce qu'on lui demande et ce qu'on attend de lui.

La difficulté est grande, parce que le cheval, contrairement à ce que croient beaucoup de personnes, n'a qu'une intelligence très limitée.

La seule faculté qu'il possède, et qu'il possède même à un haut degré, c'est la mémoire. C'est donc. uniquement à la mémoire qu'il faut s'adresser, c'est elle qu'il faut frapper.

Le cheval n'est susceptible d'aucun attachement. Il n'a que des habitudes. Mais, ces habitudes, il les contracte aisément, trop aisément même, et souvent il y tient avec excès. C'est un point dont il faut tenir grand compte.

À ce sujet, j'ai fait mille expériences. Un de mes amis avait un cheval qui allait à lui quand il l'appelait, hennissait lorsqu'il entrait à l'écurie, etc. Il prétendait que ce cheval lui était particulièrement attaché et qu'il dépérirait s'il le quittait.

Je le priai alors de me confier l'animal, après m'être fait détailler ses habitudes, et je l'emmenai chez moi, sans y rien changer. Dès le lendemain, je le faisais travailler à ses heures, le gratifiais de carottes suivant l'usage établi et, imitant la voix de son maître, j'allais moi-même lui porter sa nourriture au moment où il était accoutumé à la recevoir.

Le jour suivant, je repris ma voix ordinaire, et, malgré cela, quarante-huit heures ne s'étaient pas écoulées qu'il me faisait les mêmes caresses qu'à son maître, ne s'apercevant même pas qu'il en avait changé.

Après ma leçon du matin, je distribue moi-même à mes chevaux une grande ration de carottes. Dès que j'entre à l'écurie et que j'élève la voix, tous hennissent. Et si, par hasard, un étranger se trouve là, il ne manque jamais de dire : « Comme vos chevaux vous reconnaissent ! comme ils vous aiment! » C'est une erreur. Un autre distribuerait les carottes à ma place et à la même heure que mes chevaux ne s'apercevraient même pas que je ne suis pas venu. La preuve en est que, quelques instants après, si j'entre alors qu'ils ont fini de manger, ils ne font pas la moindre attention à moi.

Je pourrais citer cent autres exemples de l'indifférence des chevaux pour ceux qui les soignent ou les montent. D'ailleurs, il ne faut pas s'en plaindre, car, s'il en était autrement, ils ne voudraient jamais obéir qu'à un maître et n'en servir qu'un.

IV Influence du regard de l'homme sur le cheval

En dépit de nombreuses controverses, j'ai la profonde conviction que le regard de l'homme n'a aucune influence sur le cheval. Que le regard soit dur, colère, doux ou bienveillant, le cheval n'y prête aucune attention. J'ai fait à ce sujet des expériences multiples sur de jeunes et sur de vieux chevaux ; or je certifie que, si les yeux et les muscles de la face bougent seuls, l'écuyer ne faisant aucun mouvement, soit du corps, soit des bras, le cheval demeurera complètement indifférent. J'ai cent fois essayé de là colère dans le regard, du sourire sur les lèvres : résultat nul. Faites les plus horribles grimaces à vos chevaux, tirez-leur la langue, et jamais aucun d'eux ne manifestera, par le plus pètit signe, que cela ait sur lui une influence quelconque. Il en est tout autrement si vous faites le moindre mouvement du corps et surtout des bras.


V

Influence de la voix de l'homme sur le cheval.

La voix de l'homme a une grande influence sur le cheval, mais naturellement c'est l'intonation seule qui se grave dans sa mémoire. Dites-lui les plus douces paroles sur un ton bref et élevé, il aura peur; faites- lui, au contraire, les menaces les plus terribles d'une voix douce, il conservera une complète placidité. C'est dans le dressage en liberté que la voix devient « l'auxiliaire le plus précieux. Ainsi, pour apprendre au cheval dressé en liberté à se porter en avant au pas, au trot ou au galop, on dit : Au pas, d'une voix relativement faible; au trot, en élevant la voix, et au galop, sur le ton du commandement. Vous pourriez dire : Au galop, d'une voix douce, le cheval resterait au pas; si, au contraire, vous disiez : Au pas, d'une voix forte, immédiatement il prendrait le galop. La voix est aussi d'une grande utilité quand on dresse le cheval monté. Quand il rue, par exemple, se cabre ou fait une défense quelconque, je le corrige, de la cravache ou des éperons, et en même temps je le gourmande. En


peu de temps, mon cheval devient attentif à ma voix, et, quand il fait une faute ou essaye une défense, il me suffit souvent d'élever le ton pour qu'il se rappelle la correction et devienne plus sage. En procédant ainsi, je lui épargne des corrections nouvelles, La voix ne doit pas seulement servir à châtier, elle doit servir aussi à encourager le cheval et à le rassurer. Dans ce cas, elle accompagnera utilement la caresse. Son action est d'autant plus utile que vous pouvez en user en toutes circonstances, et la rendre à votre choix ou brusque ou caressante, tandis que vous n'avez pas toujours la libre disposition de vos mains et de vos jambes. Supposez que, monté sur un cheval chaud, impatient, violent même, vous vous trouviez pris entre plusieurs voitures. L'animal s'effraye, s'affole, et, si vous ne pouvez vous dégager immédiatement, ce ne sont ni les rênes ni les jambes qui le rassureront. La voix, si vous l'y avez habitué, s'il y a confiance, le tranquillisera. L'action de la voix m'a souvent été d'un grand secours et m'a tiré de plus d'un embarras. J'aime les chevaux chauds et je n'en emploie guère d'autres. Je les rends assez sages pour les faire monter par des dames, jamais toutefois avant de m'être assuré qu'ils se calment à ma voix. C'est ainsi que j'ai toujours été assez heureux pour éviter les accidents.


VI Les caresses. Les caresses, comme on le verra au cours de cet ouvrage, sont un moyen d'action qu'il ne faut pas négliger. Alternant avec les corrections, elles sont la base de l'éducation du cheval. Elles le rassurent, elles le calment en le mettant en contact direct avec son cavalier autrement que par l'impulsion. Tous les chevaux, même les plus susceptibles, acceptent la caresse sur l'encolure. C'est donc l'encolure que le cavalier doit caresser. Il doit le faire franchement assez fort pour attirer l'attention du cheval et faire une diversion, mais sans brutalité. Il doit également éviter la trop grande légèreté de main, qui n'aboutirait qu'à chatouiller l'animal. Dans le dressage, la caresse doit venir à propos. Elle doit suivre IMMÉDIATEMENT la concession, comme la correction, la faute. Aussitôt la concession obtenue, caressez l'animal et laissez-le libre, sans rien lui demander pendant un instant. C'est là sa véritable récompense. Cette pratique facilite beaucoup le dressage. Pour produire son effet complet, la caresse doit être accompagnée de la voix. Ces deux actions com-


binées produisent le maximum d'apaisement qu'il soit donné d'obtenir. Dans la plupart des cas, l'effet en est décisif.

VII

Les corrections.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'éducation du cheval repose tout entière sur deux modes d'action du cavalier : la caresse et la correction. Il faut de toute nécessité qu'elles arrivent l'une et l'autre à propos. Mais c'est surtout pour la correction que cela est nécessaire. Avant tout, je recommande au cavalier qui a un cheval difficile de ne jamais se laisser aller à un mouvement de colère. Lorsqu'une correction est méritée, il faut l'administrer avec une vigueur qui peut ressembler à de la colère, mais qui ne doit être que voulue et mesurée exactement. En somme, il faut agir avec les chevaux comme avec les enfants. Tout le monde sait que rien n'est plus mauvais que de corriger un enfant lorsqu'on est en colère. Le cheval ne comprend en aucun cas quel sentiment vous anime; il se souvient seulement de la souffrance qu'il a éprouvée, et de la circonstance dans laquelle elle s'est manifestée. Son intelligence peut établir la coïncidence


d'un mouvement qu'il a fait avec un coup qu'il a reçu, mais ne va pas au delà. C'est pour cette raison que la correction perd tout son fruit et devient même un élément de confusion dans la mémoire du cheval, si elle n'est administrée AU MOMENT PRÉCIS, où la faute se commet. La correction doit suivre d'aussi près la faute, que la caresse la concession. Pour les chevaux qui ruent, par exemple, si la correction arrive juste au moment où la croupe est en l'air, le cheval se souvient que le mouvement lui a valu une souffrance. Si, au contraire, la correction n'arrive que lorsque les pieds sont retombés à terre, le cheval n'est plus frappé de la corrélation entre les deux actes : il cherche même par une nouvelle ruade à se dégager de ce qui lui a fait clji mal. J'ai dit que toute faute voulue, préméditée par le cheval, doit être corrigée ; mais je n'hésite pas à ajouter qu'il vaudrait mieux la laisser impunie que de corriger tardivement. Les deux procédés sont mauvais, mais entre deux maux il faut choisir le moindre. Il importe aussi de distinguer attentivement quel motif a déterminé le cheval à faire une faute ou une défense, afin de se rendre compte s'il y a vice ou s'il y a souffrance. Ainsi, notamment, si le cheval rue parce qu'il souffre dans les reins ou dans les jarrets, la correction n'est pas justifiée : il faut dans ce cas soulager le cheval dans la limite du possible. Si la ruade, au contraire, est une véritable défense ou un vice, ce qui est assez fréquent, il faut la corriger sévèrement au


moment précis où elle s'effectue, et la prévenir en relevant vigoureusement l'encolure et la tête, pour changer l'équilibre en surchargeant l'arrière-main.

VIII

Embouchure des chevaux.

Sur le filet, je n'ai rien de particulier à dire, sauf qu'il doit être un peu gros (pour être plus doux) et placé en arrière du mors, à égale distance du mors et de la commissure des lèvres. Le choix du mors, au contraire, a une grande importance. La façon dont on le place dans la bouche du cheval n'en a pas moins : c'est ce qu'on appelle l' einboitchure. Il est impossible de décider, à première vue, avec quel mors et de quelle manière il convient d'emboucher un cheval neuf. Baucher affirme qu'il appliquait le même mors indistinctement à tous les chevaux, ce qui est la conséquence forcée de la théorie qui lui est personnelle, à savoir que tous les chevaux ont la même bouche. Je discuterai cette théorie dans une autre partie de cet ouvrage. Je me contenterai de dire ici qu'il n'est pas un homme de cheval, si inexpérimenté soit-il, qui n'ait


constaté qu'un cheval se livre mieux avec un mors qu'avec un autre; que tel cheval qui se comporte bien avec un simple bridon résiste et se défend avec un mors un peu sévère. Ce fait est prouvé, il est connu de tous. L'expérience seule et le tâtonnement feront trouver le mors qui conviendra le mieux à un cheval. Mais il existe toujours quelques données générales pour procéder à cette expérience. On peut les résumer comme suit : Il faut toujours, au début du dressage, que le mors ait les canons gros, une liberté de langue modérée et des branches courtes; c'est ce qu'on appelle un mors doux. Sa largeur doit être proportionnée à celle de la bouche du cheval ; s'il est trop étroit, les lèvres sont comprimées de chaque côté par les branches ; s'il est trop large, le cheval, pour jouer ou pour se soulager, le déplace en le portant d'un côté ou de l'autre, en sorte qu'un seul des canons repose sur une barre, l'autre déborde et est remplacé sur la barre par le commencement de la liberté de langue. Il résulte de cette position du mors une inégalité notable dans l'effet produit par la main, et presque toujours le cheval porte la tête de travers. Pour que le mors s'adapte bien, il faut que les canons débordent de chaque côté de la bouche de quelques millimètres, de telle sorte que les branches ne touchent pas les lèvres. Les canons doivent reposer sur les barres, d'une manière égale de chaque côté, à égale distance des crochets et de la commissure des lèvres, c'est-à-dire un peu plus bas que le filet. Je dirai


plus loin quelles exceptions peut comporter ce principe. L'extrémité inférieure des branches, cédant à l'action des rênes qui la tirent en arrière, fait basculer l'extrémité supérieure en avant et produit la pression des canons sur les barres. Le mors, en basculant, tend la gourmette, ce qui augmente encore la pression des canons sur les barres. Plus la gourmette est serrée, plus cette pression est prompte et forte. Par conséquent, la tension de la gourmette doit être proportionnée au degré de sensibilité des barres sur lesquelles on veut agir. Ce degré de sensibilité, on ne le connaît pas quand on se trouve en présence d'un cheval complètement neuf. Dans ce cas, je recommande d'agir toujours, au début, comme si la sensibilité était grande et par conséquent de tenir la gourmette très lâche. Il sera toujours temps de la resserrer. Par contre, il ne serait pas exact de dire que, si on commence avec une gourmette serrée, il sera toujours temps de la relâcher, car l'effet produit sur des barres très sensibles par une gourmette serrée provoque un endolorissement qui subsiste après que la gourmette a été relâchée. Tandis qu'en commençant avec une gourmette très lâche et en la resserrant progressivement jusqu'au point voulu, on évite d'endolorir les barres, d'agacer le cheval et de provoquer des défenses. De plus, on gagne du temps. En effet, si, au début du travail, on a endolori ou même simplement échauffé les barres par une pression non proportionnée


à la sensibilité, on n'a obtenu aucune des indications dont on a besoin sur le degré de sensibilité de la bouche du- cheval. Bien au contraire, l'ayant exagérée, on l'apprécie faussement et l'on se trouve, dès le début, engagé dans une mauvaise voie. La meurtrissure ou même le simple échauffement des barres ne disparaissent pas aussitôt que le travail est fini, et le mors enlevé; ils persistent le lendemain ou même plus longtemps. Le cheval reviendra donc à la leçon suivante avec des barres congestionnées, douloureuses, par conséquent faussées. L'écuyer alors tiendra compte des effets qu'il produira sans savoir que la bouche est malade; il augmentera le mal; il sera de plus en plus éloigné de l'appréciation de la bouche, de son état sain et normal. En un mot, il fera, sans s'en douter, exactement le contraire de ce qui est nécessaire. Voilà pourquoi il faut, au début du dressage, une gourmette très lâche. A dire vrai, il vaut mieux n'en avoir pas du tout. La connaissance de la bouche du cheval neuf est aussi importante que délicate. Pour la tâter sans la détériorer, il faut procéder graduellement; commencer avec une très grande légèreté et n'augmenter la pression que doucement et jusqu'au point où elle devient perceptible pour le cheval : ce point varie avec chaque animal. Si le cheval cède sous la légère pression. d'un mors non pourvu de gourmette, à quoi servirait cette gourmette ? A quoi bon rechercher un moyen plus puissant ?


Il sera toujours temps d'y recourir par la suite. - J'ai dressé complètement des chevaux, sans leur avoir jamais mis de gourmette, non seulement dans le manège, mais au dehors. La gourmette, d'ailleurs, doit rester accrochée à une des branches du mors pour qu'on puisse l'employer immédiatement en cas de besoin. Mais je dis, comme une règle générale, qu'il ne faut y avoir recours que lorsque le besoin s'en fait sentir. J'ajoute que, lorsqu'on arrive à se servir de la gourmette, il faut agir avec les plus grands ménagements, c'est-à-dire ne lui donner que la tension strictement nécessaire. On doit acquérir le maximum des effets que l'on désire obtenir du mors en ne serrant la gourmette que juste assez pour permettre à celui-ci, de faire, avec la mâchoire inférieure, un angle de 45 degrés. De même que la tension de la gourmette doit être proportionnée au degré de sensibilité des barres, de même l'intensité de la pesée exercée sur la mâchoire par l'action des rênes doit être proportionnée à la résistance qu'elle rencontre. Si cette résistance est minime, l'effort pour l'annuler doit être léger : il le sera d'autant plus que l'action du mors se fera sentir plus haut sur la mâchoire. Si, au contraire, la résistance est grande, l'effort pour la vaincre doit être plus énergique, et cette énergie sera d'autant plus forte que la pression se fera sentir sur une partie plus basse de la mâchoire. Voilà pourquoi, sans s'écarter beaucoup


de la place moyenne que nous avons indiquée pour le mors, c'est-à-dire à égale distance des crochets et de la commissure des lèvres, on peut et on doit le remonter ou le baisser légèrement, suivant que la mâchoire du cheval cède et se décontracté sous un effort léger ou énergique. En d'autres termes, plus la bouche du cheval est douce, plus je place le mors haut; plus, au contraire, elle est résistante, plus je le mets bas. En aucun cas, cependant, les canons ne doivent toucher ni même effleurer, soit la commissure des lèvres, soit les crochets. De ces explications il ressort l'indication essentielle que l'embouchure la meilleure pour un cheval neuf, c'est-à-dire le degré de tension de la gourmette et la position haute, moyenne ou basse du mors,^ie peut être trouvée que par l'expérience; et que pour faire cette expérience, il faut procéder par les effets les plus légers, dont on augmentera graduellement la sévérité à mesure que la nécessité s'en fera sentir.

IX

La martingale.

La martingale empêche le cheval de porter au vent, arrête les coups de tête et sert au cavalier à mieux diriger sa monture. Un bon dressage rend la


martingale inutile. Aussi, je n'en conseille l'usage que lorsqu'on n'aura pas tout le temps ou le savoir voulu pour dresser le cheval. Ainsi, on pourra l'employer quand, à première vue, on aura reconnu que l'animal que l'on doit monter, soit à la promenade, soit à la chasse, bat à la main ou porte trop au vent. Il y a trois sortes de martingales : celle dite à têtière, celle de chasse et enfin la martingale fixe. La seule que je recommande est la martingale à têtière : d'abord parce que, son effet portant sur le chanfrein, elle n'a aucune action sur la bouche; ensuite parce que, ne correspondant pas à la main du cavalier, elle est, par conséquent, sans danger. Elle doit être assez lâche pour que le cheval puisse porter la tête haute, sans cependant permettre assez de liberté pour que le nez atteigne la ligne horizontale; car, dans ce cas, le mors basculerait de bas en haut et n'aurait plus aucune action sur la bouche. Si la martingale est trop courte, le cheval est gêné dans ses mouvements et ses allures : elle peut alors devenir dangereuse, surtout si le cheval ne se porte pas franchement en avant, car dans cette position, pour échapper à l'action de la martingale, il s'encapuchonne. La martingale de chasse présente deux anneaux dans lesquels passent les rênes du filet1. Elle correspond donc à la fois avec la main du cavalier et avec i. On y passe même parfois les rênes du mors. Rien n'est plus dangereux.


la bouche du cheval. Cette martingale peut rendre de grands services aux cavaliers expérimentés ; mais, en raison de sa puissance, elle est singulièrement dangereuse pour les autres. La martingale fixe se boucle aux anneaux du filet, ne cède pas et est toujours dangereuse, surtout si le cheval recule, car, dans ce cas, elle continue à tirer. S'il pointe ou se cabre, comme il a, nécessairement tendance à le faire pour forcer la main, la martingale aide à le renverser. X

m

La selle.

Je ne conseille pas l'emploi d'une selle neuve; rarement elle satisfait. Le cuir neuf est dur et raide ; on est, par suite, mal assis. Mieux vaut essayer plusieurs selles d'occasion ; on finit toujours par en trouver une qui plaît. La selle doit être droite : si elle était trop haute de devant, le cavalier serait rejeté en arrière *, il serait, au contraire, porté en avant si elle était trop haute de derrière. Je suis aussi d'avis que la selle doit être très peu rembourrée, de façon que le cavalier- soit plus près de son cheval.


Les quartiers seront plus ou moins longs, suivant la longueur des cuisses du cavalier. S'ils étaient trop courts, le cavalier pourrait se blesser aux mollets; trop longs, il ne pourrait sentir les flancs avec le gras des jambes. Le cavalier pourra, à son choix, faire usage des quartiers plats ou des quartiers rembourrés : c'est affaire d'habitude et de solidité. Je crois avoir employé, le premier, la selle plate pour dresser et faire de la haute école. Je commence toujours à faire monter mes élèves en selle française, de préférence à la selle anglaise couverte. Avec la selle française, on est, pour ainsi dire, comme emboîté ; il n'y a, par conséquent, ni gêne ni crainte à avoir. Ce n'est que quand le débutant sera solide en selle française qu'on pourra le mettre sur une selle anglaise recouverte de peau de daim ; et c'est seulement quand il trottera, galopera et tournera en tous sens sans glisser, qu'on devra le mettre sur une selle anglaise non couverte.


XI Les étriers. Je ne permets jamais à l'élève de se servir des étriers avant qu'il ait une excellente position à toutes les allures. Voyez les anciens maîtres,— et je ne parle pas seulement de ceux de l'école française, — jamais ils n'autorisaient l'usage de l'étrier que lorsque l'élève était bien en selle, solide et très souple. Aussi faut-il convenir que les cavaliers a'Wient, à cette époque, une tout autre tenue que de nos jours. Actuellement, la raideur a remplacé la souplesse, l'aisance et la grâce d'autrefois. Et cela, parce que l'élève a pris de mauvaises habitudes au début, soit qu'il ait imparfaitement compris, soit qu'il ait été mal enseigné. Un usage non seulement prématuré, mais excessif des étriers, a d'ailleurs d'autres inconvénients. Je prétends même que la plupart des chutes dangereuses proviennent de l'abus que l'on en fait. Prenons un exemple: M. X... est emballé par son cheval dans la forêt de Saint-Germain ; il s'assied bien dans sa selle, finit par arrêter son cheval et revient au trot sur ses étriers. A ce moment, malheureusement, une étrivière casse, M. X... tombe sur la tête et se


tue. Eh bien, je le demande à tout homme de cheval, comment peut-il se faire qu'on tombe sur la tête parce qu'une étrivière se casse ? Cela ne peut évidemment arriver que si vous êtes debout sur les étriers et si, par conséquent, vous n'êtes plus en communication avec la selle. Autrement, sans doute, vous pouvez glisser, rouler à terre même ; mais dans ce cas votre chute est amortie par ce fait que vous avez serré les genoux. Je vais plus loin, et je dis que, si le cavalier ne comptait pas tant sur ses étriers, il ne tomberait presque jamais quand une étrivière vient à casser. Un autre exemple : M. Z..., à Toulouse, sort des écuries : son cheval, étant au pas, s'abat, et voilà le malheureux projeté en avant ; la tête porte la première, il est tué sur le coup. En vérité, il faut n'avoir aucune connaissance de l'équitation pour ne pas comprendre que, s'il avait été assis dans sa selle, il n'aurait pas été projeté avec une pareille violence. Je m'empresse d'ajouter que ce n'est pas par esprit de critique que je rappelle ces deux accidents qui sont encore présents à toutes les mémoires, mais seulement pour faire comprendre les fâcheux effets de l'abus des étriers et dans l'espoir que mes modestes conseils rendront plus rares, dans l'avenir, les accidents de ce genre.

Placé debout sur les étriers, on est, pour ainsi dire, sur un tremplin. Il suffit donc que certains mouvements violents se produisent pour que l'on soit pro-


jeté en avant comme par une catapulte ; et, dans ce cas, c'est toujours la tête qui porte la première.

Alors même que le cheval bondit, si vous êtes bien assis, tout le poids de votre corps reposant sur les fesses, il est rare que vous soyez désarçonné. Dans tous les cas, le pis qui puisse vous arriver, c'est de rouler le long de l'encolure et, dans ce cas, la chute ne présente aucune gravité.

Si, au contraire, vous êtes debout sur les étriers, rien ne sera plus facile au cheval que de vous envoyer par-dessus ses oreilles.

Dans cette position, le corps se porte forcément en avant, ce qui est une première faute ; mais, de plus, le cheval, n'ayant aucun poids sur les reins, peut bondir à son aise et avec force.

Debout sur les étriers, vous êtes à peu près dans la position d'un gymnasiarque placé dans les mains d'un camarade qui est chargé de lui donner l'élan nécessaire pour accomplir un saut périlleux. Pour qu'il soit projeté très loin, il faut qu'il tienne le corps et les jambes tendus ; s'il plie les genoux, inévitablement il retombera sur place. Les étriers jouant le rôle des mains de celui des deux gymnasiarques qui doit donner l'élan à l'autre, si vous pliez les genoux, vous retomberez assis sur votre selle.

Il est à remarquer d'ailleurs que, lorsqu'on permet à l'élève l'usage des étriers avant que sa jambe soit bien descendue et fixe, il ne peut les conserver. Il fait alors toutes sortes de contorsions pour tâcher de


les retenir; et, dans ce cas, ce ne sont pas seulement les jambes, mais c'est aussi le corps et la figure qui se contractent. Le cou et les épaules prennent particulièrement une raideur tout à fait caractéristique.

Bien rarement, l'élève parvient à se défaire de ces défauts, malgré tout le. soin qu'on peut apporter plus tard à les combattre ; car, lorsqu'un mauvais pli est pris, il est bien difficile, sinon impossible, de le faire disparaître,

XII

La cravache.

Je ne me sers de la cravache que dans le travail à pied pour apprendre au cheval à se porter en avant et à céder à l'éperon. Une fois à cheval, je l'abandonne. Aux vrais écuyers les jambes et les mains, aux impuissants la cravache.

XIII

Les éperons.

Je n'admets qu'un genre d'éperon, l'éperon à boîte, car c'est le seul qui reste fixe. à sa place: on est donc


sûr de la façon dont on l'emploie. Tous les autres montent ou descendent et se dérangent de la place qu'ils doivent occuper, en sorte qu'avec eux on n'est jamais certain de toucher exactement le cheval à l'endroit voulu.

On doit se servir de garde-crotte tant qu'ils suffi.sent; puis on les remplace par des éperons à molettes très douces, et on n'augmente leur acuité que si le besoin s'en fait sentir \ par exemple, quand le cheval ne répond pas à l'attaque, ou, comme on dit, reste inerte dans les jambes.

Il est assez difficile de déterminer à l'avance là longueur que doit avoir l'éperon. Si le cavalier a les jambes courtes, la tige de l'éperon devra elle-même être courte, puisque, dans ce cas, le talon se trouve toujours placé près des flancs. Si, au contraire, le cavalier a les jambes longues et a, par suite, besoin de remonter le talon pour toucher le flanc de son cheval, il devra porter des tiges longues, de façon à n'être obligé de raccourcir la jambe que le moins possible.

XIV

Position du cavalier.

Règle générale : tout homme peut être bien placé et solide à cheval. Si, au contraire, on me demande :


Tout homme peut-il devenir un beau et élégant cavalier ? sans hésiter, je réponds : Non !

L'élève qui a commencé à monter sous la direction d'un bon professeur, qui a travaillé consciencieusement, qui s'est soumis à trotter sans étriers pendant quelques mois, à qui on aura fait monter des chevaux vigoureux et parfois difficiles, sans qu'ils soient pour cela dangereux, celui-là arrivera forcément à être bien placé et solide à cheval.

Il aura la tête libre et aisée, de manière à pouvoir constamment la mouvoir sans gêne et en tous sens; il la portera haute dans les allures ordinaires et le saut ; un peu baissée, le menton se rapprochant légèrement de la partie supérieure du sternum dans les allures vives.

Son regard sera mobile et jamais fixé sur un point quelconque, de façon qu'il embrasse tous les objets qui l'entourent. Le cavalier pourra, par suite, se rendre compte de tous les embarras et obstacles qui peuvent se présenter.

Il aura le cou dégagé, les épaules bien tombantes, et évitera de les contracter, comme on le fait trop souvent.

Ses bras tomberont naturellement j usqu'aux coudes, qui seront appuyés au corps. Il apportera la plus grande attention à tenir toujours les coudes près du corps et à ne les en écarter sous aucun prétexte. Ce n'est qu'à cette condition que la main pourra être légère. Or la légèreté de main est absolument indis-


pensable pour conduire son cheval sûrement et sans saccades. Le coude étant solidement appuyé au corps, il ne reste plus qu'à empêcher l'avant-bras de ballotter, ce qui est très facile.

Le cavalier bien placé aura les coudes à hauteur de la ceinture, les poignets se faisant face, les doigts en dedans. Jamais il n'arrondira les poignets, sous peine de déterminer un écartement des coudes, et de perdre la communication en ligne directe avec la bouche de son cheval.

L'action sur la bouche du cheval ne doit être produite que par le serrement ou le relâchement des doigts qui tiennent les rênes. Fait-on de grands mouvements de mains, c'est qu'on n'a pas les mains justes, puisque, bien placées, c'est un simple mouvement de poignet et de doigts qui suffit à produire toute l'action nécessaire.

Le cavalier aura le corps droit, sans jamais mettre de raideur1. En aucun cas, il ne creusera les reins, ce qui provoquerait cette raideur que l'on doit toujours éviter. Les reins seront plutôt légèrement infléchis en avant de façon à conserver toute leur élasticité.. Je dis les reins, mais non les épaules, bien entendu. La poitrine sera également droite sans effort et jamais bombée ; les muscles du bassin relâchés, seul moyen d'avoir de l'aisance.

1. La souplesse assure l'indépendance des aides. Avec la raideur, la contraction d'une partie du corps amène la contraction musculaire. de l'ensemble : ce qui rend toute équitation impossible. -


Tout le haut du corps portera sur les fesses, son unique point d'appui. Les jambes seront bien tom-. bantes, très descendues, les cuisses sur leur plat, les' genoux adhérents et la pointe du pied tournée plutôt. un peu en dehors qu'en dedans, ce qui permettra de se servir de ce que l'on appelle le gras de la jambe avant. d'arriver à faire sentir l'éperon.

Quand la pointe du pied est trop tournée en dedans, les mollets s'écartent forcément et, par suite, on ne peut plus se servir de l'éperon que par à-coups.

Les genoux, formant une sorte de pivot fixe, laisseront une très grande mobilité au bas des jambes, qui doit tomber naturellement et ne pas constammènt serrer les flancs. Pour que le cavalier soit à son aise, il faut qu'il arrive à rester bien assis sans le secours des mains ni des jambes, ces dernières ne devant faire prise que par moments et en cas de besoin. C'est en disant aux élèves de toujours serrer les jambes qu'on leur donne l'air d'être cramponnés au cheval. On se tient, du reste, en selle par l'équilibre et non par la force. Quand on fait un effet de jambe, il faut serrer du genou au talon. Quand on se fatigue au-dessus du genou, c'est de la raideur et le signe d'une mauvaise assiette *.

On paraîtrait non moins cramponné si les cuisses n'étaient pas assez descendues, et par conséquent les genoux trop hauts. Toutefois, les cuisses trop des-

i. Courbature dans les. bras, les mains ou les cuisses : mauvais cavalier. Courbature dans les jambes : bon cavalier.


cendues présentent un autre inconvénient : dans ce cas, le cavalier ne repose plus sur les fesses, mais sur le devant des cuisses. Il est vrai que dans cette position on est plus solide, puisque les jambes embrassent le cheval de toute leur longueur; aussi convient-il de la prendre dans le galop de charge, mais seulement au moment d'aborder l'ennemi pour éviter d'être déplacé par le choc. Il faut dire encore que, dans cette position, on éprouve des difficultés pour se lier au cheval quand il passe du galop au trot.

En somme, pour être bien placé à cheval, le cavalier devra être assis sur sa selle comme sur une chaise.

Quand on se sert des étriers, la pointe du pied doit être plus haute que le talon. Sans étriers, le pied doit tomber naturellement, et par conséquent la pointe se trouve être plus basse que le talon. On remarquera qu'il est impossible, sans étriers, de tenir la pointe du pied élevée, à moins de contracter les muscles de la jambe et par suite la cuisse elle-même. Or qui dit contraction dit raideur1.

La longueur des étriers doit être proportionnée aux jambes. La mesure traditionnelle du bras ne donne qu'une approximation dont je ne conteste pas l'utilité. Mais, une fois en selle, on ne manque jamais de recti-

1. En Allemagne, on enseigne à monter sans étriers, la pointe du pied plus haut que le talon. C'est la contraction causée par cette position qui donne aux cavaliers allemands la raideur qui les caractérise. Je sais bien que les Allemands sont raides naturellement. Mais faites monter un Français dans ces conditions, il ne pourra faire autrement que d'être raide.


fier. Pour cela il faut déchausser" l'étrier et laisser tomber la jambe. L'étrivière sera de bonne longueur quand la grille de l'étrier arrivera au-dessous de la cheville. On recommande généralement de garder le pied en contact avec la branche interne de l'étrier. Quant à moi, je place le pied à égale distance des deux branches.

En tournant souvent les chevilles en tous sens, on arrive à leur donner une très grande souplesse, et l'on parvient ainsi à pouvoir lâcher et reprendre très facilement les étriers

Pour être et paraître bien en selle, il faut d'ailleurs un certain nombre de qualités physiques. Ainsi il est évident qu'un homme gros et court est moins apte à bien monter à cheval qu'un homme assez grand et mince.

Je dis assez grand avec intention, car c'est une erreur répandue de croire qu'il faut être grand pour bien monter à cheval. Plus le cavalier est grand, plus il rencontre de difficultés.. D'abord, plus le buste est long, plus il est aisément déplacé, en raison de l'élé-

i. Je monte toujours avec des étrivières plus courtes d'un point au dehors qu'au manège. J'obtiens ainsi un meilleur point d'appui pour toutes les allures vives, notamment pour le trot à l'anglaise. Au manège, au contraire, on a besoin d'avoir les jambes plus descendues pour mieux embrasser le cheval. Il est egalement nécessaire d'être complètement sur les fesses pour mieux saisir les mouvements du cheval. On sait que le tact de l'assiette est le plus rare et qu'il y faut une éducation prolongée.


nation du centre de gravité, et plus il est difficile à remettre en équilibre. Mais c'est là le moindre inconvénient. Les jambes longues ne s'adaptent pas aux flancs aussi bien que les jambes de moyenne grandeur, parce qu'elles les dépassent; en sorte que, pour se servir de l'éperon, le cavalier est obligé de plier les genoux pour raccourcir les jambes, ce qui est laid et nuit à la solidité.

Je reconnais néanmoins que tout homme peut, avec de l'application, arriver à être très solide en selle 1.

L'aisance, la solidité et la confiance du cavalier dépendent généralement des premières leçons qu'il a reçues; et, comme je l'ai déjà dit, une bonne assiette ne s'acquiert qu'à la condition d'avoir trotté longtemps sans Ariers.

Il faut ne laisser monter aux commençants que des chevaux très doux d'allures et de caractère. On ne saurait prendre trop de précautions pour donner de la confiance au cavalier novice. La confiance qu'il prend

I. Je parlais tout à l'heure de la raideur allemande. On peut généralement adresser le même reproche aux Anglais. Les peuples d'origine germanique ont la réputation d'être les meilleurs cavaliers, et de fait il faut confesser qu'ils le sont. Mais ce talent, ils le doivent uniquement à leur persévérance, à leur obstination dans le travail. Les Latins, de taille moyenne, sont plus aptes par leur souplesse, par leur agilité, à s'harmoniser avec le cheval, et s'ils étaient capables d'assiduité, ils seraient sans conteste les premiers cavaliers du monde. Mais ils se contentent trop facilement de l'à peu près. Il va sans dire que cette remarque est d'ordre général et qu'il y a d'excellents et de mauvais cavaliers dans tous les pays


durant les premières leçons peut seule lui donner le laisser aller qui permettra, plus tard, toute décontraction.

Aussi longtemps que le cavalier mettra de la raideur dans ses mouvements, on pourra dire qu'il va à cheval, mais non qu'il monte1.

A

Etre cramponné sur sa selle n'est pas monter à cheval. Or cette position défectueuse ne disparaît généralement qu'au fur et à mesure que l'élève prend confiance. On entend assez que je veux parler de la confiance qu'il puise dans sa solidité, car il est certain que l'on peut être très brave et manquer de confiance une fois en selle.

On. choisira, pour les premières leçons, des chevaux minces, plutôt étroits que larges, surtout si on a affaire à des jeunes gens ou à des hommes qui ont les jambes courtes. Un trop grand écart des jambes pourrait avoir des inconvénients graves : il fatigue les aines sans profit pour l'élève, et j'ai vu des déviations des hanches ne provenant que de cet abus. Il n'en sera pas de même quand, plus tard, le 'cavalier sera rompu à cette gymnastique. Peu à peu, il arrivera à monter

i. La raideur des bras, des jambes et du corps empêche de sentir aucune finesse. Comment .les membres crispés, ou simplement raides, auraient-ils le. sentiment de ce qui se passe chez le cheval tandis qu'ils sont occupés à tenir le corps en selle ? Quand ils seront devenus souples, et que le corps se tiendra par le seul équilibre de l'assiette, ils auront une liberté de perception qui leur manque tout d'abord. La souplesse des membres et la bonne assiette sont donc la première condition du tact équestre.


tous les chevaux sans souffrance physique, quelle que soit leur construction.

Je ne suis pas d'avis de laisser les débutants se servir des quatre rênes; un simple bridon, dont on fait tenir une rêne dans chaque main, me semble préférable. Si on permet immédiatement l'usage de la bride, il y a de grandes chances pour que le corps suive le mouvement des mains; car, au début, ce ne sont pas seulement les mains, mais aussi les bras que l'élève portera presque infailliblement, soit à droite, soit à gauche. Avec le bridon, chaque effet étant séparé, cet inconvénient est évité.

Il faut se souvenir qu'il est plus facile de donner une bonne position à l'élève qui commence que de rectifier plus tard une position défectueuse.

En résumé, la première qualité du cavalier est la solidité, et la solidité ne résulte que d'une bonne position et de la pratique. J'ajoute que le cavalier doit également posséder, non une hardiesse imprévoyante, mais la confiance en soi qui lui laisse tout son sang- froid, sans lequel il n'aurait pas la libre et entière disposition de ses moyens et des connaissances précédemment acquises.

Enfin, il n'est pas nécessaire d'être un écuyer très savant pour bien monter à cheval. A l'homme très fort en théorie, mais peu habile dans la pratique, je préfère celui qui, ne se perdant pas dans de savantes dissertations, peut néanmoins monter à peu près tous les chevaux montables. Le pur théoricien arrive presque


toujours à rendre rétifs les chevaux qu'il prétend dresser. Il a, en effet, assez de solidité. pour demander un mouvement au cheval; mais sa solidité, faute de pratique, n'est plus suffisante et ne lui per- met pas de persister quand le cheval se défend ouvertement.

Rien n'est plus mauvais que de provoquer des défenses, si on n'a pas la hardiesse de lutter jusqu'au bout et de les maîtriser.

XV

Position de l'amazone.

L'amazone doit être placée, abstraction faite des jambes, exactement comme le cavalier, à partir de l'assiette 1.

Ses épaules, à toutes les allures, doivent être parallèles aux oreilles du cheval. Cela n'est possible que

i. Depuis quelque temps, il est question de dames qui montent à califourchon. Outre que l'amazone perd ainsi toute grâce féminine, il n'y a rien de moins pratique. Que manque-t-il en général aux cavaliers? L'assiette, c'est-à-dire la solidité. L'assiette manquera bien plus encore aux femmes, qui ont la cuisse ronde et beaucoup moins énergique que l'homme. Il est bien inutile de discuter longuement là-dessus. Les chevaux, qui ne sont pas courtisans, feront faire de telles chutes à celles qui voudront pratiquer ce nouveau genre d'équitation qu'elles ne tarderont pas à y renoncer.


si les hanches occupent une position absolument semblable. C'est donc de la façon dont les hanches sont placées que dépend toute la position.

Les deux jambes étant à gauche1, la jambe droite embrasse la fourche et est plus en avant et plus haut que la jambe gauche. Celle-ci est appuyée un peu au-dessus du genou contre la fourche gauche; le pied repose dans l'étrier.

i. Autre fantaisie. On a proposé de faire asseoir l'amazone à droite. Les journaux anglais et américains notamment ont beaucoup discuté sur l'inconvénient qu'il peut y avoir à ne faire monter les jeunes filles que d'un seul côté. On a prétendu que cela fait dévier l'épine dorsale. Comme je ne juge que d'après la pratique, je ne puis dire ce qu'il en serait pour des enfants qu'on mettrait à cheval à cinq ou six ans. Mais j'ai souvent fait commencer l'éqdttation à des jeunes filles de douze ou treize ans, et j'affirme bien haut que, pour celles-là, la déviation de la taille n'est jamais à craindre.

Je sais bien qu'en Angleterre et en Amérique, la première éducation équestre des jeunes enfants est abandonnée aux cochers et aux piqueurs. Quel que soit le mérite de ceux-ci, il peut leur arriver de donner un mauvais conseil, de ne pas voir ce qu'il convient de faire pour remédier à un défaut, ou même d'y enraciner l'élève. Cela arrive tous les jours à beaucoup de professeurs eux-mêmes qui ont étudié la théorie et la pratique, mais qui n'arrivent à saisir les petites fautes (destinées à grandir) qu'après un long enseignement.

Je soutiens qu'avec un bon maître, l'éducation de l'amazone assise à gauche, loin de faire dévier sa taille, ne fera qu'en accroître la grâce et la souplesse.

Continuons donc de ne faire monter les amazones que d'un seul côté, et surtout continuons de les faire monter à gauche. Sinon, il faudrait mettre la cravache dans la main gauche, qui est la moins prompte et la moins habile ; grave inconvénient, puisque c'est la cravache qui doit remplacer la jambe


Il résulte de cette position des jambes que l'amazone a une tendance naturelle à faire porter presque tout le poids de son corps sur le côté droit, le gauche ne supportant presque rien. Il s'ensuit aussi que la hanche gauche, plus dégagée, fait saillie en arrière de la droite : ce qu'il faut éviter.

Le poids du corps doit être réparti également sur les deux côtés, — et je répète pour l'amazone ce que j'ai dit pour le cavalier, — elle doit être assise sur sa selle complètement, comme sur une chaise, les hanches et les épaules parallèles aux oreilles du cheval.

Il y a là non seulement une question de correction, mais aussi une question capitale de solidité.

Rarement l'amazone est jetée hors de la selle du côté gauche, elle est soutenue de ce côté par les fourches et au besoin par l'étrier. Tout le danger d'une chute est donc à droite, et il existera d'autant plus que l'épaule gauche sera plus en arrière.

Il est facile de comprendre, en effet, que, dans un mouvement de désordre ou par suite d'un écart du cheval fait de droite à gauche, le haut du corps est déplacé et forcément jeté à droite.

Ce déplacement est peu important et sera facilement corrigé si la position de l'amazone est correcte, c'est-à-dire si ses deux épaules sont placées comme nous l'avons indiqué plus haut. Si, au contraire, ses épaules sont de travers, la gauche restant en arrière, l'équilibre, déjà mauvais, se trouve complètement rompu et, par suite, il y a danger de chute à droite.


Or c'est de cette chute qu'il faut être garanti, parce qu'elle est dangereuse. Dans ce cas, en effet, l'amazone tombe sur la tête, à la condition encore qu'elle soit débarrassée des fourches et de l'étrier. Mais si, au moment de la chute, le pied reste engagé dans l'étrier ou si la jupe s'accroche aux fourches, l'amazone peut être traînée sans avoir aucun moyen de se dégager.

Ce qui donne la solidité à l'amazone lui donne en même temps l'élégance; elle n'a donc pas à se préoccuper de sacrifier l'un à l'autre. Il faut : il, que les genoux soient rapprochés autant que possible; le droit embrassant solidement la fourche et faisant force d'avant en arrière, le gauche, au contraire, en raison du point d'apptft de l'étrier, faisant force d'arrière en avant; 2° que l'épaule gauche se porte bien en avant et que le corps soit légèrement infléchi en avant pour qu'il ait toute sa souplesse.

Quand le cheval est au pas, c'est-à-dire lorsque le corps repose constamment sur la selle, si l'épaule gauche reste en arrière, la position de l'amazone est déjà mauvaise et singulièrement disgracieuse.

Dans le trot dit à l'anglaise, c'est bien pis encore : l'épaule gauche se reporte vivement en avant quand l'amazone s'enlève, et revient en arrière quand le corps retombe sur la selle. C'est ce mouvement disgracieux qu'on appelle le tire-bouchon.

Quand l'amazone est bien assise au pas et qu'elle repose également des deux côtés sur la selle, les han-


ches, et par suite les épaules, restent aisément placées ainsi dans le trot.

Le trot à l'anglaise doit être pris pour ainsi dire sous soi. Le haut du corps, ne faisant aucun effort, ne s'enlève pas; il se laisse enlever par le mouvement du cheval, le pied reposant dans l'étrier sans raideur, la cheville et les genoux ne faisant que l'office de charnières. La moindre contraction, le moindre effort dans la cheville, dans les genoux ou dans les reins, donne à l'amazone une apparence raide, disgracieuse, et rend l'exercice du cheval fatigant.

Si l'amazone se conforme à ces règles, elle marque un temps sur la selle et un temps en l'air. Autrement, elle retombe trop tôt et marque deux temps sur la selle, d'où secousse inutile et fatigue. Je développerai plus longuement cette observation, à propos du cavalier, dans le chapitre du trot.

Sa souplesse est la qualité indispensable de l'amazone; elle s'acquiert par l'habitude du cheval et aussi par quelques exercices préalables dont le meilleur est la danse.

Souvent aussi, l'aisance de l'amazone est compromise par de très petits détails de toilette pour lesquels de bons conseils lui ont fait défaut, c'est pourquoi je m'y arrête un instant.

La femme à cheval se blesse très facilement. Le moindre pli dans ses vêtements détermine une écor- chure. Pour une longue promenade, et à plus forte raison pour la chasse, il est préférable qu'elle ne mette


pas de chemise, mais une chemisette, en étoffe très mince, fixée à la taille. Le col et les manchettes doivent être adhérents à cette chemisette et non attachés par des épingles, qui ne tiennent pas en place, tombent ou piquent.

Je conseille instamment de ne pas mettre de bas, car la jarretière est une gêne toujours, souvent une cause de véritable souffrance, et peut déterminer des blessures étendues et douloureuses. La chaussette est préférable à tous égards; elle est complétée par une culotte collante faite d'une étoffe souple et élastique, en tricot ou jersey, doublée de soie; ou mieux encore de peau de daim très fine. Le pantalon qui est mis pardessus est à sous-pieds en caoutchouc, peu large pour qu'il ne fasse pas de plis..La bottine sera à élastiques et non à boutons, pour éviter les blessures et les meurtrissures du cou-de-pied. Je n'aime pas les bottes, elles sont trop dures, peuvent blesser sous le genou et empêchent l'amazone de bien sentir son cheval avec la jambe.

Le corset doit être très court et bas; un busc long est non seulement gênant, mais réellement dangereux.

Je serais tenté de m'excuser d'entrer dans ces détails intimes et pour lesquels ma compétence pourrait être justement mise en doute, s'il ne s'agissait que d'une question d'élégance; mais tout ce qui touche à la toilette de l'amazone concerne sa solidité et son aisance à cheval.

J'ai vu tant de femmes revenir d'une promenade


endolories, souffrantes, et être condamnées ensuite à la chaise longue pour plusieurs jouts, que j'en suis arrivé à considérer que tous ces détails ne sont pas sans importance.

Enfin je ne crois pas m'égarer dans des détails inutiles en recommandant de fixer la coiffure très solidement. La femme qui est préoccupée de maintenir ou de replacer son chapeau ou son voile pense trop peu à son cheval, et on peut dire que si elle perd son chapeau, elle est bien près de perdre la tête.

Le choix de la selle a également une très grande importance, aussi bien pour l'amazone que pour le cheval.

Elle doit être bien droite pour que les genoux ne soient pas plus hauts que le siège, peu rembourrée, parce qu'ainsi elle embrasse mieux le cheval et risque moins de tourner ou simplement de se déplacer : le moindre déplacement blesse fatalement le cheval au garrot.

Si la selle est trop courte du troussequin, elle blessera sûrement l'amazone; si elle est trop longue, c'est le cheval qui sera blessé aux reins.

Il est nécessaire que le cheval d'amazone ait le garrot bien sorti, afin d'empêcher la selle de tourner.

Enfin il faut avoir grand soin que la crinière, au garrot, n'e soit pas prise sous le pommeau de la selle, parce qu'il en résulte pour le cheval une gêne qui le détermine souvent à entrer en défense.

Quelques mots maintenant sur la façon de mettre


une femme en selle. Je pense que cela peut être utile non seulement aux amazones, mais aussi et surtout aux hommes qui ont l'honneur, un peu redouté parfois, de leur prendre le pied.

A mon très grand regret, je suis obligé de dire que la femme, pour se mettre en selle, fait généralement l'inverse de ce qu'il conviendrait de faire. Elle met le pied gauche dans les mains qui lui sont présentées pour l'enlever, et elle saute du pied droit sur le pied gauche en portant son corps en avant. Il en résulte que tout son poids tombe brusquement sur les mains qui lui servent de marchepied et que le mouvement qu'elle a fait en avant rejette inévitablement l'homme en arrière et l'écarté de l'épaule du cheval.

Elle doit, au contraire. son pied gauche étant dans les mains, ne se servir de la jambe droite que pour prendre un léger élan qui permet la tension du genou gauche, et tenir le corps bien droit, plutôt un peu en arrière. Ce mouvement est des plus simples; c'est exactement celui qu'on fait pour monter une marche d'escalier un peu haute. L'amazone ne doit pas chercher à s'enlever par un élan; tout son effort doit se borner à tendre le genou gauche de telle sorte que la jambe devienne et reste complètement droite, la taille demeurant bien cambrée. Elle doit enfin s'aider des bras, sa main gauche appuyée sur l'épaule du cavalier et sa main droite sur la fourche gauche. En procédant ainsi, elle montera toute droite sous l'impulsion des mains qui la portent et redescendra naturellement sur


la selle en portant le siège un peu en arrière. Elle ne doit pas chercher elle-même le cheval ; c'est l'homme qui doit la placer au-dessus de la selle pour qu'elle n'ait plus qu'à s'asseoir. Quand l'amazone veut sauter sur la selle, elle la rencontre généralement avant d'être au-dessus et est rejetée sur l'homme.

Je ne puis m'empêcher d'ajouter que l'habitude qu'ont les amazones de donner le pied gauche est mauvaise; c'est une vieille routine dont je ne m'explique ni l'origine ni la persistance. En effet, pour être mise à cheval en donnant le pied gauche, la femme doit, une fois qu'elle est enlevée, porter le siège d'avant en arrière et de gauche à droite, tandis que l'homme fait un mouvement d'arrière en avant et de droite à gauche. Il y a donc un double déplacement. Si, au contraire, la femme donne son pied droit, qui est le plus près du cheval, il lui suffit de donner une petite impulsion du pied gauche et de raidir le genou droit pour monter tout naturellement le long de la selle et se trouver assise sans le moindre déplacement.

Je n'ai pas le mérite d'avoir fait une découverte si simple; il y a bien longtemps que ce moyen est employé par beaucoup d'écuyères, et des meilleures. J'ai eu l'honneur de mettre en selle des souveraines qui ne procédaient jamais autrement.

Essayez, mesdames, pendant huit jours, sans parti pris, et je suis certain que vous adopterez cette manière de vous mettre en selle.

Aussitôt en selle, l'amazone doit, de suite et sans


s'attarder à arranger sa jupe, passer sa jambe droite dans la fourche; c'est le seul moyen d'éviter une chute si le cheval se jette de côté. J'ajoute même que les mains de l'homme ne doivent quitter les pieds de l'amazone que lorsque la jambe droite est bien en place.

Pour descendre de cheval, l'amazone quitte l'étrier et donne le poignet gauche; elle dégage ensuite la jambe droite de la fourche, donne le poignet droit et, se trouvant ainsi assise sur la selle, se laisse glisser à terre sans sauter et en raidissant un peu les bras. Elle doit tomber sur la pointe des pieds et ployer les genoux pour éviter toute secousse. Cette recommandation n'est pas superflue, car, après une promenade un peu prolongée, les jambes sont souvent raides et engourdies.

Je répète que la femme doit donner ses poignets et qu'elle ne doit pas sauter, mais se laisser glisser. Voyez ce qui arrive le plus souvent : la femme s'élance de sa selle, le cavalier la reçoit en la prenant par la taille, et, ne pouvant la porter à bras tendus, il la laisse glisser le long de son corps. C'est désagréable, disgracieux et peu convenable.

. On demande souvent si le cavalier qui accompagne une amazone doit se tenir à sa droite ou à sa gauche. Je ne crois pas que le savoir-vivre impose à cet égard une règle absolue.

Dans les conditions ordinaires, j'estime que le cavalier doit être à droite, parce que l'amazone, pour se


tourner vers lui, est obligée de reporter l'épaule droite en arrière, ce qui est, ainsi que nous l'avons dit, la position désirable. De plus, le cavalier, se trouvant à droite, peut en cas de désordre ou de danger venir en aide à l'amazone. S'il était à gauche, il ne pourrait pas s'approcher d'elle suffisamment, à cause de ses jambes. S'il arrive qu'il y ait pour l'amazone un danger à gauche, par suite d'embarras de chevaux ou de voitures, le cavalier doit alors se placer de ce côté, précisément pour protéger les jambes.


DEUXIÈME PARTIE ÉQUITATION COURANTE



1

Travail à la longe.

Je procède avec tous les chevaux indistinctement de la même manière 1. Le cheval à dresser est amené dans le manège, sellé- et bridé. Je passe les rênes de bride et de filet sous la sous-gorge, pour qu'elles ne flottent pas et que le cheval ne risque pas de prendre ses pieds dedans. Je boucle alors une longe à l'anneau du filet du côté gauche, puis je laisse le cheval marcher à sa guise.

i. Pendant toute leçon, il faut mettre des bandes de flanelle aux jambes de devant, à partir du boulet jusqu'au dessous du genou. On fortifie ainsi les tendons en leur donnant un soutien, et l'on évite les suros et les exostoses, conséquences fréquentes des coups que le cheval, encore maladroit, peut se donner.

Aussitôt après la leçon, on enlève les flanelles des jambes de devant et on les met aux jambes de derrière. Il ne faut les laisser que deux ou trois heures. Ce temps suffit pour empêcher les jambes d'enfler et les mollettes de se former. Si on laissait les jambes d'un cheval constamment entourées de flanelle, les tissus pourraient se ramollir et les tendons se détendte sous l'action de la chaleur.


S'il s'éloigne de moi, je le laisse aller, mon but étant de lui faire suivre le mur; s'il ne s'éloigne pas et s'il cherche à tourner autour de moi, je lui montre la chambrière, dont la vue suffit pour l'écarter autant que la longe le permet. Je tiens la chambrière dans la main droite, la longe dans la main gauche, et je laisse le cheval libre de prendre l'allure qu'il veut.

Cette promenade autour du manège a pour but de permettre au cheval de se rendre compte du terrain, ainsi que de tous les objets qui l'entourent, qui sont nouveaux pour lui.

S'il est vigoureux, il bondit d'abord, puis il galope ou il trotte; mais il se calme au bout de quelques minutes. S'il est mou, il hésite à se porter en avant : il faut alors le pousser en lui montrant d'abord la chambrière, et, si cela ne suffit pas, en le touchant légèrement sur les fesses, jusqu'à ce qu'on ait obtenu une allure vive, trot ou galop, soutenue pendant cinq minutes. Je ne saurais trop recommander d'éviter soigneusement tout mouvement brusque ou violent, qui pourrait effrayer l'animal.

J'ai dit que j'exigeais cinq minutes de travail à une allure vive ; mais je ne puis naturellement le faire que si le cheval est déjà bien engrainé, c'est-à-dire en parfait état. Dans le cas contraire, la durée du travail pendant les premiers jours doit être moins longue : c'est progressivement que j'arrive à la prolonger pendant le temps indiqué.

Lorsque le cheval a marché pendant cinq minutes


à main gauche, — c'est-à-dire l'épaule gauche placée à l'intérieur du manège, — je laisse tomber la chambrière, je tâche de calmer le cheval de la voix, puis je raccourcis ma longe jusqu'à ce qu'il soit près de moi. Je lui parle doucement, et le caresse de la main sur l'encolure 1, ensuite sur la tête, s'il veut bien se laisser faire, puis je défais la longe et la boucle à l'anneau du filet du côté droit.

Après un léger repos, je fais recommencer, du côté droit, pendant cinq minutes, les mêmes exercices. Ce travail terminé, je laisse de nouveau tomber la chambrière, je fais un appel de voix en tirant doucement sur la longe pour ramener le cheval à moi et je le caresse de nouveau.

A mon sens, cet exercice est indispensable au début du dressage. Qu'on me permette d'en donner un peu longuement les raisons, car j'y attache une réelle importance.

Un jeune cheval est presque toujours inquiet, craintif : un rien l'effraye, les ombres, les murs ou les objets qui y sont accrochés. Forcément il s'éloigne de ce qui lui fait peur et se jette en dedans du manège qui est libre, puisque je suis seul au centre. Si je lui montre la chambrière en m'avançant de son côté, il la fuit d'instinct et se reporte au mur où il est aisément maintenu par la chambrière tendue vers son épaule.

Placé entre la menace que je lui fais et un objet

1. Tous les chevaux acceptent les caresses sur l'encolure.


quelconque dont il a eu peur et qu'il a fui, il retourne vers cet objet qui, immobile, lui paraît moins redoutable que la chambrière. Quand il a franchi plusieurs fois, grâce à ce procédé, l'endroit où il a eu peur, il finit par ne plus éprouver aucune crainte. On remarquera qu'il n'a pas été nécessaire d'en arriver à la correction, dont on ne doit user qu'à la dernière extrémité.

Au surplus, si le cheval est trop vigoureux, je lui aurai donné par un bon temps de trot ou même de galop, s'il le préfère, le moyen de se débarrasser de son excédent d'énergie : il sera donc plus docile et plus attentif. S'il est mou 1, je lui aurai appris, par quelques coups de chambrière, qu'il doit se porter en avant.

En tout cas, j'aurai obtenu un résultat : le cheval n'a plus peur des objets qui l'environnent ; il s'y est habitué promptement, parce que, n'ayant personne sur son dos qui le gêne dans ses mouvements et l'inquiète, il a la perception plus libre. J'aurai obtenu

i. Il ne faut pas confondre le cheval mou avec le cheval froid. Le cheval mou, s'il est convenablement alimenté et exercé, peut devenir allant. Le cheval froid, au contraire, peut très bien avoir de la vigueur musculaire, mais il répugne à en faire usage, ou plutôt il n'en fait usage que lorsqu'il lui plaît. C'est ce qui le rend dangereux pour les cavaliers inexpérimentés. Il n'y a de vraiment sûr que le cheval chaud. Le cheval trop ardent est parfois insupportable et il peut lui arriver de s'emballer; mais je le préfère au cheval froid. La première qualité du cheval, c'est d'avoir du cœur ou, comme on dit, d'être allant.


cela sans lutte, sans grands efforts, sans avoir eu à subir les bonds ou les écarts d'un cheval monté trop frais, et sans m'être exposé à rouler à terre avec un cheval qui, ignorant du terrain, pose maladroitement le pied et tombe !

J'ai de plus appris au cheval à connaître, à supporter et à craindre la chambrière, ce qui est d'une très grande utilité, car si, plus tard, monté par un cavalier insuffisant, il refuse de se porter en avant, l'emploi de la chambrière sera tout indiqué. Souvent sa vue seule suffira pour que le cheval, qui la redoute, se porte en avant. S'il ne le fait pas, on devra alors le toucher légèrement sur les fesses, mais toujours avec ménagement, toute brusquerie ou toute surprise pouvant provoquer une défense.

Ce travail à la longe a encore un autre avantage : il permet de pousser le cheval dans le trot et de porter cette allure jusqu'à l'extension, en faisant chasser l'arrière-main, par l'action de la chambrière. Enfin, on met ainsi l'animal dans la nécessité, qui devient une habitude, de se soutenir par lui-même *. Il acquiert par cet exercice, pris en toute liberté, la souplesse, la confiance, l'adresse et la sûreté de pied. Ne sont-ce pas là des qualités premières ?

Le cheval, maintenu à une allure vive pendant toute la durée de la reprise, qui est de cinq minutes de

1. Le cheval attelé s'appuie au collier; le cheval monté à la main du cavalier; le cheval à la longe est obligé de chercher en lui-même son équilibre indépendamment de tout appui.


chaque côté, acquiert en outre de l'haleine, ses poumons étant obligés de fonctionner largement. Il prend enfin un exercice nécessaire, qu'il n'aurait pas avec les premières leçons montées, puisqu'elles ont lieu au pas.

Aux deux ou trois premières leçons, je laisse le cheval aller aux allures qu'il lui plaît, pourvu qu'elles soient vives et qu'il suive le mur. Dans les leçons suivantes, j'exige le trot.

Obtenir le trot est chose facile. On doit y arriver avec n'importe quel cheval à la troisième ou quatrième leçon, sans le secours d'aucun aide. Je dis sans le secours d'aucun aide, parce que les dresseurs, en général, ont l'habitude d'opérer à deux. Ce faisant, ils suivent les prescriptions de presque tous les ouvrages parus jusqu'à ce jour, qui ont tous recommandé cette façon de procéder. Je la trouve défectueuse, parce qu'il n'y a jamais un accord parfait entre les mouvements des deux hommes. Il arrive que celui qui tient la chambrière frappe quand il ne le faut pas, ou bien que celui qui tient la longe arrête le cheval alors que le premier le pousse, ce qui provoque un désaccord qui n'a pas lieu quand le dresseur opère seul.

Le cheval est au mur, il marche à main gauche; l'écuyer, qui est au centre du manège, doit toujours demeurer face au cheval et à hauteur de son épaule, en le tenant encadré entre la longe qui est devant, tenue de la main gauche, et la chambrière qui est derrière, tenue de la main droite. L'écuyer doit tou-


jours accompagner le cheval, mais non pas le suivre il doit se placer de manière à toujours maintenir le cheval entre la longe en avant et la chambrière en arrière.

Pour faire prendre le trot au cheval, je le touche légèrement avec la chambrière, en enveloppant l'ar- rière-main. Il vaudrait mieux toucher l'épaule, mais il ne faut pas l'essayer, surtout avec un jeune cheval, à moins d'avoir une grande expérience du maniement du fouet. En effet, si, au lieu d'atteindre franchement l'épaule, la mèche touche ou effleure la tête, le cheval se rejette vivement en arrière, et l'on provoque alors un mouvement qui est absolument le contraire de celui qu'on a vouiu. On pourra encoçp faire un appel de langue qui suffira avec un cheval un peu allant. Mais je m'empresse d'ajouter qu'il ne faut pas abuser des appels de langue, qui peuvent devenir une cause de désordre lorsqu'on est en troupe.

Sous l'action de la chambrière, souvent le cheval bondit, ou il prend le galop. Je le modère en agitant légèrement la longe, en même temps je le calme de la voix.

1. Pour accompagner le cheval, sans le suivre, en demeurant toujours à la hauteur de l'épaule, il suffit que l'on suive la diagonale en allongeant et en ramenant le bras alternativement. Cette recommandation est essentielle, car celui qui entreprendrait de décrire un cercle en suivant le cheval autour du manège ne tarderait pas à sentir sa tête tourner, et il perdrait tous ses moyens. En s'attachant à marcher dans la diagonale, on peut accompagner le cheval indéfiniment.


La longe ne doit jamais être tendue. Ellè ne se fait sentir sur la bouche du cheval que par son propre poids ou par l'effet des vibrations que vous lui imprimez.

J'ai déjà dit que la voix était un puissant auxiliaire dans le dressage. Si, chaque fois que vous agitez la longe pour modérer l'allure, vous dites à haute voix : « Au trot ! » le cheval, si peu intelligent qu'il soit, ne tarde pas à se rappeler qu'il y a concordance entre l'effet produit sur la bouche et le son qui arrive à son oreille. D'abord il obéit aux deux impressions simultanées, puis bien vite il obéit à une seule : l'intonation.

Quand j'ai obtenu un trot bien franc et soutenu- pendant le temps voulu, je remets le cheval au pas en agitant légèrement la longe, ainsi que je l'ai fait pour le faire passer du galop au trot. Ici encore je me sers de la voix en disant assez haut, mais avec douceur : « Hooho ! »

Dès ce mo ment, il faut apprendre au cheval à . venir à l'écuyer.

Pour y arriver, je raccourcis doucement la longe en tirant le cheval à moi et je recule à très petits pas, de façon qu'il gagne du terrain sur moi et se rapproche. Lorsqu'il est arrivé à portée de mon bras étendu, je le caresse à l'encolure et je le calme de la voix. J'évite avec grand soin de faire avec le corps le moindre mouvement en avant. Ma grande préoccupation est de rassurer le cheval. Si je fais un pas en avant, il se rejette aussitôt en arrière, et le mouvement que je


provoque est précisément le contraire de celui que je veux obtenir. Si rien ne l'a effrayé lorsqu'il est venu à moi, si ma caresse de la main et de la voix lui a montré qu'il n'a rien à redouter de mon voisinage, il prendra vite confiance et viendra ou cherchera à venir de lui-même, d'autant plus volontiers que ce n'est qu'au centre du manège qu'il trouve la tranquillité.

Il doit avoir assez de confiance pour s'approcher de l'écuyer sans appréhension, mais il ne doit le faire que sur un appel d'autorité. Le but est de lui faire comprendre cet appel sans le secours de la longe, qui plus tard sera supprimée.

Pour faire venir le cheval d'autorité, j'emploie la chambrière. Je lui donne de petits coups légers et répétés, soit sur les fesses, soit aux flarfcs ou à l'épaule, cherchant toujours à encadrer le côté qui m'échappe. Parfois même, pour porter l'animal en avant, je l'attaque au poitrail : son premier mouvement est de se rejeter en arrière, mais je le maintiens vigoureusement par la longe et l'empêche de reculer en même temps que je l'appelle de la voix en disant : « Hooho ! »

Il faut remarquer que, s'il se rejette en arrière, c'est parce que la vue de la chambrière, mise en mouvement, l'a effrayé et pour se dérober aux coups. Le cheval non dressé ne fuit pas une piqûre, il s'avance au contraire, se couche sur elle. Nous verrons plus loin que l'effet obtenu sur le cheval monté par la pression de la jambe ou le coup d'éperon est uniquement « d'éducation ». Livré à sa propre nature, il fait le


mouvement inverse de celui qu'on obtient par le dressage : ainsi, piqué au flanc droit par une mouche, le cheval se jette à droite jusqu'à ce qu'il rencontre un obstacle sur lequel il se frotte et même se couche.

C'est donc la vue ou la menace de la chambrière qui l'a fait fuir; la sensation du coup le porte au contraire en avant. Aussitôt que la résistance de la longe lui a montré qu'il ne peut plus se soustraire à la vue de la chambrière en se jetant en arrière, il cède à son instinct et se porte en avant. Si la chambrière s'abaisse aussitôt, si une caresse le reçoit, il prend confiance, comprend ce qu'on veut de lui et l'exécute sans résistance par la suite. Ce résultat ne s'obtient pas instantanément, mais on peut y arriver en très peu de leçons, surtout si aucun mouvement brusque du dresseur n'a effrayé le cheval au moment où il avance.

A partir du moment où le cheval vient franchement à l'homme sur la chambrière, on peut supprimer la longe 1. Ce premier travail à la longe n'est que préparatoire. Il a été en usage de tout temps, mais appliqué et apprécié de façons différentes. Baucher le

i. Pour faire venir le cheval à l'homme sans le secours de la longe, j'emploie les mêmes procédés que dans le travail à la longe lui-même. Dans le commencement du travail, je me sers beaucoup de la longe et peu de la chambrière. A mesure que le cheval progresse, je diminue l'emploi de la longe et j augmente celui de la chambrière, m'appliquant toujours, pour faire venir le cheval à moi, à l'encadrer de la chambrière du côté où il échappe. Finalement il prend l'habitude de venir à moi par la chambrière et sans aucun emploi de la longe. A ce moment, je l'accoutume à me suivre dans toutes les parties du manège, tou-


repoussait. Avant lui, on en usait avec excès. Pour moi, j'estime qu'il est salutaire, étant bien entendu qu'il n'aura pour but ni pour effet de fatiguer le cheval.

J'ajoute qu'il est également bon et pour le cheval qu'il habitue à l'homme, qu'il soumet à un commencement d'obéissance sans provoquer de défense, et pour le dresseur, qui fait sentir son autorité à distance, en se tenant hors d'atteinte des coups de pied de devant et des ruades1.

jours encadré par la chambrière et porté en avant à la moindre hésitation par de petits coups sur les fesses.

Enfin je supprime la longe. Si le cheval, comme il arrive inévitablement, refuse d'obéir à la chambrière et m'échappe, alors c'est la lutte. La lutte ici consiste à poursuivre l'animal à coups de chambrière sur l'arrière-main jusqu'à ce qu'il vienne à l'homme. Ce résultat peut paraître invraisemblable au premier abord. Cependant, quand le cheval poursuivi par l'homme a fait un assez grand nombre de tours au manège au grand galop, il n'a qu'une idée, c'est de s'arrêter. Or, comme la chambrière le poursuit partout sur la piste du manège et ne lui laisse de repos qu'au centre, ainsi que le lui a appris l'éducation à la longe, il finit par prendre un parti et par arriver au centre.

Pour lui faciliter ce mouvement, l'écuyer doit saisir le moment où le cheval paraît disposé à ralentir l'allure, pour le détacher du mur en l'encadrant de la chambrière, en même temps qu'on fait l'appel de la voix (hooho !) qui, dans le travail à la longe, l'appelait à l'homme.

Si le cheval se refuse à venir et reste au mur, nouvelle pour.suite suivie d 'un nouvel essai pour l'amener au centre, et ainsi de suite jusqu'à obéissance.

i. Je ne suis pas partisan du caveçon, excepté pour les chevaux vraiment méchants. Je conseille aux personnes qui s'en serviraient d'avoir soin qu'il soit léger et bien rembourré.


Ce premier et très important résultat obtenu, je passe au travail rapproché.

II

Travail rapproché, marche en avant.

J'abandonne la longe et je tiens le cheval par le filet que j'ai d'abord passé par-dessus sa tête. Je remplace la chambrière par la cravache, et je me sers du filet et de la cravache exactement comme j'ai fait de la longe et de la chambrière.

Étant à main gauche, le cheval au mur, je me place près de son épaule gauche. De la main gauche, je tiens l'extrémité des rênes du filet1. Dans cette même main se trouve la cravache que je dissimule le long de ma jambe, de façon que le cheval ne puisse la voir. De la main droite, je saisis alors les deux rênes de filet près de la bouche et en dessous du menton2. Puis je fais quelques pas en avant. Si le cheval suit mon mouvement, je le caresse; si, au contraire, il refuse d'avancer, ma main gauche passe derrière mon dos et le touche près des sangles avec la cravache. Assez généralement le cheval neuf refuse

i. Il va sans dire que tous les effets sont inverses si l'on est à main droite.

2. Voir planche I.


Planche 1



d abord d avancer et a besoin du coup de cravache1.

Ici, j'appelle toute l'attention du lecteur, car l'instant est décisif : nous sommes à la première lutte de laquelle dépend l'avenir.

Il importe de comprendre que le cheval ne se rend aucun compte, à ce moment, de ce qu'on lui demande et qu 'il ignore les moyens de coercition dont dispose l 'écuyer. Il ne craint pas encore le châtiment et connaît à peine l'action rassurante des caresses.

Or tout le dressage est renfermé dans ces deux moyens : châtier ou caresser à propos.

Je suppose que mon cheval refuse d'avancer. On remarquera que, dans la position que j'occupe, il lui est assez difficile de reculer; difficile, mais*non impossible, ca-r il faut s'attendre à tout de la part d'un cheval neuf qui dispose librement de sa force et de sa masse.

Pour le faire avancer, je tends le bras droit, — la main droite tenant toujours le filet sous le menton, exactement à l endroit où se place la gourmette, et je pousse devant moi plutôt que je ne tire; tandis que derrière mon dos, de la main gauche qui tient toujours l'extrémité du filet, je frappe légèrement du bout de la cravache un peu en arrière des sangles.

i. Généralement la cravache suffit. Certains chevaux cependant refusent de se porter en avant, surtout si l'on demande la flexion. Dans ce cas, je remplace la cravache par la cham- brière, et derrière mon dos j'attaque l'arrière-main. Il n'y a pas de cheval qui ne cède.


Si le cheval est doux, pas trop nerveux et peu impressionnable, il se porte en avant sans trop de brusquerie. Souvent, au contraire, il répond aux coups de cravache par un mouvement violent et peut, suivant son caractère, bondir, se cabrer, se jeter avec force de côté ou reculer avec vitesse. Telles sont les quatre défenses que le cheval peut opposer dans ce cas.

Examinons les moyens de les combattre.

Si le cheval bondit, vous n'avez qu'à lui lever la tête, pour lui charger l'arrière-main, en ayant soin de vous tenir très près de son épaule pour éviter les coups de l'avant-main. La tête haute, un cheval ne peut bondir.

La cabrade est plus dangereuse; aussi je recommande à tous les écuyers qui travaillent à pied de toujours porter un chapeau haut de forme. Cette sage précaution m'a sauvé de plus d'un coup de sabot sur la tête. Lorsque le cheval se cabre, votre main droite abandonne forcément le filet, dont l'extrémité demeure seule dans la main gauche. Vous vous trouvez alors éloigné de l'animal de toute la longueur de ce filet, ajoutée à celle de votre bras gauche, en sorte que, si vous faites demi-tour, pour lui faire face, il est impossible qu'il vous atteigne.

Laissez-le reprendre son aplomb, puis approchez- vous de lui très doucement, en prenant toujours soin de cacher votre cravache. S'il se cabre de nouveau, pesez fortement et sans saccades sur le filet.


Quand il aura essayé trois ou quatre fois de ce moyen de défense, voyant qu'il ne lui réussit pas, il y renoncera bientôt et peut-être se jettera brusquement de côté.

Notez, toutefois, qu'il ne peut se jeter qu'à gauche, puisqu'il a le mur à droite. La cravache sur le flanc gauche et une action un peu vigoureuse sur la rêne gauche du filet suffisent pour le redresser.

Reste le reculer. Quand le cheval emploie cette défense, il faut encore vous placer en face de lui et tirer fortement sur le filet des deux mains en fléchissant légèrement les genoux et en portant le corps très en arrière. Faites-vous lourd, comme on dit vulgairement, afin que l'animal ne puisse que péniblement vous entraîner dans son mouvement rétrograde. Le cheval sera vite fatigué.

J'ai une telle habitude de me laisser traîner tout en restant debout que j'arrête presque toujours n'importe quel cheval à son deuxième ou troisième pas. Quand il sent qu'on lui résiste par la force d'inertie et non la violence, il s'arrête et fixe généralement l'homme en même temps qu'il pousse comme un profond soupir. Fixez-le aussi, et tâchez de deviner s'il va cesser ou s'il va continuer de se défendre. Avec un peu d'habitude on s'en rendra facilement compte.

JAMAIS LA LEÇON NE DOIT ÊTRE INTERROMPUE ET ENCORE MOINS PRENDRE FIN SUR UNE DÉFENSE.

La défense terminée, je redemande avec douceur


et par les mêmes procédés la marche en avant et je ne cesse qu'après l'avoir obtenue. Il est rare que le cheval ne cède pas promptement.

Baucher, dans cette première partie du dressage, cherchait à obtenir la marche en avant en donnant de petits coups de cravache sur le poitrail, tandis qu'il tenait le filet à mi-longueur, faisant face au cheval.

Comme on l'a vu dans le chapitre relatif au travail à la longe, je n'ai pas d'objection de principe à faire à ce procédé, sinon qu'il présente l'inconvénient grave d'exposer l'homme aux coups de l'avant-main et de rendre souvent le cheval chatouilleux.

En outre, l'attaque au poitrail ne sert à rien dans la suite du dressage, tandis que l'attaque aux flancs comme j'ai eu à la décrire est la meilleure préparation à l'éperon.

Enfin, dans le système de Baucher, on tire sur l'avant-main, qui doit, si on réussit à le mettre en mouvement, entraîner l'arrière-main, tandis que, par mon procédé, c'est l'arrière-main qui s'engage et pousse l'avant-main. Or ce dernier mouvement est le principe même de toute équitation.


III

Mise en main, flexion directe.

Quand mon cheval marche bien avec moi autour du manège à main gauche, je change de côté et je recommence le même exercice sur l'autre main. Puis, dès que je suis satisfait, je commence la mise en main.

Toujours à main gauche et placé à l'épaule gauche de mon cheval, je prends les rênes du mors de la main droite, à douze ou quinze centimètres de la bouche. Conservant dans le creux de la main gauche la boucle du filet, je saisis, avec les doigts de cette même main, la partie du filet située à environ quinze ou vingt centimètres de la bouche, et je porte la main en avant de la tête, de manière à tirer le cheval en avant. Il est absolument indispensable de placer ainsi le filet, si vous voulez éviter que le cheval ne s'arrête quand vous agirez sur les rênes du mors.

Il ne suffit pas de tenir le filet horizontal, car il ne doit pas seulement tirer en avant. Il faut qu'il tire, en outre, de bas en haut, car il doit relever la tête et l'encolure au moment où l'action du mors provoque la flexion de la mâchoire t. En effet, si cette dernière

i. Voir planche II, position des mains. — Figure i, mâchoire contractée. — Figure 2, mâchoire fléchie, mors libre.


action n'était pas contre-balancée par l'action du filet, elle ferait baisser la tête et amènerait l'affaissement de l'encolure.

Je tends la rêne du filet pour relever la tête et l'encolure, puis je tends également la rêne du mors pour faire fléchir l'encolure et décontracter la mâchoire. Je tends davantage la rêne du filet si le cheval ne se porte pas en avant, davantage la rêne du mors s'il raidit l'encolure et contracte la mâchoire. Je recommande tout particulièrement de ne pas tendre les rênes d'une manière continue, mais d'agir par petites pesées plus prolongées que ne le ferait une simple saccade, mais d'une durée assez courte cependant pour que le cheval n'ait pas envie de s'appuyer sur la main.

A la première concession, si faible qu'elle soit, je rends et je caresse. Puis je recommence en tâchant d'obtenir une concession un peu plus grande, sans pourtant me montrer trop exigeant. Je rends et je • caresse de nouveàu. Et ainsi de suite.

11 faut s'appliquer particulièrement à obtenir que le cheval cède non seulement de l'encolure, mais aussi et surtout de la mâchoire, ce qu'il marque en ouvrant la bouche. La flexion de la mâchoire est le dernier terme de la flexion1.

i. Un assez grand nombre de chevaux, en faisant la concession de mâchoire dans les flexions, soit directes, soit latérales, mettent la mâchoire inférieure de travers. La mâchoire dans ce cas ne résiste pas à la main, mais cède à sa manière en allant à droite ou à gauche au lieu de céder dans l'ax.e de-h


Planche If



Si en dernier lieu la mâchoire ne cédait pas, la flexion de l'encolure seule n'aboutirait qu'à reporter le poids de la masse en arrière, à faire reculer le cheval ou à l'acculer.

C'est dans l'opposition des effets alternatifs du filet et du mors que réside toute l'opération de la flexion directe. Tandis que le filet entraîne l'avant-main en avant, le mors sollicité par une pression légère retient la tête, la fléchit et fait céder la mâchoire sans arrêter l'avant-main.

Mais, pour arriver à ce résultat dans la légèreté, il faut pratiquer continuellement le grand principe : PRENDRE et RENDRE. Prendre pour faire céder la résistance; rendre pour récompenser de la concession; prendre de nouveau afin de profiter de cette concession pour en obtenir une plus grande, et ainsi de suite.

Il ne suffit pas que le cheval mâche son mors, il faut

tête. Cette concession incomplète constitue une grande faute que l'on ne peut combattre que par un surcroît d'impulsion.

On comprend que la mâchoire étant déviée à droite ou à gauche, le cheval échappe à la mise en main complète tout en ayant la bonne position d'encolure et de tête. Il a l'air d'être dans la main, mais il n'y est pas, la raideur due à la contraction vicieuse de la mâchoire s'opposant à la légèreté. Dans ces conditions on n'aura jamais le cheval en bonne impulsion sur les rênes tendues, il ne remontera pas sur la main malgré les sollicitations des jambes.

Si je demande pour ce cheval un surcroît d'impulsion, c'est parce qu'en échappant à la ligne droite, il se rapproche de l'en- capuchonnement, c'est-à-dire de l'acculement. Il faut donc le jeter sur le mors.


encore qu'il le lâche1. C'est là la dernière concession qui prouve que la flexion est véritablement complète.

Pour cela, quand la mâchoire inférieure cède facilement à la tension des rênes du mors, il faut prolonger cette tension jusqu'à ce que le cheval lâche complètement le mors. La cravache doit toucher le flanc à petits coups pour prévenir un temps d'arrêt*.

Il est bien entendu que tout ce travail doit être accompli avec une très grande légèreté de main 3. C'est par les effets alternatifs du mors et du filet que l'on se

i. Voir planche II, fig. 2.

2. Voir planche VI, fig. 2.

3. On arrive aisément à avoir la main bonne,'c'est-à-dire légère. Ceux qui ont acquis cette qualité se servent à peu près bien de tous les chevaux et savent en tirer parti. Ils ne contrarient jamais le cheval et se contentent du jeu continuel de Prendre et Rendre. C'est un bon point d'avoir une bonne main et cela peut suffire pour les besoins ordinaires. Mais on peut prendre et rendre toute sa vie sans bien se rendre compte de ce que l'on fait. Dans ce cas ni la main ni le cheval ne font le moindre progrès. En effet la main se borne à rendre quand le cheval tire et à tirer quand le cheval rend. Cela s'appelle vulgairement avoir une sonnette dans la main, et en effet c'est le mouvement de sonnette dans toute sa beauté.

La main savante fait tout le contraire, car il s'agit de dresser le cheval, c'est-à-dire de faire progresser son éducation. Elle se fixe en fermant assez vigoureusement les doigts quand le cheval tire, mais les doigts se relâchent avec la rapidité de l'étincelle électrique aussitôt que la mâchoire fait une concession.

La bonne main rend quand le cheval prend et prend quand il rend.

La main savante rend quand le cheval rend et prend quand il prend; et cela instantanément.


rend compte du degré de sensibilité de la bouche du cheval. On reconnaît ainsi immédiatement si le cheval a la bouche dure ou sensible1.

Toutefois, il faut bien se garder de confondre la dureté de la bouche avec la résistance qui peut provenir de la position de la tête. Un cheval qui porte la tête basse est toujours lourd à la main, parce qu'il porte tout son poids sur l'avant-main, et pourtant il ne s'ensuit pas qu'il ait la bouche dure. Changez simplement la position de sa tête; placez-la-lui haute, elle ne pèsera plus sur la main, et vous aurez alors le sentiment de la sensibilité ou de la dureté de la bouche.

i. On croit généralement que le cheval qui bave oi*écume a bonne bouche. C'est une erreur.

Pour produire cette mousse savonneuse, le cheval contracte nécessairement sa langue. Il ne peut donc pas avoir la bouche libre, tranquille et prête pour le doigté du cavalier.

L'animal produit cette mousse soit en faisant continuellement tourner sa langue, soit en la raclant contre la mâchoire supérieure, soit en la faisant passer par-dessus le mors, soit enfin en la roulant en boule dans le gosier.

Dans tous ces cas le seul remède est d'adapter à la liberté de langue une palette mobile en forme de huit dont le centre est sur la liberté de langue, une boucle en haut, l'autre en bas. Ce petit appareil empêche aussi les chevaux de laisser pendre leur langue.

Parfois le cheval produit aussi l'écume en jouant avec une des branches du mors. Dans ce cas il suffit d'emboucher le cheval un peu haut et de bien serrer la fausse gourmette pour qu'il ne puisse atteindre les branches soit avec la langue, soit avec les lèvres.

Pour ce qui est de la bonne bouche, je dis, moi, qu'un cheval a bonne bouche quand, dans le travail, sa bouche reste fraîche, sans être jamais ni sèche ni mouillée.


Si la flexion a été faite comme je l'ai indiqué et par les procédés que j'ai décrits, la position obtenue est la suivante: encolure haute1, fléchie à la nuque; axe de la tête voisin de la perpendiculaire', mais un peu au delà, ; bouche ouverte, mors libre4.

Je viens de décrire le mécanisme de la flexion directe telle que je la comprends et telle que je la pratique, avec cette seule différence que, pour plus de clarté, j'ai dû supposer le cheval arrêté, tandis que j'expliquerai plus loin que je fais tout d'abord la flexion directe dans le mouvement en avant.

Mais la plupart des écuyers pratiquent cette flexion d'une manière toute différente. Pour se rendre compte de ce que doit être la flexion directe, principe fondamental de toute équitation, il faut d'abord savoir quel résultat on se propose d'obtenir en la faisant.

i. Pour que la flexion soit irréprochable, il faut que le bout du nez arrive à la hauteur de la partie supérieure de l'épaule. (Planche IV, fig. 2.)

2. La flexion à la nuque ne permet pas à l'axe de la tête de dépasser la verticale en deçà. Cette position vicieuse ne peut se produire que si l'encolure se fléchit plus bas.

3. La conséquence de cette position, c'est que je mets mon cheval légèrement sur la main, tandis que Baucher, qui voulait le sien derrière la main, ramenait la tête en deçà de la verticale, ce qui le conduisait d'ailleurs à l'acculement.

4. Voir planche II, fig. 2.


Planche III



LA FLEXION DIRECTE A POUR BUT :

1° D'équilibrer le cheval par la hauteur de l'encolure.

Il est très rare que les chevaux soient d'eux-mêmes bien équilibrés.

En raison de leur construction, tous les chevaux ont une tendance à être sur les épaules. La plupart y sont. La cause en est dans l'éloignement de la tête de la base de sustentation. Plus la tête est loin du centre de gravité, plus elle est basse, plus les épaules seront chargées. L'élévation de l'encolure, en rapprochant la tête du centre de gravité, a pour résultat de répartir plus également le poids. Comme toute l'éqilitation, ainsi qu'on le verra plus loin, réside dans des translations de poids, le premier acte du dressage doit être de répartir également ce poids, afin que le bon équilibre, maintenu dans le mouvement, assure plus tard la légèreté dans toutes les actions.

L'élévation de l'encolure, chargeant également l'avant-main et l'arrière-main, leur laisse toute leur liberté et toute leur énergie. Elle place le cheval ; il ne restera plus tout à l'heure qu'à l' animer. L'encolure haute, c'est les jarrets s'engageant aisément sous le centre, c'est la hauteur des actions de l'avant-main 1.

1. Dans les courses, loin de chercher la hauteur des actions, on s'attache uniquement à gagner en longueur. Voilà pourquoi on n'a garde de relever l'encolure à l'entraînement ; il n'y a qu'un principe, c'est que le cheval s'étende le plus possible dans un équilibre naturel, en rasant le tapis.


En un mot, c'est le bon équilibre, c'est la grâce par la légèreté.

Mais il y a des chevaux qui sont sur l'arrière- main, et l'on pourrait croire que, s'il est bon d'élever l'encolure chez le cheval qui est sur les épaules, il doit être nécessaire de l'affaisser chez le cheval qui est sur l'arrière-main. Il n'en est rien. Comme je l'ai expliqué tout à l 'heure, la construction du cheval et les rapports de ses leviers entre eux sont tels que l'équilibre de la masse ne peut être obtenu que par l'élévation de l'encolure.

Le cheval qui a reporté le poids de sa masse sur l 'arrière-main, c'est le cheval acculé, dont les jarrets sont trop éloignés ou trop rapprochés du centre. Dans le premier cas, le cheval est braqué; dans le second, la croupe s abaisse et la ligne des fesses dépasse notablement celle des jarrets1. Mais ici ce n'est plus une mauvaise répartition naturelle du poids de la masse, comme pour le cheval sur les épaules, c'est une mauvaise répartition volontaire des forces chez un animal qui se retient, qui ne veut pas se porter en avant. Les jarrets ne font pas leur office, qui est de pousser la masse en avant. En surchargeant l'avant-main par l affaissement de l'encolure, on le rendrait plus lourd, et par conséquent on augmenterait la difficulté du

i. Cette seconde position est d'ailleurs la plus dangereuse, parce que le cheval est prêt pour la cabrade. Le danger de l'ac- culement est la rétivité se manifestant par le reculer ou par la cabrade, qui peut amener le renversement de l'animal.


Planche IV



travail qu'on veut obtenir des jarrets1. Il faut donc élever l'encolure pour alléger l'avant-main, mais l'élever de bas en haut, non d'avant en arrière, sans d'ailleurs exagérer le mouvement et en conservant toujours la main très légère. L'encolure haute, c'est la première condition du bon équilibre. Ce point obtenu, c'est par des flexions de la tête bien placée, par des flexions de la mâchoire, et surtout par les jambes, qu'il faut chercher à libérer l'arrière-main en l'actionnant,

en portant le cheval franchement en avant. Le cheval qui est sur l'arrière-main, qui est acculé, ou simplement qui se retient, est un cheval derrière les ambes,

il faut, par une très grande légèreté de la main et par une grande énergie des jambes, arriver à changer son i équilibre en le jetant sur la main2. Ce n'est pas par l'encolure basse qu'on obtiendrait ce résultat, puisqu'elle est le principal obstacle à la légèreté.

2° D'affermir l'encolure dans l'axe du corps en liant aux épaules la tête rendue légère par la flexion.

La tête non fléchie est lourde à l'extrémité de l'encolure devenue trop mobile 3. La tête fléchie se meut,

i. Sans compter que l'encolure affaissée, si on l'obtenait, ne ferait que donner plus d'élan à la cabrade.

2. En pareil cas, la chambrière qui oblige le cheval à se porter en avant est une bonne préparation à l'action des jambes.

3. D'où le proverbe : « Tête lourde, encolure molle. » C'est comme si on tenait une canne à pêche par le petit bout.


au contraire, avec légèreté sur l'encolure haute, affermie, sans raideur, dans l'axe du corps par le seul effet du bon équilibre des leviers. Tête, encolure, épaules, liées dans l'axe du corps bien équilibré et faisant de l'ensemble un tout souple et homogène, voilà l'effet de la flexion.

De faire la légèreté par la décontraction Olt flexion de la mâchoire.

Le corps une fois équilibré et lié dans toutes ses parties, la flexion de la mâchoire permet de régler d'ensemble, avec une extrême légèreté, tous les mouvements d'arrière en avant et d'avant en arrière, en recevant sur la main l'impulsion de la masse que les jambes jettent sur le mors et que la main à son tour renvoie, pour une partie, aux jambes 1.

La flexibilité d'avant en arrière du bras de levier coudé et articulé, constitué par l'encolure, la tête et la mâchoire, va progressivement croissant d'arrière en avant, c'est-à-dire des épaules à l'encolure, de l'encolure à la tête et de la tête à la mâchoire. En d'autres termes, on tient la canne à pêche par le gros bout.

Ainsi toute la force développée par le cheval vient aboutir à la main, dont le moindre effort sur les barres fléchit : 1° la mâchoire, — d'autant plus facilement que

i. La main ne retient et ne renvoie au centre que la quantité d'impulsion nécessaire au maintien de l'équilibre. La plus grande partie est naturellement employée à gagner du terrain en avant.


l'impulsion est plus grande; — 20 par la mâchoire, la tête 1; 3° par la tête, l'encolure qui, en raison de sa position, réagit avec son maximum d'efficacité sur les épaules. L'expression employée pour définir la situation réciproque du cavalier et du cheval est des plus exactes. On a vraiment son cheval dans la main.

Il faut remarquer à ce propos que la position de la tête favorise singulièrement l'action des rênes. En effet, le mors, qui n'agirait guère que comme un second filet si la tête était basse, se pose franchement sur les barres et développe toute sa puissance dès que la tête se relève, à la condition, toutefois, qu'elle soit maintenue un peu au delà de la verticale. Dès que l'axe de la tête arrive en deçà de la verticale, l'action du mor¡ est faussée, puisqu'il agit alors de bas en haut. C'est l'encapuchonnement qui commence.

Telle est, pour moi, la flexion directe et tel est son but.

On voit que cette flexion, telle que je l'exécute, n'est pas faite au hasard et par simple routine. J'en ai, au contraire, décrit les raisons avec soin et je me suis appliqué en toutes choses à justifier ma pratique.

Malheureusement, Baucher, qui a le premier mis les flexions en valeur, en en faisant la base de sa mé-

i. La tête doit osciller de la position un peu au delà de la verticale jusqu'à la verticale, sans jamais être ramenée en deçà. La position que j'ai indiquée permet donc d'obtenir la moindre course de l'extrémité du bras de levier et d'arriver ainsi par l'effet le plus faible à l'action la plus grande.


thode, ne s'est pas complètement rendu compte de leur mécanisme.

Peu importait pour lui, parce que son merveilleux tact équestre rémédiait à tout. Là où la théorie était fausse, les mains et les jambes rectifiaient d'elles- mêmes, plus ou moins consciencieusement, l'erreur de la doctrine.

Seulement, Baucher ne pouvait pas mettre son tact dans ses livres, et il y a laissé ses doctrines bonnes et mauvaises. Je crois que c'est encore rendre hommage au grand écuyer que d'en faire la critique et de montrer là où il s'est trompé.

A mon sens, la flexion telle que l'a décrite Baucher, et telle surtout qu'on la pratique journellement1, a puissamment contribué à discréditer, auprès des hommes de cheval, cet exercice précieux que je considère comme la condition première de toute bonne équitation.

Cette flexion vicieuse, si commune aujourd'hui, se fait au garrot au lieu de se faire à la nuque. Elle affaisse l'encolure, achève de mettre le cheval sur ses épaules, c'est-à-dire aggrave le défaut naturel du cheval, le prépare aux chutes par la tête basse, et à l'en- capuchonnement en ramenant la tête en deçà de la verticale.

Il faut reconnaître que cette faute vient de Baucher, qui, pendant la plus grande partie de sa carrière,

i. Hélas! les défauts des maîtres s'acquièrent plus facilement que leurs qualités.


a fait des flexions au garrot en affaissant l'encolure 1.

Vers la fin de sa vie, il a reconnu ce défaut (voir sa dernière édition, 1874); mais il se bornait à relever la tête du cheval et ne faisait pas la flexion dans la hauteur. Quoi qu'il fît et quelles que fussent ses erreurs, il demeurait un écuyer incomparable, tandis que ceux qui font des flexions vicieuses n'aboutissent aujourd'hui qu'à abîmer leurs chevaux2.

C'est ce qui explique comment tant de gens s'en vont répétant qu ils ont fait faire des flexions à leur cheval sans qu'il en soit résulté aucune amélioration. Cela ne doit pas surprendre. D'après ce qu'on vient de voir, la flexion est chose si délicate, qu 'un écuyer inhabile aboutira souvent à un résultat

1. Comparez planche III, fig. i, préparation à la flexion telle que je l'ai décrite avec la fig. 2, préparation à la flexion Baucher. — Gravure empruntée à son ouvrage.

Il est bon de noter que le cheval de la planche III, tel que l'a fait dessiner Baucher, est arc-bouté sur les jambes de devant et que, par conséquent, le mouvement en avant est impossible. Il ne peut rien se concevoir de plus mauvais.

Comparez ensuite planche IV, fig. 2, la flexion correcte avec la mauvaise flexion (fig. 1), qui est la plus fréquemment pratiquée.

2. Une fois dans cette voie, il n'y a pas raison pour s'arrêter. Certains auteurs n 'ont-ils pas imaginé d'affaisser systématiquement l'encolure 1 Il n'y a pas de meilleur moyen d'abimer un cheval. Je reproduis plus loin (planche V), à titre de haute curiosité, deux figures publiées dans des ouvrages parus récemment, et montrant la leçon d'affaissement de l'encolure. Cela pourrait s'appeler l'art de préparer le couronnement.


préjudiciable au cheval qu'il aura voulu améliorer. Si, au contraire, on se pénètre des principes et de la pratique exposés dans ce chapitre, on est assuré d'obtenir toujours de la flexion les résultàts avantageux qu'on - est en droit d'en attendre.

Pour bien faire comprendre le mécanisme de la flexion, j'ai été obligé de supposer le cheval arrêté. Mais je dois dire que, contrairement à ce qui se pratique partout, je fais commencer la flexion directe dans la marche en avant.

Pour cela, je me place à l'épaule du cheval que je stimule par un appel de langue, en même temps que je l'entraîne en avant par l'action prédominante du filet 1.

La flexion se fait d'ailleurs exactement comme il a été indiqué plus haut.

Lorsque j'ai obtenu un certain nombre de flexions de la mâchoire, je laisse le cheval marcher librement près de moi pendant quelques instants. J'évite soigneusement de prolonger les flexions. En revanche, je les recommence très souvent.

Quand le cheval aura pris l'habitude de faire aisément la flexion directe à la première indication des rênes, en décontractant la mâchoire, l'écuyer devra modifier sa méthode, pour rapprocher autant que possible l'animal des conditions du cheval monté. C'est un nouveau travail.

i. Voir planche VI, fige i. -


Planche V



L'écuyer, toujours dans la même position, tient dans la main droite (le cheval étant à main gauche) les rênes du filet et du mors, à quinze centimètres environ de la mâchoire. La main gauche tient l'extrémité du filet et la cravache, dont la pointe est à la hauteur du flanc.

Dans ces conditions, au moment où la main droite exige la flexion directe, comme le filet n'est plus là pour porter le cheval en avant (ainsi que cela se pratiquait précédemment), c'est la cravache qui doit remplir cet office 1.

Nous sommes alors placés dans les conditions mêmes de l'équitation. Ce n'est plus comme tout à l'heure l'avant-main qui entraîne l'arrière-main, c'est l'arrière-main qui s'engage et pousse l'avant-main sur la tête retenue par les rênes2, c'est-à-dire par la main de l'écuyer.

C'est ainsi que le cheval arrive à marcher sans s'appuyer sur le mors. Il est alors d'une légèreté parfaite. C'est cette même légèreté que l'on doit plus tard s'efforcer d'obtenir quand on est monté. Le travail que nous venons d'exposer y prépare d'ailleurs admira-

i. Voir planche VI, fig. 2.

2. On remarquera dans la planche la façon dont la main droite rênes de l'écuyer tient à la fois les rênes du filet et du mors. Les rênes du filet, entre le pouce et l'index fermés, tirent de bas en haut et maintiennent l'encolure haute. Les rênes du mors, qui passent, la rêne gauche entre le médius et l'annulaire, la rêne droite sous le petit doigt, se rapprochent un peu plus de l'horizontale et décontractent la mâchoire.


blement la bouche du cheval, en même temps qu'il rend habile la main de l'écuyer.

Il n'est pas douteux que l'on obtient plus facile- ment la mobilisation de la mâchoire en restant en place. Mais, dans ce cas, on court le risque d'acculer le cheval, tandis qu'en marchant on évite cet inconvénient ou, pour mieux dire, ce danger1.

J'insiste sur ce point, car si le travail de mobilisation de la mâchoire en marchant est incontestablement plus long et plus difficile, il pare à ce grand danger de l'acculement, résultat presque toujours inévitable des premières flexions. Prenez donc votre temps et faites bien.

Mais si je maintiens comme [une règle de la plus haute importance que l'ensemble de ce travail doit être exécuté en marchant, je suis pourtant obligé de reconnaître que cela est impossible ou tout au moins extrêmement fatigant avec certains chevaux qui se jettent brusquement sur la main ou qui portent la tête trop bas. Quant à moi, je n'ai jamais trouvé ces défauts poussés à un point tel que je n'aie pu obtenir la flexion directe et décontracter la mâchoire en marchant.

Si le travail est fait sur place, on devra veiller attentivement à empêcher le cheval de se jeter en arrière, ce qu'il faut éviter à tout prix. Si le cheval recule, si peu que ce soit, il faut immédiatement le

i. Voir planche VI, fig. 2.


Planche VI



porter en avant en ne conservant dans la main gauche que l'extrémité du filet pour toucher le flanc de la cravache1. Si le cheval éloigne les pieds de derrière de ceux de devant, ou s'arc-boute sur les pieds de devant, c'est encore qu'il est acculé : portez-le immédiatement en avant.

D'ailleurs, il n'est pas nécessaire que le cheval recule pour qu'il soit acculé. L'acculement peut se produire alors même que le cheval n'a pas bougé les pieds. Si la ligne des fesses dépasse en arrière celle des jarrets, c'est que le cheval a rapporté le poids de sa masse sur l'arrière-main, et que, par conséquent, il est acculé. Agissez alors énèrgiquement sur le filet pour porter le corps en avant et le maintenir d'aplomb* pendant la flexion, pour éviter le retour de l'acculement.

Après cette préparation, la flexion directe devient facile dans le travail monté, d'autant plus que l'action des jambes poussant le cheval sur la main est à la fois plus énergique et plus efficace, comme action d'ensemble, que la cravache.

La principale remarque à faire, c'est qu'on doit débuter par l'action des jambes, qui doit s'exercer progressivement, et jamais par l'action de la main. Dans le travail monté, comme dans le travail de la flexion à pied, il faut naturellement que la main fasse la concession au moment où le cheval cède, pour

i. Voir planche VI, fig. 2.


reprendre son action immédiatement après. PRENDRE et RENDRE à propos : toute la pratique des flexions est dans ces deux termes.

Il est bien entendu que les jambes resteront toujours près, tant pour amener la concession définitive de la mâchoire que pour éviter l'acculement. D'ailleurs, il est bien entendu qu'on ne doit en aucun cas faire la flexion sur place dans le travail monté.

Cette pratique présenterait en effet les inconvénients les plus graves. Comme on ne peut obtenir la décontraction de la mâchoire que par les petites attaques de l'éperon, le cheval prend l'habitude de rester en place sur l'éperon ; on ne peut plus le porter en avant, on n'a plus d'action contre l'acculement, et la rétivité s'ensuit 1. Ce résultat est d'autant plus certain que le cheval n'ose plus se porter en avant sur la main, ep raison de la prédominance de la main sur les jambes toutes les fois qu'il veut avancer.

Du reste, c'est par le travail dans l'impulsion que mon équitation se différencie profondément de celle de Baucher.

Ma première leçon a été la marche en avant. Dans son Dictionnaire raisonné d'équitation (1833), page 112, Baucher écrit : « Pendant les premières leçons, la demi-heure entière se passera au travail en

i. Baucher avait le tort de pratiquer la flexion sur place dans le travail monté. Il procédait naturellement par les petites attaques de l'éperon. Son tact seul le sauvait de la rétivité.


Planche VII



place, moins les cinq dernières minutes, durant lesquelles on l'exercera au reculer. »

Vingt-cinq minutes de travail sur place et cinq minutes de reculer, c'est, à môn avis, le plus déplorable emploi du temps de la leçon. Pour une demi-heure de leçon, je propose trente minutes de travail en avant. Pas de travail sur place, pas de reculer.

On verra par la suite que cette différence de méthode se retrouve dans tout le travail.

Naturellement, dans le travail monté, la flexion de Baucher reste aussi incorrecte que dans son travail à pied.

La figure 2 de fa planche VII, qui est empruntée sans aucun changement à son ouvrage, permet d'en juger par la comparaison avec la figure 1 représentant la flexion correcte.

La figure de la planche VIII, extraite d'un récent ouvrage, montre comment on est arrivé à exagérer tous les défauts de la mauvaise flexion de Baucher. Tête basse, loin du centre de gravité, en deçà de la verticale, cheval sur les épaules, prêt à l'encapuchon- nement, mâchoire contractée, action du mors s'exer- çant de haut en bas et par conséquent faussée.

Rien ne manque au tableau !

Pour savoir ce qu'on doit rechercher dans la flexion directe, il suffit d'obtenir précisément le contraire de toutes ces conditions.


IV

Moyen de rendre un cheval docile au montoir.

Pour rendre un cheval docile au montoir, il faut s'y prendre de manière à pouvoir combattre facilement tous les mouvements qu'il peut faire pour gêner le cavalier ou l'empêcher de se mettre en selle.

Examinons donc quels moyens il peut employer et plaçons-nous de telle sorte que nous puissions déjouer ses défenses instinctives ou résultant de mauvaises habitudes.

Le cheval méchant ou rétif se cabre, rue ou frappe, soit du pied gauche de devant, soit du pied gauche de derrière. Avec lui, il vaut mieux garder la longe et la chambrière, et faire semblant de mettre le pied il l'étrier en se tenant près de l'épaule gauche. S'il se met debout, la chambrière envoie la mèche avec vigueur sur les fesses. Comme il est tenu par la longe, on peut rester à la distance nécessaire pour éviter toute atteinte. Recommencez autant de fois qu'il se cabrera et jusqu'à ce qu'il ait cédé. S'il recule, mêmes moyens; s'il rue, relevez-lui la tête en le grondant d'une voix forte ; s'il frappe, corrigez avec la chambrière la jambe qui frappe.


Planohe Vlfl



En outre des chevaux qui se livrent à ces défenses, il en est qui sont simplement peureux, nerveux, inquiets, chatouilleux ou irascibles, et qui, tout en ne se défendant pas réellement, ne restent néanmoins pas tranquilles comme il convient.

Que peuvent-ils faire ? Quatre mouvements seulement : avancer, reculer, se jeter à droite ou à gauche.

C'est contre ces mouvements possibles qu'il faut être prémuni quand on monte à cheval, et voici comment il faut s'y prendre :

Je prends la rêne gauche du filet dans ma main gauche, et de la même main je saisis une poignée de crins vers le milieu de l'encolure, de telle sorte cfUe la rêne que je tiens soit légèrement tendue. Ma main droite, dans laquelle se trouve ma cravache, passant par-dessus l'encolure, saisit la rêne droite du filet, la tenant assez longue pour qu'elle ne soit que légèrement tendue, tandis que de cette même main je saisis le pommeau de la selle1.

Je fais face à l'épaule gauche. Si le cheval recule, un coup de cravache sur la croupe le reporte en avant, et cela vingt, trente fois si c'est nécessaire, jusqu'à ce qu'il cède. S'il avance, je tends les rênes et le remets en place. S'il se jette à gauche, je tire sa tête de ce même côté, ce qui a pour conséquence de rejeter ses hanches à droite. De même, s'il se jette à

1. Voir planche IX.


droite, je tire sa tête à droite pour porter ses hanches à gauche.

Chacune de ses défenses se produit, soit au moment où le cavalier met le pied à l'étrier, soit quand l'étrier est chaussé, soit enfin quand le cavalier s'est enlevé sur le genou gauche tendu, et avant qu'il n'ait passé la jambe droite de l'autre côté. Il ne faut passer au second ou au troisième de ces mouvements que lorsqu'on a obtenu l'immobilité complète du cheval dans le mouvement précédent. On ne doit se mettre en selle que lorsque le cheval reste immobile, aussi longtemps que le cavalier se tient sur le genou gauche tendu. Il arrive souvent que c'est à cet instant que le cheval essaye l'une des défenses précitées. Si la défense est légère, on y remédie par l'action des rênes sans changer de position. Si la défense est trop accentuée. on met pied à terre et on corrige par la cravache.

Notons enfin qu'une fois en selle, le cavalier se trouve avoir une rêne de filet dans chaque main, et ces rênes sont juste assez tendues pour qu'il puisse, par un léger mouvement, réprimer immédiatement tout désordre.

Je dois reconnaître que ma méthode pour se mettre en selle est contraire aux principes qui sont généralement enseignés. Partout, en effet, on enseigne que, pour monter à cheval, il faut prendre de la main gauche les deux rênes du filet et une poignée de crins au bas de l'encolure, mettre la main droite sur


Planche IX



le troussequin de la selle; s'enlever sur l'étrier, et, lorsque la jambe gauche est tendue, porter vivement la main droite du troussequin au pommeau de la selle, en passant la jambe droite par-dessus le cheval, puis s'asseoir.

Or, dans ce système, le cavalier est sans défense contre tout mouvement que peut faire le cheval. De plus, au moment où la main droite passe du troussequin au pommeau, l'équilibre du cavalier est aussi instable qu'il se peut, en sorte qu'il sera rompu par la cause la plus légère. Enfin, précisément en raison de ce manque d'équilibre, le cavalier tombe sur sa selle plutôt qu'il ne s'y assoit, et il peut y tomber malheureusement, c'est-à-dire sur le pommeau, si le Cheval fait un seul pas en arrière.

Avec la méthode que je conseille, le cavalier est en mesure d'éviter tout accident, de réprimer tout désordre et même tout mouvement du cheval, puisqu'il tient une rêne de filet dans chaque main.

Quand je travaille un cheval à la longe, j'ai soin, avant de le mettre au trot, de toujours faire sangler la selle assez fortement. En trottant, il se dégonfle et, étant moins serré, il n'est plus gêné quand je le monte.

J'ai été tout naturellement amené à faire une application constante de cette très simple observation, lorsqu'il m'arrivait de monter pour la première fois un cheval difficile.

Les hommes d'écurie ont l'habitude de sangler fortement leurs chevaux, et ce serait bien mal connaître


les petites faiblesses du cœur humain que de croire qu'ils vont renoncer à cette habitude précisément lé jour où je vais tenter de réussir là où ils ont échoué. Ils sanglent donc ce jour-là avec plus de vigueur que jamais.

Ils savent que plus un cheval est serré, plus il bondit; il est donc certain pour eux qu'ils auront tout à l'heure l'innocent plaisir de me voir passer pardessus les oreilles de l'animal.

Néanmoins, je les encourage à sangler plus fort : . Serrez, serrez encore !

C'est fait!

Je prends alors mon cheval par la bride; je le pro- . mène quelques minutes, puis au moment de mettre le pied à l'étrier, je lâche les sangles d'un ou deux points, -et me voilà en selle, tandis que la bête exhale un grand soupir de soulagement qui l'empêche momentanément de songer à se défendre.

Je ne laisse jamais tenir mes chevaux au montoir. Tous les chevaux deviennent sages si on ne les tient pas. Il suffit de monter et de descendre plusieurs fois de suite, en caressant le cheval, pour qu'il prenne confiance. On doit se mettre en selle le plus doucement et le plus légèrement possible. Éviter surtout de brusquer le cheval au départ, car, s'il s'attend à une brusquerie, jamais il ne restera sage au montoir.

Au cheval monté pour la première fois je ne demande rien. Pourvu qu'il marche droit devant lui, je suis content; j'ai mes rênes séparées, mais je ne me


sers que du filet et jamais de l'éperon les premières fois.

Je fais quelques tours de manège à droite et à gauche, laissant le cheval aussi libre que possible si, bien entendu, il ne se défend pas; mais il est très rare qu'il se défende quand on ne lui demande presque rien.

S'il porte. la tête trop basse, je cherche à la lui relever par de petits coups de filet presque imperceptibles, de bas en haut, et non d'avant en arrière; s'il porte au vent, je fais sentir les rênes du mors très légèrement, et de façon à ne pas arrêter le mouvement en avant; s'il s'arrête sous l'action du mors, je rends tout et j'appuie les jambes en arrière des sangles. Les jambes, dans ce cas, produisent l'effet réalisé par la cravache dans le travail à pied. J'insiste jusqu'à ce que j'aie obtenu le mouvement en avant qui est le but principal et auquel il faut arriver à tout prix.

Le mouvement en avant obtenu, je le prolonge, comme je viens de le dire, pendant quelques tours de manège en cherchant toujours la bonne position de la tête, mais très légèrement, et toujours de façon à ne pas arrêter l'animal. Si j'obtiens seulement un peu de jeu dans la bouche, je descends et fais faire quelques flexions à pied jusqu'à obéissance; puis je donne quelques carottes1 à mon cheval et je le fais rentrer à l'écurie.

i. Les carottes doivent toujours être coupées en long, jamais en rond; car elles prennent alors la forme du gosier et peuvent quelquefois s'y arrêter. J'ai vu, un jour, un cheval être


Dans cette leçon montée, je n'ai' demandé qu'une chose au cheval : se porter en avant en faisant jouer légèrement la mâchoire. Il faut, du reste, d'une façon générale, éviter de lui demander plusieurs choses à la fois, car alors il les confond souvent, et on peut prendre pour une défense ce qui n'est qu'un manque de compréhension.

V

Tenue des rênes.

Il y a trois manières admises de tenir les rênes : à l'anglaise, à l' allemande et à la frangaise. Je n'hésite pas à dire. qu'il n'y en a qu'une bonne : la tenue à la française.

Le filet étant placé dans la bouche, plus haut que le mors, son action principale est de relever la tête du cheval; tandis que le mors a pour principale action de l'abaisser. En d'autres termes, le filet est

presque asphyxié pour avoir avalé des carottes coupées en rond.

J'évite aussi de donner du sucre, car, si le cheval est bridé, en jouant avec son mors, il produit une bave mousseuse dont il vous éclabousse : c'est du reste le moindre inconvénient. Ce qui est plus grave, c'est que, si vous donnez du sucre à l'écurie, vous prédisposez le cheval à tiquer. Il commence par lécher sa mangeoire, puis, comme il y trouve une saveur agréable, il finit par la mordre avec persistance, et souvent cela dégénère en tic.


Planche X



un releveur et le mors un abaisseur. Toutes les écoles sont d'accord sur ces points essentiels. Il semble donc et il est certain que les rênes du filet et les rênes du mors doivent être tenues dans la main d'une façon > analogue à la place que le filet et le mors occupent eux-mêmes dans la bouche, c'est-à-dire les premières au-dessus des secondes.

Contrairement à ce principe si simple, les Anglais placent les rênes du filet et les rênes du mors à la même hauteur dans la main 1. Les Allemands s'éloignent davantage encore du principe, puisqu'ils tiennent les rênes du filet en dessous des rênes du mors i. Nous ne pouvons pas dire que ces deux manières sont mauvaises au même degré : il ressort évidemment de ces courtes explications que les Allemands sont encore plus loin du simple bon sens que les Anglais.

La raison veut que les rênes soient tenues à la française3 : la main est verticale; la rêne gauche du mors passe sous le petit doigt de la main gauche, la rêne droite entre l'annulaire et le médius, et elles ressortent entre le pouce et l'index. Les deux rênes du filet sont jointes dans la même main et prises entre le

i. La main, dans la pronation, tient une rêne entre chaque doigt.

2. La main est dans la verticale, les rênes du filet en dessous.

3. N'est-il pas étrange que dans l'armée française on prescrive la tenue des rênes à l'allemande, le filet en dessous?


pouce et l'index (pl. X, fig. i). On -peut, -avec les rênes ainsi tenues, obtenir, par de simples mouvements du poignet, sans déplacer la main, les mouvements indispensables pour bien agir sur la boùche. (Je parle naturellement du cheval dressé.)

i° La main placée d'aplomb fait une tension égale des quatre rênes (pl. X, fig. i).

2° Effet du mors, le petit doigt rapproché du corps (pl. XI, fig. i).

3° Effet du filet, le pouce rapproché du corps (pl. XI, fig. 2).

4° Effet de la rêne droite du mors, les ongles en dessous (pl. XI, fig. 3).

5° Effet de la rêne gauche du mors, les ongles en dessus (pl. XI, fig. 4).

Ainsi, il suffit d'un simple mouvement de bascule du poignet d'arrière en avant (pl. XI, fig. i) et d'avant' en arrière (pl. XI, fig. 2), ainsi que d'un mouvement de rotation de gauche à droite — pronation — -(pl. XI, fig. 3) et de droite à gauche — supination — (pl. XI, fig. 4), pour produire tous les effets nécessaires sur la bouche du cheval.

Les rênes ainsi tenues ont entre elles le plus grand écartement possible, étant donné qu'elles doivent être dans la même main. L'effet obtenu est presque le même que si, les rênes du mors étant tenues dans la main gauche, les rênes du filet se trouvaient dans la main droite placée un peu plus haut.

Si, du reste, on veut employer les deux mains,


Planche XI



rien n'est plus simple, puisque la main droite peut prendre ou remettre le filet à sa place dans la main gauche, sans déranger et sans toucher même les rênes du mors (pl. X, fig. 2).

Enfin, si on veut avoir les quatre rênes séparées, c'est-à-dire celles de gauche, mors et filet, dans la main gauche, et celles de droite, mors et filet, dans la main droite, — ce qui est nécessaire dans bien des cas, — on n'a qu'à prendre les rênes de droite dans la position où elles se trouvent en plaçant la main droite entre les rênes du mors et celles du filet, de telle sorte que la rêne droite du mors se trouvera sous le petit doigt de la main droite, et la rêne droite du filet entre le pouce et l'index de la même main, soit exactement dans la même position que les rênes qui restent dans la main gauche1. On conserve ainsi dans les deux mains, entre le mors et le filet, le même écart déterminé par le petit doigt et le pouce.

Enfin il suffit du mouvement inverse pour remettre les quatre rênes dans la main gauche en même position que précédemment.

Je n'ai pas besoin d'ajouter qu'on ne rassemble les quatre rênes et que par conséquent on ne tend à rapprocher et parfois même à confondre leurs effets

1 . Voir planche X, figures 3, 4, 5. La figure 3 montre la main droite s'introduisant entre la rêne droite du mors et la rêne droite du filet. La figure 4 montre la main droite se re-

fermant sur les deux rênes droite^ mors et filet. La figure 5 montre les rênes séparées. ,

7


que lorsque le dressage de l'animal est suffisamment avancé. Quand on a affaire à un cheval neuf ou insuffisamment dressé, comme on est appelé à avoir besoin très rapidement d'effets très nets et surtout décisifs, on a bien soin de séparer les rênes.

VI

Manière d'apprendre au cheval à céder aux jambes et à l'éperon au moyen de la cravache.

Je commence invariablement ma leçon en faisant répéter les exercices exécutés dans les séances précédentes, mais tous les jours je l'augmente d'une petite demande nouvelle.

Dès que le cheval marche franchement en tous sens avec un peu de jeu dans la mâchoire, je dois lui enseigner l'obéissance à la jambe, puis à l'éperon. Ce travail doit se faire à pied et au moyen de la cravache.

Placé en face de mon cheval, je prends le filet de la main gauche1, tout près de la bouche, pour lui tenir la tête haute. Avec la cravache, que je tiens de la main droite, je touche très doucement, près des sangles, à

1. La boucle du filet doit en outre rester dans la main

gauche pendant tout le travail à pied. - -- 1 -.


l'endroit du flanc gauche où l'éperon doit agir, et en même temps je porte la tête à gauche1. Aussitôt le cheval doit porter ses hancbes de gauche à droite.

S'il fait un ou deux pas dans ce sens, il a obéi; je m 'arrête et je le caressa. Si, au contraire, il frappe ou rue contre la cravache, il faut le gronder d'une voix forte et lui porter la tête très haute, ce qui l'oblige à baisser la croupe.

Il importe au plus haut point que la caresse suive - IMMÉDIATEMENT la concession. De même pour la correction après la faute.

LA CARESSE DOIT SUIVRE LA CONCESSION D'AUSSI PRÈS QUE LA CORRECTION LA FAUTE : voilà le principe fondamental du dressage.

S 'il se jette sur la cravache, c'e^t-à-dire à gauche,

ce qui est le mouvement naturel des chevaux chatouil- - leux, — il faut porter énergiquement la tête à gauche pour rejeter les hanches à droite; mais ne pas corriger l 'animal, car il ne comprend pas encore et, ainsi que nous l'avons déjà dit, son mouvement est instinctif. Quand on lui a fait exécuter plusieurs fois ce travail, qui ne lui coûte ni fatigue ni efforts, il cède facilement et l exécute des deux côtés. Je recommande à

i. C'est ce qu'on appelle effets latéraux, parce que les deux effets, l'un sur l'avant-main et l'autre sur l'arrière-main, se produisent du même côté. Dans l'équitation diagonale, qui'est l'équitation rationnelle, conséquence du dressage, l'effet sur l'avant-main est toujours du côté opposé à l'effet sur l'arrière- main. C'est la seule manière d'assurer les mouvements d'ensemble.


l'écuyer de se contenter de deux ou trois pas. Il s'arrêtera et caressera le cheval chaque fois qu'il aura obéi. Il recommencera très souvent le travail.

Quand le cheval cède facilement des deux côtés à la cravache, il ne faut plus lui tourner la tête du côté opposé à celui vers lequel il doit porter ses hanches. Il faut la lui tenir très droite, pour qu'il obéisse à la seule indication de la cravache.

Ce travail à la cravache prépare le cheval à supporter et à comprendre l'effet de la jambe et de l'éperon. En même temps, il permet de bien placer la tête et constitue un exercice d'assouplissement bon en lui-même et indispensable avant d'en arriver aux flexions latérales1 dont nous nous occuperons tout à l'heure. -

i. Baucher faisait des flexions latérales avant d'apprendre au cheval à céder des hanches à la cravache. Cette manière de faire présente un très grave inconvénient. Quand on commence les flexions latérales, le mouvement instinctif du cheval est de porter les hanches du côté opposé à celui où on fléchit l'encolure. Si l'on n'a pas enseigné l'obéissance à la cravache, comment redressera-t-on les hanches?


VII -

Cheval monté. — Premières défenses. — Moyens de les combattre.

J'ai supposé, dans le chapitre précédent, que le - cheval consent à se porter en avant dès que je suis en selle et que je le lui demande. Mais cela n'arrive pas toujours. Il est donc nécessaire d'être prémuni contre les résistances possibles et même probables.

C'est ainsi qu'il faut constamment avoir les jambes très près, pour éviter d'être surpris par un mouvement violent, et surtout porterie corps bien en arrière; de façon à faire reposer tout son poids sur les fesses.

Placé dans cette position et se tenant sur ses gardes, on est prêt à tout événement.

Si le cheval cherche à bondir, c'est-à-dire à s'enlever des quatre membres, il faut le pousser en avant avec les jambes en lui tenant la tête haute.

Le bond n'est jamais très déplaçant lorsqu'il s2 produit en avant, la tête haute1. Mais, au contraire, le cavalier est facilement désarçonné quand le cheval

1. -En revanche, le bond sur place est ce qu'il y a de plus déplaçant. Si on n arrive pas a pousser le cheval en avant et que le bond sur place continue, il n'y a pas de cavalier qui tienne.-


bondit sur place en mettant la tête entre ses jambes et en arrondissant le dos; c'est ce qu'on appelle le saut de mouton. Dans ce cas, comme il est impossible au cavalier de porter le cheval en avant, il faut l'obliger à tourner, soit à droite, soit à gauche, au moyen du filet.

Chaque fois qu'il cherche à s'arrêter en baissant la tête, il faut le faire tourner de nouveau ; mais il n'est pas utile d'insister pour qu'il tourne plutôt d'un côté que de l'autre.

Tous les chevaux ont un côté facile et un côté difficile. Dans les débuts, si le cheval résiste lorsqu'on cherche à le faire tourner à droite, il faut essayer de l'obliger à tourner à gauche, et c'est tout ce que vous devez lui demander. L'essentiel est de l'empêcher de bondir sur place, ses bonds n'ayant pour but que de se débarrasser du cavalier.

Plus tard, quand le cheval sera plus avancé dans son dressage, ce serait évidemment une faute de le laisser tourner à droite si vous voulez qu'il tourne à gauche \ mais, ici, il ne faut voir que la défense, et je considère que l'on a fait un grand pas quand on a prouvé au cheval qu'il ne peut vous faire descendre de son dos. S'il y réussit une première fois, vous pouvez être certain qu'il se servira à chaque instant de la même défense.

Le danger d'exiger au début que le cheval tourne de tel côté qu'il vous plaît réside dans ce fait que vous vous exposez à provoquer une seconde défense qui


viendra s'ajouter à la première. En effet, quand vous voulez faire tourner le cheval à gauche, par exemple, vous êtes obligé de tirer fortement sur la rêne gauche, et vous pouvez ainsi, en rejetant trop le cheval sur l'arrière-main, provoquer la pointe ou la cabradel.

La pointe ou lançade est un saut en avant dans lequel l'avant-main se trouve placé beaucoup plus haut que la .croupe. Elle n'est pas dangereuse parce qu'elle est peu déplaçante, comme tous les mouvements en avant2. Les mouvements des reins et de la croupe, par contre, déplacent beaucoup. Il y a cabrade quand le cheval garde les pieds de derrière fixés au sol et se dresse debout. Cette défense, qui peut entraîner la chute du cheval, est des plus dangereuses.

Dans ma jeunesse, quand un cheval se cabrait, j'entourais son encolure de mes deux bras en portant ma

. On peut arriver à prévenir la cabrade ou la pointe par l'attaque vigoureuse :des éperons. Mais il faut pour cela saisir avec précision le moment fugitif où le cheval se retient et va se ramasser pour se porter sur l'arrière-main. A ce moment les éperons, s'ils sont énergiques, le poussent en avant, dans le désordre sans doute, mais qu'importe, puisqu'on a empêche l'arrière-main de se fixer au sol.

Si on laisse passer le moment que je viens d'indiquer, l'attaque est dangereuse parce qu'elle fait exagérer la cabrade ou la pointe.

2. Dans la pointe, le corps du cavalier doit se porter en avant, les jambes demeurant près, les mains basses rendant les rênes. (Voir planche XXXII.) Si les rênes, dans cette photogravure, sont légèrement tendues à droite, c'est que je cherchais le galop à droite sur trois jambes. On remarquera que la rêne du filet est complètement lâche à gauche.


tête à droite; celle du cheval se trouvait par conséquent contre mon épaule gauche. J'ai reconnu depuis l'inconvénient de cette position. D'abord, vous êtes trop en avant sur son encolure quand il retombe, de l'avant-main, sur le sol. Et comme, de plus, vous avez été obligé de rendre la main ou plus exactement d'allonger les rênes, le cheval est à peu près livré à lui- même et il peut à son gré, soit vous faire passer pardessus ses oreilles, en détachant une forte ruade, soit encore vous donner un coup de tête dans la figure ou dans la poitrine, s'il relève la tête trop brusquement.

Voici, d'après une très grande pratique, le meilleur moyen d'éviter les accidents qui peuvent résulter de la cabrade. Séparez les rênes et prenez à pleine main une poignée de crins, de la main gauche1, vers le milieu de l'encolure. Le cheval se mettant debout, fléchissez fortement le bras gauche tout en portant le corps en avant; lorsqu'il retombe à terre de l'avant- main, tendez au contraire ce bras vigoureusement en vous redressant. Nouvelle cabrade, nouvelle flexion du bras, le corps en avant. Nouvelle retombée, nouvelle tension du bras, le corps en arrière. Et ainsi de suite jusqu'à ce que le cheval cesse de se cabrer. Du moment où on ne cherche pas à porter le cheval en avant, on peut, par ce procédé, supporter indéfiniment la cabrade sans aucune difficulté. Si le cheval lance une ruade, votre bras raidi vous sert d'arc-boutant, et s'il

i. On doit toujours séparer les rênes dans la défense. __


fait un violent tête-à-queue, vous avez un point d'appui qui vous maintient en selle et vous évite de vous attacher aux rênes, cause générale des accidents.

Telle est, je crois, la meilleure position pour tenir en selle pendant les cabrades, ou plutôt la moins mauvaise, car la position du cavalier n'est jamais bonne en pareil cas.

J'ai d'ailleurs été sous ce rapport particulièrement favorise : j'ai monté un très grand nombre de ca- breurs, et jamais aucun d'eux ne s'est renversé.

Au surplus, je dois dire que je ne crois pas aux - chevaux qui se renversent volontairement. A mon sens, ils perdent simplement l'équilibre.

Voici généralement ce qui se passe : le- cheval, en se mettant debout brusquement, jette le corps du cavalier en arrière ; il suffit de ce déplacement pour renverser l'animal.

Le cheval debout est comparable à l'aiguille d'une balance en équilibre, et le moindre mouvement du corps du cavalier, soit en avant, soit en arrière, entraîne forcément le cheval dans un sens ou dans l'autre.

Aussi faut-il qu'il retombe en avant lorsque le cavalier, se penchant sur l'encolure, pèse de tout son poids sur ses épaules.

J'ai dit que je ne crois pas aux chevaux qui se renversent volontairement. J'entends que le cheval ne se renverse pas de parti pris, et n'use pas de ce moyen comme défense: l'instinct seul de la conservation suffit pour l'en empêcher. Mais je reconnais que les chevaux


immobiles ou pris de vertige se renversent très bien d'eux-mêmes, comme aussi parfois ils se jettent la tête contre le mur.

Nous n'avons pas à nous en occuper ici : ces animaux, atteints d'une maladie qui correspond à la folie chez l'homme, sont impropres à tout service.

J'ai cependant dressé et vu dresser, par d'autres écuyers, des chevaux soi-disant pris de vertige. Mais ce n'étaient que des animaux violents, prompts à la colère, dont le sang, à la moindre défense, injectait l'œil : en somme, ils n'avaient que l'apparence du vertige. De ceux-là on vient à bout, à la condition d'avoir toutes les qualités de l'écuyer et du bon cavalier, entre autres celle qui les complète toutes : de n'être pas poltron.

Quelques chevaux atteints seulement d'un certain degré d'immobilité peuvent aussi être dressés.

Gaulois, superbe cheval hanovrien, était réputé immobile; j'en ai fait un excellent cheval d'école que j'ai monté pendant plusieurs années. Il est vrai que Gaulois, comme beaucoup de chevaux réputés immobiles, n'avait de l'immobilité que dans la défense.

Une des choses qui me surprend le plus, c'est que, de tous les auteurs qui ont écrit sur l'équitation, bien peu ont parlé des luttes que l'on a toujours plus ou moins à soutenir avec les chevaux. A entendre beaucoup d'entre eux, l'écuyer serait sur un lit de roses, et pour peu qu'il applique leur méthode, l'obéissance du cheval est certaine.


Pourquoi ce silence ? Craignent-ils d'effrayer le lecteur, ou voudraient-ils faire croire que l'on n'a pas de luttes ? Je l'ignore ; mais, en tout cas, il me semble préférable de dire toute la vérité et de prévoir les éventualités qui peuvent se produire pendant le dressage, de telle sorte qu'on ne soit pas surpris quand l'animal ne se soumet pas immédiatement à toutes les exigences.

J'ai vu travailler un grand nombre de bons écuyers ; tous avaient des luttes à soutenir, Baucher plus que les autres, parce qu'il exigeait davantage.

Le véritable talent de l'écuyer consiste précisément à arriver, par les assouplissements et par une méthode rationnelle, à se rendre maître de son cheval, même et surtout dans la lutte; car, il ne faut pas l'oublier, le cheval lutte toujours, plus ou moins ouvertement, contre son cavalier, tant que son éducation n'est pas complète.

Mais on n'arrive pas à ce résultat sans avoir passé par des luttes plus ou moins violentes. Ceux qui n'ont pas l'expérience de ces conflits, de l'issue desquels dépend la soumission du cheval et par conséquent l'avenir du dressage, commencent par provoquer la défense, puis n'osent plus continuer l'attaque. Le cheval, dans ce cas, a bien vite fait dé comprendre qu'il est le maître. Il renouvellera, toutes les fois qu'il lui plaira, la défense qui lui a si bien servi et grâce à laquelle il est sûr d'avoir le dernier mot. Le dressage est irrémédiablement compromis.

__Ma pratique est tout autre. Aussitôt que le che


val entre en défense, j'attaque vigoureusement, mais rationnellement1. Il ne s'agit pas de chatouiller de l'éperon, ce serait perpétuer, aggraver la défense. L'attaque, au contraire, doit être à ce moment plutôt brutale, pour faire sentir immédiatement à l'animal que son énergie doit céder à une énergie supérieure. Il faut bien le dire, la difficulté, c'est d'avoir le courage d'attaquer avec vigueur. Très peu de gens s'y résolvent, et pourtant c'est là seulement qu'est la sécurité, car le cheval, étonné de la brutalité de l'attaque, se soumettrait, tandis que, légèrement chatouillé par l'éperon, il augmentera sa défense et aura vite raison du cavalier.

Il est bien clair que, pour être vigoureuse, l'attaque n'en doit pas moins être rationnelle autant que possible, c'est-à-dire faite de façon à contrarier la défense en y répondant par des oppositions 2. Mais, je le répète, ce qui importe par-dessus tout, c'est la vigueur, c'est l'énergie supérieure du cavalier. Quant à moi, une fois dans la lutte, il m'importe peu de faire de l'équitation latérale ou diagonale, il m'importe peu d'augmenter le désordre; mon grand point, c'est qu'il

i. Quand vous attaquez dans la défense, portez le corps en arrière et baissez les mains. Élever les mains, c'est-à-dire élever le centre de gravité, c'est amener la chute certaine.

2. Faire une opposition, c'est déterminer une action contraire à celle que veut faire le cheval. On y arrive simplement en combinant les aides de manière à opposer l'avant-main à l'arrière-main ou l'arrière-main à l'avant-main, c'est-à-dire à porter l'un d'un côté pour jeter l'autre à l'opposé.


faut que je sois le maître et que le cheval sente bien que toute défense est superflue. Pour arriver à ce résultat capital, quand un cheval se borne à indiquer, à esquisser une défense, je n'hésite pas à jeter le désordre, à provoquer la défense complète pour en avoir raison. C'est là le vrai secret du dressage pour obtenir la soumission absolue du cheval. Tant qu'un cheval ne s'est pas' défendu, son dressage n'est pas définitif, car il y a des luttes en perspective. Le but du dressage, c'est la destruction de la volonté chez l'animal. Aussi longtemps qu'un écuyer hésite à provoquerdes luttes qu'il sent prochaines, qu'il sait inévitables, il n'y a pas de dressage complet.

Il faut dire d'ailleurs d'une façon générale que le tact de l'écuyer doit consister, dans tout le cours du dressage, à sentir les défenses qui se préparent, à les prévoir et à y parer avant qu'elles ne se produisent.

Cela est d'autant plus nécessaire que les défenses proprement dites du cheval ne se produisent pas toujours sous forme de mouvements violents ou désordonnés. Il arrive constamment, au cours du dressage, que le cheval, pour refuser de faire ce qu'on lui demande, s'obstine à faire ce qu'on lui a enseigné auparavant. C'est l'histoire de toutes les leçons. Pendant tout le dressage, les défenses du cheval se produisent alternativement à droite ou à gauche ; et quand, à force d'insistance, on a obtenu l'assouplissement d'un côté, on est tout étonné de voir le cheval se servir, comme d'une défense, de ce qu'on vient de lui


apprendre avec tant de peine, et refuser de faire ce que, la veille, il faisait spontanément. Il faut, dans ce cas, recommencer le travail jusqu'à ce que l'obéissance soit égale des deux côtés. Tel cheval a-t-il de la difficulté à galoper à gauche, par exemple; aussitôt confirmé dans le galop à gauche, vous le verrez galoper à gauche à tout propos et refuser même de galoper à droite. Il faut alors recommencer pour le galop à droite tout le travail fait précédemment pour le galop à gauche, et alterner les deux galops en faisant répéter un plus grand nombre de fois celui pour lequel la difficulté est la plus grande. On continuera ainsi jusqu'à ce que l'obéissance soit parfaite des deux côtés.

Lorsqu'un cheval se défend toujours du même côté, on peut être sûr que c'est l'effet d'une souffrance ou d'un vice de conformation.

Plus tard, lorsque le dressage sera plus avancé, on verra le cheval se défendre du passage ou du piaffer avec le pas espagnol, par exemple. En tout cas, il essaiera toujours d'un travail moins énergique pour se soustraire à un travail qui demande plus de vigueur. Les ruses de l'animal sont infinies. A l'écuyer de les déjouer à force de tact, d'art et d'énergie.


VIII

Le pas,

Il est de toute nécessité que le cheval ait un bon pas allongé, régulier et franc. On ne l'obtient qu'en laissant une grande liberté à la tête et à l'encolure. Si le cheval est paresseux ou mou, il faut le pousser en serrant les jambes; s'il est chaud, impatient ou inquiet, il faut le caresser et le rassurer de la voix.

Arrêtez immédiatement tout trottinement ; il ne doit y avoir aucune confusion entre le pas et le petit trot : les deux allures sont absolument cftstinctes. Le trottinement, qui est assez fréquent, est très difficile à corriger lorsqu'il est devenu une habitude. Il détruit le pas allongé, et rien n'est plus énervant et fatigant pour le cavalier.

Lorsque le cheval est mis dans la main, au pas, son allure devient forcément plus courte. L'encolure s'élevant et la position de la tête se rapprochant de la verticale, il s'allonge moins et s'élève davantage. Il en est de même au trot et au galop. Le cheval rassemblé est plus beau, mais il embrasse moins de terrain.


IX

Arrêt et stationnement.

Il faut absolument pouvoir arrêter son cheval quand on veut. En général, l'arrêt doit s'effectuer progressivement et non brusquement. Mais il peut se produire, il se produit même souvent des cas où l'arrêt subit est indispensable, quelle que soit l'allure.

Le moyen est toujours le même' : élever le filet en tirant en arrière également des deux rênes, pour reporter le poids sur l'arrière-main; en même temps, exercer une pression énergique des deux jambes pour amener les jarrets sous le centre; enfin, recevoir le cheval sur le mors. C'est ce qui s'appelle arrêter le cheval entre les mains et les jambes.

Je ne peux pas dire que ces trois mouvements doivent être absolument simultanés. Ils sont assurément successifs, mais tellement rapprochés l'un de l autre que le temps qui les sépare est imperceptible. Ils se tiennent pour ainsi dire, et doivent être exécutés dans l'ordre que je viens d'indiquer. Si le mouvement des jambes, par exemple, précédait, si peu que ce soit, celui du filet, l'effet qui en résulterait serait le contraire de celui qu'on cherche, c'est- à-dire de porter le cheval en avant.


Ce procédé pour arrêter le cheval est le meilleur, le seul qu'on devrait employer. L'arrêt, en effet, se produit sans secousse; il n'est donc pas pénible pour le cavalier et ménage le cheval dans ses reins et dans ses jarrets. Il est moelleux, parce que les jarrets et les paturons plient. Le cheval pour s'arrêter agissant simultanément avec toutes les parties de son corps ne fait aucun effort partiel et conserve toute l'élasticité de ses reins, qui ploient et deviennent légèrement concaves. Si on arrêtait le cheval sans le secours des jambes et uniquement par la main, l'avant-main s'arc-bouterait pour résister à l'impulsion acquise et repousserait l'arrière-main par contre-coup en l'éloignant du centre. Dans ce cas, les reins se raidissent et deviennent convexes. La secousse qui en résulte est pénible pour le cavalier; elle est même souvent dangereuse à cause de sa violence. Enfin elle est très mauvaise pour le cheval qu'elle fait souffrir dans sa bouche, dans ses épaules, dans ses reins et dans ses boulets.

Un arrêt, si subit qu'il soit, doit être moelleux; s'il ne l'est pas, c'est qu'il a été mal exécuté.

L'arrêt doit être effectué par les mêmes procédés à toutes les allures. Il est bien entendu que plus les allures sont vives, plus il est difficile, et plus le cavalier doit porter le haut du corps en arrière.

Le cheval doit non seulement s'arrêter aussi subitement qu'on le désire, mais encore rester immobile et stationner aussi longtemps qu'on le veut, q-uel que


soit le lieu. Ce stationnement est assez difficile à obtenir du cheval impatient, nerveux, impressionnable. Il faut le calmer, le rassurer pour l'accoutumer peu à peu à n'être pas influencé par ce qui se passe autour de lui.

D'abord on commence dans le manège, quand on est seul; on le caresse, on lui parle. Chaque fois qu'il veut avancer ou se jeter de travers, on le remet en place sans lui permettre jamais un seul pas, un seul mouvement dans n'importe quel sens. Si on lui permettait de se porter d'un côté ou d'un autre, si peu que ce soit, il n'y aurait pas de raison pour que ce premier mouvement ne fût suivi d'un second, et ainsi de suite. Je le répète, c'est en le caressant de la main et en le calmant de la voix qu'on le rassure et qu'on l'accoutume à rester en place.

Tant qu'il est seul, dans un endroit clos, le cheval s'y prête assez volontiers. Pour l'habituer à conserver même immobilité dans la rue, on fait entrer et circuler d'autres chevaux dans le manège. Lorsqu'on est arrivé à le faire stationner dans ces dernières conditions, on renouvelle l'exercice au dehors, en choisissant d'abord un endroit isolé, puis en se rapprochant peu à peu des endroits plus fréquentés. Nous avons déjà dit que pour le cheval tout est habitude; il ne s'agit donc que de lui donner l'habitude de stationner au milieu du bruit et du mouvement de la rue, et de lui faire comprendre que cette immobilité lui vaut des caresses.


En résumé, c'est par une grande douceur, par la patience et un acheminement gradué qu'on amène finalement le cheval à stationner aussi longtemps qu'on le désire et quel que soit lie lieu.

X

Changements de direction.

Au début, tout changement de direction doit être enseigné au pas.

Pour tourner à droite, il faut écarter la main droite, en tirant légèrement la rêne du filet^ droite et non vers soi, car on arrêterait le cheval.

On remarquera qu'il se produit un ralentissement lorsqu'on tourne. C'est qu'en tournant, on restreint la liberté de celle des deux épaules qui entame le nlOUvement, en sorte que la jambe droite du cheval, si on tourne à droite, ne parcourt que la moitié environ de la longueur d'un pas ordinaire.

C'est ce temps d'arrêt qui force la croupe à dévier, puisque, malgré l'impulsion acquise, elle ne peut avancer. Mais si, au moment où l'animal cède de la tête et de l'encolure sous l'action de la rêne droite, vous rendez la main en soutenant les jambes, vous forcez la jambe à s'allonger comme pour un pas ordinaire, et vous évitez par conséquent le temps


d'arrêt, en obligeant la croupe à suivre les épaules.

Ainsi, le cavalier redressera la croupe lorsqu'elle déviera pendant les mouvements tournants, et cela lui est facile, puisqu'il sent de quel côté les hanches dévient, et sait, par suite, avec quelle jambe il faut agir de préférence. Mais dire d'avance, et alors qu'on ignore de quel côté se produira la déviation de la croupe, de quelle jambe il faut user, c'est courir grand risque de se tromper.

On a beaucoup et longuement discuté la question de savoir si, en tournant, on doit de préférence augmenter l'action de la jambe du dedans ou de celle du dehors. L'ancienne école recommande l'action de la jambe du dedans, prétendant aider ainsi le mouvement tournant. Baucher soutient, au contraire, qu'il faut agir de la jambe du dehors pour empêcher les hanches de se jeter en dehors.

C'est la pratique de Baucher qui a prévalu. En effet, le raisonnement des anciens était faux. On disait : pour tourner à droite, portez les épaules du cheval à droite en faisant rêne droite, et poussez les hanches à gauche avec la jambe droite. C'était l'équitation latérale dans toute sa beauté. Mais on n'avait pas réfléchi que ce n'est pas des épaules seulement qu'il s'agit de changer la direction, mais de tout le cheval, qui doit demeurer droit.

Si le problème est ainsi posé, la solution en est simple : il faut exercer une égale pression des deux jambes; puis, si le cheval jette les hanches de côté, le


Planche XII



soutenir du côté où la croupe dévie pour le forcer à rester droit. L'arrière-main doit suivre le tracé formé par l'avant-main et n'en pas dévier. Le cheval doit toujours garder les hanches dans l'axe des épaules. C'est au cavalier qu'il appartient de se rendre compte s'il convient d'exercer une pression plus ou moins vigoureuse de l'une ou l'autre jambe, selon que le cheval se jette d'un côté ou de l'autre.

Règle générale : lorsqu'on tourne à droite, l'ar- rière-main est plutôt disposé à dévier à gauche, de même qu'il se jette généralement à droite quand on tourne à gauche. On doit donc, sauf exception, soutenir un peu plus la jambe qui est du côté opposé à celui vers lequel on tourne.

Toutefois, dans les mouvements tournants, Inaction %

de la jambe, qui a pour but d'empêcher la déviation de la croupe, ne doit jamais précéder celle de la main, mais, au contraire, la suivre immédiatement.

Autrement, on ferait d'abord dévier la croupe en dedans, ce qui mettrait obstacle au mouvement de la tête d'abord, de l'encolure et des épaules ensuite. En outre, l'arc-boutant, formé par la croupe et les épaules, déciderait le cheval à résister à l'action de la rêne.

Enfin, il n'est pas rare de rencontrer des chevaux qui, soit naturellement, soit par habitude, marchent de travers. Dans ce cas, ils jettent les hanches toujours du même côté. Si, par exemple, ils les jettent à droite, c'est-à-dire en dedans, quand vous tournez à droite, vous êtes forcé d'agir plus vigoureusement de la jambe


droite, c'est-à-dire de la jambe du dedans. Mais si le même cheval, en tournant à gauche, continue de jeter ses hanches à droite, c'est encore la jambe droite qui agit, c'est-à-dire la jambe du dehors. On voit donc qu'avec le même cheval, on peut être obligé d'employer tantôt la jambe du dedans, tantôt celle du dehors.

Pour amener le cheval à faire facilement les changements de direction et pour lui donner la mobilité désirable, on lui fait exécuter dans le manège différents exercices, tels que doublers, voltes, demi-voltes et changements de main.

Le doubler est une ligne droite que l'on parcourt, soit dans la largeur, soit dans la longueur dù manège, en partant d'un point quelconque du mur. Arrivé au mur opposé, on tourne et on continue à marcher toujours sur la même main (pl. XII, fig. i).

La volte est un cercle que l'on décrit sur un point quelconque. Mais, pour débuter, il vaut mieux la prendre en partant du commencement de l'un des grands côtés du manège. Le cheval, ayant toujours tendance à agrandir le cercle, se trouve plus vite encadré par l'angle des deux murs qui lui font face (pl. XII, fig. 2).

La demi-volte s'exécute au milieu de l'un des petits côtés. Comme elle se termine sur deux pistes, il ne faut la demander au cheval qu'après lui avoir enseigné le travail des deux pistes, que nous expliquons plus loin (pl. XIII, fig. 1). --


Plancher



Quelle que soit l'allure de la demi-volte, les épaules doivent partir les premières et arriver les premières au mur, c'est-à-dire que le cheval doit toujours rester dans la ligne oblique. La demi-volte est le plus souvent exécutée d'une manière très incorrecte. Rien n'est plus rare qu'une demi-volte bien faite.

Il arrive souvent que le cavalier se sert trop de la jambe du dehors dans les changements de direction ou que le cheval, de lui-même, jette trop ses hanches en dedans, ou simplement se routine. Pour y remédier il faut partir, comme pour une demi-volte, à l'endroit habituel, mais continuer en doubler en ayant bien soin de maintenir le cheval très droit. Si cela ne suffit pas, il faut le tromper dans la demi-volte : c'est ce que j'appelle la contre-demi-volte (pl. XIII.-fig. i. B.).

Vous partez comme pour une demi-volte à droite par exemple, mais, arrivé au milieu du manège, vous finissez la demi-volte à gauche sur deux pistes. Le cheval, qui s'attendait à jeter ses hanches à droite, est obligé de les jeter à gauche sous l'action vigoureuse de la jambe droite, qui d'abord était la jambe du dedans et qui, dans cette manœuvre, se trouve la jambe du dehors. Aucun exercice n'est meilleur pour tenir le cheval toujours droit et toujours attentif, car en alternant les demi-voltes et les contre demi-voltes il n'y a plus de routine possible.

Il y a trois changements de main. Le plus simple, ou changement de main en diagonale, consiste à parcourir la grande diagonale du manège en quittant


le mur au commencement de l'un des grands côtés (pl. XII, ng. 3) ».

Pour exécuter le second, ou changement de main renversé, on part, comme dans le précédent mouvement, de l'un des angles du manège, toujours en commençant par l'un des grands côtés ; mais, arrivé au centre, on retourne par un demi-cercle au mur du grand côté qu'on avait quitté, et qu'on prend, bien entendu, à main gauche si on l'avait à main droite, et vice versa (pl. XIII, fig. 2).

Le contre-changement de main est le plus compliqué. On part en entrant dans la grande ligne sur deux pistes, et, arrivé au centre du manège, on revient toujours sur deux pistes à l'autre extrémité du grand côté d'où on est parti. Au galop, ce mouvement nécessite deux changements de pied : le premier au milieu du manège, le second au mur. Si le cavalier est à main droite, comme dans la figure 3 de la planche XIII, il commence par le galop à droite. Arrivé au centre du manège, il change de pied et galope à gauche jusqu'au mur, où il se remet sur le pied droit. On remarquera que, dans le contre-changement de main, il n'y a pas de changement de main.

On décrit également des cercles et des huit au milieu du manège. C'est le meilleur travail pour assouplir toutes les parties du cheval, et c'est aussi le moyen

i. Si, en effet, l'on partait en diagonale à la fin d'un des grands côtés, on traverserait le manège d'un angle à l'autre sans avoir changé de main.


le plus sûr d'obliger l'écuyer à se servir de ses deux jambes à propos.

On n'apprend pas à tenir son cheval toujours droit en longeant continuellement les murs, puisque la croupe ne peut dévier que d'un côté. Aussi je travaille souvent mes chevaux en les tenant à un mètre, et, dans un grand manège, à deux mètres du mur.

Observons en outre que, tout le temps du dressage, le cheval cherche à rester le moins droit possible. Il sent très bien que, s'il peut porter ses hanches de travers, il échappera au rassembler, qui consiste au contraire à pousser l'arrière-main sous le centre dans l'axe du cheval.

Le travail du huit de chiffre, aux trois allures, à un mètre du mur, est ce qui convient le miteux pour assouplir le cheval. Mais pour cela il faut l'exécuter avec la plus grande correction. Légère flexion de l'encolure en dedans; jambe du dehors énergique, mais jambe du dedans appuyée. En préparant le cheval au pas à changer facilement de diagonale, on le prépare ainsi aux départs au galop et aux changements de pied. En arrivant au centre, on fait deux ou trois pas de côté et l'on part dans la position commandée par la nouvelle diagonale. Il faut avoir bien soin de maintenir son cheval droit, surtout au galop, car dans ce travail, qui est fin, le cheval a toujours tendance à jeter ses hanches en dedans pour fuir l'éperon du dehors qui a servi à le dresser et qu'il prévoit. D'où la nécessité, comme je l'ai recommandé, d'opposer la


jambe du dedans. Du reste, on n'a jamais d'impulsion qu'à la condition d'enfermer le cheval entre les deux jambes.

XI

Flexions latérales.

Je n'ai exécuté jusqu'ici les changements de direction que. d'une manière rudimentaire. De même que ma première leçon est de pousser mon cheval en avant, de même pour les changements de direction je ne lui demande d'abord rien que de tourner et de suivre la ligne où je le mets. En toutes choses je procède du simple au composé.- Quand le cheval obéit sans résistance et dès la première indication à tous les changements de direction que je sollicite, un nouveau problème se pose. Il s'agit de déplacer le cheval d'ensemble en le maintenant toujours dans l'équilibre et dans la légèreté. La flexion latérale est la préparation au mouvement ainsi exécuté.

Pour faire la flexion latérale à droite1, par exemple,. on se place à l'épaule gauche du cheval et on prend les rênes du filet dans la main gauche et les rênes du

- i. On remarquera qu'ici je reprends le travail à pied. Je pratique toujours dans la même leçon le travail à pied et le travail monté. - , -


Planche XIV



mors dans la main droite, absolument de la même manière que pour la flexion directe. On place la tête et l'encolure dans la même position que dans la flexion directe. On fait la flexion directe. Lorsque la mâchoire est décontractée et la flexion complète, on pousse légèrement la tête du cheval à droite par de petites pesées de la main gauche sur le filet tenu haut et tendu d'arrière en avant, pour empêcher à la fois l'affaissement et l'acculement 1.

En même temps la main droite tire légèrement les rênes du mors en arrière en se portant à droite de manière à tendre principalement la rêne droite2 jusqu'à ce que la flexion latérale de l'encolure à la nuque étant complète, les deux rênes du mors agissent également pour donner et maintenir le jeu de laelmâchoire qui doit être le même que dans la flexion directe.

Au début, il faut se contenter d'un semblant d'obéissance. Pourvu que le cheval tourne très peu

i. Voir planche XIV, position des mains. Fig. i, préparation à la flexion latérale, mâchoire contractée ; fig. 2, flexion latérale, mâchoire déconcertée, mors libre.

2. La rêne gauche du mors demeure cependant légèrement tendue. Si la rêne droite agissait seule, elle entraînerait le nez, et la tête ne serait plus dans la verticale.

On remarquera que je donne ici la première leçon d'obéissance à deux impulsions simultanées dans les changements de direction. Jusqu'ici, j'avais fait simplement rêne droite pour tourner à droite. Je commence maintenant à apprendre au cheval à obéir à deux impulsions simultanées agissant dans le même sens, la rêne gauche du filet qui pousse et la rêne droite du mors qui tire, toutes deux de gauche à droite.

3. Voir planche XIV, fig. 1 et 2.


la tête à droite en ouvrant la mâchoire, c'est tout ce que l'on peut exiger. Il faut recommencer très souvent ce travail et tâcher de progresser en insistant chaque fois un peu plus sur ces exercices d'assouplissement. On finira sûrement par obtenir la flexion complète en n'employant jamais la force et en se contentant d'un tout petit progrès à chaque leçon.

En équitation, c'est en demandant peu à chaque fois qu'on finit par obtenir beaucoup. De la patience, donc, et pas de brusquerie. Autrement, au lieu d'arriver plus vite, on obtiendrait un résultat diamétralement opposé.

Quand la flexion latérale est complètement obtenue, la position est la même que dans la flexion directe, sauf que l'encolure, tout en demeurant fléchie à la nuque, d'avant en arrière, est en outre fléchie de côté, de gauche à droite, par exemple (toujours à la nuque), de manière que le plan de la tête soit perpendiculaire au plan de la tête dans la flexion directe, et se présente de face du côté où a lieu la flexion. L'encolure demeure naturellement haute comme dans la flexion directe, le nez arrivant à la hauteur de la partie supérieure de l'épaule, et la tête demeurant dans la perpendiculaire, ou plutôt un peu au delà1 (pl. XV, fig. 2).

1. Il faut prendre garde, en faisant la flexion latérale, de ne pas changer l'équilibre. Le cheval, en effet, a une tendance naturelle, pour contre-balancer l'effet de la flexion, à faire une opposition de l'épaule du côté opposé au pli, et à reporter tout le -


Planche XV



Ainsi que nous l'avons vu par la flexion droite, on fait généralement cette flexion d'une manière tout à fait différente. Il n 'y a qu une manière de se rendre compte de ce que doit être la flexion latérale, c'est de rechercher quel résultat on se propose d'obtenir en la faisant.

LA FLEXION LATÉRALE A POUR BUT :

1° De maintenir pal' la hauteur de l'encolure l équilibré de la flexion directe dans les changements de direction.

2° D'affermir et de lier tout tavant-main dans les poids de l'avant-main sur la jambe gauche, si yi le fléchit à droite. Cela est inévitable aussi longtemps que la mâchoire résiste; mais, aussitôt qu'elle cède, sa flexion, entraînant celle de l'encolure, amène l'égale répartition du poids sur les deux jambes. Si on laissait prendre au cheval l'habitude de se braquer de l épaule du côté opposé à la flexion, l'équilibre serait détruit et, avec lui, la légèreté. Dans les changements de direction, comme dans les deux pistes, l'épaule du côté opposé à la flexion serait toujours en retard. Dans ces mouvements, la grande difficulté est précisément de faire marcher cette épaule : voilà pourquoi il faut toujours chercher à la soulager, en ne faisant qu'un très léger pli, tandis que la rêne de filet du côté opposé à la conversion reporte le poids sur l'épaule du dedans qui a moins de chemin à parcourir, en jetant la masse, à chaque foulée, du côté où l 'on marche. C'est ce qui permet d'obtenir une très grande impulsion dans le travail des deux pistes. Une flexion trop complète arrêterait cette impulsion en surchargeant l 'épaule du dehors. On s'étonne toujours, au premier abord, d'apprendre que la flexion à droite surcharge l'épaule gauche. C'est pourtant le résultat naturel de l'effort du cheval pour contre-balancer l'effort qu'on lui demande.


changements de direction, en disposant toutes les parties de manière à en faire un ensemble à la fois compact et souple aussi correct dans les mouvements tournants que dans les mouvements directs.

Dans les changements de direction, ce sont naturel- .. lement les épaules qui entament le terrain, pendant que l'arrière-main donne l'impulsion. Or le cavalier est sans action directe sur les épaules. Il n'agit que sur la bouche, par la bouche sur l'encolure, et par l'encolure sur les épaules. La flexion latérale, en affermissant, en liant toutes ces parties entre elles, les met dans une dépendance réciproque, qui permet au cavalier d'agir d'ensemble sur tout l'avant-main. Sans la flexion nous retrouvons, comme j'ai dit plus haut, la canne à pêche tenue par le petit bout, c'est-à-dire la tête lourde, — parce qu'elle est loin du centre de gravité, — au bout de l'encolure mobile. L'action des rênes, au lieu de diriger la masse, se borne alors à déplacer la tête vers l'avant-main, qui demeure fixé d'autant plus solidement au sol que le cheval est sur les épaules.

3° De maintenir, par la flexion de la mâchoire, la légèreté dans les changements de direction.

Dans tous les mouvements, c'est l'impulsioll qui fait dit cheval un seul tout, c'est l'arrière-main qui, en s'engageant sous le centre, se relie à l'avatit-inaiii 1.

i. Beaucoup d'auteurs parlent de lier l'avant-main à l'arrière-main. C'est une absurdité, c'est l'arrière-main qui se jette sur l'avant-main dans l'impulsion. Aux aides de maintenïr l'en-


Planche XVI



Si toute cette impulsion vient aboutir aux barres de la mâchoire fléchie 1 et mobile, liée à tout l'avant-main de manière que la flexibilité2 du bras de levier aille toujours croissant des épaules à la mâchoire, les mains renverront, avec une extrême légèreté 3, aux jambes une partie de l'impulsion qu'elles ont reçue d'elles, et cela aussi bien dans les changements de direction que dans les mouvements directs. Ainsi on fera de toute la masse du cheval un ensemble à la fois énergique et harmonieux, par le bon équilibre des leviers et par l'utilisation bien réglée des forces dans les changements de direction. Ainsi on fera la légèreté, ainsi on continuera d'avoir le cheval dans la main dans tous les changements de direction.

Telle est, pour moi, la flexion latérale et tel est son but. On voit que je suis en mesure, comme pour la flexion directe, de justifier de tous points ma pratique.

Malheureusement, la plupart de ceux qui font des flexions les font au hasard et sans chercher à connaître,

semble dans la bonne position, en contenant ou en réglant la force qui vient de la détente des jarrets.

i. Quand la mâchoire ne cède pas, rien ne cède, le cheval se déplace tout d'une pièce dans les changements de direction : il tourne comme un bateau.

2. Dans la flexion latérale, il n'y a vraiment flexion latérale que par le pli à la nuque. La mâchoire se fléchit exactement comme dans la flexion directe.

3. Dans la flexion latérale, comme dans la flexion directe, il s'agit de disposer les leviers de manière à obtenir par l'effort moindre l'action maximum.


avec précision, le résultat qu'ils doivent se proposer d'obtenir.

Il faut dire que Baucher ne s'est pas mieux rendu compte du mécanisme de la flexion latérale que de la flexion directe. Ou plutôt il a naturellement commis la même faute dans la flexion latérale que dans la flexion- directe, puisque celle-ci est la préparation à celle-là.

Cette flexion vicieuse, adoptée par ceux qui. l'ont suivi, se fait au garrot au lieu de se faire à la nuque. Là encore, comme dans, la flexion directe, nous trouvons l'écueil de l'affaissement de l'encolure qui transforme un exercice utile en un travail nuisible. L'encolure est basse, le pli de l'encolure est au garrot, au lieu d'être à la nuque, et la tête du cheval se présente de profil, au lieu de se présenter de face.

La comparaison des figures i (flexion vicieuse) et 2 (flexion correcte) de la planche XV permet de saisir du premier coup d'oeil les avantages de la flexion latérale telle que je l'ai décrite, et les inconvénients de la flexion qui est communément pratiquée.

Je n'ai qu'à renvoyer, pour compléter cette critique, à tout ce que j'ai dit de la mauvaise flexion directe et de tous ses inconvénients.

Comment peut-on s'étonner qu'on ait reproché aux flexions d'amollir l'encolure, c'est-à-dire de la rendre mobile indépendamment du reste du corps ? C'est en effet précisément le résultat de la flexion latérale .au garrot, tandis que la flexion latérale à la nuque a-ffer--


Planche XVI[



mit, au contraire, l'encolure et lie tout l'avant-main de manière à le déplacer d'ensemble, résultat indispensable, comme je l'ai expliqué, puisque le cavalier n'a pas d'action directe sur les épaules. La tête basse, isolée du corps par une encolure mobile, qui cède seule sans entraîner les épaules, et permet au cheval d'opposer à tout mouvement de l'encolure un mouvement en sens contraire des épaules, d'où l'impossibilité de diriger l'avant-main: voilà le résultat de la flexion latérale au garrot et de l'affaissement de l'encolure qui s'ensuit.

Contrairement à la flexion directe, que je ne pratique (à pied ou monté) que dans l'impulsion en avant, la flexion latérale, au début, se fait, à pied, dans le stationnement, en raison de la difficulté*de mettre l'arrière-main en mouvement. Dans le travail monté, je ne pratique jamais la flexion latérale que dans l'impulsion en avant. J'ai pour principe absolu, une fois monté, de ne jamais rien demander à mes chevaux que dans l'impulsion en avant. C'est par cette raison que j'ai pu toujours éviter d'acculer mes chevaux d'école, ce qui est l'écueil ordinaire du travail dit de haute équitation1.

i. J'ai déjà dit que la hauteur de l'encolure ne peut s'obtenir que par l'impulsion, et que si je place très haut l'encolure de mes chevaux, c'est que, dans tout le travail, je. les pousse énergiquement en avant. En effet, plus l'impulsion est grande, plus l'arrière-main s'engage sous le centre, et plus l'avant-main se trouve relevé.


Dans le travail monté, la flexion latérale se fait par le même mécanisme que dans le travail à pied. Pour fléchir l'encolure à droite, les deux mains font un effet à droite, la rêne gauche du filet tendue et portée à droite maintient la tête haute et, en s'appliquant sur le haut de l'encolure, pousse la tête de gauche à droite, tandis que la rêne droite du mors, légèrement tendue, décide ce dernier mouvement et décontracte la mâchoire (planche XVI, fig. i).

Comme la première préoccupation du cavalier doit être de tenir le cheval droit, il faut, en même temps qu'on agit des deux jambes pour avoir l'impulsion, soutenir davantage la jambe du côté opposé au pli de l'encolure.

Quand les jambes agissent simultanément, elles sont agents d'impulsion; quand l'une prédomine sur l'autre, elle devient agent de direction. Jamais une jambe ne doit agir isolément : les deux jambes simultanées, c'est l'impulsion; la prédominance de l'une d'elles, c'est la direction. Enfin, la main étant beaucoup plus puissante, pour diriger, que la jambe, il faut que la main soit extrêmement légère.

Dans la flexion latérale, monté, l'erreur fondamentale de la flexion de Baucher se retrouve naturellement au même degré que dans la flexion à pied. Comparez la figure 2 de la planche XVI que j'emprunte à Bau- cher, avec la figure 1 représentant la flexion correcte.

La planche XVII, empruntée, en ce qui concerne -la position du cheval, à un ouvrage récent montre clai-


rement que ceux qui prétendent pratiquer aujourd'hui la flexion latérale n'ont la notion ni de son mécanisme ni de son but.

La flexion latérale —à pied ou monté — telle que je l'ai décrite est un exercice d'assouplissement. Ce travail a une importance capitale. De la mise en main et des flexions dépendent absolument l'équilibre, la légèreté, la mobilité; et tant que je n'y ai pas accoutumé le cheval, il m'est impossible de pousser plus loin. Il importe donc au plus haut point de faire la flexion latérale complète, pour obtenir l'extrême concession du cheval.

Mais, lorsqu'on pratique la flexion latérale dans le travail ultérieur (changements de direction, deux pistes, etc.), on devra se contenter d'une très légère flexion latérale de l'encolure 1 qui, d'ailleurs, doit tou- jours, ainsi que la tête, demeurer bien placée. On comprend en effet qu'une flexion trop accentuée arrêterait l'impulsion en rejetant tout le poids sur l'épaule du dehors.

L'exercice d'assouplissement, que nous désignons sous le nom de flexion latérale, n'en est pas moins nécessaire, en ce sens qu'il consiste à demander le plus pour avoir le moins. Mais il faut savoir que, dans le travail qui suivra, il suffit d'obtenir un léger pli de l'encolure, à condition que la tête et l'encolure soient

i. Aussi longtemps que la mâchoire joue, on a la légèreté, et la moindre indication suffit pour les changements de direction.

*


toujours bien placées et surtout que la mâchoire 'soit décontractée.

XII

Rotations de la croupe et des épaules.

Lorsque j'ai obtenu successivement : 1° que mon cheval cède facilement à la cravache ; 2° qu'il exécute avec non moins de facilité les flexions latérales, il s'agit maintenant pour moi de réunir ces deux mouvements en un seul.

Je lui ai appris tout d'abord à céder à la cravache de gauche à droite, en l'aidant avec la rêne gauche du filet qui tire la tête à gauche pour porter la croupe à droite. C'est ce qu'on appelle les effets latéraux (planche XVIII, fig. i), parce que les deux effets se produisent du même côté (rêne droite, cravache à droite). Ce premier fait acquis, j'obtiens peu à peu que le cheval cède en lui tenant la tête droite (planche XVIII, fig. 2). C'est ce qu'on appelle les effets directs. Maintenant, il faut qu'il cède, en passant par la même progression, aux effets diagonaux, c'est-à-dire cravache à gauche et flexion à droite (planche XIX) 1.

1. J'ai expliqué plus haut que l'équitation latérale n'était que la préparation à l'équitation diagonale qui est la seule rationnelle et permet seule d'obtenir des effets d 'ensemble. Tout le monde comprend que l'action du cavalier doit s exercer en dia..- gonale, par la simple raison que les actions du cheval se produisent en diagonale.


PlancheXVIII



Pour cela, sans faire usage du filet, dont je continue de tenir l'extrémité dans la main gauche t, je saisis de la main gauche la rêne gauche du mors tout près de la bouche, pendant que la main droite à hauteur du poitrail tient à la fois la cravache et la rêne droite qui fait poulie au garrot (planche XIX). Le cheval fait alors la flexion directe. Je cherche alors le commencement de la flexion latérale droite en relevant la tête par de petits coups de bas en haut sur le mors et en poussant la tête adroite, en même temps que je fais céder la croupe à la cravache de gauche à droite. Enfin j'augmente tous ces effets jusqu'à ce que la concession de l'encolure et de la mâchoire ainsi que de la croupe soit complète.

Je parviens ainsi à faire pivoter le cheval pendant qu'il exécute la flexion latérale complète.

Je me sers à dessein du mot I¥voter qui ne rend qu'incomplètement ma pensée, mais qui définit la façon dont Baucher faisait exécuter la rotation. En effet, selon sa méthode, dans la rotation de croupe, l'avant-main reste immobile et sert de pivot. Je trouve que c'est une faute. Pendant la période du dressage, aucune des parties du cheval ne doit être immobilisée, parce que l'immobilité dégénère souvent en moyen de

1. Pour permettre de mieux saisir l'action des rênes, j'ai supprimé le filet dans la figure de la planche XIX.

Je rappelle que la manière de tenir l'extrémité du filet, c'est d'avoir la boucle du filet dans le creux de la main. (Voiries deux figures de la planche XVIII.)


défense. Ce n'est donc pas un pivotement absolu que je demande; c'est un cercle très restreint décrit par l'avant-main autour du centre, l'arrière-main décrivant la circonférence.

Il est bien entendu que je ne passe pas brusquement des effets latéraux aux effets directs et des effets directs aux effets diagonaux. Je vais au contraire des uns aux autres insensiblement, afin que le cheval sache bien ce que je lui demande, n'éprouve aucune surprise et ne fasse pas de confusion. L'emploi des effets latéraux a été un acheminement vers l'exécution du mouvement par des effets directs. De même, les effets directs ne sont qu'un acheminement à l'exécution du mouvement par les effets diagonaux.

Ce travail n'aurait pas d'utilité si son seul but était d'obliger le cheval à céder à la cravache. Sa grande importance est de préparer le cheval sans l'effrayer à obéir aux jambes d'abord, ensuite et par degrés aux éperons.

Arrivons maintenant au travail monté, que je vais exécuter en passant de nouveau, comme dans le travail à pied, et par la même progression, des effets latéraux aux effets directs et des effets directs aux effets diagonaux.

Si, étant arrêté au milieu du manège, je veux obtenir la rotation de croupe, ou pirouette renversée, de gauche à droite, j'approche mon talon gauche. Le cheval neuf ne sait pas ce que je veux lui demander, aussi son premier mouvement est-il de s'appuyer sur


Planche XIX



ma jambe. C'est à ce moment que je recueille le bénéfice du travail précédent. Avec ma cravache, je touche faiblement à gauche, aussi près que possible de mon talon, et j'évite surtout de toucher trop en arrière, car cela amènerait presque inévitablement un coup de pied ou une ruade ; en même temps je me sers du filet gauche pour jeter la croupe à droite. J'affirme qu'aucun cheval ne se défend si on procède bien doucement.

Selon le degré de la résistance qui est fréquente au début, je me sers plus ou moins de la rêne gauche du filet. Je tire un peu plus la tête à gauche, tout en continuant de toucher avec le talon et la cravache si la résistance est grande. Ces trois forces agissant du même côté, le cheval est forcé de céder.

Au premier pas qu'il fait sur sa droite, je l'arrête et je le caresse, puis je le laisse faire librement un tour de manège pour lui permettre de se rendre compte de ce qu'il vient de faire. Je recommande ce dernier point d'une façon toute particulière. On doit toujours laisser le cheval libre et tranquille après qu'il a obéi. C'est d'abord une récompense, et il ne faut pas craindre de les prodiguer. La cessation du travail et les caresses : voilà la seule manière de lui faire comprendre qu'il a bien fait. On est trop souvent obligé, pendant le dressage, d'avoir recours aux corrections, pour ne pas saisir avec empressement l'occasion de caresser que vous offre le moindre signe d'obéissance. Plus on caresse,


moins on est forcé de recourir aux corrections1.

Enfin, comme je l'ai dit, en laissant le cheval marcher en liberté pendant quelques instants, vous lui donnez le temps de comprendre le mouvement qu'il vient d'exécuter et les effets qui l'y ont détermine. En apparence, le cheval ne cède que physiquement; en réalité, c'est à son intelligence, ou, pour parler plus exactement, à sa mémoire, que nous nous adressons. C'est donc sa mémoire qu'il faut frapper, et d'est pour cela que je lui laisse le temps nécessaire pour que le fait se fixe dans son souvenir.

Le cheval ayant fait librement le tour du manège, je recommence vingt ou trente fois le même exercice, sans changer de côté, jusqu'à ce qu'il obéisse dès que j'approche seulement mon talon. Puis je le soumets au même travail avec la jambe droite.

Quand le cheval cède alternativement et indistinctement aux deux jambes, je mets des garde-crotte, pour l'habituer à supporter quelque chose de plus sérieux que le talon. Puis, chaque jour, j'augmente l'effet de jambe en diminuant celui de la cravache, que graduellement je finis par supprimer complètement2. Plus tard, j'arrive à l'éperon.

i. Le grand art est de caresser ou de punir à propos. Pour cela, il faut saisir instantanément le moment de la concession ou de la défense. C'est le cas de rappeler le principe fondamental du dressage : LA CARESSE DOIT SUIVRE LA CONCESSION D'AUSSI PRÈS QUE LA CORRECTION LA FAUTE.

2. J'ai dit plus haut que, monte, j abandonnais la cravache. Je ne la reprends que pour exiger du cheval l'obéissance à la.


Je ne me suis, d'ailleurs, servi de la cravache que pour aider la mémoire du cheval et l'amener à obéir à l'éperon sans l'effrayer. Car, ne l'oublions pas, l'effet que produit la piqûre de l'éperon, au début, sur un cheval neuf, est exactement celui d'une piqûre de mouche. Or que fait le cheval quand il se sent piqué au flanc par une mouche ? D'abord il cherche à la chasser avec sa queue. S'il n'y parvient pas, il frappe avec la jambe de derrière du côté où il se sent piqué. Si la mouche ne s'envole pas, il cherche alors un obstacle quelconque, un mur, un arbre sur lequel il s'appuie, se couche pour écraser l'insecte, auteur de sa souffrance. Eh bien, lorsque vous lui donnez le premier coup d'éperon, comment voulez-vous que son premier mouvement ne soit pas de frapper ou.de chercher à s'appuyer au mur?

Vous voyez donc que c'est une«lourde faute de se servir de l'éperon avant d'y avoir accoutumé le cheval, en le faisant passer successivement par l'impression de la cravache, de la jambe, du talon et du garde- crotte.

Si vous attaquez avec l'éperon un cheval qui n'y est ni préparé ni accoutumé, il ne comprend pas, il ne cède pas. Vous recommencez, vous insistez; le cheval, ne sachant pas ce que vous lui demandez, n'a que la perception de la douleur : il cède à son instinct

jambe et pour obtenir la première tension des jambes dans le pas espagnol. Dans ces deux cas, l'usage de la cravache ne dure pas plus de deux ou trois leçons.


et se défend. Plus l'attaque est vive, plus la résistance d'abord et la défense ensuite sont énergiques. Si le cheval est mou, il se couche sur la piqûre; s'il est vigoureux, il entre immédiatement dans des défenses violentes. De toutes façons le dressage est manqué. L'un devient rétif, l'autre s'affole à la seule approche de la jambe. Au lieu d'avoir appris quelque chose, vous avez rendu l'éducation impossible.

Dans le dressage, il est ainsi de tout. La grosse difficulté est de faire comprendre au cheval ce que l'on veut qu'il fasse. Comme on s'adresse uniquement à sa mémoire1, les moyens dont on use avec lui doivent être simples et rigoureusement toujours les mêmes.

En équitation, l'éperon n'est qu'une aide; le cheval doit arriver à le comprendre. L'éperon ne devient un châtiment que dans les défenses, et de cela encore il faut que le cheval se rende compte 2.

Beaucoup de personnes, qui n'ont que des connais-

i. Pour la même raison, j'ai déjà dit qu'il faut bien se garder de demander à un cheval dans la même leçon deux ou plusieurs choses qu'il pourrait confondre. Sa compréhension est très lente, il faut éviter de l'embrouiller.

2. Il arrive souvent que le cheval se jette sur l'éperon tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. Dans ce cas, l'éperon doit corriger efficacement. Pour cela je mets le cheval au milieu du manège, et à grands coups de talon et d'éperon je fais céder instantanément la croupe du côté rebelle. Quand le cheval. a fait ainsi deux ou trois pirouettes, j'arrête et je reprends le travail où je l'avais laissé; s'il résiste encore, je recommence jusqu'à ce qu'il cède définitivement.


sances superficielles en équitation, s'imaginent qu'au lieu d'attaquer de l'éperon aux sangles, il est beaucoup plus rationnel que la jambe pivote d'avant en arrière sur le genou solidement fixé, pour envoyer l'éperon au flanc du cheval.

Rien n'est plus défectueux qu'une pareille attaque, dans laquelle l'éperon glisse sur une assez longue étendue des flancs. On arrive ainsi à chatouiller la bête et à provoquer des défenses, sans pouvoir attaquer avec assez de puissance pour porter le cheval en avant et paralyser la défense. Plus on s'éloigne des sangles (en arrière), plus on s'approche de l'endroit le plus chatouilleux. En effet, les chevaux ne sont pas chatouilleux près des sangles, et tous le sont aux flancs.

En outre, dans ce genre d'attaque, le bas de la jambe ne peut pas rester adhérent puisqu'il fait un mouvement de va-et-vient. Le résultat, c'est que l'attaque de l'éperon se fait sans transition, — comme un à-coup, — au lieu d'être préparée par une pression de jambes graduée. Enfin, on ne peut pas mettre de nuances dans l'attaque elle-même, qui doit être fine, accentuée ou brutale, dans la mesure exacte commandée par le degré de résistance du cheval aux effets de jambes du cavalier.

Dans l'attaque aux sangles, le genou se trouve légèrement en dehors, ainsi que la pointe du pied, et l éperon arrive droit en pointe, comme une épée. Plus d'égratignure, plus d'éraillure, plus d'attaque


sans précision et par à-coups. Un coup droit qui arrive progressivement et sûrement.

A ceux qui croient que le genou légèrement tourné en dehors diminue la solidité du cavalier, il faut apprendre que la forte prise du cavalier sur le cheval est à la partie supérieure du mollet, au côté interne du creux poplité. La position de la jambe dans l'attaque aux sangles est donc, au contraire, des plus favorables à la solidité du cavalier1.

Si le cavalier serre trop les genoux, cela fait nécessairement remonter les cuisses, et il s'enlève, pour ainsi dire, lui-même de sa selle.

En serrant à la face interne du creux poplité, on a, au contraire, une adhérence parfaite depuis la fesse jusqu'au talon. D'ailleurs, on ne peut travailler finement son cheval qu'à la condition expresse que les talons ne s'éloignent jamais. Avec le genou et la pointe du pied en dedans, les talons sont trop loin et ne peuvent procéder que par sursauts. Or, sans transitions progressives, sans nuances, il n'y a pas d'équi- tation.

Quand le cheval cède facilement aux jambes, je modifie par degrés mes effets de rênes. Il s'agit toujours d'arriver finalement à placer la tête du cheval du

i. C'est parce que les débutants ou les mauvais cavaliers prennent instinctivement cette position, pour avoir le plus de solidité possible, qu'on ne peut pas leur donner d'éperons. Tout cavalier, d'ailleurs, prend instinctivement cette position dans la défense.


côté vers lequel je le dirige. Toutefois, le changement doit se faire si insensiblement que l'animal ne s'en aperçoive pas.

D'abord il ne cède à ma jambe que quand je fais agir en même temps la rêne du même côté, — effet latéral. Bientôt je me sers moins de la rêne afin qu'il obéisse à la jambe seule, puis j'emploie les deux rênes du filet pour lui tenir la tête droite, — effet direct. Enfin, peu à peu, j'arrive à me servir de la rêne opposée, — nous voici aux effets diagonaux.

La progression sera celle qu'on a suivie quand on a fait exécuter le même mouvement, dans le travail à pied, avec le seul secours de la cravache, c'est-à-dire - que le cheval finira par faire sa rotation de croupe de gauche à droite, ayant le bout du nez à droite et vice versa. Dans le travail monté, je n'exige pas ici la flexion latérale complète. Un très faible pli du côté • vers lequel on marche est suffisant1.

Ce résultat obtenu, j'apprends au cheval à faire pivoter les épaules autour- des hanches : c'est la pirouette simple.

i. Quand le cheval cède aisément aux effets de jambe, il est bon de les employer alternativement, mais seulement à titre d'indication et pour faire céder légèrement la croupe. Il suffit que le cheval fasse un ou deux pas. Le cavalier arrive ainsi à se renvoyer l'arrière-main d'une jambe à l'autre et à mesurer cette -action. C'est le commencement du tact équestre

2. Ce travail ne peut bien se faire que monté, à cause de la nécessité de maintenir les hanches et de pousser le cheval en avant.


Il ne suffit pas, en effet, d'assouplir les hanches, il faut encore donner la plus grande mobilité possible aux épaules. Cette mobilité est une qualité indispensable, quel que soit le service que l'on exige du cheval.

Nous n'avons pas sur les épaules une action directe comme sur la bouche et les hanches. Pour les mettre en mouvement, l'impulsion leur est donnée par l'arrière-main qui est actionnée par les jambes, et la direction par la bouche qui reçoit l'action des rênes.

Voici comment je procède pour faire la rotation des épaules ou pirouette de gauche à droite.

Étant placé au milieu du manège et arrêté, je porte mes deux mains à droite et je ferme les jambes, pour empêcher un mouvement rétrograde, la jambe gauche prenant le flanc plus fortement, de manière que le cheval ne puisse jeter ses hanches à gauche. Mes rênes du filet agissent simultanément avec mes jambes; la rêne droite tirant légèrement à droite, mais non en arrière, et la rêne gauche poussant les épaules à droite. L'emploi de la rêne gauche a un autre but : si le cheval, ayant porté ses épaules à droite, veut jeter ses hanches à gauche, une faible tension de cette rêne aide immédiatement la jambe gauche à maintenir la croupe en place, en reportant plus ou moins la tête à gauche, suivant le degré de déviation des hanches à gauche.

Dans les commencements, il faut former un grand cercle plutôt qu'un petit, qui serait alors une véritable


pirouette. De cette façon, on ne cesse pas d'avoir le cheval dans la main, et il est plus facile d'empêcher l'acculemellt qu'il faut, je ne saurais trop le dire, éviter toujours et à tout prix.

C'est parce qu'il faut éviter l'acculement à tout prix, que les pirouettes, simples ou renversées, - qui sont des exercices excellents quand l'homme et le cheval sont suffisamment avancés dans leur éducation, — ne vont pas sans danger quand on les enseigne dans la première période du dressage.

La pirouette renversée laisse les épaules inertes : grande faute.

La pirouette ordinaire fixe l'arrière-main au sol : autre faute.

Et si vous poussez le cheval franchement en avant, la pirouette n'existe plus.

Au commencement du dressage, t*ut mouvement qui laissera une partie du cheval immobile est une faute, car le grand point est d'obtenir avant tout que le cheval se livre avec ensemble.

Au lieu de pirouettes, il est préférable de faire des voltes ordinaires et renversées. Là on peut toujours pousser le cheval en avant sur la main. On sait que la volte n'est pas autre chose qu'une pirouette décrite dans un grand cercle.

Dans la volte renversée, c'est la croupe qui parcourt la grande circonférence : si le cheval élargit le cercle, c'est donc qu'il est acculé. Dans la volte ordinaire, ce sont les épaules qui décrivent la grande circonférence;


si le cheval rétrécit le cercle, c'est donc qu'il y a accu- lement. Pour éviter cette faute, maintenez^ le cheval entre les deux jambes, ne lui demandez que des mouvements d'ensemble et poussez-le toujours en avant.

XIII

Pas d'école.

»

Lorsque le cheval est bien dans la main, au pas, on' peut lui faire prendre ce que l'on appelle le pas d'école, allure plus courte, plus élevée et plus cadencée que le pas ordinaire. Ce n'est pas encore le trot, quoique les pieds se posent à terre de la même manière que dans le trot. Les battues du trot, en gagnant peu de terrain, voilà le pas d'école.

Il faut, pour obtenir le pas d'école, se servir beaucoup des jambes et modérément des mains; faire de nombreux mouvements d'ensemble avec ces - deux aides 1 et parcourir le moins de -terrain possible en raccourcissant le pas. De trop grands pas indiquent que le cheval ne commence pas encore à se rassembler, et sans commencement de rassembler il n'y a pas de cadence.

i. J'entends par là les mouvements d'ensemble qui amènent la mise en main : envoyer le cheval des jambes sur la main et le renvoyer, pour partie, de la main aux jambes.


Le pas d'école est une excellente gymnastique. Dans cet exercice, la combinaison des aides du cavalier détermine chez le cheval la mise en action de tous ses moyens. Il le rend souple, gracieux, léger et le place, en un. mot, dans un équilibre parfait. Il prépare enfin à toutes les allures artificielles et notamment au rassembler qui conduit lui-même au passage et au piaffer.

J'apprends au cheval à faire tous les changements de direction à ce pas d'école ; mais seulement quand il les exécute avec facilité au pas ordinaire.

XIV

Reculer.

«

Généralement, pour faire reculer un cheval, dans le travail à pied, on lui porte la tête aussi haut que possible, en poussant en arrière. C'est une grande faute.

Il faut faire tout le contraire, car, en élevant la tête en même temps que vous poussez en arrière, vous surchargez l'arrière-main qui a besoin d'être allégé pour accomplir ce mouvement.

C'est, en effet, l'arrière-main qui se met en mouvement 'le premier. Si vous le surchargez, les jambes ne peuvent plus se dégager librement, et pour peu que


vous persistiez à pousser en arrière, vous acculez le cheval et l'obligez fatalement à se cabrer.

Il faut, au contraire, pour faire reculer, porter plus. de poids sur les épaules.

Pour y arriver, je baisse la tête du cheval légèrement 1, par de petites pesées de haut en bas sur le filet.

Je me place alors bien en face de l'animal, puis je saisis dans chaque main une rêne du filet près de la bouche, et je le pousse en arrière.

Il est à peine besoin de faire remarquer que, dans cette position, le reculer sera très facile, le cheval étant sur l'avant-main, les reins et les jarrets sont allégés, les pieds de derrière se lèvent avec facilité, comme ceux de devant, au lieu de traîner, et, lorsque vous poussez en arrière sur le filet, le cheval ne peut s'arc-bouter. - à

On doit se contenter des deux premiers pas en arrière, caresser et porter en avant; puis recommencer souvent. Cela vaut mieux que de prolonger le reculer. D'abord, en le prolongeant, vous fatiguez le cheval, qui, n'ayant pas encore les reins et les jarrets assouplis, met de la raideur dans ce travail nouveau pour lui. Ensuite, plus vous prolongez le travail, moins vous frappez la mémoire du cheval, puisque vous ne l'arrêtez pas pour le caresser et lui faire ainsi com-

i. C'est le seul travail où je charge un peu les épaules, et on remarquera que c'est pour reculer.


prendre qu'il a bien fait. Enfin, il faut se convaincre que tout travail qui fatigue l'animal le rebute s'il n'y a été amené par degrés et préparé par des exercices successifs d'assouplissement.

Jamais je ne demande plus de dix ou douze pas en reculant; puis, je porte le cheval d'autant en avant, en le tenant continuellement dans la main. Jamais non plus je ne fais exécuter ce mouvement plus de trois ou quatre fois de suite.

Il est rare qu'on n'obtienne pas le reculer par ce moyen, employé avec la douceur que je ne cesse de recommander dans tous les cas.

Cependant, il arrive parfois que le cheval, soit qu'il s'entête, soit par souffrance, refuse le mouvement en arrière. J'ai vu des chevaux qui résistaient à tous les moyens connus, sans excepter les moyens violents, auxquels on finit malheureusement toujours par arriver en pareil cas.

Dans ce cas, je me place bien en face du cheval, tenant dans chaque main une rêne du filet près de la bouche, et je lui marche simplement sur les pieds en poussant en arrière. Je n'ai pas rencontré un cheval qui ne cédât.

Quand le cheval recule sans raideur, la tête baissée, je m'applique à lui faire exécuter le même mouvement la tête étant de plus en plus relevée. Pour cela, je me place à l'épaule et je fais la flexion directe en reculant. Je m'applique donc à obtenir un reculer très franc, avec mise en main.


Si le cheval recule trop vite pour échapper à-la mise en main, je tire en avant sur le filet, afin de ralentir sa marche rétrograde. C'est là le reculer normal, dont le travail précédent n'est que la prépara-. tion. Il va sans dire que, si je trouve le cheval prêt à reculer d'emblée en flexion directe, je n'ai pas besoin d'abaisser la tête, pas plus que de lui marcher sur les pieds. L'abaissement de la tête n'est utile que pour éviter l'acculement. Il faut donc qu'il y ait menace d'acculement pour que j'y recoure.

Quand le cheval recule à la main avec aisance, en flexion directe, je commence alors à lui demander le même travail étant monté.

Dans le travail monté, je ne fais pas de force sur l'avant-main. Il est en effet dangereux de tirer sur la bouche, car alors on rejette trop de poids sur l'arrière- main, ce qui amène presque forcément l'acculement et la cabrade. Aussi je ne commence jamais le reculer monté avant d'être certain que mon cheval se porte franchement en avant à l'approche des jambes, car c'est alors seulement que je puis mobiliser l'arrière-- main à mon gré, et c'est par l'arrière-main qu'il faut que j'entame le reculer. Je ne me sers que légèrement des rênes du mors pour tâcher d'amener le cheval à baisser la tête, après que je l'ai arrêté. Puis j'approche mon talon gauche. Le cheval, étant déjà obéissant aux jambes, lève la jambe gauche de derrière, comme s'il allait faire un pas de côté, car il est dressé à fuir l'éperon. A cet instant, je tire doucement sur la rêne


droite du filet, non de côté, ce qui ferait dévier la tête du cheval, mais d'avant en arrière. Le pied gauche de derrière qui est en l'air se pose forcément derrière le pied droit, au moment où la rêne droite du filet fait reculer l'épaule droite. Alors,-j'approche mon talon droit. Au moment où le cheval cède à ma demande, c'est-à-dire quand il lève la jambe droite de derrière, comme pour faire un pas de côté, je profite de cet instant pour tirer d'avant en arrière sur la rêne gauche du filet : la jambe droite de derrière vient nécessairement se poser derrière la jambe gauche, au moment où la rêne gauche du filet fait reculer l'épaule gauche.

J'ai ainsi obtenu deux pas de reculer. Je m'en contente et je m'empresse de caresser mon cheval pour lui montrer qu'il a bien fait.

Quand on a obtenu deux pas, le reste n'est plus rien. En lui demandant souvent deux, puis quatre pas en arrière, le cheval arrive à reculer facilement.

Je ne me sers pas de l'éperon au commencement des exercices de reculer, pour éviter d'exciter le cheval, à moins pourtant qu'il ne soit très froid et peu sensible aux jambes.

Je viens d'indiquer la manière de procéder au début pour obtenir le reculer. Mais il ne faudrait pas en conclure qu'on doit toujours continuer ces mêmes effets des jambes séparément. Cela amènerait, en effet, un balancement du cheval de droite à gauche, et ce serait une faute, car, alors qu'il recule, le cheval doit toujours rester aussi droit que pendant la marche en


avant. Quand le cheval a compris et qu'il fait aisément ses premiers pas en arrière, il faut se servir des deux rênes et des deux jambes. Le reculer devient alors correct, et si les hanches ont une tendance à dévier de la ligne droite, on les redresse facilement en appuyant un peu plus la jambe du côté où la croupe dévie.

Quand je dis que je me sers de telle rêne ou de telle jambe, il est bien entendu que j'entends parler de la rêne ou de la jambe dont l'action doit dominer. Pendant tout travail, les deux rênes doivent toujours être légèrement tendues, de même que les deux jambes doivent toujours être près des flancs. Les mains et les jambes doivent continuellement se prêter un mutuel concours.

Il est certain qu'un cheval peut reculer sans le secours des aides diagonales, et qu'un cavalier n'ayant aucun des principes que je viens de développer pourra l'y contraindre. Mais jamais il n'arrivera à avoir son cheval dans la main, la tête haute comme s'il marchait en avant, les jambes de derrière se levant aussi haut que celles de devant et surtout la pointe des fesses ne dépassant pas en arrière la ligne des jarrets1. Or il faut bien se persuader que dans les mouvements rétrogrades toutes ces conditions sont essentielles.

i. Si cette condition n'est pas remplie, il y a acculement.


XV

Le ramener, la mise en main et le rassembler.

Le tact équestre.

Avant d'aller plus loin, récapitulons les résultats obtenus : le cheval se porte très franchement en avant à l'approche des jambes; il exécute correctement les flexions de la mâchoire, directes et latérales ; il reste bien dans la main ; cède immédiatement à l'action de chaque jambe; exécute facilement les rotations des hanches et des épaules, et enfin fait avec aisance tous -les changements de direction.

Il est bien entendu que, pendant tout le temps que mon cheval a été soumis à ces différents exercices d'assouplissement dans le travail à pied, j'ai fait marcher de pair le même travail, — monté, — mais en ne cherchant, par des effets d'ensemble, qu'à confirmer et à améliorer les résultats obtenus à pied.

A propos du travail des flexions et de mise en main, — monté, — je dois observer qu'il est plus facile de profiter de l'impulsion acquise que de la créer.

J'entends par là que si je suis au pas, j'ai deux choses à faire: 1° créer l'impulsion par les jambes;


2° faire tomber le cheval en flexion directe ou latérale.

A la fin d'un temps de trot ou de galop, au contraire, je suis en plein dans l'impulsion, et je n'ai qu'à chercher la mise en main par le doigté (en flexion directe ou latérale), en maintenant les jambes près. Dans ces conditions, le risque d'acculement est nul, et c'est le moment où le cheval tombe le plus aisément dans la main 1.

J'arrive maintenant au ramener, à la mise en main, au rassembler.

A vrai dire, si le ramener et la mise en main sont de l'équitation courante, le rassembler appartient exclusivement à l'équitation savante. Mais on m'excusera de traiter dès à présent du rassembler, qui est le dernier terme des effets d'ensemble dont le ramener d'abord et la mise en main ensuite ne sont que le commencement.

Le mot ramener, qui est emprunté à Baucher, ne désigne en réalité rien autre chose que la flexion directe.

Le ramener n'est qu'un commencement de mise en inain. -Le cheval qui a l'encolure haute, la tête perpen-

i. C'est également un excellent exercice, quand le cheval résiste aux effets diagonaux, que de finir un temps de trot ou de galop par-une flexion latérale prononcée, avec la jambe opposée très près, dans la grande impulsion. Quant à la flexion directe, elle se fait naturellement si le temps d'arrêt est correct, puisqu'on doit toujours arrêter le cheval dans l'impulsion, entre les jambes et les mains, — les deux jambes près.


diculaire, qui mâche et lâche son mors sous le doigté du cavalier, est ramené. Mais il n'est pas léger faute d'impulsion. L'effet obtenu est localisé dans la mâchoire et dans la partie supérieure de l'encolure. Il n'est donc que partiel et l'équilibre général est encore incomplet. C'est un acheminement vers l'équilibre parfait, c'est un premier degré, la mise en main étant le second, comme je viens de le dire, et le rassembler le dernier.

Je dois avouer que je n'ai mentionné ce terme que par respect pour l'autorité de Baucher, qui, travaillant sur place, faisait un ramener; tandis que je ne cherche la flexion directe que dans le mouvement en avant, ce qui me donne d'emblée la mise en main.

Je supprime donc de mon vocabulaire le terme ramener, qui, indiquant une action d'avant en arrière, est en contradiction avec-toute mon équitation 1.

Je ne comprends la flexion directe que si l'effet de la main est précédé, soutenu, complété par les effets de jambes poussant l'arrière-main sur l'avant-main.

Les jambes doivent PRENDRE et RENDRE comme les mains et avec les mains, c'est-à-dire simultanément et dans le même rapport. _

i. Un cheval froid, qui ne donne pas dans la main, qui répond mal à l'action des jambes, sera dit ramené, si l'encolure est fléchie au garrot d'après le système Baucher. Mais jamais ce ramener n.e conduira au bon équilibre, puisqu'au contraire, il le détruit. Jamais ce ramener ne procurera la misé en main.


C'est ce qui constitue le mouvement d'ensemble. Si les mains rendent et que les jambes continuent leur action, l'impulsion développée par les jambes n'étant plus reçue sur la main, le cheval va au delà de la main. Si les mains agissent sans que les jambes leur envoient une impulsion à recevoir, le cheval ou s'en- capuchonne ou s'accule, puisqu'on rejette les jarrets en arrière.

Le terme PRENDRE et RENDRE, tel que je l'ai expliqué en parlant de la flexion directe, s'applique donc aussi bien à l'action des jambes qu'à celle des mains, jambes et mains devant toujours rester dans un rapport déterminé en vue du résultat à obtenir.

C'est par cette combinaison des effets alternatifs de jambes et de mains, agissant d'ensemble, qu'on approche de la mise en main et qu'on arrive ensuite à l'obtenir.

La mise en main, — terme excellent de l'ancienne école, — résulte de l'équilibre dans l'impulsion, obtenu et conservé par la flexion directe résultant de l'action des jambes répercutée de l'arrière-main sur l'avant- main.

Ici, nous sommes dans les conditions mêmes de l'équitation. L'arrière-main, engagé sous le centre, chasse et maintient l'équilibre par la hauteur de l'encolure 1. Toute l'impulsion de la masse aboutit au mors, c'est-à-dire à l'extrémité d'un bras de levier

i. L'arrière-main sous le centre, c'est l'arrière-main bas, et par conséquent l'avant-main haut.


(dont la flexibilité d'avant en arrière va croissant d'arrière en avant), d'où la main du cavalier en renvoie, à son tour, la quantité nécessaire au maintien de l'équilibre 1, vers l'arrière-main, qui, par une nouvelle détente, rejette à nouveau toute la masse en avant, et ainsi de suite.

Le cheval est vraiment ainsi dans la main-. J'ajoute que, pour moi, le cheval doit être en même temps sur

i. La plus grande partie de l'impulsion est naturellement employée à projeter le cheval en avant.

2. On dit généralement que le cheval qui casse la noisette est bien dans la main. C'est une erreur.

Le cheval qui casse la noisette est celui qui fait continuellement claquer ses dents, quelle que soit la position de l'encolure, mais le plus souvent l'encolure haute. Ce cheval sera léger, c'est vrai, mais il ne sera pas dans la main. Pour qu'un cheval soit dans la main il faut qu'il obéisse au doigté du cavalier : or cela n'est possible que s'il lâche le mors. Or, le cheval qui casse la noisette s'abandonne à son tic naturel, mais sans jamais lâcher le mors. Toutefois, la mobilité de mâchoire exigée par ce tic est la preuve que le cheval ne se contracte pas. Aussi est-il toujours léger. D'où l'on peut dire que le cheval qui casse la noisette est généralement bien équilibré. Pour tout le service de l'équitation courante, ce cheval est suffisamment fin dans sa bouche, mais si l'on veut faire de l'équitation savante, il est indispensable que le cheval mâche et lâche son mors chaque fois que le cavalier l'exige, c'est-à-dire qu'il faut le mettre dans la main. Pour cela, il faut absolument lui faire perdre son tic, par des flexions progressives d'une correction absolue. On arrivera ainsi peu à peu à lui faire lâcher le mors et à le mettre dans la main.

Je prie qu'on garde la mémoire de cette distinction capitale : quand le cheval casse la noisette, c'est qu'il a la mâchoire inférieure à sa disposition ; quand il est dans la main, c'est que sa mâchoire inférieure est à la disposition du cavalier.


la main. Le cheval est sur la main quand, tout en étant en flexion directe, il prend, de temps à autre, de légers contacts avec le mors, pour rester en communication constante avec la main du cavalier1.

Enfin le cheval remonte sur la main quand l'impulsion communiquée par les jambes engage résolument les jarrets sous le centre et jette franchement le cheval sur le mors. Cela n'est possible que dans le maximum de la mise en main qui est le rassembler. Il faut que les rênes soient assez légères pour laisser passer l'impulsion et cependant assez tendues pour établir le contact entre le mors et la main et faire sentir que, l'impulsion arrivant franchement sur la main, on en peut disposer à son gré.

Comme l'encolure est, dans ce cas, nécessairement haute, et que les actions du cheval sont en hauteur, rien de plus clair que cette expression : le cheval remonte sur la main.

On comprend maintenant ce qu'on veut dire quand on dit que le cheval est entre la main et les jambes, puisque ce sont les jambes et les mains qui se renvoient continuellement l'impulsion, de manière à maintenir l'équilibre, tout en gagnant du terrain en avant.

i. Le cheval qui tire à la main n'est pas sur la main; il est au delà de la main. Quand le cheval qui est sur la main cherche à gagner à la main et à arriver au delà, Baucher arrête, remet en flexion et repart. Moi, je pousse dans la main par une action énergique des jambes, au risque de provoquer le désordre, et j'arrive à jeter le cheval dans la main par l'impulsion.


Le cheval d'école est complètement renfermé entre la main et les jambes. Le cheval de promenade est en avant des jambes et sur la main, en ce sens qu'aux grandes allures il doit prendre un léger point d'appui sur les barres.

Le cheval qui ne répond pas aux jambes est derrière les jambes : il a trop de poids sur l'arrière-main ; en d'autres termes, il est acculé.

Tous les chevaux ne sont pas capables de donner ou de supporter le rassembler parfait, terme extrême de la mise en main ; mais tous peuvent arriver à la mise en main avec un bon équilibre, et tous doivent y être soumis et habitués, quel que soit le service auquel on les destine.

Le cheval de promenade, de chasse, de guerre, de voiture même, n'acquiert une bonne position que par la mise en main, qui est l'équilibre droit ou horizontal i.

On croit que la mise en main a pour but principal de donner au cheval une belle prestance. Sans doute elle le met en valeur, mais c'est là son moindre mérite. C'est l'équilibre, résultat de la mise en main, qui donne la mobilité, c'est-à-dire la facilité d'exécuter sans effort ni fatigue, et immédiatement, tous les mouvements voulus à toutes les allures. C'est

i. L'équilibre droit ou horizontal est l'équilibre de promenade. Il est entre l'équilibre de course où le cheval est sur l'avant-main, et l'équilibre d'école où le cheval est sur l'arrière- main.


encore cet équilibre qui assure la longue conservation du cheval malgré un travail pénible, car il ne nécessite, pour chaque partie du cheval, que la somme d'efforts qui lui revient naturellement. On évite ainsi toute usure prématurée, car aucun organe n'est particulièrement surchargé ou surmené.

Si le cheval d'armes, le cheval de troupe, était suffisamment assoupli par un premier dressage, si le soldat qui le monte avait la notion de l'équilibre équestre et savait y avoir recours à l'occasion, la cavalerie y gagnerait comme aspect, comme solidité et comme fond. Le cavalier serait plus sûr de lui-même et de son cheval, il serait plus léger, plus adroit, plus vif. Le cheval résisterait et durerait plus longtemps ; il serait soulagé, et le budget aussi.

Mais qu'on n'aille pas croire que la mise en main est d'un usage constant, continu. Qu'on ne dise pas que je demande qu'on se promène, qu'on chasse ou qu'on fasse une étape ou une charge, en ayant tout le temps le cheval dans la main. Bien loin de là, je suis l'ennemi résolu d'une mise en main prolongée et, à plus forte raison, continuelle. Je dis qu'il faut savoir et pouvoir mettre son cheval dans la main en toutes occasions et à toutes les allures, mais qu'il ne faut le faire que de temps à autre et dans certains cas. Cela est de toute nécessité dans les moments difficiles ; par exemple, quand on craint une défense, mais surtout lorsque le cheval par fatigue, par mollesse, ou par tout autre motif, se laisse aller, hésite et se déséquilibre. La mise


en main ramène inévitablement l'équilibre : c'est là sa grande utilité et son effet le plus salutaire à tous égards.

Ainsi que je l'ai déjà dit, tous les chevaux peuvent être mis en main. Quelques-uns seulement sont d'une conformation assez parfaite pour être soumis au rassembler.

Qu'est-ce donc que le rassembler ? C'est le maximum de mise en main, c'est l'équilibre complet du cheval dans son action, dans toutes ses actions. C'est la mise en main parfaite d'un cheval bien assoupli. Les reins, les hanches, les jarrets sont flexibles ; les jarrets poussent vaillamment la masse en avant; les épaules, bien dégagées, sont libres et mobiles ; l'encolure est haute et la mâchoire obéit facilement au doigté ; toutes les parties du cheval mises en action et également entreprenantes concourent à former un ensemble énergique, harmonieux, léger. L'équilibre est à la fois si parfait et si instable que le cavalier sent qu'il peut absolument disposer de son cheval, sur la moindre indication de sa volonté. Ils sont pour ainsi dire en l'air tous les deux. Ils vont s'envoler.

Comment arrive-t-on à perfectionner, à affiner la mise en main au point d'obtenir cet idéal d'équilibre ?

Si l'on a bien compris le jeu de la mise en main et l'allée et venue des forces des jambes aux mains et des mains aux jambes, on se souvient que la main laisse passer la quantité d'impulsion nécessaire au progrès de la masse en avant, et ne rejette vers l'ar-


rière-main que la quantité d'impulsion nécessaire au maintien de l'équilibre. Cela s'obtient par le jeu délicat des doigts, par un doigté incessant, comparable au doigté du piano pour la finesse et la rapidité.

Quelle proportion de force la main doit-elle laisser filtrer, et quelle proportion retenir ? C'est toute la question. Doser avec une précision .absolue cette proportion à chaque foulée, par la juste combinaison des aides, de façon à ne renvoyer vers l'arrière-main que la quantité de force justement nécessaire au maintien de l'équilibre dans le maximum d'impulsion, c'est précisément en quoi consiste le tact équestre. Pas assez de décision dans les doigts, le centre de gravité se déplace un peu en avant, le cheval est prêt à aller au delà de la main. Trop de force dans les doigts, le centre de gravité se déplace un peu en arrière, les hanches sont trop assises, les jarrets s'éloignent. Dans les deux cas, le rassembler n'existe plus. Il faut que le doigté règle avec une précision absolue la distribution de l'impulsion 1. Et le problème se pose à chaque foulée,

i. Pour l'écuyer qui sent bien son cheval, c'est-à-dire lorsque le rassembler parfait est obtenu, l'accord, l'union du cavalier et du cheval sont tels que la force d'impulsion et les effets d'ensemble sont transmis et passent de l'un à l'autre sans transition ni interruption.

L'impulsion et les effets dont l'ensemble circule du cavalier au cheval et du cheval au cavalier sont comme une balle élastique. L'éperon va pour ainsi dire chercher cette balle aux membres postérieurs du cheval et la fait monter près des talons du cavalier ; de là, passant par l'assiette, elle remonte au garrot, suit la partie supérieure de l'encolure jusqu'au sommet ;


qui naturellement n'est identique ni à la précédente, ni à la suivante. C'est là le fin du fin de l'équitation.

On arrive encore, à force de travail et de persévérance, à obtenir une mise en main qui se rapproche beaucoup du rassembler, ou le rassembler lui-même de temps à autre. Mais conserver le rassembler sans cesse par un doigté savant, voilà ce qui n'est donné qu'à très peu d'écuye-rs 1.

Voici cinquante ans que je monte à cheval, et il n'y a pas plus de dix ans que j'obtiens le rassembler parfait. Il est vrai que pendant longtemps j'ai travaillé sur les données en partie inexactes de Baucher.

arrivée à la nuque, elle tombe dans la bouche, où les mains la reçoivent et, lui faisant suivre la partie inférieure de l'encolure, la ramènent à son point de départ, d'où elle est ramassée et renvoyée de nouveau par les jambes. C'est donc un circuit que parcourt continuellement la balle tant que l'on tient le cheval rassemblé. Seulement, pour que la comparaison soit tout à fait exacte, il faut dire que c'est #n ballon qui part des jambes et arrive à la bouche et que c'est une bille qui en revient.

i. Il est impossible d'obtenir et de conserver un bon rassembler si, pendant tout le cours du dressage, le cheval n'est pas toujours tenu complètement droit.

Si l'on n'arrive pas à tenir tout l'ensemble de l'animal dans cette ligne droite, qui commence au haut de la nuque et finit à la queue, le cheval peut échapper et échappera au rassembler.

Quelque partie qui dévie, — hanche, épaule ou mâchoire cédant latéralement au lieu de céder dans la ligne directe, — le résultat, c'est l'impulsion contrariée; et sans impulsion complète il n'y a pas de i-assembler.

La première manifestation du tact équestre, c'est de. sentir quand le cheval est droit. Aussitôt la moindre déviation perçue, les jambes se renvoient mutuellement l'arrière-main,. tandis


Mais le fait est que pendant de longues années je sentais continuellement le rassembler m'échapper par le déplacement du centre de gravité, soit en avant, soit en arrière. Il a fallu affiner singulièrement mon tact, et, par suite, mes aides, pour arriver au rassembler complet et pour le garder dans le maximum de l'impulsion.

Mais ce n'est pas tout. Il n'y a pas que les mouvements directs ; il y a encore les mouvements de côté et les mouvements tournants. Dans ces mouvements, il y a toujours une jambe qui prédomine. Dans ces conditions, l'impulsion qui arrive sur 'le mors n'est - pas également répartie entre les deux mains. La jambe droite jette plus d'impulsion sur la main gauche et vice versa. Il faut donc, pour maintenir l'équilibre dans la conversion à gauche, que la main gauche, tout en restant liée à la main droite, renvoie au centre une plus grande quantité de force, d'autant plus délicate à doser que cette même main aura pour emploi, tout en gardant le rassembler, de faire et de régler le changement de direction

Si maintenant on réfléchit que dans tout travail

que les effets de main qui se combinent avec les effets de jambes redressent l'avant-main. C'est à ce moment, par la perception plus ou moins fine des positions successives de l'avant-main et de l'arrière-main, jusqu'à ce que le cheval soit vraiment droit, que le cavalier arrive à avoir le sentiment du cheval, le sens du tact équestre.

i. La difficulté est telle que Baucher avoue que la légèreté (lisez le rassembler) lui échappait dans les changements de direction. La faute en était moins à l'écuyer qu'à là mauvaise position de l'encolure que j'ai déjà signalée.


d'équitation le cheval se porte en avant ou se retient, et cherche constamment à échapper à droite ou à gauche, par les hanches ou par les épaules, on voit qu'il ne s'agit de rien moins, pour maintenir l'équilibre parfait dans le mouvement, que de percevoir simultanément toutes les actions du cheval et toutes celles qui se préparent, pour les combiner en les opposant, par l'action simultanée des aides, et en faire sortir l'idéal d'équilibre cherché.

Je disais tout à l'heure, à propos du rassembler dans le mouvement direct: Voilà le fin du fin de l'équi- tation. Le rassembler continuel, non plus même seulement dans les mouvements de côté ou tournants, mais dans tous les mouvements, quelles que soient leurs combinaisons, c'est le raffinement suprême, c'est la pleine possession de l'idéal.

Alors, en effet, les deux organismes sont à ce point combinés, l'homme est si bien entoé dans le cheval, la perception des effets du cheval arrive si directement et si rapidement au cerveau de l'homme, chaque action de l'homme répond si sûrement, à point précis, à une action correspondante du cheval, que celui-ci s'y attend, s'y prête, s'y conforme instantanément. Dès lors, le cheval n'a plus en réalité que des actions réflexes : il n'y a plus qu'un cerveau, celui de l'homme. J'avais bien raison de dire que c'était l'idéal rêvé.

Comment peut-on arriver à ce tact, à cette acuité de perception, à ce sentiment aussi raffiné que rapide


de tous les effets actuels du cheval, avec toutes leurs nuances, préparant les effets qui vont suivre, voilà ce que le livre ne peut pas enseigner. Il y faut la pratique, le travail et surtout l'aptitude et l'amour du cheval.

Par l'assiette et par les jambes, le cavalier doit sentir avec une impeccable sûreté tout ce qui se passe sous lui, si les jarrets chassent plus ou moins sous le centre, ou s'ils restent en arrière; quelles jambes se lèvent et à quelle hauteur; si la croupe se prépare à dévier.

Par les mains et par les jambes, aidées de la vue, l'écuyer doit sentir les actions et surtout les tendances de -la mâchoire, de la tête, de l'encolure, des épaules. Gomme c'est l'avant-main qui engage d'abord les mouvements voulus par le cheval, on peut dire que la main doit sentir les idées du chevali.

Ainsi le cavalier aura le sentiment de l'équilibre complet du cheval et de la libre disposition de ses forces à tout moment.

„ i. Le travail de haute école apporte naturellement une grande complication dans les effets qu'il s'agit de sentir, à cause de la précision qu'il exige.

L'effet le plus difficile à percevoir est certainement ce qu'on appelle le saut de pie, qui consiste en ce que le cheval, pour se soulager, pose simultanément à terre les deux membres postérieurs. Quand le mouvement est moelleux et que les paturons plient, il y a,là une nuance difficile à saisir. Et cependant, si on laisse prendre cette habitude au cheval, toute régularité est perdue. -


Je n'en puis dire plus sur ce point. Je renvoie le lecteur à la pratique1.

XVI

Pas de côté et deux pistes.

J'ai dû traiter du rassembler, qui est de l'équitation savante, à propos de la mise en main qui y conduit. Je suis de même obligé de parler à la fois du pas de côté et des deux pistes, parce que ces deux airs se tiennent étroitement, bien que le premier soit de l'équitation courante 2, tandis que le second appartient exclusivement à l'équitation savante.

La première observation à faire.1c'est que, dans les pas de côté, — et plus encore dans les deux pistes,

i. Pour l'image du cheval rassemblé, voir les photogravures au cours de cet ouvrage.

J'attache une grande importance à ces épreuves photographiques, parce qu'elles ne permettent aucune supercherie Si on veut les regarder avec attention, on verra que, même dans le travail d'école le plus énergique, mon cheval garde l'équilibre droit ou horizontal. Dans l'équilibre d'école, le cheval est le plus souvent trop assis sur ses hanches. La grande impulsion que je cherche toujours maintient mon cheval dans l'équilibre horizontal, quelle que soit la hauteur des actions de l'avant- main.

2. On comprend l'utilité de ce mouvement pour pouvoir se ranger, à toutes les allures, au .dehors." --


puis'qu'on va plus vite, — le cavalier doit franchement porter son assiette du côté où le cheval marche. Cela est d'autant plus nécessaire à dire, que le cheval, par son mouvement de côté, déplace naturellement le cavalier du côté opposé à celui où il va. C'est pourquoi, quand le mouvement de côté devient rapide, le cavalier peut être très facilement désarçonné du côté opposé au mouvement.

Le cavalier devra donc s'appuyer à gauche sur la selle et sur l'étrier dans les pas de côté de droite à gauche. Cette position, qui lie le cavalier au cheval, en leur donnant la même impulsion, a, de -plus, l'avantage de soulager l'épaule droite, qui a le plus de terrain à parcourir. Il faut une certaine pratique pour arriver à ce résultat, car, je le répète, le mouvement du cheval donne naturellement au cavalier la position opposée.

Jamais je ne commence à enseigner les pas de côté quand le cheval suit le mur : ce serait accroître inutilement la difficulté par le manque d'impulsion résultant du changement de direction. En détachant le cheval du mur, j'arrête forcément son mouvement en avant.

Je fais exécuter les premiers pas de côté à la fin d'un changement de main : de droite à gauche, par exemple. Je suis sur la piste à main gauche, ayant le mur à ma droite. En arrivant près du mur qui, vers la fin du changement de main, se trouve être à ma gauche, je porte les deux mains à gauche en fermant.


les jambes et en agissant plus vigoureusement de la jambe droite. La rêne gauche du filet tire à gauche et la rêne droite, appliquée sur l 'encolure, pousse les épaules également à gauche. On voit que ce sont absolument les mêmes aides que pour les rotations d'épaules ; toutefois, le mouvement se fait en gagnant plus de terrain en avant. Si le cheval résiste à ma jambe droite, j'ai recours à la rêne droite pour l'obliger à porter ses hanches à gauche1. Mais, pour peu qu'il fasse deux ou trois pas de côté, je m'en contente et je caresse, puis j'abandonne mes rênes.

Je fais ensuite exécuter un changement de main de gauche à droite en quittant le mur qui est à ma gauche. Pendant cette marche en ligne oblique, je tiens mon cheval le plus droit possible et, quand je suis près d'arriver au mur qui se trouve à ma droite, je porte mes poignets à droite et "appuie la jambe gauche, tout en poussant le cheval sur la main au moyen des deux jambes. J'ajoute que la main doit profiter de ce supplément d'impulsion pour transformer, avec une moindre résistance, le mouvement en avant en mouvement de gauche à droite2.

i. En d'autres termes, je ne recours, comme toujours, à l'équitation latérale qu'en cas de résistance provenant de l'éducation incomplète du cheval. Mais au degré du dressage où nous sommes parvenus, l'éducation du cheval doit être suffisante pour que l'équitation diagonale donne tous ses résultats.

2. L'impulsion énergique est la premiere condition uu tra- vail des deux pistes exécuté correctement. Elle résulte, étant


Je continue ce travail pendant assez longtemps, en l'accentuant suivant les progrès obtenus. Je veux dire par là que je me contente, au début, de faire fair-e au cheval deux ou trois pas de côté. Mais, dès qu'il devient plus facile, je lui demande davantage, toujours au moment d'arriver près du mur, de façon à pouvoir obtenir cinq ou six pas de côté. Plus tard, je commence les pas de côté au milieu du manège en sorte que je puis alors faire douze ou quinze pas. Enfin je fais le travail, épaule en dedans1.

donnée l'action prédominante' de la jambe du dehors, du ferme soutien de la jambe du dedans. -

Lorsque dans le travail des deux pistes la jambe du dedans du cheval s'écarte au lieu de s'engager sous le centre — comme il arriverait nécessairement s'il y avait impulsion — c'est que le cheval est acculé et ne remonte pas sur la main. La faute est dans l'insuffisance de la jambe de dedans du cavalier dont l'action aura pour corollaire une action correspondante de la jambe du dehors.

i. Je ne mets l'épaule au mur que lorsque le travail est bien confirmé. Le cheval n'a que trop de tendance à se laisser guider par le mur au lieu de se livrer exclusivement aux aides.

Je suis ennemi d'un travail continuel près du mur. Si le cheval est droit et se borne à suivre le mur, à quelque allure que ce soit, il se laisse guider par cet obstacle permanent beaucoup plus que par les aides du cavalier. Il y prend même une sorte de point d'appui moral et sa tendance naturelle est toujours d'écarter légèrement la croupe et de rapprocher les épaules du mur: d'où la difficulté de le tenir droit et de le garder vraiment entre les deux jambes.

Dans les deux pistes, le mur conduit si bien le cheval, lui est d'un si grand secours pour diriger lui-même ses épaules, qu'il ne tarde pas à en abuser en rasant le mur de trop près. -Souvent même cela devient une défense.

Éloignez le cheval du mur, et c'èst vous qui êtes obligé de


D'ailleurs, le nombre des pas de côté que l'on arrive à obtenir est de peu d'importance. L'essentiel est de se rendre compte si le cheval est bien placé, — les épaules devançant toujours la croupe, — seule position qui facilite la marche de côté. Tout est dans la position.

Au commencement du travail, je tâche de donner

diriger les épaules livrées désormais à la main, qui seule doit commander. Lorsque dans la position de l'épaule en dedans le cheval s'accule et rapproche trop l'arrière-main du mur, interrompez les deux pistes sans changer la position du cheval, poussez-le en avant par les jambes et faites-lui faire un doubler. Aucun exercice n'est plus propre à donner de l'impulsion dans les deux pistes et à rendre le cheval indépendant du mur.

On n'est jamais complètement maitre du cheval auquel on a laissé prendre l'habitude de rester toujours près du mur. C'est une mauvaise préparation à l'équitation extérieure, aussi bien qu'à l'équitation savante dont la première condition est que le cheval soit toujours entre les jambes du cavalier, ou, pour parler avec plus de précision, uniquement*guidé par les aides.

Travaillez donc souvent votre cheval à un ou deux mètres du mur.

Quand le cheval a pris l'habitude de pousser ses épaules au mur, comment le remettra-t-on droit? Et si l'on veut le détacher du mur pour faire un doubler, une demi-volte, partir en deux pistes, quelles aides devra-t-on employer ?

Supposons le cavalier à main droite. Instinctivement il tirera sur la rêne droite du filet pour détacher l'épaule gauche du mur. C'est là la faute. En tirant la rêne droite on amène bien la tête et l'encolure à droite, mais plus on les attire à droite, plus la flexion latérale de l'encolure repousse l'épaule gauche à gauche. Si vous voulez détacher l'épaule gauche du mur, portez la rêne gauche du filet un peu haut en avant sur l'encolure, puis portez-la à droite, en soutenant légèrement de la rêne droite, et vous emmènerez toute l'encolure, avec les épaules, à droite.


de la cadence au chevaL, mais seulement au moment où je vais lui demander les pas de côté. Par ces mots : donner de la cadence au cheval, j'entends lui faire prendre-le pas d'école. A cette allure, le cheval a une grande mobilité, et la marche de côté est rendue plus facile en ce sens que les jambes de devant et celles de derrière peuvent. se mouvoir plus aisément sans se toucher, ce qui est impossible au pas ordinaire1.

Jusqu'ici, j'ai employé à dessein l'expression de pas de côté, et non celle de deux pistes, car on commence toujours par marcher de côté. Mais il y a encore loin de là aux deux pistes.

Quand le cheval exécute le travail que je viens de décrire, on dit, quelque mauvaise que soit la position de sa tête et de son encolure, qu'il marche de- côté. Mais pour que ce travail mérite d'être appelé travail de deux pistes, il faut que la position soit correcte. Or la position est correcte et un cheval marche vraiment de deux pistes lorsqu'il marche OBLI-

I . Pour faire les pas de côté de gauche à droite, il faut que le cheval fasse passer la jambe gauche de devant et la jambe gauche de derrière l'une après l'autre, par-dessus la jambe droite correspondante pour gagner du terrain à droite. Or,, quand le cheval est au pas ordinaire, l'allure est trop lente et trop basse pour que les jambes puissent passer les unes pardessus les autres sans se toucher. Dans les pas de côté au pas d'école, chacune des jambes gauches passe successivement par-dessus la jambe droite correspondante et— ce qui est le point important et résulte uniquement de la cadence — ne se pose à terre qu'au moment où la jambe droite vient de- s'enlever. Elles ne peuvent donc pas se rencontrer.


PLANCHE XX



QUEMENT EN AVANT sur deux lignes parallèles tracées l'une par l'avant-main, l'autre par l 'arrière-main. Il avance ainsi de côté, la tête et l 'avaiit-maiii devançant toujours r arrière-main. La tête et l'encolure doivent être placées haut et légèrement fléchies du côté vers lequel le cheval se dirige. Il faut surtout que le cheval soit bien dans la main, léger, et qu'il se maintienne à une allure cadencée.

Ce travail est celui que je considère comme le plus long et le plus difficile. Si vous cherchiez à l'obtenir complet et correct dès le début, vous n'arriveriez à rien ou plutôt vous auriez immédiatement à résister à des défenses, le cheval n'étant pas encore passé par la filière des effets latéraux, directs et diagonaux que nous avons indiquée1.

Si j'insiste longuement sur les deux pistes, c'est que ce travail a une grande influence suAoute la suite du dressage, où se retrouve toujours dans l'impulsion la même action d'ensemble des aides diagonales.

Quand le cheval sait marcher sur deux pistes, il

i. Le cheval que l'on persiste à travailler au moyen des seuls effets latéraux ne peut jamais devenir un bon cheval d'école, il est disgracieux et le travail incohérent. En effet, dans l'équitation latérale, le cheval porte la tête et l encolure du côté opposé à celui vers lequel il marche et, de plus, le rassembler devient impossible, puisque, faisant agir les deux aides du même côté, vous n'avez rien à opposer à l'autre côté qui vous échappe.

Il faut donc continuellement agir des deux rênes et des deux jambes; mais c'est principalement la double action de la rêne et de la jambe opposées qui doit dominer.


cherche tous les moyens pour échapper au ras-sembler.

D'abord il ne cède pas à- la jambe directe, puis il y cède trop et force la jambe opposée. Il se sauve de toté.

Je suppose le cavalier placé épaule au mur et marchant de gauche à droite. Le cheval qui cherche à déjouer tous les efforts que fait le cavalier pour le maintenir dans la main, et en bonne position, commence, par exemple, par se coucher sur la jambe gauche (jambe du dehors ou jambe directe). L'éperon le pique: il faut bien que l'animal cède. Il cherche alors à s'acculer. Pour le pousser en avant, il faut employer la jambe droite (jambe du dedans ou jambe opposée). Comme on n'emploie presque jamais l'éperon de la jambe opposée de crainte de redresser le cheval, celui-ci finit par se pousser sur cette jambe et se sauver de côté, ce qui empêche de le mettre dans la main et de régler -la marche des deux pistes.

Le remède est d'ailleurs bien simple. Il suffit, lorsque le cheval se jette sur la jambe opposée, de l'attaquer assez vigoureusement de l'éperon de ce côté pour le forcer à se redresser. Il faut avoir recours à ce moyen chaque fois que le cheval se jettera de ce côté. Il y renoncera bientôt.

Comme on le voit, c'est toujours le système qui consiste à jeter le désordre pour rétablir l'ordre. Ce procédé, que critiquent tous ceux qui n'ont pas l'audace de l'employer, est le seul qui établisse incontestablement la domination du dresseur sur l'animal. Par


là l'animal apprend qu'il y a des obstacles insurmontables à sa volonté. Ce point établi, ballottez-le des caresses aux attaques : il est à vous 1.

A mesure qu'on presse l'allure pour passer dans le travail des deux pistes du pas d'école au trot et même au grand trot, il devient de plus en plus difficile d'employer des aides à propos. Il faut, en effet, tenir le cheval bien droit dans la main, car tout effet pour redresser l'arrière-main ou maintenir l'avant- main ralentit l'impulsion qui doit être extrêmement énergique. Pour obtenir le maximum d'impulsion, c'est-à-dire l'allure la plus vive, il faut donc maintenir absolument l'avant-main et l'arrière-main, chacun sur sa piste, et allier l'énergie des deux jambes qui donnent l'impulsion à la finesse de l'action inces.sante des effets diagonaux2, qui permettra de garder le cheval en position sans rien enlever à l'impulsion.

1. Tous les chevaux, sans exception, qui savent marcher sur deux pistes en abusent. Une fois routinés à faire des demi- voltes et changements de mains sur deux pistes, ils se mettent de travers dès qu'on veut leur faire exécuter ces mouvements en les tenant droits. C'est que, par cette défense, ils échappent au rassembler. En tenant le cheval droit, on force les jarrets à s'engager sous le centre, ce qu'il cherche précisément à éviter en se traversant. Le remède est dans les jambes de l'écuyer. Plus tard, quand le dressage sera achevé, le cheval devant être maintenu au rassembler dans tous les airs de manège, cette défense ne lui serait plus d'aucun secours.

2. La hnesse de 1 effet diagonal se concilie très bien avec l'énergie des jambes, parce qu'elle résulte de la légère prédominance d'une aide sur l'autre. D'ailleurs, la véritable action des aides, c'est : jambes énergiques, talons fins, mains légères.


Cet air d'école est peut-être le plus malaisé de tous à cause de l'extrême difficulté de la juste combinaison des effets des aides dans une grande impulsion. Une difficulté qui n'est pas moindre, c'est de maintenir toujours le cheval droit. L'axe de l'impulsion, même dans le travail des deux pistes, passe toujours entre les deux oreilles, à la condition que la tête soit bien placée.

La position correcte dans les deux pistes au trot accéléré est une des plus difficiles à bien garder. En effet, l'énergie de l'allure augmente, pour le cavalier, la disposition naturelle à porter le corps du côté opposé à celui où l'on va. D'où la nécessité d'une attention continue.

En ce qui concerne le cheval, c'est une grande difficulté que de lui donner assez d'énergie pour accélérer son trot sans lui faire prendre le galop. C'est la pierre de touche de l'impulsion et la preuve que le cheval répond bien franchement aux aides.

Le travail des deux pistes, tel que je l'exécute, ne ressemble en rien au travail des deux pistes endormi qui se voit communément dans les manèges. Je m'attache à exiger un travail énergique et je maintiens le cheval entreprenant. C'est tout le contraire de ce qui se fait d'ordinaire. Si le cheval est entreprenant, c'est que mes jambes sont d'abord entreprenantes.

Dans le travail endormi, le cheval obéit condition- nellement; dans le travail entreprenant, le cheval obéit sans conditions. Il ne réserve rien. Il se livre. C'est la première condition de l'équitation.


Les figures i et 2 de la planche XX montrent Germinal (pur sang par Flavio et Pascale) dans le travail des deux pistes au pas d'école tel qu'il a été saisi par la photographie.

Dans la figure i, le cheval commence à se mettre ■en position : il y est tout à fait dans la figure 2. On voit combien la position correcte est loin de la position traversée que prennent certains écuyers dans le travail des deux pistes, et dont le résultat est d'arrêter toute impulsion.

L'impulsion paraît plus grande dans la figure 2, parce que le cheval qui marche de deux pistes de gauche à droite a été pris au moment où il entame le terrain de la jambe antérieure droite, c'est-à-dire du côté où il va. Tandis que dans la figure i, — deux pistes de droite à gauche, — c'est la jambe antérieure gauche, — côté où va le cheval, — qui est à ~appui.

La comparaison des deux figures permet de se rendre compte exactement des mouvements des jambes du cheval dans le travail des deux pistes.

XVII

Le trot.

Pour mettre le cheval au trot, il faut commencer par rendre la main et augmenter un peu la pression des jambes. On doit éviter de lui donner des coups


de talon, afin de ne pas le surprendre. Cependant, s'il est froid, on pourra le talonner d'abord, lui faire sentir les éperons ensuite, mais seulement après une pression des jambes. Il faut au début maintenir un petit trot, et exiger surtout qu'il soit correct et cadencé, c'est-à-dire que les battues soient toujours égales. Le cheval étant déjà assoupli et habitué à obéir aux aides, on y arrivera facilement.

Il faut, de préférence, laisser le cheval aussi libre que possible pour reconnaître s'il trotte juste naturellement. Si vous exigez au début le trot avec mise en main, le cheval ne se livre pas assez franchement, et il vous est, par suite, difficile de reconnaître, quand il y a incorrection ou inégalité dans le trot, si cela provient du cheval, c'est-à-dire de sa conformation ou de ses tares, ou si cela résulte du cavalier, c'est- à-dire des effets produits par les aides. Les rênes doivent donc être à peine tendues, surtout celle du mors. Si le cheval porte la tête trop haut, usez des rênes du mors. La tête trop haute et en arrière écrase l'arrière-main. Si, au contraire, la tête est trop basse, il faut se servir du filet, mais ne pas tirer d'avant en arrière, car cela arrêterait l'impulsion. Donnez simplement de petits coups de bas en haut, délicatement et sans saccades, en alternant avec rapidité d'une rêne à l'autre et en ayant toujours soin de tenir les mains hautes. Trottez seulement deux tours de manège, puis arrêtez; mettez le cheval dans la main et recommencez très souvent.


Quand vous avez obtenu june bonne position du cheval au trot, l'encolure haute1, le chanfrein se rapprochant de la perpendiculaire, plutôt au delà qu'en deçà, vous pourrez alors soutenir cette allure pendant un temps plus long. Mais vous ne devez y arriver que par degrés, car plus le cheval se fatigue, moins il porte la tête haute. Si vous lui imposez un effort prolongé, il devient aussitôt lourd à la main. Aussi, dès que la tête du cheval pèse sur la main, il faut arrêter en rapprochant énergiquement les jambes, exiger ensuite une mise en main complète et repartir.

Quand vous êtes arrivé à trotter pendant cinq minutes sur chaque main et sans fatigue et surtout v-ns que le cheval se détraque, vous pouvez alors exiger une allure plus vive. Il importe, toutefois, d'éviter de passer brusquement du petit trot cadencé au grand trot allongé. Cela aurait l'inconvénient de rompre l'équilibre et de jeter inopinément un poids considérable sur les épaules.

Il faut, au commencement, n'augmenter la rapidité de l'allure que vers la fin d'une reprise de trot. Pendant les deux derniers tours de manège, par exemple, on a agi vigoureusement des jambes en ne prenant qu'un léger point d'appui sur le filet dont l'action doit se borner simplement à maintenir la tête en place.

En multipliant ces exercices, vous arriverez à ob-

1. Ce qui assure naturellement un trot plus relevé.


tenir tout ce que le cheval est susceptible de donner au trot, comme hauteur et comme vitesse.

Évitez surtout de demander au cheval une vitesse supérieure à ses moyens. C'est ainsi que l'on arrive au traquenard, allure fausse et disgracieuse dans laquelle le cheval trotte des jambes de devant, tandis qu'il galope de celles de derrière.

Il y a deux sortes de trot, le trot assis, dit à la française, et le trot enlevé, ou à l'anglaise.

Du premier, je ne dirai que quelques mots. Je ne Le considère pas comme d'un usage pratique. C'est un exercice de manège, absolument indispensable 1 pour donner de l'assiette aux commençants, alors qu'on les fait trotter sans étriers. Partout ailleurs, je le réprouve. Il est fatigant pour le cavalier, plus fatigant encore pour le cheval, et il m'est impossible de comprendre pourquoi, pendant si longtemps, il a été exclusivement prescrit dans l'armée.

Dans le trot à l'anglaise, il n'y a ni secousses ni réactions. Le cavalier a les reins légèrement fléchis en avant, et par conséquent le haut du corps un peu incliné également en avant. Il ne cherche pas à s'enlever pour suivre ou prévenir les mouvements du cheval ; il se laisse enlever. Les chevilles et les genoux accompagnent, soutiennent pour ainsi dire son mouvement, le font descendre moelleusement sur sa selle et dans la cadence marquée par l'allure du cheval. Ce trot doit

i. C'est la base nécessaire de toute équitation ; sans cela, il n'y a pas d'assiette. - - •• ' < -


toujours être pris sous soi dejjas en haut directement, c'est-à-dire qu'il faut se laisser enlever par le cheval en s'aidant du genou et des chevilles sans que le haut du corps y soit pour rien. Autrement les reins et les épaules se contractent. Le cavalier devient raide et n'est plus lié au cheval. Le corps doit donc s'enlever et retomber d'ensemble.

Le cavalier qui contracte les reins, au lieu de s'aider uniquement des jambes, porte nécessairement le ventre en avant quand le corps s'élève et en arrière quand le corps redescend sur la selle. Rien n'est plus disgracieux.

L'étrier doit être chaussé seulement au tiers . du pied. S'il était chaussé complètement, la cheville perdrait toute son élasticité et, par suite, le trot deviendrait raide et pénible.

Au trot naturel, l'allure du cheval qui n'est pas gêné ou qui ne souffre pas doit être régulière d'une diagonale à l'autre, c'est-à-dire que les deux battues doivent être absolument identiques.

Au trot à l'anglaise, le cavalier peut trotter tantôt sur le bipède diagonal gauche, tantôt sur le bipède diagonal droit 1.

i. En termes équestres, la diagonale se prend toujours d'avant en arrière. Ainsi rêne droite, jambe gauche, c'est la diagonale droite; rêne gauche, jambe droite, c'est la diagonale gauche. Il en est de même pour les jambes du cheval : jambe droite de devant et jambe gauche de derrière forment la diagonale droite, et jambe gauche de devant et jambe droite de derrière la diagonale gauche.


On dit qu'il trotte sur le bipède diagonal gauche, quand il s'enlève en même temps que la jambe gauche de devant du cheval et retombe dans sa selle au moment ou cette même jambe se pose à terre.

Dans le trot à l'anglaise bien pris, le cavalier ne s'enlève et ne retombe qu'une seule fois pendant la succession des deux bipèdes. Il s'élève et descend avec le bipède gauche, par exemple, sans que le bipède droit ait aucune influence sur ses mouvements. Mais s'il ne suit pas bien le rythme, il retombe trop tôt dans sa selle et reçoit la secousse du bipède droit résultant de la détente du jarret gauche. Il marque deux temps dans sa selle. Il trotte incorrectement.

Le cavalier doit pouvoir trotter indifféremment sur l'un ou l'autre bipède. Il doit pouvoir en changer pour se soulager lui-même, mais surtout pour soulager le cheval dans une course un peu longue. Ceci demande une certaine habitude. Le cavalier doit s'exercer à savoir toujours sur quel bipède il est.

Au trot et pour commencer, il est difficile de se rendre compte du bipède sur lequel on est. Il vaut mieux commencer cette petite étude au pas en s'enle- vant sur la selle à chaque pas que fait le cheval, comme si on trottait. On a ainsi tout le temps de regarder quel mouvement du cheval on suit. Après quelques instants de cet exercice,, on peut le continuer au trot.

Il est à remarquer que chaque cavalier adopte naturellement et presque toujours sans s'en rendre


compte un bipède. Cette habitude devient telle qu'il est mal à son aise lorsqu'il en change.

Si on désire avoir un beau trotteur, il faut, après qu'on lui a fait exécuter au manège les exercices que nous venons de décrire, terminer son éducation en plein air. Sur une grande route, le cheval se livre mieux, il est plus allant qu'au manège. Comme on a l'espace devant soi, on peut soutenir plus longtemps la rapidité de l'allure, tandis que les coins du manège obligent, à chaque instant, à ralentir un peu le mouvement.

Tous les chevaux ne se livrent pas également au trot : certains conservent volontiers cette allure lorsqu'elle est modérée ; mais aussitôt que vous v(fhlez l'augmenter, ils prennent un galop raccourci. On dit de ces chevaux qu'ils se retiennent, et c'est parfaitement exact. Il est très important de ne pas permettre à un cheval de changer d'allure sans qu'on le lui ait demandé. Il est non moins important de pouvoir obtenir à volonté que le cheval développe tous ses moyens au trot.

Si un cheval se met au galop quand on lui demande le trot allongé, on peut d'abord essayer de la douceur pour le corriger de cette habitude qui n'est que de la paresse. On l'arrête, on le caresse, pour le rassurer et le calmer, puis on le remet au trot. Ce moyen réussit généralement avec les chevaux énergiques, mais il est de nul effet avec les paresseux. Avec ceux-ci, il faut faire tout le contraire. Lorsque, pour éviter le trot


allongé, ils prennent le galop, il faut les pousser vigoureusement en avant au grand galop et les y maintenir pendant un certain temps, soit cinq ou six cents mètres. C'est la punition de leur résistance et de leur paresse. Après quelques expériences, ils finissent par se rendre compte qu'en passant volontairement et pour se soulager du trot au galop, loin d'obtenir ce soulagement, ils aboutissent à une allure sévère qui nécessite une plus grande somme d'efforts et d'énergie.

Ce moyen est à la portée de tout le monde. Il en est un autre que je recommande, mais qui demande plus de connaissance en équitation.

Lorsque le cheval se met de lui-même au galop pour se soustraire au trot allongé qui lui est demandé, il galope naturellement sur le pied qui lui est le plus facile, et nous avons dit ailleurs que tous les chevaux ont un côté plus facile que l'autre. Il suffit alors de le contrarier dans l'allure qu'il a prise et, tout en le poussant au galop, de le mettre sur l'autre pied, c'est- à-dire, par exemple, sur le pied droit s'il est parti de lui-même sur le pied gauche. On emploiera donc la rêne gauche du filet pour retarder l'épaule gauche, qui est en avant, et la jambe gauche pour pousser les hanches à droite1. L'inverse, si le cheval est parti à droite.

i. On remarquera que je fais ici de l'équitation latérale c'est que je suppose le cheval incomplètement dressé ou même sans aucun dressage.


Il est bien entendu que ce dernier moyen, comme le précédent, ne s'applique qu'aux chevaux dont le dressage est incomplet. Lorsqu'un cheval est bien dressé, jamais il ne se met à une allure qu'on ne lui a pas demandée.

Pourtant lorsqu'un cheval ne se livre pas au trot, il ne faut pas se presser de l'accuser de paresse ou de mauvaise volonté. La faute provient souvent du cavalier, dont la main est mauvaise pour une bouche sensible, soit qu'elle fasse un trop grand effort, soit qu'elle ballotte. Il peut arriver aussi que le mors soit trop dur ou bien que le cheval ait la bouche endolorie parce qu'elle a reçu des saccades. Enfin le cheval peut souffrir dans les reins ou dans les autres membres et ne changer d'allure que pour chercher à se soulager. Dans tous ces cas, qui sont fréquents, il n'y a qu'à rechercher la cause du mal et à y remédier.

Je ne crois pas m'avancer trop en disant qu'au lieu d'accuser d'abord le cheval, ce qui est d'ailleurs un sentiment assez naturel, le cavalier doit commencer par rechercher si ce n'est pas lui-même qui est fautif.

Il est un excellent moyen de reconnaître si le cheval ne se livre pas parce qu'il souffre dans sa bouche. Au lieu de lui donner un point d'appui sur le filet, rendez complètement et saisissez une bonne poignée

i. Canons minces, branches longues, liberté de langue prononcée; chacune de ces conditions séparées fait le mors dur. Réunies, elles font un véritable instrument de supplice.


de crins vers le milieu -de l'encolure en tirant à vous. Souvent, dans ces conditions, le cheval se livre complètement. Chez les marchands de chevaux, l'emploi de ce moyen est journalier.

Pour entraîner les trotteurs, on leur laisse généralement prendre un très fort point d'appui sur la main. On ne cherche qu'une chose : atteindre le maximum de vitesse. La régularité de l'allure et la légèreté de la bouche importent peu aux entraîneurs. Leurs chevaux, étant très énergiques, tirent toujours très-fortement sur les rênes, et, d'autre partie cavalier tire non moins vigoureusement sur la bouche, croyant que plus il tire, plus le cheval gagne en vitesse.

C'est une grave erreur. En tirant trop fort sur la bouche, vous rejetez le poids du corps sur l'arrière- main et vous fatiguez ainsi les reins et les jarrets. Pour bien faire trotter un cheval, il faut simplement chercher à lui faire prendre un point d'appui sur la main. Sans doute, dans une course plate au galop, comme du reste au trot, on porte un peu la tête et l'encolure de son cheval} maison doit avoir bien soin de les porter de bas en haut et non d' avant en ai-rière, sous peine d'entraver infailliblement la puissance d'action des reins et des jarrets.

Pour me rendre exactement compte des conditions d'une course au trot, je suis allé autrefois m installer à Dozulé, petit village de Normandie.

J'avais déjà couru en steeple et en plat, et comrrre-- j'avais, d'autre part, dressé trois ou quatre chevaux


d'école, je pensais que j'allais étonner les gars normands par ma science. Or j'avoue, en toute humilité, que le plus surpris fut votre serviteur.

Il y avait à Dozulé un brave garçon nommé Pascal, très au courant de tout ce qui concerne les chevaux, et particulièrement les trotteurs. Je le connaissais depuis longtemps, et le but de mon séjour à Dozulé avait été fixé d'avance entre nous.

Pascal était chargé de l'entretien de deux trotteurs remarquables, qui appartenaient, si j'ai bonne mémoire, au marquis de Croix. C'était vers la fin de 1864-

Le lendemain de mon arrivée, nous étions en selle dès le matin, et franchissions d'abord au pas une distance de deux kilomètres qui était notre piste de course. Puis nous nous mîmes au trot, et Pascal me battit très facilement; mais je pris ma défaite en riant, pensant que son cheval était plus vite que le mien. ,

Le jour suivant, nous recommençâmes; cette fois, nous avions échangé nos chevaux, et pourtant Pascal me battit encore.

J'avoue que j'en fus d'autant plus vexé que le même fait se reproduisit quinze jours de' suite, bien que Pascal montât toujours, le lendemain, le cheval avec lequel j'avais été battu la veille.

Il tirait à pleins bras et donnait des saccades : c'est ce qu'il appelait sonner son cheval.

Je lui disais que sa manière de monter n'était pas rationnelle, mais il me répondait que c'était la seule


manière de donner plus de vitesse au cheval et, en apparence du moins, il avait raison.

Je lui demandai alors de me laisser monter le même cheval quinze jours, pendant lesquels nous ne courûmes pas.

Dans ce laps de temps, j'étais arrivé à obliger le cheval à ne prendre qu'un léger point d'appui sur la main, à tenir la tête tranquille, et finalement je battis Pascal quatre fois de suite. J'obtins ensuite, et dans un temps aussi court, le même résultat avec l'autre cheval.

Les deux chevaux, mis en confiance sur la main et ayant le libre jeu de leur arrière-main, trottaient alors avec ensemble, sans s'enlever et presque sans fatigue. Avec le système de Pascal, au contraire, ils s'enlevaient, trottaient presque toujours désunis et de plus s'éreintaient. On remarquera encore que j'étais plus près de mon cheval que lui ; qu'il faisait de grands mouvements, tandis que je n'en faisais aucun ; et qu'enfin, arrivant plus rapidement que lui à obtenir de mon cheval son maximum de vitesse, je l'y maintenais plus longtemps.

Somme toute, je ne prétends pas avoir donné plus de vitesse à ses chevaux ; mais je dis que, sous ma direction, ils exécutaient leur travail avec confiance et facilité, tandis qu'il provoquait chez eux une souffrance de la bouche et une plus grande fatigue. Cela se voyait du reste à l'arrivée. N'ayant pas à faire les mêmes efforts quand je les montais, ils n'étaient ni essoufflés ni même en sueur après la course.


J'ajoute que les trotteurs dressés à la manière de Pascal sont généralement désagréables à monter et parfois dangereux. Il est, en effet, difficile, lorsqu'ils sont lancés, de les arrêter rapidement. Toutefois, retirés de l'entraînement et soumis à des exercices d'assouplissement, ils peuvent très souvent faire un excellent service.

Pascal avait d'ailleurs un grand avantage sur moi : il connaissait ses chevaux et il savait, du moins j'aime à le croire, quand ils étaient dans leur maximum de vitesse. Or cette connaissance est beaucoup plus importante qu'on ne le croit généralement. Quand un cheval est dans son maximum de vitesse, si le jockey n'en a pas le sentiment, il lui demande davantage et, en le poussant, il le force à prendre le galop.

Le sentiment qui fait qu'on pousse quand même un cheval est très naturel. Rien n'est plus énervant que d'être dans une course à côté d'un cheval qui a et garde une encolure d'avance. Cependant, si le cheval que vous montez est à son maximum de vitesse, gardez-vous de lui demander davantage. Résistez énergi- quement au sentiment qui vous pousse à l'actionner encore, car vous le forceriez à prendre le galop, et pour le remettre au trot il vous faudra ralentir et vous perdrez plusieurs longueurs.

Conclusion : quand on monte un cheval dans une course au trot, il faut savoir apprécier le moment où le cheval a atteint son maximum de vitesse, et il faut l'y maintenir le plus longtemps, possible. La course


devient alors ce qu'elle doit être, c'est-à-dire une question de fond, car celui qui conserve le plus longtemps ce maximum de vitesse a les meilleures chances.

Remarquons que dans la course au trot le maximum de vitesse doit être exigé dès le départ. Nous verrons ailleurs qu'il n'en est pas de même dans les courses au galop.

XVIII

Le galop.

Le galop est, de toutes les allures, la plus difficile et la plus compliquée. Au galop, peu d'écuyers arrivent à faire exécuter au cheval les mouvements tels qu'ils les désirent.

Je ne commence jamais le galop avant de posséder complètement mon cheval. J'entends par là qu'il doit m'être soumis physiquement et, si je puis ainsi m'ex- primer. moralement, à toutes les autres allures; qu'il doit être assoupli, bien dans la main et céder aux jambes avec facilité.

J'attends surtout que les reins, les hanches et les jarrets soient parfaitement souples et que le cheval obéisse sans broncher aux effets d'ensemble, pour être sûr de pouvoir disposer à mon gré des forces qui en résultent.


Ces conditions étant acquises, je suis certain d'arriver tout de suite à bien placer mon cheval au galop et d'obtenir immédiatement, non le galop qu'il lui plaît de prendre, mais celui que je veux qu'il prenne. - Si le cheval obéit aux jambes, je puis, dès le début, l'empêcher de se traverser, et c'est là un grand point, car rien n'est plus mauvais que cette habitude. Mieux vaut prévenir que corriger. Il est bien plus difficile de redresser un cheval qui a l'habitude de jeter ses hanches à droite ou à gauche que de lui apprendre, dès le premier jour, à galoper droit1.

Au galop, le cavalier doit avoir le corps droit. S'il

1. Le plus souvent, au manège, lorsque l'élève veut mettre son cheval au galop sur le pied du dehors, il le traverse trop.

. Je suppose qu'il soit à main gauche et veuille faire partir son cheval sur le pied droit.

Il porte les poignets à gauche. S'il le fait très peu, juste assez pour surcharger l'épaule gauche, c'est bien. Mais s'il ne réussit pas de suite, il portera de plus en plus les poignets à gauche et traversera le cheval dans la position de l'épaule en dedans. Or, à ce moment du dressage, le cheval ne peut pas savoir encore galoper l'épaule en dedans, puisqu'il faut commencer par le faire galoper droit sur les pieds du dedans et du dehors avant d'en arriver là. On n'aboutit donc qu'à détruire toute impulsion et à rendre le galop impossible par l'accule- ment. Portez donc les mains à gauche juste assez pour surcharger l'épaule gauche, mais pas assez pour mettre le cheval de travers. Si le cheval se traverse, n'insistez pas pour prendre le galop, mais redressez-le et recommencez les départs en le tenant droit.

Ce n'est pas tout que de bien partir : il faut maintenir le cheval droit.

Quand le cheval galope su r le pied du dehors, le cavalier


était trop en avant, la foulée du galop le jetterait sur l'encolure; s'il était trop en arrière, les reins se creuseraient et donneraient de la raideur.

Le cheval galope, soit à droite, soit à gauche. On dit qu'il galope à droite lorsque les jambes droites sont en avant au moment où elles touchent terre. Dans le galop à gauche, ce sont, au contraire, les jambes gauches qui touchent le sol en avant.

Pour apprendre au cheval à galoper sur le pied droit, il faut, après avoir approché les jambes, porter les deux mains à gauche, les rênes droites un peu plus tendues que les rênes gauches1. De cette façon, on charge l'épaule gauche sans, pour cela, porter à gauche la tête qui doit toujours rester droite, le bout du nez étant plutôt incliné vers la droite.

Une fois mon cheval bien placé, il reste à l'allimer.. C'est l'arrière-main qui, jouant le rôle d'une hélice, doit pousser et porter la main en avant. J'augmente l'effet des jambes, exerçant une pression égale avec chacune d'elles, pour pousser les jarrets sous le centre. Enfin je fais prédominer ma jambe gauche en la

aussi bien au départ que pour maintenir l'allure, a toujours une grande tendance à traverser le cheval en portant les épaules en dedans et en le mettant en réalité dans la position des deux pistes. Si on persiste dans ce défaut, tout progrès devient impossible, car le cheval ne pourra jamais galoper correctement sur deux pistes, s'il n'a pas appris d'abord à galoper droit sur le pied du dehors. -* ' i. Je commence toujours par me servir du filet, quelle que soit l'allure que je commence à enseigner.


portant un peu plus en arrière que ma jambe droite 1.

Si le cheval est tant soit peu allant, l'effet des jambes suffit pour qu'il se porte sur la main. A ce moment, j'élève mes poignets en tendant les rênes, et je profite de l'impulsion donnée par les jambes pour enlever le cheval, en l'empêchant de s'étendre et de prendre le trot.

Si le cheval est froid, prolongez l'action des jambes en l'augmentant et au besoin arrivez à l'éperon.

Dans ces conditions, il est difficile au cheval de ne pas partir sur le pied droit. Il peut cependant arriver qu'il parte au galop sur le pied gauche ou qu'il prenne le trot. Dans les deux cas, je l'arrête aussi vite que possible et le replace dans la position indiquée plus haut; puis je recommence jusqu'à ce qu'il parte sur pied droit2. Aussitôt qu'il a fait trois ou quatre

I. Par la jambe gauche, le cavalier jette, pour ainsi dire, la masse sur sa jambe droite qui la renvoie sur la main.

2. Si le cheval part désuni, c'est-à-dire si l'avant-main galope à droite et l'arrière-main à gauche, accentuez les aides du galop que vous cherchez, et comme ici c'est l'arrière-main qui s'est désuni, faites énergiquement jambe gauche.

Pour les commençants qui éprouvent quelque difficulté à se rendre compte du galop, je leur conseille de procéder avec prudence, car il n'y a rien de pire que de vouloir remédier à une faute qui n'existe pas. Penchez-vous d'abord légèrement en avant de manière à voir par vos yeux sur quel pied galope le cheval. Si l'épaule droite est en avant au moment où il touche terre de l'avant-main, vous êtes sûr qu'il galope à droite de l'avant-main. Maintenant senter votre assiette et que la régularité et le liant du déplacement du corps vous disent si le galop est bien uni. En ce cas, c'est que le cheval galope également


foulées sur ce pied, je l'arrête, je le caresse, puis je lui laisse faire un tour du manège au pas et abandonné à lui-même. Après quoi, je recommence trois ou quatre fois le même exercice1.

Baucher, par une erreur singulière, prescrivait l'équitation latérale pour le départ au 'galop. Dans son édition de 1846, p. 219, il prescrit, pour partir au galop à droite, de porter la main à gauche, — ce qui fait rêne droite, — et d'appuyer la jambe droite. J'attribue cette erreur à la mauvaise flexion de l'encolure telle que la pratiquait Baucher. L'encolure basse, fléchie au garrot à droite, forçait l'épaule gauche à s'arc- bouter, et l'effet de la jambe gauche aurait été de plier le cheval les deux bouts en dedans, c'est-à-dire de rapprocher la croupe de la tête. L'effet de la jambe droite était au contraire de remédier en partie au mauvais équilibre résultant de la flexion vicieuse de l'encolure;

Mais comment Baucher pouvait-il concilier cette pratique avec son grand principe qui consistait, dans les mouvements tournants, à appuyer la jambe du côté opposé à la conversion ? (Édition de 1846, p. 189.)

à droite de l'arrière-main. Mais si le déplacement de l'assiette est heurté, si la secousse se décompose en deux temps, c'est que le galop est désuni : l'arrière-main est à gauche.

Vous pouvez alors, mais alors seulement, quand votre certitude est absolue, vous servir de l'éperon gauche pour chasser l'arrière-main un peu à droite, et maintenir la jambe gauche près pour forcer le cheval à rester uni.

1. J'ai déjà dit qu'il faut toujours finir par le travail nouveau pour mieux graver celui-ci dans la mémoire du cheval.


Avec ce système, il fallait, dans le mouvement tournant au galop à droite, faire prédominer la jambe droite, pour avoir du galop à droite, et la jambe gauche pour tourner à droite. Il suffit de signaler la contradiction. Tout le monde comprend que si le cheval a appris à galoper à gauche par l'appui de la jambe gauche, l'effet obtenu dans le cas que nous avons supposé sera non de le faire tourner à droite, mais de le faire changer de pied.

Il est, je pense, inutile de décrire les moyens de faire galoper le cheval sur la jambe gauche. Ils sont naturellement les mêmes que ceu-x que nous venons d'indiquer, mais en sens inverse. On doit toujours commencer par le galop à droite1, et pour cela se mettre à main droite. Je ne demande jamais le galop sur la jambe gauche avant d'avoir obtenu, à ma volonté et sans efforts, un galop très franc sur le pied droit. C'est l'affaire d'un nombre de jours qu'il est assez difficile de préciser, car, tandis que certains chevaux partent facilement au galop sur le pied droit, d'autres, au contraire, éprouvent des difficultés à le faire, quoique peut-être très prompts à partir sur le pied gauche.

Il en est des chevaux comme des hommes : les uns, soit naturellement, soit par habitude, sont droi-

i. En équitation, il est de règle de commencer tous les mouvements par la droite. Au dehors, sur la ligne droite, on galope généralement à droite. L'amazone galope à droite. Pour toutes ces raisons, il vaut mieux commencer par le galop à droite.


tiers et les autres gauchers. Cependant, il me paraît plus probable que c'est par nature que certains chevaux sont droitiers, car si l'on ne tenait compte que des habitudes prises, tous les chevaux seraient gauchers.

En effet, quand on conduit le cheval par la bride, étant à pied, on se tient toujours à sa gauche. C'est également de ce côté qu'on lui donne sa nourriture, qu'on le selle, qu'on le bride; et, comme le cheval aime à se rendre compte de ce qui se passe. autour de lui, c'est encore de ce côté qu'il tourne constamment la tête; il devrait donc être plus souple à gauche qu'à droite, et pourtant il n'en est rien. J'ai rencontré autant de chevaux droitiers que de chevaux gauchers ; ce n'est donc qu'en travaillant le cheval qu'on pourra reconnaître s'il est l'un ou l'autre, puisque rien dans sa conformation ne l'indiquer

Comme le cheval droitier demeurera toute sa vie beaucoup plus souple et plus facile à droite, c est naturellement le côté gauche qu'il faudra le plus travailler chez lui, dans les flexions, les pas de côté, les voltes, le galop, etc., et vice versa.

J'attends, pour exiger davantage, que le cheval prenne indifféremment et avec facilité le galop sur

i. Les chevaux arabes sont tous gauchers en ce sens qu'ils tournent toujours à gauche et jamais adroite. C est simplement le résultat de l'éducation. Si vous vous placez à la droite d'un cavalier arabe, il ne peut pas vous atteindre; il faut qu 'il fasse tête-à-queue à gauche pour revenir sur vous.


l'une ou l'autre jambe, tout en restant très droit. Je lui demande alors la mise en main complète. Mais il est bien certain que je ne l'obtiendrai pas au galop, si je n'ai d'abord rendu la bouche souple et légère, à toutes les allures et pendant tous les exercices qui ont précédé.

La plus juste définition de l'action des aides dans le cas qui nous occupe est, je crois, celle-ci : la main demande le pas et les jambes le galop. C'est-à-dire que, tandis que les jambes poussent le cheval avec énergie, la main le retient légèrement : il se trouve donc soumis à deux actions qui se contrarient, — l'impulsion demeurant prédominante, — et par là l'obligent à s'enlever et à prendre le galop.

L'écuyer reconnaîtra qu'il a atteint son but, quand le cheval galopera lentement, sans efforts et surtout sans chercher à échapper à la main1.

i. Presque tous les auteurs recommandent, lorsqu'un cheval tire à la main, au galop, de l'arrêter et de le faire reculer. Il n'y a rien de moins rationnel. Pourquoi un cheval tire-t-il à la main? Parce que les jarrets sont loin du centre. En le faisant' reculer vous repoussez encore les jarrets en arrière et vous allez directement contre le but que vous désirez atteindre. Il faut au contraire arrêter le cheval en le poussant fortement dans la main par les jambes, continuer la mise en main dans le mouvement en avant, faire des mouvements d'ensemble, prendre et rendre des mains et des jambes pour bien rassembler le cheval, seul moyen d'attirer les jarrets sous le centre. Ainsi l 'avant-main s 'allégera de plus en plus au fur et à mesure que l'arrière-main chassera davantage.

A ce moment les demi-tours sur les hanches seront très utiles, à condition que l'on ait assez de tact pour maintenir les hanches bien engagées et le éheval complètement dans la main,


' Il y a trois façons de se rendre compte si le cheval galope à droite :

Il suffit premièrement de regarder ses épaules Óti ses pieds. Si le cheval galope à droite, l'épaule droite et surtout le pied droit seront plus en avant que le pied et l'épaule gauches.

Deuxièmement, le cheval a toujours la croupe un peu déviée du côté où il galope.

Enfin, quand il galope à droite, la jambe droite du cavalier est plus fortement secouée que la jambe gaùche1; il est, par conséquent, plus difficile de tenir le genou droit'très adhérent.

Après une suite d'observations attentives, on doit donc arriver à savoir, les yeux fermés, sur quel pied le cheval galope.

Avant d'aller plus loin dans l'enseignement du dressage, il est important d'exposer la décomposition des mouvements au galop2.

Le cheval d'école et le cheval de promenade doivent galoper à trois temps bien distincts3.

Il faut donc trois temps pour former une foulée

i. C'est la détente du jarret droit, posé sous le centre, qui donne l'impulsion maximum dans le galop à droite. C'est elle qui déplace le genou droit du càvalier. L'effort du jarret gauche, posé beaucoup plus en arrière, et par conséquent moins efficace au point de vue de l'impulsion, est nécessairement beaucoup moins déplaçant pour le genou gauche.

2. Cette étude est nécessaire pour les changements de .pied.

3. Le galop très allongé, ou galop de course, est a quauc temps. Il en est de même du galop très raccourci dans le rassembler. J'en parle, plus loin.


Planche XXI



de galop. Prenons-la, par exemple, sur le pied droit.

PREMIER TEMPS. — Jambe gauche de derrière à l'appui (planche XXI, fig. 1).

DEUXIÈME TEMPS. — Poser de la diagonale gauche : la jambe droite de derrière et la jambe gauche de devant viennent se poser à terre en même temps (planche XXI, fig. 2).

TROISIÈME TEMPS..— Poser de la jambe droite de devant (XXI,'fig. 3).

Indiquons maintenant l'action des aides dont l'écuyer doit se servir pendant cette foulée,

PREMIER TEMPS. — Jambe gauche fortement soutenue. Le cheval se trouve, en effet, pendant un instant, reposer sur sa jambe gauche seule; mais cet instant est si court, qu'à moins d'une très grande pratique, il est presque insaisissable à l'œil.

DEUXIÈME TEMPS. - Diagonale gauche. Les deux jambes du cavalier doivent exercer leur pression pour chercher la mise en main.

TROISIÈME TEMPS. — Jambe droite de devant du cheval à l'appui. Le cavalier doit recevoir le cheval légèrement sur la main, d'abord pour le soutenir et ensuite pour compléter la mise en main provoquée au deuxième temps par les jambes.-

Expliquons maintenant l'effet de ces aides pendant les trois temps formant une foulée de galop.

PREMIER TEMPS. — La jambe gauche du cavalier doit être fortement soutenue, parce que le cheval se trouve pour ainsi dire debout sur sa jambe gauche,


bien que son corps soit incliné en avant et que les autres membres ne se soient pas éloignés beaucoup du sol. Tout le poids du cheval et du cavalier se trouve donc porter sur cette jambe, et si on ne soutenait pas le cheval du côté gauche, il est certain que cette jambe faiblirait sous la surcharge et que l'arrière-main dévierait à gauche.

DEUXIÈME TEMPS. — Les deux jambes du cavalier exercent leur pression pour pousser le cheval sur la main. C'est le seul moment du galop où le cheval a deux appuis, et il faut profiter de l'impulsion qu'il va recevoir pour le faire tomber dans la main au temps suivant.

TROISIÈME TEMPS. — Le cavalier reçoit le cheval sur la main.

C'est le moment où il est le plus facile d'obtenir une mise en main complète; car, au deuxième temps, le jarret droit, se trouvant engagé sous le centre, donne l'impulsion maximum, ce dont la main doit profiter pour rassembler davantage.

La main doit également toujours un peu soutenir le cheval, au troisième temps, car il a alors pour seul appui sa jambe droite de devant. C'est généralement à ce moment que les chevaux font des fautes et risquent de tomber s'ils ne sont pas soutenus.

Je n'indique, bien entendu, que les aides qui prédominent. On comprend assez que les mains et les jambes doivent toujours se prêter un mutuel concours.


Il pourrait sembler, d'après ce que je viens de dire, que c'est la jambe gauche de derrière qui se, fatigue le plus dans le galop à droite. C'est en effet l'opinion courante de beaucoup de ceux qui ont écrit sur la matière. Mais rien n'est plus erroné, car le jarret droit étant sous le centre et soulevant toute la masse fait l'effort maximum de la foulée. C'est une question de fait. Je sais bien que le jarret gauche, placé tout à l'extrémité du bras de levier, est dans des conditions d'action beaucoup moins favorables. Mais, précisément parce que la situation du jarret droit sous le centre est plus favorable à la complète utilisation de sa détente, il fait un effort supérieur et, par conséquent, se fatigue davantage. Si l'on regarde attentivement le cheval qui galope à droite, on s'aperçoit bien vite que le jarret et le paturon droit se fléchissent beaucoup plus que du côté gauche, que, par conséquent, leur action de bas en haut est plus prononcée et leur détente plus énergique1.

Mettez au galop à droite un cheval ayant un mauvais jarret droit (éparvin sec, courbe ou jardon), il se désunira immédiatement de l'arrière-main, l'effort que vous lui imposez lui causant une souf-

1. Aussi chez les chevaux dressés pour dames, qui galopent toujours à droite, le jarret droit s'use toujours prématurément. Les dames n'aiment pas le galop à gauche, parce qu'il déplace beaucoup plus leur assiette. Comme elles sont assises à gauche, la détente ne se fait pas complètement sous leur assiette, puisque c'est le jarret droit qui la donne. D'où un déplacement moindre que dans le galop à gauche.


france. Mais faites prendre le galop sur le pied gauche au même cheval, il y restera sans changer de pied de l'arrière-main.

Le jarret droit fera donc plus de force dans le galop à droite, et le jarret gauche dans le galop à gauche. C'est pour cette raison que le cavalier doit soutenir toujours assez fortement ses deux jambes, surtout au deuxième temps. Cela active le jarret qui se trouve sous le centre, pousse le cheval en avant et l'empêche, au deuxième temps, de rester plus longtemps à terre qu'au premier ou au troisième. Si l'on n'agissait pas ainsi, le deuxième temps serait plus lent et plus lourd que les autres.

XIX

Voltes et demi-voltes au galop.

Quand j'ai obtenu un galop léger et facile, je fais exécuter de grandes voltes. Il est, en effet, préférable de parcourir de grands cercles au début, car il est plus difficile de maintenir son cheval droit dans les petits.

Il est rare que le cheval ne cherche pas à jeter ses hanches, soit en dehors, soit en dedans. Lorsqu'il les jette en dehors, il est plus facile d'y remédier.

Ainsi, prenons le cheval au galop sur le pied droit


• et tournant à droite. Après avoir approché les jambes je porte les mains à droite et en avant : à droite, pour détacher les épaules du mur; en avant, pour éviter un temps d'arrêt. La rêne droite du filet1 doit tirer à droite, tandis que la rêne gauche pousse l'encolure et par conséquent les épaules à droite, en même temps qu'elle aide la jambe gauche à maintenir les hanches et concourt ainsi à tenir le cheval droit. Si le cheval cherche à jeter sa croupe à gauche, mes deux jambes doivent augmenter leur action pour le pousser plus en avant, la jambe gauche agissant un peu plus vigoureusement que la droite pour maintenir le cheval sur le pied droit. La jambe droite pousse la masse en avant et force les hanches à suivre la même ligne que les épaules.

La raison qui me fait préférer le cheval qui jette ses hanches en dehors est très compréhensible. Dans ce cas, en effet, il se jette sur ma jambe gauche; j'ai alors recours à l'éperon qui me sert à deux fins : d'abord à empêcher la croupè de dévier à gauche, et ensuite à forcer l'animal de se maintenir au galop sur le pied droit. Tandis que, si le cheval jette ses hanches en dedans du

i. J'ai déjà dit que je commençais toujours l'apprentissage du cheval dans un travail' nouveau, par le filet. Le filet est un agent de direction, le mors un agent de mise en main. A mesure que l'action du filet est acceptée, le mors intervient de plus en plus pour faire et compléter la mise en main. Cette action continuelle du mors pour la mise en main se retrouve, dans tous les exercices, associée à l'action du filet pour la direction.


cercle, je suis obligé de me servir avec plus ou moins de force de ma jambe droite, quelquefois même de l'éperon, et je risque ainsi de le désunir de l'arrière-main. Enfin, le cheval qui a les hanches trop en dedans du cercle est acculé. Ces inconvénients se produisent rarement quand on commence par de grands cercles. On ne doit les raccourcir que graduellement et au fur et à mesure que le cheval exécute le travail avec plus de facilité. J'ajoute que, même dans les petits cercles, il faut toujours maintenir le cheval très droit.

Immédiatement après, je commence les demi- voltes.

Cet air de manège n'est rien si on se contente de l'à peu près, mais il est très difficile à exécuter d'une manière absolument correcte, ce que, d'ailleurs, j'ai rarement vu.

Le cheval doit quitter le mur, placé bien droit et dans la main, comme pour les voltes. Quand il a fait trois foulées, il doit parcourir le reste du terrain sur deux pistes en regagnant le mur.

Pour passer aux deux pistes, — le cheval galopant toujours sur le pied droit, — la rêne droite du filet tire un peu la tête et l'encolure à droite, tandis que la rêne gauche, appuyée sur l'encolure, pousse les épaules de gauche à droite ; la jambe gauche détermine un mouvement des hanches vers la droite ; la jambe droite aide à pousser le cheval en avant et à le maintenir dans la main, ce qui est important, puis-


qu'il s'agit de gagner du terrain en avant, tout en se portant de côté.

En arrivant au mur qui se trouve à droite du cavalier,— redresser le cheval 1 , - arrêter, mettre en main au pas; puis repartir au galop sur le pied gauche et faire exécuter le même travail sur ce pied.

Quand le cheval exécute bien les demi-voltes, je les prolonge de quelques foulées de galop sans changer de pied. Ainsi, ma demi-volte commençant au mur qui est à ma gauche, et le cheval galopant sur le pied droit, puisque je tourne à droite, je continue à le maintenir au galop, toujours sur le pied droit, même après la demi-volte, mais pendant deux ou trois foulées seulement dans les premiers temps. Je n'augmente le nombre de ces foulées que peu à peu, en raison de la légèreté et de la facilité du cheval.

C'est la manière la plus simple d'apprendre au cheval à galoper sur le pied droit en tournant à gauche et réciproquement.

Cet exercice est indispensable si l'on veut arriver à obtenir facilement les changements de pied, étant au galop sur l'une ou l'autre piste.

Quand le cheval fait correctement un tour du manège sur la jambe qui est du côté du mur, il faut lui demander souvent, sur les deux mains, des départs à droite ou à gauche, en le tenant toujours le long du mur.

i. Pour que le mouvement soit correct, il faut que les épaules arrivent au mur les premières.


XX

Changements de pied.

Dès que le cheval galope indifféremment sur le pied droit ou sur le pied gauche, il faut que le cavalier puisse mettre son cheval, à sa volonté, au galop sur l'un ou l'autre pied. Il faut, de plus, qu'il sache passer de l'un à l'autre de ces galops sans arrêt, ce qui constitue le changement de pied. Ce n'est pas un travail de haute école, c'est de l'équitation ordinaire, d'un usage courant, non pas seulement au manège, mais au dehors, aussi bien à la promenade qu'à la chasse.

Exemple : Vous êtes au galop sur le pied gauche et vous voulez tourner à droite ; il est absolument impossible que vous exécutiez ce changement de direction sans danger. En effet, la jambe gauche du cheval, qui est en avant, passera forcément par-dessus la jambe droite pour exécuter le mouvement tournant, arrêtera cette jambe, l'accrochera, et l'animal tombera. Dans ce cas, le cavalier accuse son cheval et dit qu'il a fait une faute. Il y a eu lourde faute commise, en effet, mais par le cavalier1.

i. Il pourra arriver assurément que cet accident soit évité et que le cheval réussisse à se maintenir debout tout en se heur-


- Au galop à gauche, si on veut tourner à droite en conservant la même allure, il est de toute nécessité de mettre auparavant le cheval sur le pied droit. Dans ces conditions, le mouvement s'exécute avec aisance et sans danger. En effet, le cheval a la tête placée et le corps fléchi du côté où il tourne. De plus, c'est la jambe placée en avant qui entame le terrain du côté où se fait le changement de direction1.

Il faut enseigner les changements de pied avec le plus grand soin. Une bonne préparation est le seul moyen d'y amener et d'y habituer le cheval.

Il est très difficile de préciser dans un livre à quel moment du dressage le cheval est prêt pour apprendre les changements de pied. Je puis seulement dire d'une façon générale que c'est au moment où, par suite de

tant les jambes l'une contre l'autre. Mais c'est pure chance.

Ce qui cause la chute du cheval qu'on fait tourner à droite pendant qu'il galope à gauche, c'est qu'on le met brusquement dans la position du galop à droite. En équitation savante, on arrive à tourner très bien à droite en restant au galop sur le pied gauche. Il faut pour cela agrandir le mouvement tournant, maintenir toujours le cheval dans la position du galop à gauche, et accentuer même cette position en poussant un peu plus la croupe à gauche par l'action de la jambe droite. Il est plus facile de changer de pied.

i. A propos des changements de direction, je fais trois recommandations : agrandir toujours le cercle autant que possible; ralentir toujours un peu l'allure en tournant; et, si l'on n'est pas'très sûr du changement de pied, — qui est d'autant plus difficile que l'allure est plus rapide, — il vaut mieux, avant de tourner, mettre le cheval au trot et ne reprendre le galop qu'après avoir exécuté le changement de direction.


tous les exercices que nous avons décrits, il est devenu franc dans ses allures, souple, léger, bien équilibré, obéissant et surtout attentif aux aides.

Nous sommes arrivés à ce point que le cheval part déjà franchement au galop sur le pied droit étant à main droite et sur le pied gauche étant à main gauche, et qu'il prend aussi le galop non moins fran. chement sur l'une ou l'autre des deux jambes, qu'il soit à main droite ou à main gauche.

Pour obtenir le changement de pied, voici comment je procède1. Je mets le cheval au galop sur le pied droit, étant à main droite. Quand j'ai fait quel.ques foulées sur ce pied, j'arrête ; puis je repars sur le pied gauche, tout en restant sur la piste de droite et en ayant soin de tenir mon cheval aussi droit que possible. Je recommence très souvent et fais exécuter ce travail plusieurs fois. Je le prolonge jusqu'au moment où je sens que mon cheval reste tout à fait léger dans la main, qu'il prend le galop à la moindre pression des jambes, sans se presser et sans essayer de jeter les hanches hors de la ligne droite.

Pour être bien sûr que le cheval ne se traverse pas, il faut faire les départs éloignés du mur d'un mètre environ. Cela est très difficile 2; cependant je conseille de s'y appliquer. Le résultat, c'est de forcer

i. Je rappelle une fois de plus que chaque fois que j'aborde un travail nouveau, c'est toujours à la fin d'une leçon.

2. La difficulté n'est pas de faire le départ, c'est de se maintenir à la même distance du mur en gardant le cheval droit.


l'écuyer à maintenir le cheval très droit sans le secours du mur, en même temps que de l'obliger à beaucoup plus de précision.

Il ne faut pas chercher à obtenir les changements de pied loin du mur avant de les avoir obtenus en le suivant. Il faut aussi que le cheval prenne très facilement le galop sur l'un ou l'autre pied dès que, placé dans la position qui lui permet de le prendre, vous le lui demandez. Il doit suffire de le placer et d'actionner par les jambes pour obtenir le résultat voulu1. Alors je le mets au galop sur le pied droit et je l'y maintiens jusqu'à ce qu'il soit calme, puis je le mets au pas pendant une ou deux minutes. Je le remets ensuite au galop sur le pied gauche et je l'y maintiens comme la première fois jusqu'à ce qu'il soit léger et calme; après quoi je reprends le pas pour quelques instants. Enfin je repars au galop sur le pied droit, et ainsi de suite. Ce sont donc des départs au galop successifs, chaque reprise étant faite sur un pied différent. Peu à peu, je raccourcis les instants pendant lesquels je le laisse au pas entre les deux reprises de galop, de telle sorte qu'il ne fait plus, par exemple, que cinq pas, puis quatre, trois, deux, et un seul pas entre les deux reprises. Enfin il arrive à partir alternativement, au galop de pied ferme, sur un pied différent, les reprises n'étant interrompues que par un simple temps d'arrêt.

1. Placer et animer : principe capital, qui se trouve dans toute l'équitation. Placer paf les jambes et les mains, animer par les jambes.


Ainsi, le cheval parti au galop sur le pied droit s'est arrêté et est reparti immédiatement au galop sur le pied gauche : il a déjà exécuté un changement de pied, mais ce changement a été aidé par un temps d'arrêt. Toutefois, le véritable changement de pied se fait sans temps d'arrêt ; c'est pourquoi on l'appelle changement de pied en l'air.

Au point où nous en sommes, le cheval est mûr pour le changement de pied. J'ai la possibilité de le lui faire exécuter sans lui causer la moindre surprise.

Je mets mon cheval au galop sur le pied gauche, étant à main droite. Il galope donc sur le pied^clu dehors, et j'ai à ce moment comme soutiens la rêne gauche et la jambe droite qui dominent. Quand j'arrive dans un coin du manège, je change complètement mes aides et fais agir la rêne droite et la jambe gauche : ce changement des aides doit se faire avec une très grande décision et un ensemble parfait. Pour que le mouvement soit bien fait, il faut l'exécuter avec une extrême rapidité et sans la moindre secousse. Cette rapidité et ce moelleux ne sont possibles que si on a eu constamment la précaution de faire sentir légèrement l'action de la rêne droite et de tenir la jambe gauche très près, de façon que l'on n'ait qu'à agir un peu plus avec cette rêne et soutenir davantage la jambe. L'action de la main droite se faisant déjà légèrement sentir et la jambe gauche étant très près, il n'y aura ni secousse ni surprise lorsque vous les ferez dominer à leur tour.


Enfin, comme vous avez habitué votre cheval à partir sur le pied droit, sous l'action de la rêne droite et de la jambe gauche, et que vous lui demandez ce premier changement de pied dans un tournant à droite, c'est-à-dire à l'endroit où il -lui est le plus facile de l'exécuter, il est très rare qu'il s'y refuse, même dès la première fois.

Si, toutefois, il arrivait que le cheval n'obéît pas, il ne faudrait pas persister à le pousser avec brusquerie pour l'y contraindre. On l'obligerait ainsi à jeter ses hanches à droite et, de plus, il prendrait peur du changement de pied et se sauverait, effrayé d'une demande qu'il ne comprend pas. Il faut l'arrêter, le mettre dans la main au pas, puis le faire repartir au galop sur le pied gauche et lui redemander le changement de pied; mais attendre pour cela qu'il soit redevenu calme.

Si le cheval manque plusieurs changements de pied, cela prouve que la préparation est insuffisante et qu'il n'est pas mûr pour cet exercice. Ou bien il a été surpris par les aides, s'est sauvé ou s'est jeté de côté; ou bien il n'a pas compris ce qu'on lui demandait. Dans tous les cas, il faut en revenir aux départs.

Je le répète, si le cheval a été bien préparé, cela est extrêmement rare.

Il faut toujours en revenir aux départs, à droite et à gauche, chaque fois que l'on rencontre une difficulté. On arrive, par ces départs réitérés avec temps d'arrêt, à rendre le changement de pied tellement


facile que souvent le cheval l'exécute de lui-même, par le seul effet des préparations auxquelles il est soumis. En effet, quand vous l'arrêtez sur un pied, vos aides doivent déjà préparer légèrement le départ sur l'autre.

Je n'ai jamais demandé un changement de pied sans l'obtenir du premier coup, toutes les fois que j'avais eu le temps de bien préparer mon cheval. Quoi qu'il en soit, après en avoir manqué quelques-uns, le cheval finit toujours par en exécuter- un correctement. Il faut alors descendre, le caresser et le renvoyer à l'écurie.

A la leçon suivante, vous devez recommencer le même exercice et le prolonger jusqu'à ce que le cheval change facilement de pied de gauche à droite; puis vous changez et, marchant à main gauche, vous faites de la même façon le changement de pied de droite à gauche.

Évitez de toujours demander le changement de pied au même endroit, car, malgré vous, le cheval arriverait à vouloir changer de pied chaque fois qu'il passerait à cet endroit. Il ferait alors des changements de pied à sa volonté, et il vous serait impossible de les lui faire exécuter régulièrement, puisque votre volonté serait subordonnée à la sienne 1.

i. J 'ai dit avec quelle facilité le cheval prenait des habitudes en toutes choses. C'est pourquoi dans tout le dressage il faut éviter avec le plus grand soin de lui donner des points de repère, soit en lui demandant le même travail dans le même endroit, soit en lui demandant les différents exercices dans la


^ Quand j'obtiens facilement les changements de pied dans les coins, de dehors en dedans, je les demande en ligne droite.

Le changement de pied ne doit pas être demandé à n'importe quel temps d'une foulée de galop. Il y a un moment où il est plus facile au cheval de l'exécuter; c'est cet instant qu'il faut saisir pour le lui demander.

Chaque foulée de galop se compose, comme je l'ai dit, de trois temps parfaitement distincts et marqués à terre par les pieds du cheval. Mais, en réalité, il y en a un quatrième, qui n'est marqué, pour ainsi dire, par rien, puisqu'il se passe en l'air.

Le cheval étant sur le pied droit, son galop se décompose ainsi : ier temps, jambe gauche de derrière; 2e temps, jambe droite de derrière et jambe gauche de devant; 3e temps, jambe droite de devant. Le quatrième temps, dont je parle, se trouve au .moment où la jambe droite de devant quitte terre et avant le poser de la jambe gauche de derrière. A ce moment, comme on le voit, le cheval est en l'air entre

même succession. Cette remarque est d'autant plus importante à mes yeux, que la plupart des écuyers s'appliquent, au contraire, à donner des points de repère au cheval. Cela rend en effet le dressage plus facile, mais ce dressage-là n'est qu'apparent. Le cheval exécute, par routine, un travail donné à un moment donné, à certains endroits et après un autre travail déterminé; mais il n'est pas dressé en ce sens que, loin d'être soumis à la volonté du cavalier, c'est le cavalier qui est obligé de se plier à ses habitudes. Le cheval est habitué ou, comme on dit, routiné; il n'est pas dressé.


le troisième temps d'une foulée et le premier temps de la foulée suivante.

Le meilleur moment pour obtenir le changement de pied, c'est donc à ce quatrième temps, lorsque le cheval est en l'air, entre le troisième temps d'une foulée et le premier temps de la foulée qui suit 1.

Pour l'obtenir au quatrième temps, il faut le demander au deuxième temps, quand'la diagonale est à

i. Baucher ne donne aucune indication sur ce point. La plupart des écuyers font le changement de pied à l'appui, au lieu de l'exécuter au moment que je viens d'indiquer, quand le cheval est en l'air. De là un temps d'arrêt inévitable qui détruit le rythme du galop et par conséquent altère le galop lui-même. Le procédé que j'indique maintient au contraire le galop dans toute son impulsion et permet d'allonger ou de raccourcir l'allure, à volonté, dans les changements de pied.

Les changements de pied au temps, exécutés correctement, constituent ainsi une véritable allure. A cette allure-là, je dispose d'une telle impulsion que je crois pouvoir, sans fausse modestie, défier n'importe qui à la course.

[Il me sera permis, à ce propos, de reproduire ici la lettre suivante adressée au Gil Blas, qui a refusé de la publier. J'ai été assez heureux pour en obtenir l'insertion dans l'Écho de Paris, mais elle est restée sans réponse.

« Paris, 27 août i8po.

« A Monsieur le Directeur du GIL BLAS Monsieur le Directeur,

« M. Baron de Vaux a récemment, dans- un long article « du GIL BLAS, fortemeiit maltraité mon livre et mon équitation. « Je suis bien loin de m'en plaindre et je n'aurai pas la témérité, « moi qui ne suis qu'un homme de cheval, de lutter de critique « avec un homme de plume.

« Un point cependant me paraît utile à relever, parce qu'il « peut être soumis à l'épreuve décisive de la pratique.

« Le rédacteur de l'article prétend que, dans les changements


l'appui. Dans le galop à droite, en effet, le résultat de votre attaque de l'éperon droit, au moment où la diagonale gauche est à l'appui, est de provoquer une détente énergique du jarret droit qui jettera fortement l'épaule gauche en avant et qui lui fera dépasser l'épaule droite pendant que le cheval est en l'air.

Enfin, le jarret gauche passera d'autant plus facilement devant le jarret droit qu'il est en l'air au moment où le jarret droit fait sa détente. Dans ces conditions, après l'attaque au deuxième temps, le troisième temps (jambe droite de devant) perd la plus grande partie de sa valeur d'impulsion dans la foulée «

« de pied je ne tiens pas mes chevaux droits. Si cela est vrai, « je perds nécessairement du terrain en avant.

« Eh bien 1 je propose une course au changement de pied au « temps. C'est là une épreuve originale qui, je crois, n'a jamais « été tentée.

« Le gagnant sera nécessairement celui dont le cheval sera « le plus droit.

« Puisque M. Baron de Vaux connaît beaucoup d'écuyers qui « trouvent grâce devant sa critique, je lui demande d'employer « toute son influence pour obtenir de l'un d'eux qu'il relève mon « défi.

« Pour le choix du terrain, pour l'étendue à parcourir, les « conditions de mon adversaire seront les miennes. Il fixera « également l'enjeu qui sera versé à l'Assistance publique.

« Allons, un bon mouvement. Si ce n'est pas pour l'équitation, « que ce soit pour les pauvres.

« Dix mille francs, par exemple, cela leur ferait bien CI plaisir.

« Veuillez agréer; Monsieur le Directeur, l'assurance de « mes sentiments très distingués.

« JAMES F IL US. »


et ne s'accentue que dans la mesure où l'équilibre' l'exige, car c'est le jarret droit qui a donné le surplus d'impulsion nécessaire pour faire le changement de pied.

Chacun comprend maintenant la dénomination de changement de pied en l'air.

On devra observer les mêmes indications pour le changement de pied en sens inverse, c'est-à-dire de gauche à droite.

Nous n'avons, dans ce chapitre, parlé du changement de pied qu'au point de vue de l'équitation courante. Nous aurons à y revenir plus tard et avec détails à propos des exercices de haute école.

XXI

Cheval de promenade.

Je ne chercherai pas à décrire le type du cheval de promenade, — le lzack des Anglais, — chacun, cavalier ou amazone, ayant, comme on dit, son modèle.

Ce modèle, le cavalier le choisit d'après ses habitudes, son tempérament, sa façon de monter et, pour tout dire d'un mot, sa science en équitation.

Cependant il est des qualités générales qui sont de naissance et que l'élevage, les soins et le dressage ne peuvent ni donner ni remplacer.


La première chose à exiger, la condition sine quâ non, c'est LA SÛRETÉ DU PIED. Il est absolument nécessaire que le cheval aille aux trois allures sans faire de fautes, c'est-à-dire de faux pas. C'est pourquoi l'on recherche le cheval qui lève franchement la jambe et pose bien le pied d'aplomb. Le cheval qui traîne la jambe — qui rase le tapis, comme on dit — heurtera une aspérité du sol, une pierre et fera un faux pas qui peut avoir une chute pour conséquence.

Le cheval qui pose le pied en pince, c'est-à-dire en touchant le sol d'abord avec la pince, buttera facilement. Ce défaut se rencontre chez l'animal qui rase le tapis. Le cheval qui lève la jambe ne peut pas poser le pied en pince : il applique nécessairement le pied bien d'aplomb sur le sol.

Il faut ensuite demander au cheval de promenade d'être FRANC, c'est-à-dire de n'être ni inquiet ni peureux.

Il n'y a pas de dressage qui puisse rendre sûr un cheval qui fait des fautes. Il n'y a pas de dressage qui puisse rendre franc un cheval qui est sur Vœil et fait à tous propos des écarts ou des tête à queue.

Aussi longtemps qu'un bon écuyer le tiendra bien entre les mains et les jambes, aussi longtemps qu'il s'en occupera1 et sera sur le qui-vive, il ne le couronnera pas et évitera les accidents. Mais, dès qu'il se relâchera

1. Il faut non seulement s'occuper du cheval ombrageux, mais surtout l'occuper dès qu'il donne quelque signe d'inquiétude. Beaucoup de cavaliers en pareils cas ne font pas de


de son attention, il sera à la merci d'un hasard et aura toutes les chances du monde de ramener à l'écurie un cheval taré.

Dans ces conditions, la promenade cesse d'être un plaisir et devient un travail, une préoccupation continuelle, un ennui qui amène bientôt le dégoût de l'équi- tation.

Il demeure donc entendu que les deux premières qualités du cheval de promenade sont d'être SUR et FRANC.

jambes de peur d'exciter davantage l'animal, et tirent d'une façon continue sur les rênes, sur le filet surtout.

En le laissant en proie à sa crainte, on fait précisément ce qu'il faut pour l'accroitre. En lui donnant un point d'appui, on le met dans la condition la plus favorable pour une action violente et désordonnée.

Il faut procéder d'une façon toute contraire : jambes énergiques et moins légères pour pousser l'animal en avant, car à la première inquiétude sa-tendance est nécessairement de s'acculer : préparation au recul, à l'écart, une tête à queue, à la cabrade. En même temps il faut profiter de l'impulsion donnée pour mettre le cheval vigoureusement, mais avec légèreté, dans la main par des effets alternatifs de mors et de filet. Une fois la mise en main obtenue, joignez-y une flexion latérale du côté opposé à celui d'où vient le sujet de la frayeur. Enfin, tout en maintenant la mise en main, poussez franchement l'animal en avant ; c'est, dans tous les cas, ce qu'il y a de moins dangereux. Ces manœuvres occupent l'attention de l'animal effrayé, le détournent de l'objet de sa crainte et le mettent dans la situation la plus favorable pour s'y soustraire en évitant la violence et le désordre.

Je n'ai pas besoin de dire qu'il faut proportionner ces moyens au degré d'inquiétude manifesté par l'animal. Règle générale : dès que votre cheval vous paraît inquiet, demandez- lui la mise en main avec de bonnes jambes et le calme revient tout aussitôt..


Pour dire toute ma pensée, il est une troisième qualité qui prime ces deux premières, parce qu'elle les suppose et qu'elle résume d'un mot tout ce qu'on peut attendre d'un cheval. Cette qualité suprême pour tout cheval, c'est d'être CHAUD, c'est-à-dire énergique, ardent, généreux, toujours prêt à se porter en avant.

Le cheval qui n'est pas sûr a le sentiment de son défaut : il sera toujours hésitant et n'osera pas se lancer.

Le cheval qui n'est pas franc est toujours prêt à l'acculement.

Le cheval allant a confiance dans son pied et, tout au plaisir de se porter en avant, s'inquiète peu de ce qui se passe autour de lui.

Quelle que soit la race, quelle que soit la conformation, il en est du cheval comme de l'homme, c'est le moral qui fait sa valeur.

C'est l'énergie, c'est le cœur qui fait le cheval. Que faire de la plus belle locomotive sans la vapeur qui la lance sur les rails.

Au-dessus de toutes les théories il y a le fait, et le fait, c'est que le seul bon cheval, pour tous les services, — aussi bien pour l'équitation savante que pour le dehors, — c'est le cheval qui se porte en avant, c'est le cheval chaud.

Naturellement, je n'entends pas par là le cheval désordonné dans ses allures, inquiet ou vicieux, se défendant hors de propos ou prêt à s'emballer.

Le cheval chaud est simplement celui qui ne de-


mande qu'à se porter en avant, et qui, par suite de son bon équilibre et de son impulsion naturelle, donne franchement dans la main. Le bon équilibre, l'impulsio1l naturelle, qualités nécessairement inhérentes au cheval chaud, puisqu'elles sont les conditions mêmes de sa manière d'être : cela ne dit-il pas tout. Pas d'équitation sans impulsion : vous trouvez là l'impulsion toute prête. Il est plus facile, ai-je dit, de profiter de l'impulsion acquise que de la créer. Ici c'est le cheval qui vous la donne de lui-même. L'ac- culement est la pierre d'achoppement de toute équi- tation ; or voici un cheval dont la disposition naturelle est précisément l'opposé de cette tendance.

Enfin le mouvement en avant est dans tous les cas, quoi qu'il arrive, le moins déplaçant de tous pour le cavalier. Si les chevaux arabes sont en général faciles à monter et agréables, c'est qu'ils sont chauds.

Le cheval arabe galope haut et a toujours les jarrets engagés sous le centre.

Dans ces conditions, n'ai-je pas raison de dire que tout autre cheval que le cheval chaud n'est bon qu'à mettre entre les brancards.

On craint généralement le cheval chaud; et c'est bien à tort, car c'est le seul qui soit fidèle et ne joue pas de méchant tour : c'est le seul qui, en raison de sa disposition constante à se porter en avant, soit franc jusque dans ses défenses.

Le chevalfroid, qui est préféré généralement, peut n'être ni sûr, ni franc. En tout cas, loin de se livrer,


il se retient continuellement et est toujours prêt à l'ac- culement, ce qui est à mes yeux le plus grave de tous les défauts. Il ne pense qu'à retourner à l'écurie1 et cherche à profiter de toutes les occasions pour satis - faire ce caprice. Si l'on veut obtenir une allure un peu vive, il faut employer les éperons ou la cravache et comme de légers encouragements ne suffisent pas, on est bien forcé de recourir à la vigueur. Alors le cheval froid se défend, et avec d'autant plus de brutalité que, s'étant retenu tout le temps, il a gardé toute son énergie pour combattre avec avantage la volonté du cavalier. La différence est grande entre les deux : le cheval chaud donne toutes ses forces au profit du cavalier -, le cheval froid, au détriment de celui-ci 2.

1. La tendance du cheval, quelque chaud qu'il soit, est tou.jours de rentrer à l'écurie plus vite qu'il n'en est parti. Il n'y a pas d'exception.

Je conseille donc, pour que le cavalier ne soit pas exposé à revenir d'un plus grand train qu'il ne veut, de commencer la promenade par un bon temps de trot qui détend le cheval : point très important pour éviter plus tard les défenses, écarts, ruades, etc. Si on s'applique en outre à faire rentrer le cheval à une allure lente, pendant un certain temps, on arrive ainsi à régler ses allures comme on veut pour tout le temps de la promenade et à éviter qu'il ne tire à la main ou ne se mette au galop dès qu'il a la tête tournée du côté de l'écurie.

Je conseille .aussi de ne jamais faire tête à queue pour revenir à l'écurie par le chemin qu'on a déjà parcouru. On routine ainsi le cheval et on lui donne la tentation de chercher à gagner à la main aussitôt qu'on a tourné.

2. En 1857, à Chalon-sur-Saône, on amena au manège deux chevaux à dresser. L'un remuant et si vif qu'il était extrême-


Le cheval froid ne peut pas entrer en confiance avec l'homme, parce que, dans le travail, on est obligé d'employer les aides avec vigueur, — ce qui est pour lui de la correction.

Le cheval chàud, qui se livre et ne s'emploie qu'au profit de son cavalier, n'en reçoit que des caresses et apprécie toutes les nuances des aides. Pas de crainte, pas de défiance entre eux.

Beaucoup de cavaliers reprochent au cheval chaud d'être impatient et de prendre une allure vive aussitôt que l'on touche aux rênes : c'est leur faute. En effet, chaque fois que l'on veut prendre une allure un peu vive, on commence par raccourcir ses rênes. Le cheval a vite fait d'établir une corrélation entre ces deux actes. Mais si, au lieu de lui donner l'habitude de partir aussitôt vos rênes ajustées, vous le maintenez au pas, il ne contractera pas ce défaut, ou s'en corrigera s'il l'a acquis. A. vous de ne lui permettre

ment difficile de mettre le pied à l'étrier. Après plusieurs tentatives infructueuses on finit par me prendre par la culotte et me jeter en selle. Une fois là, le cheval n'en fit ni plus ni moins et, donnant dans la main, se jeta en avant dès que je cessai de le retenir.

Le maître du manège, confiant dans l'autre cheval qui avait la tête basse, ne faisait pas un mouvement et semblait un mouton, se mit en selle sans difficulté. Seulement il n'y resta pas longtemps. Les bonds sur place et les ruades le firent passer immédiatement par-dessus la tête du cheval froid, pendant que le cheval chaud m'emmenait gaiement autour du manège. Conclusion : méfiez-vous d'un cheval trop tranquille et ne vous effrayez pas d'un cheval impatient.


l'allure allongée que sur l'indication de vos talons.

Faut-il parler de la race ? Ouvrez ce livre et vous y trouverez dès la première ligne ce cri du coeur : je ne dresse que des pur sang 1. Je le dis sans ambages : pour la promenade comme pour l'équitation savante, je mets les pur sang au-dessus de tous les autres. C'est le cheval par excellence pour n'importe quel service. D'ailleurs, quand on a pris l'habitude de monter des pur sang, on n'en peut plus monter d'autres.

1. J'écrivais mon livre au moment où je débutais à l'hippodrome avec Germinal et Markir. On me fit remarquer la contradiction entre mon affirmation que je ne dressais que des pur sang et le fait que j'avais pu pousser le dressage du demi- sang Markir aussi loin que chez n'importe quel pur sang.

La vérité est que j'avais acheté Markir non seulement à cause de ses belles lignes, mais parce que j'avais trouvé en lui des qualités de puissance et de souplesse qui m'avaient séduit. Au cours du dressage je m'étais souvent demandé si le cheval me donnerait bien tout ce que j'en avais attendu, et j'ai souvent craint que ses moyens ne répondissent pas à mes exigences. A ma grande surprise, aucune déception ne se produisit. Si bien que je finis par me demander si la généalogie du cheval, telle qu'on me l'avait fournie, était bien certaine. Pour en avoir le cœur net, j'écrivis à mon ami Lenoble du Teil au Haras du Pin. Je l'informais que Markir m'avait été vendu comme provenant de Thérésine, jument de pur sang, et de Weighton Merry legs, demi-sang de Norfolk, et je le priais de faire des recherches à ce sujet. Quelle ne fut pas ma surprise, et je puis dire ma joie, en recevant la réponse suivante : « La jument de pur sang Thérésine a bien été saillie par Merry legs, mais n'a pas retenu. Deux mois plus tard elle a été saillie par Cyrus, étalon de pur sang anglo-arabe qui est le père de Markir. »

Markir est donc un pur sang. Ce qu'il y a de curieux, c'est que la pratique l'ait démontré avant toutes recherches.


La légèreté des leviers, l'élasticité du fin ressort d'acier qui les met en action, le liant de la souplesse que développera le dressage; voilà, pour moi, les qualités dominantes du pur sang. Écoutez-le de loin à ' toutes les allures; c'est à peine si vous entendez ses battues sur le sol, tant il pose légèrement les pieds. Il effleure le terrain- et s'y pose, sans appuyer, avec une délicatesse pleine d'énergie. Comparez avec les battues des autres chevaux : comme elles résonnent, comme elles frappent bruyamment le sol, — on dirait que les pieds s'y enfoncent, — combien- plus lourdes ces allures.

Maintenant, soyons justes. Il y a des demi-sang admirables. On rencontre des chevaux sans signes de race, qui développent des qualités merveilleuses. Tout de même que certains pur sang d'illustre origine sont de simples rosses1. Ceci revient à répéter ce que je disais tout à l'heure, que ce qu'il faut demander avant tout à un cheval, c'est d'être chaud. Ce que j'ajoute, c'est qu'à qualités de cœur et d'énergie égales, le pur sang est incomparable.

i. Rien n'est plus trompeur, même pour la vitesse, que .les origines. L'atavisme paternel et maternel brouille tout. Cependant certains étalons marquent d'un trait caractéristique la plupart de leurs produits.

J'ai monté quatre produits de Vermout, dont deux dressés par moi. Tous les quatre se retenaient. Il fallait arriver à la correction pour les faire passer devant leur écurie. Aussi longtemps qu'ils sont restés dans les mains d'hommes montant vigoureusement, ils ont marché à peu près; mais jamais on n'a obtenu un mouvement énergique de leur part si ce n'est dans


Le pur sang ayaht la réputation d'être froid, on ne manquera pas de me demander comment je concilie mon amour du pur sang avec la supériorité que je reconnais au cheval chaud. La contradiction n'est qu'apparente et je me trouve avoir répondu d'avance à l'objection. Il y a parmi les pur sang, comme dans toutes les autres races, des chevaux chauds et des chevaux froids. Je dirai même que l'énergie innée du pur sang en fera plus facilement un cheval généreux, s'il est monté comme il doit l'être, et si on lui demande les efforts que l'on peut attendre de sa conformation et de son impulsion naturelles.

Le fait est qu'on recherche pour les courses le cheval qui s'allonge et qui, par conséquent, rase le tapis 1. Le cheval qui développe ses moyens en hau- la défense. Je les ai suivis de loin; ils sont tous devenus rétifs.

Les produits de Zut sont susceptibles, chatouilleux, quin- teux.

Parmesan} Gantelet font d'excellents chevaux, souples, énergiques, ayant bon caractère.

Clocher ne fait pas beau, mais bon. Ses produits ont du fond, de la force, du gros et peuvent porter de forts poids. De même pour Braconnier, moins le bon caractère.

Castïllon : chevaux froids, sans énergie.

Flavio : chevaux très souples, excellents, surtout nerveux, mais ayant mauvaise tête. Il est clair que les indications de cette sorte qu'on pourrait multiplier à l'infini seront d'autant mains rigoureuses qu'il faudrait tenir compte de la mère. Si je les donne, c'est qu'à mon avis, elles contiennent pourtant une part de vérité et que, par conséquent, elles ne sont pas négligeables.

i. A l'objection que beaucoup de pur sang rasent le tapis, je réponds simplement que ce n'est pas ceux-là qu'il faut


teur est nécessairement exclu de l'écurie de courses. C'est là que je l'attends, car c'est lui qui me donnera les qualités de générosité et de chaleur que je recherche par-dessus tout, aussi bien pour la promenade que pour l'équitation savante.

On dit que le trot n'est pas l'affaire du. pur sang.

On serait bien embarrassé de dire pourquoi. La conformation du pur sang se prêtè, au contraire, admirablement aux trois allures. C'est une question d'éducation. On dresse aussi bien le pur sang au trot qu'au galop, et j'ai connu des pur sang qui étaient de merveilleux trotteurs.

Chez un cheval bien conformé, sans souffrances, le dressage développera toutes les qualités innées et arrivera même, par l'effet d'une gymnastique rationnelle, à remplacer en partie les qualités absentes. C'est le dressage qui rendra le cheval adroit et léger par le bon équilibre.

Pourvu qu'un cheval sache marcher aux trois allures, tourner facilement, reculer, et appuyer des deux côtés, son éducation est suffisante pour l'équitation extérieure.

Il faut d'abord qu'il soit docile au montoir et n'ait pas besoin d'être tenu.

Le cheval doit avoir un bon pas bien allongé et

choisir pour la promenade. Ce qui est défaut pour la prome- nade est une qualité pour la course. Tout cheval qui galope haut quittera l'écurie de courses. Qu'il soit accueilli avec joie par le cavalier. .. - ~ .. -


franc. Le trot et le galop doivent être allongés ou raccourcis à la volonté du cavalier : c'est affaire de dressage.

Au pas, il faut laisser le cheval allonger l'encolure et rapprocher la tête de l'horizontale, les rênes demeurant prêtes à agir, mais n'agissant pas. Le cheval doit être laissé aussi libre que possible pour qu'il ait confiance et allonge le pas à son aise. Il importe surtout d'éviter tout trottinement.

Au trot ordinaire, le cheval doit être laissé aussi libre que possible. Il faut qu'il se place bien dans la main, — tête et encolure hautes, — et qu'il soit léger par le bon équilibre. Les battues des bipèdes diagonaux doivent être régulières et bien égales : elles le seront nécessairement si le cheval est bien équilibré.

Dans le trot allongé, la tête et l'encolure doivent se rapprocher davantage de l'horizontale pour permettre à l'animal d'allonger ses jambes le plus possible. Il doit donner franchement dans la main, le cavalier se bornant à un léger soutien du filet.

Il faut distinguer trois sortes de galop : le galop rassemblé, le galop gaillard et le fond de train.

Au galop rassemblé (beaucoup de jambes et peu de mains : prendre et rendre), le cheval, sans gagner beaucoup de terrain, doit rester la tête et l'encolure hautes.

Ce qu'on appelle vulgairement le canter, ou galop de promenade, est un galop raccourci qui devrait être


rassemblé si le cavalier était digne de ce nom. Dans la réalité, c'est presque toujours un galop 'acculé, avec le cheval étendu. Si vous allez au bois le matin, combien en verrez-vous passer de ces malheureux - pur sang, — dignes d'un meilleur sort, — qui s'en vont étendus de toute leur longueur, l'arriè're-main toujours éloignée, la tête et l'encolure basses, raidis dans le balancement d'un galop mécanique. Il y a là un cheval qui fait ou plutôt qui ébauche les mouvements du galop, tout en ayant un homme sur le dos; mais ce disgracieux ensemble n'a rien à. voir avec l'équita- tion.

Dans le galop gaillard, on donne un peu plus de liberté au cheval; et comme on le pousse sur la main, il faut nécessairement lui donner un peu plus d'appui. Le rassembler est donc moindre. Mais les jambes énergiques continuent d'engager vigoureusement les jarrets sous le centre.

Dans le fond de train, ou galop de course, le cheval doit s'appuyer franchement sur la main et allonger la tête et l'encolure. Il n'y a plus du tout de rassembler, mais les jarrets ne s'engagent pas moins énergiquement sous le centre : sans cela, il n'y aurait pas de vitesse.

On doit pouvoir passer facilement à volonté d'un de ces galops à l'autre.

Le cheval doit savoir galoper à droite et à gauche. Le changement de pied est d'une grande utilité dans l'équitation extérieure pour tourner facilement des


deux côtés. Toutefois il n'est pas indispensable ; à la condition qu'on ait soin d'arrêter au moment de tourner et de repartir sur le pied du côté où l'on tourne.

Il est de première nécessité que le cheval cède instantanément aux effets de jambes pour qu'on puisse, à toutes les allures, ranger ses hanches à volonté. Quand un cavalier en dépasse ou en croise un autre, il est indispensable de pouvoir ranger l'ar- rière-main par les jambes en même temps que l'avant- main par les mains, et le tout par un effet d'ensemble ; sinon, tandis que les mains entraîneront l'avant-main à droite, par exemple, les hanches viendront à gauche et on traversera le cheval : ce qui est précisément le contraire du mouvement qu'il s'agit d'exécuter. Le cavalier pourra être renversé, ou celui qui passe à côté de lui recevoir une ruade.

Si le cheval obéit bien à la jambe, vous pouvez aisément, aux trois allures, vous rapprocher ou vous éloigner d'un ou de plusieurs cavaliers. Une fois en troupe, l'obéissance aux deux jambes vous permettra de partir seul ; et la mise en main, de rester seul quand les autres partent, si cela vous plaît.

Avec un cheval chaud bien dressé, les joies de la promenade sont au-dessus de tout1.

Quoi de plus amusant que de travailler son cheval

1. Mais si le cheval butte, fait des écarts, tire à la main, ou n'avance qu'à coups d'éperon, on est vite dégoûté de l'équi- tation.


au dehors. Les flexions, les effets diagonaux, les deux pistes, le rassembler, les départs au galop à droite et à gauche, toutes les études de finesse en un mot, tiennent l'attention en éveil et coupent agréablement -la promenade.

Hors la neige et le verglas il fait toujours beau pour monter à cheval.

Par le temps froid, c'est un plaisir extrême d'entendre résonner sur le sol durci les battues énergiques d'un animal, que le piquant de la température excite et rend alerte.

Pleut-il, y a-t-il de la brume ? Comme le sol détrempé est bon pour le cheval ! Comme il y enfonce bravement le pied sans souci des flaques d'eau et de là boue, éclaboussant joyeusement toutes choses sur son chemin !

Le vent ? Quelle joie de le sentir vous fouetter la face quand vous êtes lancé à une grande allure !

Voici le soleil, mettons-nous sous bois pour jouir de la fraîcheur et de l'éclat amorti de la douce lumière.

Le pas est l'allure de la rêverie. Le paysage défile son panorama dont vous êtes partie vivante, allante, car vous êtes emporté par le pays, dans la cadence d'un mouvement continu, au grand pas allongé d'un pur sang. Quel piéton croirait que le pas du cheval

i. Dès que le terrain devient glissant, déchaussez les étriers, pour ne pas vous trouver la jambe engagée sous le cheval en cas de chute.


peut donner au cavalier le sentiment de la vitesse ? C'est pourtant le plaisir qui nous est réservé.

Le trot, le galop de promenade, c'est le plaisir d'aller, d'aller sans fatigue, d'un mouvement bien rythmé, par une réaction aussi franche qu'élastique, avec une énergie centuplée par la généreuse ardeur d'une noble bête qui est à votre disposition et qui vous donne tout ce qui est en elle. Où finit l'homme ? où commence le cheval ? on ne sait plus bien : tout cela fait l'ensemble le plus fondu, le plus souple, et en même temps le plus vivant, le plus vigoureux, tout à la joie de la vie, tout à la joie de l'action.

Et le fond de train, quelle ivresse de se ruer dans l'espace au-devant d'on ne sait quoi! Viennent les obstacles, quel entrain à les franchir ! quelle tranquille audace vous monte au coeur !

Mais qui dira la volupté infinie du fond de train du pur sang ? C'est le balancement de la vague, mais si doux, si affiné, que l'air que vous fendez suffit à détruire en vous le sentiment de la pesanteur. C'est le vol, le grand vol enivrant, sans effort, sans fatigue, une joie physique qui anéantit l'esprit et ne laisse plus vivant en nous que le plaisir affolant de s emparer de l'espace.

Je vous dis que le cheval de pur sang complète l'homme.


XXII

Chevaux peureux.

On dit communément d'un cheval qu'il est peureux, quand la vue d'un objet, ou un bruit quelconque, l'impressionne assez pour qu'il s'arrête, se jette de côté, se sauve ou fasse un tête-à-queue.

Tout cheval peut être surpris, comme quiconque, d'une façon plus ou moins vive, suivant son degré d'impressionnabilité. Fort heureusement, tous les chevaux ne sont pas peureux.

L'impressionnabilité peut être diminuée, modifiée beaucoup par le dressage. Il s'établit, à l'usage, une sorte de confiance réciproque entre le cavalier et le cheval. Si celui-ci n'a pas été brutalisé, s'il n'a jamais été poussé violemment sur l'objet qui l'a effrayé, si la présence du cavalier, en un mot, le rassure au lieu de l'inquiéter, il se trouble moins et se laisse aller moins facilement à la frayeur.

Je pose donc comme un principe qu'il ne faut jamais battre le cheval impressionné ou effrayé par un objet extérieur. Il faut, au contraire, prévenir ou calmer cette impression en le rassurant par des caresses.

Le cheval, nous l'avons dit, a peu d'intelligence.


Il n'a pas de raisonnement; il n'a que de la mémoire. S'il a été battu lorsqu'un objet s'est présenté subitement à ses yeux et l'a effrayé, il liera dans sa mémoire l'objet et la correction, qui pour ainsi dire ne feront plus qu'un pour lui. Lorsqu'il se trouvera une seconde fois en présence de ce même objet, il s'attendra à la même correction, sa peur ira croissant et, tout naturellement, il se dérobera avec d'autant plus de vivacité.

Tous les chevaux ne sont pas peureux au même degré. Certains chevaux sont plus impressionnables d'un côté que de l'autre, soit accidentellement, soit d'une manière permanente. C'est ce qui fait dire couramment: tel cheval est peureux à droite ou à gauche.

Il est à remarquer que les chevaux à l'œil vairon sont toujours peureux.

On dit souvent, mais à tort, d'un cheval qu'il est peureux quand il est simplement trop fràis ou trop vert. Il serait plus exact de dire qu'il est en l'air, qu'il a besoin de faire agir ses muscles, de se détendre; qu 'il est, en d'autres termes, dans la situation d'un enfant longtemps retenu immobile et qui, entrant en récréation, se livre d'instinct à des gambades, sous n'importe quel prétexte. Dans ce cas, les corrections et les caresses sont également superflues; ce qu'il faut, c est donner au cheval ce dont il a besoin : un bon exercice. Menez-le rondement pendant trois ou quatre kilomètres, et il sera ensuite calme et docile.

Il faut mentionner spécialement certains chevaux


qui sont inquiets par nature, qui se préoccupent sans cesse de tout ce qu ils voient ou entendent, ont peur de mille riens et font des soubresauts à chaque instant. Ils sont très désagréables à monter. Donnez- leur abondamment du travail pour les calmer, pour les baisser et des caresses pour les rassurer.

Quand on parle des chevaux peureux, on n'a jamais fini d exposer tous les cas. Il en est cependant quelques-uns que je veux signaler encore. Certains chevaux ont peur de tout ce qui dépasse leur tête, de tous les objets qui les dominent, une voiture, un omnibus, un pont peu élevé, une porte cochère : tout cela les effraye. On dirait qu'ils ont peur pour leur tête. Les objets qui sont plus bas, au contraire, les laissent parfaitement indifférents.

D autres chevaux, par contre, ne sont effrayés que par ce qui est à terre, ombre, rayon de soleil, flaque d 'eau, ruisseau, tas de pierres. Ceux-là restent indifférents à tous les objets qui les dominent.

Il y a encore le cheval qui n'a peur que de ce qui vient derrière lui, enfant, chien, cheval ou voiture, et qui ne craint pour ainsi dire que ce qu'il ne voit pas.

Pour tous les chevaux peureux, je ne puis que donner le même conseil : les rassurer par des caresses, les mettre en confiance. Si vous voyez devant vous un objet dont vous savez que votre cheval aura peur, ne le violentez pas pour le forcer à s'en approcher directement. Laissez-le plutôt s'éloigner, puis doucement,


par la persuasion pour ainsi dire, amenez-le à s'en rapprocher sans trop insister. Mettez-y plusieurs jours, aussi longtemps qu'il faudra. Ne l'approchez jamais assez de l'objet qui lui fait peur, pour qu'il se dérobe ou fasse un tête-à-queue, car, dans ce cas, vous seriez obligé d'avoir recours à la correction, non pour punir sa frayeur, mais à cause du tête-à-queue que vous ne devez tolérer en aucun cas. En le corrigeant, vous compliqueriez, de la crainte du châtiment, la frayeur causée par l'objet. En un mot, avec les chevaux peureux, beaucoup de douceur, énormément de patience et jamais de violence.

Il nous reste enfin à parler d'une catégorie de chevaux qu'on range à tort parmi les chevaux peureux: ce sont ceux qui ont toutes les apparences de la peur, mais qui, en réalité, ne sont que vicieux.

Tous les chevaux sont très attachés à leur écurie, tous sont plus allants, plus chauds quand ils rentrent que quand ils sortent. Ceux dont nous voulons parler paraissent n'avoir qu'une idée fixe : rentrer et chercher toutes les occasions qui peuvent motiver un retour en arrière, sous forme de tête-à-queue. Vous les voyez au moindre objet qui se trouve sur leur chemin hésiter d'abord, puis profiter de la plus légère hésitation du cavalier pour se retourner brusquement. Ces chevaux-là, je le répète, n'ont pas peur ; ils sont vicieux, et tout ce que j'ai dit des chevaux peureux ne -les concerne pas. Il faut les ramener avec la plus grande énergie et les corriger avec fermeté.


La preuve qu'ils n'agissent que par vice, c'est que ces mêmes objets qui provoquent la tête-à-queue à l'aller les laissent complètement indifférents au retour.

Si, dans ces conditions ou dans toutes autres, le cheval fait un écart, on doit le combattre et le ramener par des effets latéraux. L'écart se produisant de gauche à droite, la rêne droite du filet doit être fortement portée à gauche et à la jambe droite vigoureusement soutenue. En d'autres termes, pour remédier à l'écart à droite, on fait deux effets à droite. En se servant de la rêne gauche, — ce que l'on a généralement la mauvaise habitude de faire, — on aiderait, au contraire, le cheval à jeter à droite ses hanches que la jambe droite ne suffirait pas à maintenir. De plus, s'il y avait danger à droite, le cheval s'y jetterait inconsciemment, car, ayant la tête tournée à gauche, il ne voit pas où il va. La rêne droite, au contraire, fortement appuyée sur l'encolure, le pousse à gauche et seconde l'effet produit par la jambe droite qui empêche les hanches de déborder à droite.

J'ajoute que l'écart se produisant de gauche à droite, le cavalier est forcément déplacé à gauche : c'est par le soutien très ferme de sa jambe droite qu'il se maintiendra en selle et retrouvera l'équilibre1.

Il est à remarquer que les chevaux qui font des tête- à-queue les exécutent presque toujours du même côté, soit à droite, soit à gauche. Si vous êtes affligé d'une

i. En pareil cas, le salut, c'est la jambe droite.


monture qui emploie ce procédé de défense, commencez par vous rendre compte de son habitude pour être prêt à tout événement. Ayez dans la main du côté où le cheval tourne habituellement un stick de quarante à cinquante centimètres de long. Je n'aime pas la cravache, elle est trop flexible, et si on s'en sert à gauche, par exemple, son extrémité ploie et frappe à droite ou bien encore peut atteindre les yeux.

Aussitôt que le cheval tourne la tête pour exécuter son tête-à-queue, — par conséquent, avant qu'il l'ait effectué, — appliquez-lui, du côté où il tourne, un vigoureux coup de stick sur le nez. Je n'ai jamais rencontré un cheval qui ait résisté longtemps à cette correction administrée avec vigueur et précision. Quand il l'a subie quelquefois, la seule vue du stick suffit1.

i. L'animal le plus désagréable que j'aie jamais rencontré était un étalon des plus ramingues et mordeur en diable.

Comme il est impossible de dresser un cheval sans le secours des jambes et des éperons, il me fallait pourtant trouver un moyen de les lui faire supporter. Pendant les six premières semaines, les choses se passèrent assez bien, mes exigences n'étant pas très grandes ; mais, dès que je voulus obtenir le rassembler au moyen des attaques de l'éperon, l'animal cherchait à me mordre les jambes, se jetait avec violence sur les genoux et, dans cette position, tournant la tête, faisait des efforts désesr pérés pour atteindre mes pieds. Et comme j'étais forcé de reculer les jambes pour éviter ses dents, il avait gain de cause, puisqu'il parvenait à m'empêcher de me servir des éperons.

J'imaginai alors de faire mettre deux tiges en fer, longues chacune de quarante centimètres, dans les rênes du filet. Ayant ainsi placé l'animal dans l'impossibilité de tourner la tête, et,


XXIII

Chevaux qui battent à la main.

Il y a bien peu de cavaliers qui n'aient eu à subir les inconvénients et même le danger des chevaux qui mes jambes se trouvant par suite à l'abri de ses dents, je me croyais sûr de la victoire.

Pas du tout. Furieux de son impuissance, ce cheval endiablé continuait à se jeter à genoux et, désespérant de me mordre les pieds, il se dévorait le poitrail. Je pensai tout d'abord que, quand il ressentirait de trop fortes douleurs, il cesserait. Mais, bien loin de là, il s'arrachait des lambeaux de chair, et je ne doute pas que si, à ce moment, il était parvenu à me désarçonner, il m'aurait dévoré. Je lui mis alors un tablier en cuir très épais; mais, au bout de trois jours, le cuir était en morceaux.

Je parvins pourtant à me rendre maître de l'animal. Je finis par lui attacher sous le menton une sorte de demi-entonnoir en fer-blanc. Réduit à l'impossibilité de mordre, il perdit bientôt cette détestable habitude, et je pus continuer son éducation, que j'ai faite entièrement, 78, avenue de Malakoff, dans un établissement tenu à cette époque par M. Gost fils, marchand de chevaux, qui a plus d'une fois assisté à ces luttes épiques que j'ai toujours soutenues seul.

Je travaille toujours seul, sans aucun aide. Je n'ai même pas un palefrenier spécialement attaché à mes chevaux.

- Les incrédules peuvent facilement s'en rendre compte. J'ai eu mes chevaux en pension dans plusieurs manèges, et je les ai toujours dressés dans ces mêmes établissements : or, soit au manège Latry, soit au manège Vincent, soit au manège Quar- tero, soit encore au manège de l'Etoile, jamais je n'ai réclamé le secours de personne.


battent à la main ou, comme on dit vulgairement, qui encensent.

Les uns baissent fortement la tête et prennent pour ainsi dire un élan pour la relever avec plus de force. Les autres se contentent de jeter la tête brusquement en arrière, sans l'avoir baissée auparavant.

Dans le premier cas, il faut surprendre le cheval avec les rênes du filet tenues dans la main droite, exactement au moment où il commence à baisser la tête. Sur cette secousse, il relève vivement la tête ; à l'instant même, il faut faire une forte pression des jambes pour le pousser en avant. Les rênes du mors sont lâches, mais fermement fixées dans la main gauche, de telle sorte qu'au moment où, relevée par le filet, la tête fait son mouvement de bas en haut, le cheval, en levant la tête, tend les rênes de mors et se donne lui-même un coup sur les barres. Il a donc été arrêté par le filet lorsqu'il voulait baisser la tête pour prendre son élan, et puni par le mors lorsque sa tête remontant s'est rejetée trop en arrière.

Dans le second cas, lorsque le cheval rejette la tête en arrière sans avoir pris d'élan, il faut le pousser par une pression des jambes aussitôt qu'il lève la tête, et le recevoir sur le mors dans les mêmes conditions que ci-dessus.

En résumé, dans le premier cas, on fait trois mouvements, filet, jambes, mors. Dans le second cas, on ne se sert que de deux aides, jambes et mors. Ce sont là assurément des mouvements successifs, mais tel-


lement rapprochés qu'ils se confondent presque en un seul.

Dans les deux cas, si l'action des jambes ne précédait pas, si peu que ce soit, celle du mors, on risquerait de provoquer la cabrade, tout au moins on écraserait l'arrière-main en acculant le cheval.

XXIV

Chevaux qui s'emportent.

J'ai toujours été assez heureux pour éviter, pour mes élèves et pour moi-même, les accidents provenant de chevaux emportés. Si l'on me faisait observer qu'en cela j'ai eu de la chance et rien que de la chance, je répondrais que ce n'est pas tout à fait exact.

Sans doute, quand un cheval est emballé ou emporté, il n'écoute et ne sent plus rien, — et je ne soutiens pas que tel écuyer pourra l'arrêter plutôt que tel autre; — mais je prétends que l'écuyer peut beaucoup pour empêcher son cheval de s'emporter.

Le véritable tact consiste précisément à prévoir que le cheval peut, à un moment donné et pour différentes raisons, s'affoler : c'est pourquoi l'écuyer attentif ne le laissera jamais s'échauffer par trop. Dès qu'il sentira que le cheval s'anime et devient entreprenant, il le


ralentira, le mettra dans la main, le calmera par des caresses et par la voix.

Souvent, le cheval s'emporte parce qu'à force de tirer sur la bouche, on lui a engourdi les barres qui finissent par devenir insensibles. En ce cas, lorsque vous tirez sur la bouche, c'est à peu près comme si vous tiriez sur un mur: aussi le cheval peut-il vous mener du train qu'il lui plaît.

Pour conserver la bouche fraîche, l'écuyer doit alternativement se servir du filet et du mors, c'est-à- dire ne pas permettre au cheval de prendre un point d'appui quelconque sur les rênes.

Certains chevaux s'emportent la tête haute, complètement hors de la main ; d'autres s'encapuchonnent. Il faut toujours chercher à baisser la tête des premiers au moyen du mors. On se servira au contraire du filet pour obliger les seconds à la relever.

Si le cheval arrive à placer la tête si bas et a l'encolure tellement rouée que les branches du mors soient en contact avec le poitrail, plus vous tirerez sur les rênes du mors, moins vous agirez sur la bouche1, et plus vous maintiendrez la position vicieuse de l'encolure et de la tête. La seule chose qu'il y ait à faire dans ce cas est de scier du filet.

Il y a un filet dit releveur qui, par le jeu de ses poulies, agit de bas en haut et non d'avant en arrière.

1. En tirant sur les branches du mors, on les fixe au poitrail et on fait remonter le mors dans la bouche, ce qui soulage les barres.


On devra l'employer avec les chevaux qui s'encapu- chonnent. J'en conseille aussi l'usage lorsque le cheval a la tête forte ou l'encolure courte, car l'animal cherche toujours à faire porter cette masse par le cavalier. Ce conseil ne s'adresse, bien entendu, qu'à ceux qui ne savent pas équilibrer leur cheval.

On dit souvent qu'un cheval s'emballe quand, en réalité, il ne fait qu'emmener son cavalier.

Le cheval qui s'emballe est un cheval affolé qui ne répond plus aux aides et qui est indirigeable.

Le cheval qui emmène est un vieux criminel sur qui le galop produit une excitation physique et qui a l'habitude d'emmener son homme toutes les fois qu'on lui permet de gagner à la main. On ne peut pas l'arrêter, mais on peut le diriger. Le premier va la tête baissée, l'œil injecté de sang et se brise infailliblement contre tout ce qui peut lui barrer la route; le second aura soin d'éviter les obstacles.

Le cheval peut emmener à toutes les allures. Il y a des chevaux qui emmènent au pas: c'est une exception, mais j'en ai vu. Ils tirent à la main sans relâche, pointant quand on veut les arrêter, et après avoir détruit l'action musculaire du cavalier, ils l'emmènent. Il faut donc s'appliquer à ne jamais les laisser gagner à la main. S'ils réussissaient à surprendre le cavalier et à l'emmener, il faut leur donner du champ et les conduire là où ils ont de l'espace devant eux.

RÊNES SÉPARÉES : voilà le premier acte du cavalier. En sciant du filet et par des effets alternatifs de mors


et de filet, il peut arriver peu à peu, en décontractant la mâchoire, à modifier l'équilibre de course, à remettre le cheval sur l'arrière-main et, par conséquent, à le maîtriser.

Qu'on se garde surtout de faire agir les rênes d'une façon continue. Rendre et prendre est toujours le principe. Les jambes doivent demeurer près. La plupart des cavaliers dans cette occasion croient gagner en puissance en faisant le triangle, — les jambes arc-bou- tées en avant : dans ce cas, le cheval sera toujours le plus fort.

Beaucoup de chevaux qui ont couru cherchent à gagner à la main pour emmener1 soit au trot, soit au galop. Pour cela, ils allongent l'encolure et baissent brutalement la tête. Si le cavalier tire brusquement, une nouvelle brutalité de la tête l'entraîne sur l'encolure au delà de la selle. Il faut, au contraire, rendre en allongeant les bras sans laisser glisser les rênes, puis relever l'encolure un peu vigoureusement et reprendre du mors et du filet, avec effets de jambes, aussitôt qu'on a ramené l'encolure.

Quand le cheval est véritablement emballé, la manœuvre des rênes est la même que pour le cavalier emmené; mais la difficulté est beaucoup plus grande, puisque la direction est à peu près impossible. Si on

i. Beaucoup de vieux chevaux de course cherchent à emmener quand on leur fait faire un demi-tour, parce que, en course, c'est sur un demi-tour qu'ils prennent leur départ. — Il suffit d'être sur ses gardes.


a du champ devant soi, on peut pourtant, même dans ce cas, arriver à faire dévier le cheval à droite ou à gauche. A cet effet, il faut — les rênes étant toujours séparées (on doit dans tous les cas commencer par là) — abandonner absolument une des rênes, saisir l'autre à deux mains et faire porter sur elle, par une pression continue, tout le poids de son corps, jusqu'à ce qu'il se produise une flexion latérale, plus ou moins prononcée, qui amène infailliblement la déviation de la course.

Si le cavalier emballé a la chance de se trouver sur le bord d'un cours d'eau, il doit y pousser résolument son cheval.

Tout est danger sur terre. Soit la rencontre d'un obstacle, soit la chute en terrain plat. Dans l'eau, tout danger disparaît. On en est quitte pour un bain. La seule chose à éviter, c'est une berge à pic. La plupart des chevaux s'arrêtent instantanément dès que l'eau leur arrive au poitrail. Ils se calment et redeviennent d'une complète docilité. Les autres battent l'eau, se livrent à des mouvements désordonnés et finissent toujours, au bout d'un temps très court, par rentrer dans l'ordre.

Il m'est arrivé maintes fois, pour corriger des chevaux emballeurs, de tenter cette expérience le long des berges plates d'une rivière. Je prenais un bon galop et je laissais le cheval faire à sa tête. Quand il avait complètement gagné à la main et que je ne pouvais plus l'arrêter, je le faisais dévier dans l'eau et


j'en venais ainsi à bout le plus facilement du monde.

Tout cheval qui aura été suffisamment rassemblé ne pourra ni emmener, ni même s'emballer, car l'éperon, amenant les jarrets sous le centre, élève l'avant-main qui devient léger et permet d'arrêter l'animal.

Étant en promenade avec mes élèves, je leur ai souvent posé la question suivante : S'il arrivait un cheval emballé, soit devant, soit derrière vous, que feriez-vous? J'ai souvent aussi posé la même question à des personnes habituées à monter à cheval depuis l'enfance. Bien rarement j'ai reçu une réponse satisfaisante, et pourtant ce cas doit toujours être prévu. Il est à remarquer, en effet, que l'homme qui monte un cheval emballé court généralement moins de danger que les cavaliers qui peuvent se trouver sur son chemin. On voit très souvent l'animal emballé courir tête baissée sur un groupe de chevaux. Il faut, pour l'éviter, se jeter derrière le premier obstacle venu. Si c'est au bois, entrez dans un taillis, vous en serez quitte pour quelques égratignures. Si c'est sur une route, mettez-vous à l'abri d'un arbre; dans la rue, derrière un candélabre : bref, tout est bon pour éviter le choc qui peut être terrible. Surtout exécutez ce mouvement avec rapidité.

Si, au lieu de vous détourner, vous voulez venir en aide au cavalier dont le cheval est emporté, — ce qui est une entreprise louable, mais singulièrement difficile, — il faut fuir à toute vitesse, dans le même


sens que lui, en essayant de se maintenir à quelques mètres devant son cheval.

Vous devez alors parler haut et chercher à inspirer de la confiance au cavalier. Puis, ralentissant très légèrement l'allure, vous essayez, dès que ranimai emporté passe près de vous, de le saisir par les rênes du mors, le plus près possible de la bouche et ensuite vous tâchez de l'arrêter petit à petit.

J'ai dit qu'il fallait fuir à toute vitesse devant le cheval emballé. En effet, si vous n'allez pas aussi vite que lui, le choc que vous recevrez au moment où vous saisirez les rênes vous arrachera brusquement de l'a selle. Comme il vous faut avoir une main libre, vous aurez soin d'avoir vos propres rênes bien tenues dans l'autre main, afin de pouvoir maintenir et diriger votre monture.

J'ajoute qu'il est presque impossible d'arrêter un cheval emballé en restant sur la ligne droite. Quant à moi, je n'y ai jamais réussi. Aussitôt que l'espace et le terrain le permettent, il faut donc prendre un cercle très large d'abord et ne chercher à le restreindre que peu à peu. Vous vous placez, bien entendu, en dedans du cercle, pour n'avoir qu'à tirer le cheval emballé dans la direction que vous prenez. Placé en dehors, vous ne pourriez pas l'obliger à tourner.

On ne peut évidemment employer ce moyen que si on est très sûr de son cheval et de soi-même.

J'ai été assez heureux pour pouvoir arrêter deux chevaux complètement emballés en faisant ce que je


viens de décrire. Le premier, au Havre : son cavalier avait entièrement abandonné ses rênes pour s'accrocher des deux mains au pommeau de sa selle. Le second, à Paris, au Bois : il était monté par une jeune fille. Dans les deux cas, il m'a fallu de quinze à vingt minutes pour arrêter le cheval. Il est vrai que je montais des pur sang ; j'avais, par conséquent, de la force et de la vitesse à ma disposition. Pour l'amazone, j'avais pris la précaution de me mettre sur sa droite, car, si je m'étais placé de l'autre côté, ses jambes m'auraient empêché d'agir.

XXV

Le saut.

Pour faire sauter un cheval, on se figure généralement qu'il faut l'enlever avec la main au moment où il arrive sur l'obstacle. Or, en agissant ainsi, on restreint ses moyens naturels, on le gêne et on l'empêche de sauter franchement.

Pour qu'il puisse sauter, il faut que le cheval ait la tête et l'encolure complètement libres. En voulant l'enlever avec la main, on gêne la liberté de la tête et de l'encolure dont il a besoin pour prendre son élan, en même temps qu'on rejette tout le poids sur l'ar- rière-main. Par suite, qu'arrive-t-il ! Ou le cheval a la


bouche sensible, et, dans ce cas, retenu qu'il est par la main, il s'arrête devant l'obstacle ; ou bien il a la bouche dure, et alors il force la main. Mais, même dans cette dernière hypothèse, il ne peut en réalité faire qu'une sorte de pointe, dans laquelle l'avant- main s'élève assez haut, tandis que l'arrière-main reste bas et accroche l'obstacle. C'est que, tout en portant l'animal en avant au moyen des jambes, vous avez fait en même temps agir la main en sens contraire, c'est-à-dire d'avant en arrière. L'avant-main a pu forcer l'effet du mors, mais au moyen d'un effort qui arrête son enlever et, par suite, fatigue considérablement le cheval.

Il y a une théorie générale pour faire sauter les chevaux; mais, dans la pratique, on s'aperçoit bien vite que chaque cheval a une façon particulière de franchir les obstacles.

Le meilleur moyen, selon moi, d'apprendre au cheval à sauter, est de mettre tout d'abord une barre à terre et de la lui faire passer au pas en le tenant par la bride. L'écuyer est à pied et passe la barre en même temps que le cheval. Quand celui-ci a obéi, il faut le caresser et lui donner quelques carottes pour amener sa confiance. C'est tout au plus l'affaire de deux ou trois séances de dix minutes chacune. Lorsque la confiance du cheval est complète, on le met à la longe, et on recommence le même travail, mais en s'éloignant peu à peu du cheval. Puis, dès qu'il arrive à passer la barre, l'écuyer restant au milieu du rna-


nège, on élève cette barre de trente ou quarante centimètres, et on laisse le cheval l'aborder à sa guise. Le point important, c'est qu'il la franchisse.

Cette manière d'habituer les chevaux à l'obstacle est en usage dans les cirques depuis un temps immémorial.

Le cheval qui aime à sauter se presse généralement; il faut alors le calmer et tâcher qu'il arrive doucement sur l'obstacle. Si, au contraire, il s'arrête et hésite, il faut l'exciter de la voix et lui montrer la chambrière, mais ne pas le frapper, ni l'effrayer au début. On devra cependant insister jusqu'à ce qu'il passe la barre. A ce moment il faut avoir soin de remarquer comment il saute. Les meilleurs sauteurs sautent droit, franchement et sans temps d'arrêt; d'autres marquent un temps d'arrêt avant de franchir l'obstacle ; d'autres encore se mettent de travers. Pour les chevaux qui sautent franchement et d'eux-mêmes, il n'y a qu'à les laisser faire en leur apprenant successivement à aborder l'obstacle aux trois allures, pas, trot et galop.

Pour ceux qui marquent un temps d'arrêt en arrivant sur l'obstacle, il faut les pousser avec la chambrière dès qu'ils en approchent, et insister jusqu'à ce qu'ils aient perdu l'habitude de s'arrêter avant de le franchir. Il faut éviter, par conséquent, de les laisser sauter au pas ou au trot aussi longtemps qu'ils ne sautent pas franchement au galop.

Pour les chevaux qui sautent de travers, les choses


ne sont guère plus compliquées : il suffit d'opposer les épaules aux hanches. Si, par exemple, vous êtes à main gauche et que le cheval jette ses hanches à gauche, par conséquent en dedans, il faut tirer sur la longe pour amener ses épaules à gauche, et en même temps toucher la hanche gauche du bout du fouet, pour pousser l 'arrière-main à droite. Si, au contraire, le cheval jette ses hanches à droite, c'est-à-dire en dehors, il faut laisser la longe lâche et, au moment du saut, pousser les épaules à gauche en le menaçant du fouet sous le nez.

Pour tout ce travail, la barre doit toujours être très basse : on ne doit l élever que peu à peu et suivant les aptitudes, la force et la facilité du cheval.

On devra prendre grand soin de ne jamais mettre la barre assez haut pour qu'il soit obligé de faire un très grand effort, surtout si le cheval est jeune. Cela n'aurait pas les mêmes inconvénients avec de vieux chevaux; pourtant il faut prendre garde à ne pas les rebuter.

Quand ce travail du saut à la longe est exécuté avec facilité, on doit alors monter le cheval et lui faire suivre la même progression, en commençant par la barre posée à terre.

Au début, on ne cherchera pas à enseigner une manière de sauter; on s'attachera, au contraire, à la-isser au cheval sa manière naturelle et on l'étu- diera.

Pour le saut, en effet, comme pour tout exercice qui


nécessite une grande énergie de la part du cheval, le cavalier doit avant tout se rendre compte des moyens naturels de son cheval, et s'y adapter. Ce n'est que plus tard et graduellement que l'on pourra essayer de les rectifier s'il y a lieu.

J'ai dit que la main ne doit faire aucun effet pour enlever le cheval sur l'obstacle. La tête et l'encolure, je le répète, doivent être complètement libres ; mais je dis libres et non pas abandonnées, car le cheval doit sauter sur la main, c'est-à-dire en y conservant un léger point d'appui 1.

Ce léger point d'appui, il ne le prend pas au moment de s'enlever; il l'avait déjà en abordant l'obstacle, il le conserve. L'élasticité des mains et même des bras du cavalier lui permet de le garder sans l'augmenter : il faut plutôt qu'il soit un peu diminué au moment où le cheval pour sauter étend tête et encolure. En d'autres termes, ce point d'appui, c'est le cheval qui le prend, non le cavalier.

Certains chevaux sautent mieux lorsqu'ils prennent un fort point d'appui en se dirigeant sur l'obstacle, surtout quand ils vont grand train ; à d'autres, au contraire, il faut tout rendre pour qu'ils prennent l'élan nécessaire. Néanmoins, pour être bien sûr que le cheval sautera, il faut le renfermer, le soutenir vigoureusement des jambes et le sentir de la main; autrement il pourrait trop facilement se dérober. Il est bien

1. Il est de règle absolue, en équitation, que la main doit toujours rester en communication avec la bouche.


entendu, d'ailleurs, que la main doit rendre à l'instant où il s'enlève.

Si vous rendez trop tôt, il hésite souvent ou se dérobe; et, si vous rendez trop tard, vous empêchez ou, tout au moins, vous gênez le saut.

La main doit donc faire trois choses : 1° soutenir le cheval jusqu'au moment où il s'enlève; 2° rendre pendant le court instant qu'il met à franchir l'obstacle; 3° reprendre avec le filet 1 pour recevoir légèrement le cheval sur la main au moment où il retombe à terre.

Quant aux jambes du cavalier, elles doivent tout le temps soutenir le cheval: 1° avant le saut : pour le pousser et le décider à sauter ; 2° pendant le saut : pour l'accompagner en poussant l'arrière-main de façon qu'il ne touche pas l'obstacle ; 3° après le saut : pour soutenir l'arrière-main au moment où il touche terre et vient à son tour soulager l'avant-main. Enfin, les jambes, ainsi soutenues, maintiennent la bonne position du cavalier.

Dans le saut, la confiance du cavalier joue un rôle prépondérant. Si vous abordez l'obstacle sans être bien décidé à le franchir, il y a de grandes chances pour que vous restiez en deçà.

On dit que le cheval saisit les impressions du cavalier : ce n'est pas tout à fait exact, car il ne se rend évi-

i. Pour sauter, je ne me sers absolument que du filet. Je ne fais usage du mors que pour régler le galop entre les obstacles.


Planche XXII



demment pas compte de ce qui se passe dans l'esprit de ce dernier ; mais ce que le cheval sent très bien, c'est que les aides sont hésitantes comme la volonté de celui qui le monte.

Pour persuader le cheval, il faut d'abord être résolu soi-même. Si l'esprit hésite, les aides hésiteront forcément aussi. Si, au contraire, vous êtes bien résolu, vous communiquerez votre confiance au cheval, au moyen des aides qui, dans ce cas, agiront avec vigueur et précision.

Le cavalier qui aborde l'obstacle pour la première fois se figure qu'il va recevoir un choc considérable. Généralement, il se raidit d'instinct pour ne pas être déplacé, et c'est précisément cette raideur qui cause le déplacement.

Pour sauter, il faut, ainsi que nous l'avons dit plus haut, rendre la main au moment précis où le cheval s'enlève, et conserver tout son liant et toute sa souplesse en serrant seulement un peu plus les jambes. De cette façon, le déplacement de l'assiette et la secousse sont très peu importants.

Nous avons dit que les chevaux ne sautent pas tous de la même façon. Avec celui qui s'enlève bien des quatre pieds et franchit l'obstacle en restant presque horizontal, le cavalier n'a qu'à se tenir droit, perpendiculaire 1.

Si le cheval saute en soulevant très haut de l'avant-

1. Voir planche XXII.


main comme dans la pointe 1, le cavalier doit se pencher en avant au moment de l'enlever, et d'autant plus que le mouvement du cheval aura été plus accentué; mais il ne conserve cette position que tant que l'avant-main fait la pointe. Aussitôt que l'avant- main redescend à terre, le cavalier doit au contraire rejeter son corps en arrière, et cela pour trois raisons : d'abord, pour ne pas être lui-même projeté en avant par suite de la force d'impulsion du cheval; ensuite, pour décharger l'avant-main qui va en arrivant à terre supporter le choc de tout le poids accumulé du cheval et du cavalier; enfin, pour retrouver son assiette et pouvoir soutenir son cheval dans le cas où il faiblirait des jambes de devant.

Lorsque le cheval saute en rasant l'obstacle des jambes de devant et élève la croupe comme pour une ruade2, il faut, aussitôt que l'avant-main est à hauteur de l 'obstacle, porter le corps en arrière, de façon à éviter de peser sur l 'avant-main. Par la seule force de l 'impulsion, l obstacle étant franchi, le corps se retrouvera forcément remis en place.

Dans tous les mouvements du corps en arrière pendant le saut, je ne saurais trop le répéter, les bras doivent conserver une très grande élasticité, de façon que la tension des rênes n'en soit nullement augmen-

i. Voir planche XXIII, figure i.

2. Voir planche XXIII, figure 2. Si les rênes étaient plus tendues, cette figure pourrait également servir à indiquer la position du cavalier qui va recevoir le cheval après le saut.


Planche XXIII



tée, et que le cheval puisse sauter librement. Si la longueur des rênes est insuffisante, on les laisse glisser dans les doigts pour les reprendre aussitôt qu'on arrive à terre.

Je suis naturellement conduit à dire un mot des steeple-chases et courses de haies. L'ignorance de la plupart des jockeys en ce qui concerne les allures du cheval est incroyable. Sauf un très petit nombre, ils ne savent même pas que les chevaux galopent à droite ou à gauche. Je m'en étonnais un jour devant le baron Finot, un maître, qui me répondit : « Les jockeys montent d'instinct et ne prennent pas la peine de réfléchir. »

Dans une course de haies, le cheval franchit l'obstacle grâce à l'énorme impulsion acquise; plus le cheval tire sur les rênes, plus le jockey est satisfait. En France, on mène les steeples du même train qu'une simple course de haies, ce qui, à première vue, semble dangereux. J'ai, à ce sujet, interrogé beaucoup de jockeys : ils répondent tous que plus le train est vite, moins il y a de" danger pour eux. Cela semble paradoxal, et c'est vrai au fond. Ils se basent sur ceci : lorsqu'un cheval allant à un train modéré vient à butter sur un obstacle et tombe, le jockey se trouve pris sous le cheval ou plutôt, presque toujours, le cheval tombe sur le jockey. Dans ce cas, les chutes sont dangereuses quand elles ne sont pas mortelles. Si, au contraire, la même chute se produit lorsque le cheval est à toute vitesse, le jockey est envoyé à quelques mètres en avant


et en est généralement quitte à meilleur compte. En pareil cas, le jockey se roule en boule, se recroqueville, évite soigneusement d'écarter un bras ou une jambe, moyennant quoi il en est presque toujours quitte pour une contusion.

En Angleterre, dans les steeples, le cavalier modère l'allure lorsqu'il approche d'un obstacle; il avertit ainsi le cheval de l'effort qu'il aura à faire et lui permet de mieux mesurer son saut. Aussi voit-on homme et cheval sauter bien ensemble, c'est-à-dire d'accord.

Le système français est plus casse-cou et demande moins de savoir, mais peut aider à gagner une course. Le système anglais se qualifie d'un mot : Good horse manship, c'est-à-dire bonne équitation de turf. Mais il faut reconnaître que le système français présente plus de chances de succès si le cheval ne tombe pas.

Deux jockeys font, selon moi, une brillante exception à la façon dont on monte généralement dans les steeple-chases, Hatchet et H. Andrews.

Hatchet a une façon de sauter tout à fait remarquable, et je le suis toujours avec un vif plaisir, parce que sa manière donne absolument raison à cette théorie que je ne me lasserai pas de soutenir, à savoir qu'il n'y a pas deux équitations. Il n'y en a qu'une, qui est bonne toujours, sur le turf aussi bien qu'à la promenade, et en dehors de laquelle le succès n'est que pur hasard ou tour de force.

Voir sauter Hatchet en steeple est un véritable -


régal pour le connaisseur. Il reste collé à la selle, et jamais on ne voit le moindre jour entre celle-ci et son assiette. En arrivant sur l'obstacle, il ne porte pas son corps en arrière, sachant que la détente de l'ar- rière-main Je rejetterait en avant; il se coule dans le fond de la selle en arrondissant le dos pour conserver en même temps son assiette et sa souplesse. Il a les mains basses, les bras à demi tendus, les rênes juste assez soutenues pour rester en communication constante avec la bouche du cheval. On sent qu'il cède des doigts en même temps que des bras, car jamais il n'est tiré en avant au moment où le cheval allonge la tête et l'encolure pour sauter. Il conserve donc le doigté, — c'est-à-dire le jeu des doigts au lieu des bras, — même dans le train effréné de la course; et certes bien peu de sportsmen admettront ce fait, qui est pourtant certain. Aussi garde-t-il sa position avant, pendant et après le saut. Il n'y a pas la moindre secousse, tout est et reste moelleux : c'est la perfection.

J'entends dire souvent sur les champs de courses : quand un cheval doit tomber, rien ne l'en empêche. On peut se tromper. Évidemment, quand la faute est commise, quand le cheval a manqué, il faut qu'il tombe ; mais ce que je veux dire, c'est que telle faute ne surviendra pas avec tel jockey, qui surviendra avec tel autre. La chute du cheval peut dépendre très souvent de celui qui le monte. En voici un exemple qui est resté dans ma mémoire et que je cite, car il est concluant :


Dans la même saison, à Auteuil, Hatchet, montant Baudres, gagne neuf courses sur onze; dans les deux courses perdues par lui, le cheval était tombé. Pour des motifs d'ordre personnel, un autre jockey de très bonne réputation monte Baudres. Sur sept courses, le cheval tombe quatre fois et perd dans les quatre courses où il était tombé. Hatchet remonte Baudres et gagne dix courses de suite sans chutes. Résultat : Baudres était tombé quatre fois sur sept avec un bon jockey; avec un autre jockey, que je considère comme tout à fait exceptionnel, il ne tombe que deux fois sur vingt et une. Chose à noter, et qui aidera peut-être le lecteur à se souvenir des faits que je rapporte, toutes ces chutes se sont produites à la rivière devant les tribunes1.

Hatchet avait une manière très personnelle de prendre le dernier tournant sur ce même champ de courses d'Auteuil. On sait que ce dernier tournant, placé à gauche des tribunes, est très brusque. Hatchet le prenait très court, en ralentissant notablement l'allure; les autres conservaient le grand train et étaient par conséquent forcés d'agrandir le tournant : cela n'a l'air de rien et c'est pourtant d'une grande importance. Hatchet, tournant très court, ne perdait pas de terrain,

i. Là, il n'y avait rien à accrocher. Il fallait seulement, comme pour tout saut en largeur, avoir le maximum d'impulsion. Voyant Baudres changer de pied à quelques mètres de l'obstacle, — son jockey cherchait à lui relever la tête, — je dis à son propriétaire : « Votre cheval va tomber. » En effet, l'impulsion était arrêtée et la chute ne manqua pas de se produire;


bien qu'il eût ralenti son allure, puisqu'il avait moins d'espace à parcourir. Les autres, forcés de prendre le tournant très large en conservant le grand train, avaient plus de terrain à parcourir; et, le tournant effectué, tous se retrouvaient presque sur la même ligne, mais dans des conditions bien différentes et dont l'importance était presque décisive, puisqu'on était à la fin du parcours et que les chevaux avaient déjà fourni trois ou quatre mille mètres. Hatchet, pendant le tournant, — si court qu'eût été l'instant de répit, — avait laissé reprendre haleine à son cheval; et, revenu sur la ligne droite, il pouvait exiger un dernier et suprême effort. Les autres n'avaient pas cessé d'être au maximum de leur train; il leur était donc impossible de demander davantage.

Il ne faut pas oublier que, en pareil cas, les chevaux ne gagnent pas une course avec les jambes, mais avec les poumons, c'est-à-dire avec le fonds.

J'ai nommé H. Andrews tout à l'heure ; je ne puis résister au plaisir de mentionner, en terminant, les qualités particulières qui le mettent tout à fait hors de pair. Qui n 'a pas vu H. Andews disputant une arrivée ne peut se figurer l'énorme somme d'énergie qu'il y déploie. Je l'ai vu, perdant sa cravache, prendre sa toque pour fouetter son cheval; puis, perdant sa toque, se servir de son bras droit et de sa main avec une vigueur et une ténacité inouïes. Il n'est pas exagéré de dire qu 'en arrivant au poteau il communique à son cheval un surcroît d'énergie et le porte en avant


d'une façon qui lui est particulière, sans avoir jamais la moindre défaillance.

XXVI

Courses plates.

J'ai eu occasion de dire que, dans tous les exercices, le cavalier, écuyer ou jockey, doit avoir le sentiment exact de ce qu'il peut demander à son cheval. On croit généralement qu'il n'en est pas ainsi dans les courses plates, et c'est une erreur : là comme ailleurs rien n'est possible en dehors de cette règle absolue, et ceux qui s'y conforment sont ceux qui arrivent au succès.

Dans une course plate, lorsque tous les chevaux ont à peu de chose près la même vitesse et le même fonds, — c'est-à-dire lorsqu'il ne se trouve pas dans le lot un cheval extra, — c'est certainement celui qui pourra mener le train à sa guise qui aura les plus grandes chances : par conséquent, le succès dépendra du jockey qui aura le sentiment exact des moyens de son cheval. Il lui donnera précisément le point d'appui qui lui convient et lui fera prendre le train dont on lui a donné l'habitude pendant la fin de son entraînement. Il l'y maintiendra pendant la course et réservera le maximum de vitesse pour l'arrivée.

Le cheval, n'ayant pas été surmené pendant la


course, pourra donner facilement en arrivant au poteau le dernier rush dont dépend presque toujours le succès.

Je me rappelle que j'ai pu constater ce fait très facilement, il y a quelques années, avec Archiduc, dont tout le monde se souvient. Trois fois de suite, Archiduc a pris la tête et mené la course au train qui lui convenait : aucun cheval n'a pu l'approcher. Mais, au Derby de Chantilly, un autre cheval, Fra biavolo, voulut prendre la tête. Archiduc et lui de se la disputer; et comme, dans ce cas, le seul moyen d'être en tête, c'est d'augmenter la vitesse, chacun des jockeys augmentant la sienne, ils étaient à leur maximum avant le quart du parcours. Little Duck était derrière ; son jockey, sans s'occuper des autres, maintenait son train d'entraînement pendant ses trois quarts du parcours, réservant ainsi les moyens pour le dernier moment. Puis tout à coup il le portait au maximum de vitesse, dépassait les autres, qui se trouvaient à bout d'efforts, et gagnait facilement. Le jockey de Little Duck n'avait fait que mettre en pratique le système que nous indiquons comme une règle formelle. En un mot, il avait su garder une poire pour la soif, c'est-à-dire un reste d'énergie et de vigueur en arrivant au poteau.

La plus grande difficulté pour le jockey qui mène une course est d'apprécier la vitesse du train et de rester exactement dans la vitesse qui correspond aux moyens du cheval1. S'il va au delà de cette vitesse, il

I. Appréciation singulièrement difficile avec une vitesse d'environ mille mètres à la minute.


essouffle son cheval et perd la possibilité de lui demander le dernier rush. S'il reste en deçà, c'est qu'il fait nécessairement force d'avant en arrière sur les rênes et fatigue par conséquent les reins et les jarrets : or ce sont les reins et les jarrets qui font gagner la course au dernier moment.

Du reste, voyez ce que font les meilleurs jockeys : ils gagnent juste au dernier moment, le plus près du poteau possible. C'est l'appréciation parfaite de la vitesse qui leur permet de juger que leurs concurrents ne pourront pas soutenir le train qu'ils ont pris en même temps, et qui leur fait sentir, à eux, qu'ils peuvent encore augmenter le leur.

J'ai vu Watts à Chantilly, montant Louis d'Or, faire de ce principe une application très adroite et très heureuse. C'était la course des gros poids : tous portaient quatre-vingts kilogrammes. Atalante était favorite et certainement mieux faite pour porter du poids.

Watts mit Louis, d'Or dans son train, ne se pressant pas de rattraper les autres : la course était de trois mille mètres. Au commencement, il était de deux cents mètres en arrière et, malgré ce retard, il n'augmenta pas sa vitesse. Comme d'habitude, les autres, après avoir marché trop vite, se ralentirent forcément : lui, conservant la même allure et gardant la possibilité de l'augmenter, battit le favori à quelques mètres du poteau. On peut dire sans hésitation que c'est son jugement du train qui lui a fait gagner cette course.


F. Archer, gagnant le Grand Prix de Paris avec Paradox, nous a donné le plus beau spectacle. Comme finesse d'équitation, comme sang-froid, comme talent, il ne s'est pas démenti un instant. Il est d'abord resté derrière le peloton; puis, vers la fin de la course, il est venu se placer près de Reluisant, qui avait gagné le Derby de Chantilly et était son seul concurrent redoutable. Il s'est tenu rigoureusement à côté de lui. Quand il a vu que Reluisant avait déjà donrié son maximum, il ne l'a pas devancé, tenant à bien juger de ce qu'il pouvait encore donner; puis, près du poteau seulement, il a gagné d'une encolure. Mais cette victoire seule ne nous donne qu'une partie du mérite d'Archer. Ce qu'il avait d'admirable, ce qui en faisait un véritable maître. c'est la position qu'il prenait et conservait pendant toute la course. Il était assis dans le fond de sa selle, les jambes bien descendues, les étriers longs. Quand par moments il se levait sur ses étriers, son assiette effleurait encore la selle.

Il n'avait rien de cette position bizarre, pour ne pas dire ridicule, que prennent beaucoup de jockeys et que quelques-uns exagèrent au point qu'entre eux et la selle on pourrait placer un chapeau1. Archer était toujours assis comme un écuyer, son cheval bien encadré entre les mains et les jambes.

I. Les jockeys, dont la plupart se tiennent si mal, ne montent plus guère en triangle, comme on disait autrefois, c'est-à- dire avec les trois points d'appui : rênes, selle, étriers. Si cette mode a quitté le turf, elle n'est malheureusement pas encore tombée en désuétude à la promenade,


On lui reprochait dans les courses de courtes distances de dérober le départ, c'est-à-dire de partir avant les autres. C'était absolument injuste. Au moment où le starter abaisse le drapeau, la plupart des jockeys se contentent de rendre la main et les chevaux partent plus ou moins vigoureusement, comme ils peuvent ou comme ils veulent. Archer ne laissait rien au hasard, il dominait son cheval comme un véritable écuyer qu-'il était. Ayant toujours les jambes près, au moment du signal il surprenait son cheval par un vigoureux effet de jambes et le mettait sur ses jambes instantanément et bien avant les autres. Il était déjà dans un bon train quand ses concurrents n'étaient encore qu'au galop de départ.

On voit par ces exemples que toutes les équitations se ressemblent, que la science du cavalier est aussi nécessaire au jockey qu'à tout autre. Elle peut se résumer en trois mots : jugement, mains, jambes.

XXVII

Cheval de chasse.

Le cheval de chasse doit-il être d'une race particulière? Non; mais j'estime qu'il doit être choisi parmi les meilleurs chevaux. Le conseil que je puis donner à celui qui veut se monter pour la chasse est de choisir


un cheval né, élevé et entraîné dans le pays où il doit chasser. Il en est des chevaux comme des hommes : ils ont des aptitudes naturelles qui correspondent au climat et à la topographie de leur pays. Transplantez- les ailleurs, ils perdent ces qualités d'origine, sans acquérir celles des animaux qui sont nés dans la contrée.

Prenons, par exemple, le petit cheval des Pyrénées, qui a des qualités merveilleuses. Dans son pays, il est adroit, souple, d'une sûreté à toute épreuve et de plus excessivement sobre. A Pau et dans toute la contrée, il fait un cheval de chasse excellent et très agréable. Emmenez-le à Rome ou en Vendée : il perdra rapidement une part de ses qualités. Il en est de même de tous les chevaux d'autres races. Donc, pour chasser, prenez un cheval du pays. Je ne connais qu'un cheval qui soit bon dans tous les pays et conserve ses qualités, quelle que soit la chasse à laquelle on l'emploie. C'est le cheval anglais appelé le hunter. Il réunit à peu près toutes les qualités désirables. Il est très près du sang; toutefois, sa conformation n'est pas du tout celle qu'on recherche pour le pur sang destiné aux courses. On fait celui-ci haut et long ; le hunter est plus près de terre : on recherche surtout les qualités de reins et de jarrets1.

Son dressage se commence plus tard que celui du

i. C'est le seul cheval qu'on n'ait pas essayé de produire en France. Rien n'est plus regrettable, car on y aurait certainement réussi comme pour tous les autres chevaux. Mais le Français veut avoir un cheval de chasse à bon marché, en quoi il a tort.


pur sang. On le prend à trois ans et demi environ, et on met un an ou dix-huit mois à le former1.

Pour le juger, pour apprécier ses aptitudes, on considère surtout la façon dont il saute, son allure et sa manière particulière suivant la nature de l'obstacle. Si c'est une haie, il doit la prendre avec calme, en raison du peu d'effort qu 'il est obligé de faire pour la franchir. Si l obstacle est haut et fixe, il doit pour ainsi dire se replier sur lui-même, se ramasser en concentrant ses forces pour un grand effort, et néanmoins aborder l'obstacle bien droit, sans précipitation et sans hâte. Si enfin c'est une rivière assez large qu'il doit passer, son allure doit être toute différente. La tête et l'encolure, qui ne doivent pas être gênées par la main, se tendent ; le cheval s'allonge, cherche sur la main un appui léger, mais bien franc, et il s'élance à fond de train, gaillardement, presque joyeusement, comme s'il avait plaisir à sauter.

Ce cheval n'a qu'un défaut: il coûte fort cher. On paye couramment de sept à huit mille francs un bon hunter / s 'il a des qualités exceptionnelles, son prix atteint de douze à quinze mille francs. C'est le seul cheval, je le répète, qui soit capable de chasser partout.

Dans tous les pays, excepté en Angletèrre, on a l'habitude de considérer que le cheval de chasse étant

i. Son métier est exclusivement de sauter. Il n'arrive à un gros prix qu'à la condition d'être très allant, très sûr et grand sauteur. Son éducation est le résultat d'un long entrainement que permet le prix élevé qu'il atteindra. Les sauteurs ordi-. naires sont prêts de trois ans et demi à quatre ans, --


sacrifié d'avance et devant être changé souvent en raison des accidents auxquels il est exposé, on doit le payer bon marché, c'est-à-dire qu'on peut n'employer à la chasse que des chevaux de valeur relativement minime. Or il n'est pas un de mes lecteurs qui ne sache par expérience que, lorsqu'il achète un cheval, il est loin d'être sûr d'en avoir pour son argent. Eh bien, je crois que c'est une grosse erreur d'économiser sur le prix du cheval destiné à la chasse. L'Anglais, très pratique et qui connaît la valeur de l'argent, économise volontiers sur ses chevaux d'attelage ; mais, pour le cheval de chasse auquel il confie sa vie et dont la solidité est la seule garantie, il ne se laisse pas arrêter par le prix, considérant qu'il ne saurait trop faire pour sa sécurité.

On entend souvent dire : « M. X. a du bonheur, tous les chevaux lui réussissent ; M. Y. a de la déveine, il lui est impossible de mettre la main sur un bon cheval. » Eh bien, soyez sûrs que la chance ne joue pas en cela un aussi grand rôle. Si M. X. a souvent de bons chevaux, c'est peut-être parce qu'il s'en sert avec justesse, parce qu'il sait apprécier leurs moyens et en user avec mesure, ce qui n'exclut pas l'énergie, au contraire. Si M. Y. n'a jamais que de mauvais chevaux, malgré tous les sacrifices qu'il peut faire, c'est peut-être qu'il est un cavalier insuffisant, qu'il n'a pas le sentiment du cheval, qu'il ignore ce qu'on peut demander à un cheval et comment il faut le lui demander.

A ceux qui veulent bien écouter mes humbles avis,


je n'hésite pas à conseiller de rechercher pour la chasse le cheval le meilleur et le plus solide.

Les Anglais disent : Hacking is artt, hunting is pluck (bien monter un cheval de promenade, c'est de l'art; chasser, c'est de l'intrépidité). Ce proverbe, à mon sens, n'est pas tout à fait exact. Sans doute, à la chasse il faut plus de hardiesse qu'à la promenade, parce que le train est beaucoup plus rapide, les obstacles imprévus. Mais, néanmoins, la hardiesse ne remplace pas ce que les Anglais appellent nrt, c'est- à-dire la science de l'équitation. Je dirai même que cette science est plus nécessaire à la chasse qu'à la promenade, puisque les risques y sont plus nombreux et plus grands.

Pour chasser, aussi bien que pour se promener ou courir, il faut savoir monter à cheval.

XXVIII

Le cheval d'armes 2.

Je me suis proposé d'étudier dans cet ouvrage tous les genres d'équitation. Jusqu'à présent, je n'ai parlé que de l'équitation de luxe, du sport, et du dressage

i. La vérité m'oblige à dire que j'ai toujours vu plus de hacking que d'art à Rotten row. .

2. Je prie d'avance qu'on veuille bien excuser la liberté et


auquel il convient de soumettre le cheval qui y est destiné.

Mais le cheval de selle n'est pas seulement destiné au sport, et l'équitation n'est pas seulement affaire de luxe. A l'époque où nous vivons, le cheval est un élément essentiel de la force militaire d'un pays ; le cheval est un instrument, une arme de guerre qu'il faut savoir choisir, préparer et manier.

Les dernières guerres ont prouvé que la cavalerie est appelée à jouer un rôle décisif. Partout on s'efforce de la rendre plus nombreuse et plus forte. Tout récemment, des brochures, des articles de journaux et de revues ont montré à quel point l'attention est portée sur cet objet.

Qu'il me soit permis — ou tout au moins pardonné — de dire quelques mots du cheval de guerre1.

L'élément constitutif de la cavalerie, c'est le cheval

même la vivacité de mes critiques en raison de l'absolue conviction où je suis qu'elles ne sont que trop fondées. Je crois d'ailleurs que beaucoup de personnes, bien placées pour parler de ces choses avec compétence, souscriraient volontiers à la plupart de mes observations, si elles avaient la liberté de le faire.

I. A mon avis, c'est le cheval de demi-sang qui convient le mieux pour la guerre.

Au début de ce livre, j'avais dit que le pur sang a toute ma préférence. Ce n'est pas une contradiction. Le pur sang a des qualités qu'on trouve rarement chez les autres au même degré : la vigueur, l'énergie, la finesse. Mais ces qualités ne sont pas les seules désirables chez le cheval destiné à l'armée. Le pur sang surmontera peut-être les fatigues mieux que tout autre. Dans une charge, il aura un élan merveilleux, incomparable.


de troupe, le cheval du soldat, qui doit avoir des qualités particulières, dont les principales sont la solidité et la résistance. Avec lui, il n'est pas question de finesse, d'effets savants, non plus que d'allures spéciales. Il faut qu'il porte son homme, il faut qu'il le porte sûrement, longuement, et que la vigueur de sa constitution lui permette de résister aux fatigues et à toutes les misères d'une campagne.

Il faut encore qu'il ne coûte pas trop cher, car l'argent reste, malgré tous les progrès et toutes les innovations, le premier nerf de la guerre.

Un cheval ne coûte pas seulement la somme en échange de laquelle son propriétaire l'a cédé. A cette première mise on doit ajouter tout ce qu'il a coûté depuis l'achat jusqu'au jour où il est réellement bon pour le service. Un cheval payé mille francs, qu'il faut conserver, soigner, nourrir dans un dépôt pen-

Mais comment supportera-t-il toutes les privations, toutes les misères d'une campagne ?

En Crimée, les Anglais ont perdu la plupart de leurs chevaux de pur sang. Les normands, les percherons, les bretons, les auvergnats ont admirablement résisté.

Le cheval de guerre doit être rustique. Il faut que, sans être hors de service, il subisse la faim, le froid, la pluie, la neige, les nuits sans abri et sans couverture. Le pur sang est-il capable de cette endurance ? Je ne le crois pas.

Tant que la race n'aura pas été endurcie, elle donnera des chevaux admirables; mais elle ne fournira pas le cheval résistant, endurant, qu'il faut pour la guerre.

J'ajoute que, pour se servir du pur sang, il faut avoir une connaissance de l'équitation plus complète que ne la reçoivent les hommes de troupe,


dant un an avant de l'envoyer au corps, coûte en réalité deux mille francs le jour où il prend place dans le rang.

Je n'ai pas la prétention d'aborder ici des questions financières ou militaires qui sont absolument hors de ma compétence. Je raisonne simplement en homme de cheval. Je dis que, lorsqu'il s'agit du cheval de troupe, il faut considérer en même temps les qualités indispensables du cheval et son prix de revient. Si je ne m'occupais que des qualités, en laissant de côté la question d'argent, ma théorie pourrait paraître vaine. Or j'ai l'ambition unique, mais très ferme, de n'énoncer que des faits pratiques et de ne conseiller que des choses possibles.

Tout le monde sait comment sont recrutés les chevaux pour l'armée. Des commissions de remonte se transportent dans les différents centres d'élevage, examinent les chevaux de trois à quatre ans et font les achats. Ces visites sont forcément prévues. Pour les chevaux de quatre ans, les marchands de tous pays, de l'étranger surtout, s'appliquent à devancer la remonte et à acheter ce qu'il y a de mieux, ce qui leur est facile, puisqu'ils offrent un prix supérieur. La remonte choisit les meilleurs dans ce qui reste.

Ces chevaux, considérés comme impropres à tout service en raison de leur âge, sont dirigés sur des dépôts où ils sont entretenus jusqu'à l'âge de cinq ans. Quelquefois ils sont mis en pension moyennant indemnité chez des agriculteurs.


Je laisse de côté tous les détails pour arriver au point principal, qui est celui-ci : quel que soit l'âge du cheval au moment où on l'achète, on considère que, jusqu'à cinq ans, on ne doit rien lui demander. A partir de cinq ans seulement1, on commence à l'exercer, à le soumettre à un travail régulier plus ou moins rationnel, en un mot à le dresser.

C'est une tradition, c'est un principe.

Eh bien, au risque de heurter toutes les idées reçues, je dis que la tradition est une erreur, que le principe est faux, que le système est mauvais.

Attendre le cheval jusqu'à cinq ans pour l'exercer, le dresser, l'entraîner en vue des services de guerre, c'est perdre un temps précieux. C'est accumuler des dépenses qui doublent au moins son premier coût, et compromettre ses qualités naturelles, qui s'atrophient faute de l'alimentation suffisante et de l'exercice nécessaire donnés en temps voulu.

A trois ans et demi, un cheval2 bien conformé, et

i. Administrativement les chevaux ont cinq ans, parce que l'on compte leur âge à partir du ier janvier. En fait, ils ont quatre ans et neuf mois puisqu'ils sont nés au printemps. Les chevaux arrivent dans les régiments dans la première quinzaine d'octobre de l'année où ils ont pris quatre ans. Ils ont donc quatre ans et six mois.

On les met à l'escadron de dépôt pour le débourrage. Là ils s'habituent à l'écurie, à la selle, au port de l'homme et aux objets extérieurs. Dans la première quinzaine de janvier, c'est- à-dire à quatre ans et neuf mois, ils sont versés dans leur escadron et le dressage commence.

2. J'entends le cheval français, de quelque contrée qu'il arrive.


qui a été suffisamment nourri et exercé, est assez développé et assez vigoureux pour supporter l'exercice gradué qui précède et facilite le dressage. A quatre ans, il peut être convenablement dressé et bon pour le service du corps. Après quelques ,mois de ce service, il est entraîné et possède la solidité et l'endurance qui sont les qualités maîtresses du cheval de guerre.

Si l'on veut rompre avec la routine, si l'on veut adopter un système suffisant d'alimentation et un dressage rationnel, on obtiendra un cheval de troupe qui, à quatre ans et demi, vaudra, dans son ensemble, autant et même mieux que le cheval de six ans ne vaut actuellement1.

D'où vient donc l'idée, profondément enracinée, que, avant l'âge de cinq ans, le cheval ne peut être utilisé dans l'armée ? D'où vient que tant d'hommes éminents qui se sont occupés des remontes ont admis et consacré ce principe ? J'imagine qu'on a simplement constaté que les chevaux de cinq ans, tels qu'on les obtient, sont encore bien faibles et incomplètement développés. Partant de là, on en a conclu qu'il serait impossible de les utiliser plus tôt. On s'est arrêté au fait, sans en rechercher les causes.

Et pourtant, la preuve est faite depuis longtemps, et constamment renouvelée, que le cheval suffisamment nourri et exercé peut, à trois ans, faire les plus grands efforts et soutenir les allures les plus rapides 2.

1. Après le dressage.

1 2. Si l'on m'objecte que quelques sujets (quelques-uns seule-


Prenons comme exemple les chevaux normands de demi-sang. Ils passent pour être les moins précoces de tous ceux que produit la France, et il est généralement admis qu'ils ne peuvent être prêts et ne possèdent toutes les qualités que vers l'âge de six ans.

La Normandie produit en abondance les chevaux de demi-sang.

Les poulains se classent tout naturellement chez

ment) peuvent en souffrir, je répondrai que je nè propose de mettre en dressage que les chevaux de trois ans et demi et même trois ans neuf mois, puisqu'il y a trois mois de préparation. Enfin je ne leur demande pas d'efforts comparables à ceux des chevaux de même origine qui courent à trois ans sur les hippodromes et qui ont été entraînés à deux ans et demi au plus tard.

On objecte encore la différence du poids porté par le cheval de course et par le cheval d'armes. Cette différence est en effet considérable. Mais le cheval d'armes a déjà un an de plus que le cheval de course. Sa construction plus massive le dispose mieux à porter du poids. Il est plus résistant. Il ne porte son plein paquetage que dans des circonstances exceptionnelles, et on lui demande des efforts beaucoup moins énergiques. Si l'on procède graduellement, comme on fait pour les chevaux de course, on arrivera sans plus de difficulté à lui faire le dos.

Quant aux théoriciens purs qui veulent attendre la complète ossification des cartilages avant de mettre le cheval en service, je leur réponds en leur conseillant d'acheter les chevaux à cinq ans et demi pour qu'ils soient prêts à six ans. On n'en trouve pas, diront-ils. Pourquoi? parce que le commerce les livre beaucoup plus tôt à l'acheteur. C'est donc que tout le monde est d'accord dans la pratique pour faire usage du cheval beaucoup plus tôt : ce qu'il fallait démontrer. Naturellement je recommande de ménager le cheval de quatre ans. Mais ce qui importe, c'est de constater qu'il est, dès cet âge, en état de faire son service, et c'est ce qu'il est possible d'obtenir, si on veut bien faire le nécessaire.


l'éleveur suivant leurs origines d'abord, mais ensuite et surtout d'après leurs formes et les espérances qu'ils donnent.

Il s'établit en fait trois catégories principales et bien distinctes d'élèves :

1° Les trotteurs, destinés aux hippodromes;

20 Les chevaux de luxe1 et de commerce ;

3° Les chevaux de remonte.

Les trotteurs, à deux ans ou deux ans et demi au plus tard, sont progressivemet exercés, entraînés. A trois ans, ils ont généralement toute leur taille. Ils sont bien en forme, en pleine vigueur et ils courent. Les plus belles courses au trot, les plus importantes comme parcours et comme prix, sont réservées aux chevaux de trois ans. Un parcours moyen de quatre mille mètres est actuellement franchi au trot en près de six minutes et demie. Souvent le parcours est de six mille mètres. Le trotteur qui le fournit doit avoir la vitesse et le fond. Il exécute pendant la période d'entraînement et pendant la course le maximum des efforts qui peuvent être demandés à un cheva12.

i. Cette catégorie comprend les chevaux proposés au service des haras comme étalons, et qui, n'ayant pas réuni les conditions requises, sont castrés et livrés au commerce.

2. Il est intéressant de noter à ce propos que les demi-sang résistent mieux et plus longtemps que les pur sang aux grands efforts des hippodromes sans se tarer.

Le nombre des pur sang qui claquent en courant, ou même à l'entraînement, est très grand, tandis que cela est rare chez les demi-sang.


Le cheval de luxe, destiné au marchand qui peut payer un bon prix, est encore presque un poulain à trois ans. Sa taille est incomplète, ses formes sont grêles et à peine arrêtées. Il est mou, et tout effort doit lui être épargné. Vers quatre ans ou quatre ans et demi seulement, il approche de sa taille, paraît musclé et est capable d'un travail mesuré. C'est à ce moment qu'on le trouve chez le marchand, gras, luisant et prêt... pour l'amateur qui n'est ni pressé ni exigeant. Mêmes observations pour le cheval de commerce, qui ne se distingue du précédent que par sa valeur moindre.

Le cheval de remonte, à trois ans, est une complète non-valeur. De trois à quatre ans, lorsqu'on le présente à la commission d'achat, il est généralement engraissé. Quelques rations d'avoine données au dernier moment, le fouet et le gingembre lui donnent une apparence de vigueur. Il n'a en réalité ni muscles, ne allure, ni fond. Livré à lui-même, il s'affaisse et si porte sur les épaules. Il n'est prêt pour aucun service.

Voici donc des chevaux qui ont, à peu de chose près, la même origine, qui proviennent du même élevage : les uns sont complets à trois ans et résistent à l'entraînement et aux courses, c'est-à-dire au travail le plus dur. Les autres, à quatre ans et demi, sont à peine prêts pour un travail très modéré. Les derniers enfin, à quatre ans et demi, ne sont bons pour aucun service. Il faut leur donner des soins, leur laisser prendre de la force, leur donner les muscles qui leur manquent.


D'où vient cette différence ? Est-ce la nature qui se montre plus précoce chez les uns que chez les autres, alors qu'ils sont tous de la même origine et soumis au même élevage ? Est-ce que le cheval serait plus tardif lorsqu'il a moins d'élégance dans ses formes et moins de rapidité dans ses allures ? Nullement. Cette différence si grande provient uniquement des procédés d alimentation et d'éducation employés pour les diverses catégories de chevaux. Si on appliquait à tous les mêmes procédés, on trouverait chez tous la même précocité, le même développement, la même vigueur. Les formes, les allures, les aptitudes, différeraient suivant les sujets, mais tous seraient amenés à un point commun; tous, à trois ans, auraient la force de résistance nécessaire pour le service, quel qu'il soit.

Le trotteur de demi-sang qui est entraîné et court à trois ans en est la preuve. L'effort qu'on lui impose est extrême et hors de toute comparaison avec le travail qu 'on demande au cheval de luxe ou au cheval de troupe. 11 le supporte assez bien pour durer autant, sinon plus que tout autre, sans tare ni usure prématurée.

Mais il est nourri solidement dès le premier âge, et il est exercé de bonne heure, méthodiquement. En somme, il est élevé comme les pur sang.

Les pur sang ne deviennent pas tous des chevaux de course ; mais tous sont élevés, au début, en vue des courses. Dès leur naissance, ils reçoivent des soins et une nourriture appropriés aux efforts qu'ils auront à


faire. Ils mâchonnent un peu d'avoine dès leurs premiers jours. A six ou huit mois, leur. ration est déjà de six litres par jour. A dix-huit mois, ils sont mis à l'écurie, fortement nourris et soumis à l'entraînement. A deux ans, ils figurent déjà dans des courses spéciales.

On procède de même pour les demi-sang destinés aux courses au trot, mais avec un peu plus de lenteur, puisqu'ils ne courent qu'à trois ans. Pour les uns et les autres, on aide la nature par l'alimentation ; on la seconde en développant l'organisme par un exercice gradué et constant.

La vérité est que, pour les autres chevaux, loin de seconder la nature, l'éleveur la contrarie, l'entrave par une alimentation insuffisante. Le cheval grandit vite ; sa charpente osseuse, son système musculaire, sa masse sont considérables. Pour que cet organisme puissant croisse si rapidement, pour que le sujet grandisse sans s'anémier et en acquérant au contraire la force voulue, il faut que son alimentation soit riche et qu'un exercice rationnel du système musculaire favorise et active le développement. Car, à l'exception de ceux qui sont destinés aux courses et aux haras, les poulains çt les jeunes chevaux ne sont ni nourris, ni exercés. '

Ils sont élevés à l'herbe et au repos, c'est-à-dire le plus économiquement possible, parce que l'élevage est un métier.

Sous l'influence de ce régime aqueux, peu substantiel, par suite du défaut d'exercice, le cheval est


retardé à tous égards. Il grandit plus lentement, ses os se solidifient tardivement, ses muscles n'ont aucun relief. Bien plus, en avançant en âge, au lieu de gagner en vigueur, il se débilite et s'appauvrit de plus en plus. A trois ans, il n'est qu'en retard ; à quatre ans et surtout à cinq ans, il est profondément anémié : c'est alors, pour ainsi dire, un malade qu'il faut refaire, qu'il faut reconstituer. Par un régime qui est ou devrait être un véritable traitement, il faut corriger, réparer cette économie appauvrie. Je suis persuadé qu'on n'y arrive qu'incomplètement, et qu'un cheval ainsi refait tardivement ne devient jamais aussi bon qu'il l'aurait été avec un autre mode d'élevage. Et plus on attend pour restaurer le jeune cheval, pour l'ellgrainer, comme on dit, plus le traitement est long et chanceux. Pour un cheval de trois ans, quelques mois suffisent le plus souvent. Pour un cheval de quatre ans, et plus encore pour celui de cinq ans, il faut un an et plus. Et ce fait indéniable ne s'explique que trop aisément : l'animal a souffert plus longtemps, l'anémie est plus accentuée et l'appauvrissement général est devenu, pour ainsi dire, organique.

C'est à cet état d'appauvrissement, d'anémie, qu'il faut attribuer les cas de mortalité nombreux chez les jeunes chevaux. La débilité qui résulte de l'insuffisance de la nourriture pendant la période de croissance, le manque de vitalité, les laissent sans force de résistance contre la moindre maladie ou le moindre accident. C'est de la même cause que proviennent ces


maux nombreux, gourmes et autres, et ces boiteries sans cause apparente et sans fin qu'on attribue au jeune âge. Le cheval jeune, s'il a été élevé dans de bonnes conditions, est vigoureux et sain. Il n'est faible et maladif que parce que le défaut d'alimentation suffisante et d'exercice l'ont conduit au lymphatisme, à l'anémie.

Les chevaux normands sont généralement lymphatiques, mous, tardifs. C'est que la Normandie produit moins d'avoine que les autres pays d'élevage, et qu'à l'exception des trotteurs, les jeunes chevaux n'en mangent pas.

La race s'en ressent et elle dégénérerait avec rapidité, si les étalons n'étaient pas choisis parmi les trotteurs qui, élevés et toujours maintenus en bonne condition, corrigent fort heureusement, en partie au moins, le lymphatisme de la mère, qui, elle, a souffert dans ses premières années.

Qu'on ne dise pas que les trotteurs sont des exceptions, qu'ils n'arrivent à être à trois ans dans un magnifique état de développement et de vigueur que par la raison qu'ils sont des sujets exceptionnels. Non, les trotteurs ne sont pas des sujets exceptionnels. A côté des plus brillants qui sont seuls cités, il y a des trotteurs en abondance qui figurent dans des petites courses locales et font, sortis de l'hippodrome, un excellent service. Souvent ils n'ont rien de remarquable en dehors de leur allure. Rien dans leur aspect, dans leurs formes, ne les désigne à l'attention.. -


Ils ne sont pas plus précoces que les autres par nature : ce sont les soins, l'alimentation, l'éducation qui les ont avancés, tandis que les autres ont été retardés.

A trois ans et demi, le cheval de nos contrées peut avoir à peu près toute sa taille, sa vigueur, et être prêt pour le dressage. S'il en est autrement, c'est qu'il a souffert, et l'état de son développement est en raison directe de l'alimentation et de l'exercice rationnels qui lui ont été donnés.

Autrefois, parmi les écuyers, il était de règle que, pour dresser un cheval en haute école, il fallait attendre qu'il eût au moins sept ans.

Pendant de longues années, j'ai pensé et agi comme tous les autres : pour faire mes chevaux d'école, je prenais des animaux de sept à huit ans. Peu à peu, j'ai été frappé par ce que je voyais sur les champs de courses. A Epsom, à Chantilly, à Auteuil, à Long- champ, les épreuves les plus longues, les plus redoutables étaient réservées aux chevaux de trois ans j. J'observais que, pour dresser un cheval d'école, je ne lui imposais pas le dixième des efforts que nécessitent l'entraînement et les courses. Partant du principe « qui peut le plus peut le moins », j'en arrivai à conclure que le cheval qui, à trois ans, peut supporter de

1. On m'objectera sans doute qu'un très grand nombre sont claqués à l'entraînement. Je répondrai qu'ils sont entraînés à dix-huit mois, ce qui est très périlleux. Enfin je propose de commencer le dressage à trois ans et demi, et les efforts que je demande sont hors de proportion avec ceux qu'exige l'entraînement.


tels efforts, pourrait tout aussi bien et même beaucoup plus facilement supporter le dressage d'école.

Ce raisonnement me paraît fort simple aujourd'hui, mais si simple qu'il fût également alors, je ne le faisais qu'avec une extrême timidité, si grande est la force des idées reçues. Chaque fois que je l'exposais à des hommes de cheval, aux autorités de l'époque, j'étais écouté avec un haussement d'épaules et traité de fou. Depuis, j'ai appris que toute tentative d'innovation a beaucoup de chance d'être accueillie de la sorte.

Je me décidai pourtant à une expérience, non sans de grandes appréhensions, et je pris un cheval de quatre ans, bien soigné et bien nourri. Je trouvai chez lui autant de force et beaucoup plus de souplesse que chez mes autres élèves de sept ans.

Encouragé par la réussite, j'essayai un cheval de trois ans avec le même succès. Depuis, j'ai dressé en haute école une vingtaine de pur sang de cet âge, et toujours j'ai obtenu des résultats meilleurs qu'avec des chevaux plus âgés.

Enfin, j'ai poussé l'expérience plus loin, pour me rendre compte de la somme d'efforts qui peut être sans inconvénient imposée au très jeune cheval.

J'ai dressé, à deux ans, Viscope, jument pur sang, par Vermouth et Vinaigrette*. A trois ans, son

1. On m'objectera naturellement la précocité des pur sang. Mais aussi s'agit-il d'un cheval de deux ans. D'ailleurs, la pré- cocité de l'alimentation et de la gymnastique m'a toujours paru avoir un effet plus décisif que la précocité de la race.


éducation était complète comme cheval de promenade, d'obstacle et d'école; elle était médaillée au concours hippique. Elle a sept ans aujourd'hui ; elle est absolument saine, nette et n'avait pas, quand je l'ai livrée, la moindre molette.

Je pourrais citer beaucoup d'autres exemples. J'ai voulu seulement expliquer comment l'expérience m'a amené à cette conviction absolue : prendre le cheval à trois ans et demi pour le dresser et l'entraîner en vue d'un service quelconque, c'est le commencer à l'âge où tous les chevaux convenablement élevés et nourris peuvent supporter le travail. Bien plus, c'est le prendre à l'âge où l'exercice musculaire, progressivement donné, leur est indispensable. Cet exercice, loin de provoquer des tares ou une usure prématurée, fortifie les membres et tout l'organisme, met rapidement l'animal en pleine possession de tous ses moyens.

A trois ans et demi, un cheval est plus souple et plus facilement éducable qu'à cinq ans. Il n'a pas encore pu contracter des défauts de caractère qu'on lui trouve plus tard, et qui sont presque toujours le résultat de la maladresse et de la brutalité des hommes qui l'ont approché. Il n'a pas encore à l'état invétéré la mauvaise habitude, que prennent tous les chevaux abandonnés à eux-mêmes, de se porter presque entièrement sur leurs épaules, d'où il suit que l'arrière-main reste en retard et est moins développé que l'avant- main. On peut donc aisément l'amener à prendre de lui-même, à garder la position désirable, nécessaire,


c'est-à-dire à contracter l'habitude de reposer également sur ses quatre membres.

Ce dernier point est de la plus grande importance, car c'est le bon équilibre qu'il faut avant tout rechercher pendant le dressage et dans toute équitation.

Le cheval ne doit être ni sur ses épaules, ni sur ses hanches. Tout son poids, et aussi celui du cavalier, doit être supporté également par les unes et par les autres. Ce n'est qu'à cette condition qu'il est léger, mobile et sûr; ce n'est aussi qu'à cette condition qu'il pourra faire un service prolongé et rigoureux sans en souffrir. Lorsqu'un cheval a pris et a conservé longtemps l'habitude de se tenir et de se mouvoir dans un mauvais équilibre, sa conformation s'en ressent : elle se modifie, se fausse, et il est presque impossible d'y remédier. Si, par exemple, — et c'est le cas le plus fréquent, — le cheval est sur ses épaules, l'arrière- main, faute d'exercice et de développement, reste mou et traînant, tandis que l'avant-main fait un trop grand effort et est surmené. L'avant-main, surchargé, alourdi, se déplace difficilement dans les changements de direction ; la moindre faute, la mo-indre défaillance peuvent entraîner la masse. Les membres qui travaillent avec excès souffrent et s'usent rapidement. Il n'y a pas d'autre cause à ces réformes prématurées qui, chaque année, déciment l'effectif des escadrons de cavalerie et mettent tant de chevaux hors de service, à l'âge où ils devraient être en pleine valeur. —


Le bon équilibre à donner au cheval est la partie la plus essentielle du dressage. Nul ne contestera qu'à trois ans et demi, le chevaLest plus facilement édu- cable qu'à cinq ans. A ce seul point de vue, qui est capital, il y a le plus grand intérêt à prendre le cheval à trois ans et demi.

Toute la question est de savoir si, oui ou non, à l'âge de trois ans et demi, le cheval peut être assez développé, assez vigoureux pour être dressé et utilisé : à cet égard, toute théorie, toute dissertation est inutile ; les faits seuls ont une signification, une valeur. Or les faits sont indéniables et constants. Les chevaux de demi-sang peuvent être dressés et entraînés pour les courses dès l'âge de deux ans et demi, et arriver au magnifique état de développement et de vigueur qui leur permet de courir à trois ans. Le travail, l'effort qu'on leur impose pendant les six mois d'entraînement et pendant les courses est vingt fois, cent fois plus considérable que celui que nécessite le dressage très modéré et restreint qui convient au cheval de troupe. On est donc fondé à conclure — et je le fais avec la plus entière conviction — que le cheval de remonte doit être acheté à trois ans et, en fixant cet âge moyen, on fait la part encore très large aux races les plus tardives et aussi aux procédés courants de l'élevage qui, étant aussi économiques que possible, resteront, malgré tout, retardants.

Les chevaux de remonte ne sont ce qu'on les voit actuellement à quatre ans et demi et à cinq ans que


parce qu'ils n'ont été ni nourris convenablement, ni exercés. Je ne crains pas d'ajouter qu'ils valaient beaucoup mieux à l'âge de trois ans, parce qu'ils avaient moins longtemps souffert, parce que le régime aqueux, débilitant qui leur est donné chez l'éleveur, déjà insuffisant pendant les trois premières années, devient tout à fait désastreux pendant la quatrième et la cinquième. De trois à cinq ans, avec le régime de l'éleveur, le jeune cheval ne gagne plus ; il perd.

Et quoi qu'on fasse, quelque prix ou prime qu'on donne au producteur, il ne nourrira pas convenablement, suffisamment ses élèves de trois à cinq ans, parce que ce n'est pas son intérêt.

Mais ce qu'on obtiendra de lui sans difficulté, c'est qu'il présente des chevaux de trois ans en bon état. Précisément parce que l'éleveur fait un métier, il a un intérêt majeur à se débarrasser de ses produits le plus tôt possible. Sachant que tout cheval bien venu et bien développé à trois ans lui sera pris, il fera le nécessaire - pour favoriser le développement de l'animal. Pour le cheval qu'il vendra à trois ans, — à un prix même inférieur à celui qu'il obtient aujourd'hui de quatre à- cinq ans, — il pourra faire des frais de nourriture qu'il lui serait impossible de prolonger plus longtemps. Et ces frais, il les fera forcément, sous peine de ne pouvoir vendre son produit. Car, avec le cheval de trois ans, il n'y aura guère de supercherie. 11 faudra, en première ligne, qu'il ait la taille, et il ne l'atteindra que s'il a été bien soigné et nourri.


Enfin, l'État, achetant de jeunes chevaux, ne se heurtera plus à la concurrence des marchands de tous les pays, parce que ceux-ci ne peuvent pas faire ce qu'il fera.

Le marchand, en effet, n'achète que pour revendre immédiatement ou à très bref délai. Or le cheval de trois ans, sortant de chez l'éleveur, n'est pas prêt pour le service, même de luxe. Il doit être engrainé et dressé pendant un temps assez long : un an environ.

Actuellement, lorsque la remonte achète un cheval de trois à quatre ans, elle le met en pension chez un agriculteur, qui a d'ailleurs tout intérêt à le nourrir médiocrement, ou elle le dirige sur un de ses dépôts. Ici ou là, le cheval se trouve dans des conditions meilleures qu'à l'élevage, mais encore insuffisantes. Il ne profite pas autant qu'il devrait, et pendant dix-huit mois on l'attend.

J'estime, au contraire, que ces jeunes chevaux devraient être commencés immédiatement et soumis dès les premiers jours au régime qui peut achever leur développement, leur donner la vigueur et la docilité désirables et les amener à être, au bout de six mois, prêts pour le service. En un mot, dès le premier jour, on doit commencer l'engrainement et le dressage.

Mais à ces deux opérations menées de front, il faut procéder méthodiquement, graduellement.

Le dépôt ne doit plus être une écurie-bergerie, ainsi que le définissait récemment un général; il doit être une véritable école de dressage, étroitement surveillée,


dirigée par un homme compétent, n'ayant sous ses ordres que des cavaliers déjà complètement formés.

On n'engraine pas les jeunes chevaux en les bourrant d'avoine, pas plus qu'on ne les dresse en leur donnant simplement beaucoup de mouvement et en les poussant dans leurs allures.

Le cheval a de trois à quatre ans 1. Il vient de chez l'éleveur et il est mis à l'écurie. Voici dans quelles conditions et avec quelle progression on doit, suivant moi, lui distribuer la nourriture et le travail pendant les trois premiers mois :

PREMIER MOIS

Ire quinzaine.— Six litres d'avoine par jour2. Deux le matin, deux à midi et deux le soir. Une heure de promenade à la main, au manège, ou mieux en plein air, si le temps le permet,

2e quinzaine. — Sept litres d'avoine. Deux le matin, deux à midi, trois le soir. Même promenade à la main.

i. La castration doit être faite au moins six mois avant tout travail, soit au plus tard à deux ans et demi. Les chevaux montés trop tôt après l'opération restent toujours faibles- des. reins. On observe chez eux un balancement de croupe qui est caractéristique.

2. Je suppose un cheval qui n'a jamais mangé d'avoine. S'il a été élevé à l'avoine, on devra lui donner huit litres immédiatement : deux le matin, trois à midi, trois le soir.

-

Quand je parle d' avoine, c'est l'avoine indigène que j'enterids, et non ce produit exécrable qu'on distribue encore aux troupes sous le nom d'avoine blanche de Russie.


Mettre les chevaux à la longe, cinq minutes par jour, moitié au pas et moitié a.u tout petit trot.

DEUXIÈME MOIS

Ire quinzaine. — Huit litres d'avoine. Deux le matin, trois à midi et trois le soir.

Augmenter la promenade à la main d'une demi- heure.

Augmenter peu à peu le travail à la longe, jusqu'à faire trotter cinq minutes sur chaque main sans arrêt. Mettre quelques minutes d'intervalle entre les changements de main.

2" quinzaine. — Neuf litres d'avoine. Trois le matin, trois à midi et trois le soir. Mêmes promenades et même travail à la longe.

Généralement, on fait faire au cheval trois repas de six heures du matin à six heures du soir, — soit en douze heures, — puis on le laisse douze heures sans manger. Je trouve cette distribution mal réglée, l'avoine du matin doit être donnée à cinq heures, et celle du soir à huit heures.

TROISIÈME MOIS

Ire quinzaine. — Dix litres d'avoine. Trois litres le matin, quatre à midi, quatre le soir. Pour la grosse cavalerie, on doit arriver à douze litres. Cette ration devra se continuer. Mêmes promenades. Vers la fin du travail à la longe, tâcher d'augmenter l'allure du trot pendant une minute de chaque côté. Faire monter les


chevaux en couvertes, avec un simple bridon, au pas, pendant cinq minutes, les hommes n'ayant ni cravache ni éperons. Faire seller les chevaux à l'écurie en les sanglant doucement et très peu. Laisser les selles quelques minutes seulement, mais augmenter ce temps progressivement.

2e quinzaine. — Mêmes exercices, seller et brider les chevaux à l'écurie, et les mettre tête à queue. Les brider après le travail à la longe, et commencer les flexions directes de la mâchoire. Faire trotter les chevaux à la longe sellés et bridés, et laisser pendre les étriers. Ne jamais permettre le galop à la longe tant que le cheval n'est pas dressé et bien équilibré (cela le met trop sur ses épaules). Pour mettre les chevaux à la longe, point de caveçons : le bridon suffit, et n'importe quelle corde légère, la corde à fourrage, par exemple, peut être utilisée.

Quand on fait monter les chevaux, quelques hommes doivent rester en réserve pour prendre par la bride les chevaux qui ne voudraient pas suivre la piste. Il ne s'agit point de dressage ici, mais simplement de faire les reins du cheval et de l'habituer à porter l'homme.

Après trois mois du régime que je viens d'indiquer, les chevaux sont assez engrainés pour supporter plus de travail. Ils se sont développés au trot, ils portent l'homme, se sellent, se brident, et ont été un peu décontractés par les flexions : ils sont prêts à entrer en dressage, que dis-je ! leur dressage est déjà~en


bonne voie. En effet, on ne demande au cheval de troupe que l'A B C du dressage, point de finesse : mieux vaut même qu'il réponde à des effets un peu fermes, car il faut prévoir les mains dures et les jambes brusques. Pourvu que le cheval se porte hardiment en avant sur l'action des jambes, en s'ap- puyant franchement sur le filet, qu'il prenne le pas, le trot ou le galop sur les deux pieds, qu'il saute, qu'il tourne et recule à volonté, son dressage est terminé. Nous ne demandons ici que l'équilibre horizon-* tal. Sans doute, il faudra aussi chercher à obtenir la mise en main; toutefois, elle ne devra pas être imposée. Il suffira que le cavalier sache, si besoin est, replacer la tête de son cheval dans la position dont dépend l'équilibre.

Il reste à habituer les chevaux à ne s'effrayer d'aucun objet, ni d'aucun bruit. Le cheval d'armes doit être franc, marcher et passer sur tout. Pour l'y accoutumer, on multipliera dans le manège, sous ses pas, les objets les plus divers. C'est pendant qu'il est à l'écurie, au moment de donner l'avoine, qu'on lui fera prendre l'habitude de tous les bruits : tambours, clairons, cliquetis d'armes, coups de feu, etc., etc.

J'estime que trois mois suffisent pour que ce dressage élémentaire et spécial soit mené à bonne fin, quel que soit le sujet.

Après ces trois mois de préparation, il reste à procéder au dressage proprement dit.


PREMIER MOIS

Ire quinzaine. — Commencer par le trot à la longe, les chevaux sellés et bridés. Leur donner une vitesse de plus en plus grande, en se servant de la chambrière pour bien faire engager l'arrière-main. Les pousser pendant quelques instants presque à leur maximum, en ayant bien soin de ne pas dépasser leurs moyens, parce qu'on aboutirait à les jeter sur les épaules ou à les détraquer. Ce travail doit durer cinq minutes de chaque côté.

Monter les chevaux au pas pendant un quart d'heure, sans rien leur demander, pour faire leur dos à la selle sans les blesser.

Dix minutes de travail à la main : flexion directe. Mobilisation de la croupe autour des épaules et reculer.

Faire promener les chevaux à la main pendant une heure au manège, et préférablement au grand air, si le temps le permet1.

2equinzaine. —Même travail à la longe. Commencer les changements de direction par des doublers, voltes et changements de main dans la diagonale.

Apprendre au cheval à céder au talon. Au commencement, se contenter de deux ou trois pas dans la rotation.

Finir par le travail à la main.

i. Cette dernière prescription s'applique à tout le temps d'a dressage.


DEUXIÈME MOIS

Ire quinzaine. — Deux minutes de trot à la longe de chaque côté. Monter. Continuation des exercices pré- cédents pour confirmer. Mettre les chevaux par deux et par quatre. Les habituer à se croiser en tous sens. Faire fréquemment des temps d'arrêt pour les habituer à demeurer tranquilles en place. Exécuter au petit trot les mêmes mouvements qu'on vient d'enseigner au pas.

Augmenter le nombre des pas de côté dans la rotation. Reculer monté. Travail à la main.

2e quinzaine. — Même travail à la longe. Confirmation du travail précédent. Exécuter au trot ordinaire les changements de direction en mouvements d ensemble par deux et par quatre, se croiser en tous sens. Demi-volte terminée par quelques pas de côté. Continuer le travail à la main, en exigeant1 la flexion • directe la tête haute. Commencer les flexions latérales.

Pas de côté, épaule en dedans 2.

TROISIÈME MOIS

1 re quinzaine. — Même travail à la longe. Augmenter le trot dans les changements de direction et dans tous les mouvements d'ensemble. Allonger le trot le plus possible sur la ligne droite. Deux pistes. Commencer les départs au galop sur le pied droit. Aussi-

i. Jusque-là, on s'est borné à la solliciter.

2. L'épaule au mur, beaucoup plus facile, ne doit se faire que monté.


tôt confirmé sur le pied droit, demander le galop sur le pied gauche. Une fois le galop devenu facile, faire à cette allure tous les mouvements appris au pas, puis au trot. Augmenter et améliorer les assouplissements à la main.

A la fin de la leçon, apprendre aux chevaux à sauteri.

2" quinzaine. — Mêmes exercices. Confirmer et améliorer les précédents. Habituer les chevaux au drapeau, au sabre, à la lance, aux armes à feu, aux détonations, à passer dans le feu, à nager 2, etc.

i. Voyez la progression à l'article Saut.

2. Que doit faire un cavalier quand il s'engage dans l'eau pour traverser une rivière ou un fleuve ?

Il ne faut pas croire que le cheval qui n'est pas habitué à l'eau nage naturellement, avec facilité, aussitôt qu'il perd pied. L'animal n'a qu'une idée : c'est de tenir la tête hors de l'eau et d'élever l'encolure le plus possible. Dès lors la croupe s'enfonce et le cheval se trouve dans la position de la pointe, c'est- à-dire aux trois quarts debout. (Planche XXIII bis, fig. i.) Cette position l'empêche d'avancer et, s'il est monté par un homme inexpérimenté, ne sachant pas faire nager les chevaux, ils ont neuf chances sur dix de se noyer tous les deux. En effet, la position étant telle que je viens de la décrire, si le cavalier tire tant soit peu sur le filet ou porte simplement son corps en arrière, la croupe s'enfonce de plus en plus, le cheval finit par se trouver debout dans la verticale, et comme il ne peut avancer, il tourne sur lui-même, battant l'eau de l'avant-main et finit par s'enfoncer.

Le cavalier doit, au contraire, dès que le cheval perd pied, prendre une forte poignée de crins et porter le corps en avant, en se couchant sur l'encolure, sans jamais toucher la tête du cheval. Ses genoux doivent être très fortement serrés, sinon l'eau sépare immédiatement le cavalier du. cheval. C'est la seule


PlancheXXIIlH



Ce dressage aura duré trois mois. Le cheval en sait assez pour tous les exercices de la cavalerie. Il reste à confirmer tout ce travail au dehors dans les manoeuvres et à endurcir les chevaux pour les mettre en état de résister aux longues étapes et aux intempéries.

Récapitulons. Le cheval a atteint trois ans au printemps. Si la commission des remontes fait ses achats d'avril à septembre, le cheval a en moyenne trois ans et demi quand il arrive au dépôt. Trois mois de préparation au dressage. Trois mois de dressage. A quatre ans, le cheval est dressé et complètement prêt pour le service.

Qu'on ne dise pas que le travail auquel il a été soumis pendant sa quatrième année l'usera prématurément. Bien au contraire, j'affirme, et l'expérience démontre que le travail, dans les conditions que j'ai indiquées, le développera, le fortifiera.

Actuellement, en prenant le cheval d'armes à cinq ans, on met un an pour le dresser, et les hommes compétents sont les premiers à reconnaître que ce

position qui permette à l'homme de rester en selle et au cheval de nager. Le cavalier doit garder une rêne de filet dans chaque main et écarter momentanément le bras lorsqu'il veut produire sur la bouche un effet de droite ou de gauche, et donner ainsi au cheval la direction voulue. Mais il importe au plus haut point, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, de ne pas tirer d'avant en arrière. (Planche XXIII bis, fig. 2.)

Je suppose que dans toutes les armées on donne des instructions dans ce sens à la cavalerie.


dressage est bien imparfait. C'est -qu'on commence par mettre les chevaux en mouvement, tels qu'ils sont, avant de leur avoir donné l'équilibre, d'où résulterait l'impulsion dans toute sa correction et dans toute son utilité. C'était la faute que Baucher reprochait avec raison à l'ancienne équitation, qui éreintait les chevaux par le mouvement, tel quel. On cherchait à arriver à l'équilibre, vaille que vaille, en poussant les chevaux dans le mouvement tel qu'ils le donnaient d'eux-mêmes. La révolution faite par Baucher a précisément consisté à assurer d'abord l'équilibre, pour y chercher les conditions d'un mouvement correct et utile. La faute du grand écuyer a seulement été de vouloir perfectionner, raffiner cet équilibre, en le rendant instable, avant de demander le mouvement en avant. Quand je me sépare de lui sur ce point en disant que je travaille mes chevaux dans l' iiiipiilsioji, je n'en ai pas moins commencé comme lui par équilibrer mon cheval avant de le mettre en mouvement1. Ce qui me différencie, c'est qu'au lieu de solliciter les actions du cheval dans un équilibre renfermé, c'est-à- dire voisin de l'immobilité et de l'acculement, je cherche, dès le début, l'obéissance aux aides dans l'équilibre maintenu dans l'impulsion

i. Voyez la précédente progression.

2. Le cheval qui est sur ses épaules peut se mouvoir en avant en entraînant l'arrière-main. Il n'a pas l'impulsion qui résulte du fait que l'arrière-main s'engage bien sous le centre, ce qui suppose nécessairement l'équilibre.


En continuant à mettre les chevaux au trot et au galop avant de leur avoir appris à répartir également leur poids sur les quatre membres, on suit des traditions surannées qui vicient radicalement le dressage.

Ce n'est pas en soutenant ni en poussant le cheval dans les allures vives qu'on lui fera modifier avantageusement son équilibre. Au contraire, il exagérera ses défauts, et on l'éreintera sans lui avoir rien appris.

La grande majorité des chevaux sont sur leurs épaules, surtout quand on commence à les monter. En les poussant dans les allures vives, sans les avoir préalablement équilibrés, on n'aboutit qu'à les jeter de plus en plus sur les épaules et à les vicier prématurément. La tête est basse, l'encolure au niveau du garrot. Ils sont laids. Tout mouvement pour tourner ou arrêter leur est pénible. En revanche, ils tombent facilement. Maîtres de placer la tête et l'encolure comme il leur plaît, ils peuvent résister efficacement aux aides. En effet, pour que le mors puisse agir avec toute sa puissance, il faut que l'encolure soit haute et la tête presque perpendiculaire.

Avec la tête basse, le mors perd une grande partie de son action sur les barres ; il n'agit guère plus que comme filet, et le cheval échappe à la direction de la main. On avoue qu'un tant pour cent très élevé des chevaux se refuse à sortir isolément des rangs. Qu 'est-ce qui prouve mieux que le dressage est incomplet ? Un cheval qui n'obéit pas n'est pas dressé.


Voilà à quels résultats on arrive après un an et plus de travail irrationnel !

Réglementairement, le dressage doit être conduit de manière que les jeunes chevaux puissent entrer dans le rang au ier avril EN CAS DE MOBILISATION. Ce serait le dressage en trois mois. Mais, en temps de paix, on prolonge intentionnellement ce dressage pendant toute l'année, et on ne le fait entrer définitivement dans le rang que l'année suivante.

On allègue pour justifier cette pratique que les régiments où le dressage était poussé trop vivement ou, plus exactement, que les régiments qui mettaient dans le rang des chevaux après les trois premiers mois de dressage étaient ceux qui consommaient le plus de chevaux. Cela est possible, bien que je conserve des doutes à cet égard.

Mais la simple vérité, c'est que les chevaux, mal préparés par une alimentation et un exercice insuffisants, sont usés prématurément par le dressage actuel. Tandis que le dressage rationnel, beaucoup plus rapide, loin de les fatiguer, les développerait et leur assurerait de bonnes conditions de durée : je l'ai démontré plus haut par des faits irrécusables.

Quant aux hommes, je prétends qu'ils se plieraient beaucoup plus facilement au dressage tel que je l'indique qu'aux exercices violents qu'on leur demande et qui les découragent souvent parce qu'ils n'en comprennent pas la raison.

Au lieu de les intéresser à l'équitation, de leur


donner l'amour du cheval, qualité maîtresse du cavalier, on n'aboutit souvent qu'à faire souffrir l'homme par le cheval et le cheval par l'homme. On a bientôt fait de dire que le dressage tel que je le demande est trop fin. Pourquoi les Allemands ne le trouvent-ils pas trop fin, eux dont la finesse n'est certainement pas la qualité dominante? Pourquoi travaillent-ils le cheval de troupe individuellement beaucoup plus qu'on ne le fait en France? Pourquoi commencent-ils par l'équilibrer ? Pourquoi font-ils du dressage rationnel au lieu d'éreinter leurs chevaux? Pourquoi leurs chevaux durent-ils plus longtemps ? Eh d'autres termes, pourquoi font-ils du dressage rationnel au lieu d'éreinter leurs chevaux ? Hélas ! c'est qu'ils ont profité des enseignements qui leur sont venus de France, tandis que, dans le pays classique de l'équitation, on s'attarde dans la routine.



TROISIÈME PARTIE



1

Équitation savante.

Les exercices dont nous allons nous occuper ne sont que la suite, la conséquence et le perfectionnement de ceux qui précèdent. Ils sont plus difficiles, moins usuels ; on les appelle exercices ou airs de haute école. Les uns sont naturels, les autres artificiels. Tout ce qui est galop, par exemple, appartient aux allures naturelles. D'autre part, le pas espagnol est le type des allures artificielles.

J'ai souvent entendu dire que le travail de haute école ruine les chevaux, les use prématurément et leur donne nombre de tares.

On dit et on répète : « Comment est-il possible qu'un cheval puisse faire tous les efforts qu'on lui demande pour des exercices si énergiques, sans compromettre ses aplombs ? » La réponse est bien simple : Regardez les gymnasiarques : eux aussi, ils font les plus grands efforts ; eux aussi, ils déploient une extrême énergie. Sont-ils en mauvaise condition ? Leurs bras, leurs jambes, leurs épaules sont-ils détériorés,


abîmés ? Non, au contraire, ils sont dans un état de vigueur qui les distingue entre tous; leurs muscles sont proéminents et durs comme l'acier ; enfin leur santé générale est parfaite. Ah! sans doute, si le travail auquel ils se livrent leur était brusquement imposé, — et je parle aussi bien des chevaux que des hommes, — ils n'y résisteraient pas, ils tomberaient fourbus. Mais, s'ils y ont été amenés doucement, progressivement, par des exercices gradués qui font coïncider l'effort demandé avec l'accroissement de la force musculaire obtenue, le travail — si énergique qu'il soit — leur devient relativement aisé, salutaire même 1.

Oui, certainement, beaucoup de chevaux ont été ruinés par le travail de haute école; mais c'est parce que ce travail a été mal conduit, parce qu'il n'y a pas eu entraînement préalable et suffisant. L'équitation, comme les autres sciences, a ses charlatans et ses empiriques. Quand le cheval est dressé avec méthode, la pratique de tous les exercices auxquels on le soumet, bien loin de le ruiner, ne fait au contraire que le fortifier.

Quant aux cavaliers qui font fi de l'équitation de haute école et en parlent avec dédain, je me contente de leur rappeler la fable du Renard et les Raisins.

i. J'ai dressé tous mes chevaux sans qu'ils aient la moindre tare, bien que je commence à les dresser beaucoup plus jeunes qu'aucun de mes devanciers ne l'a fait. r


II

Pas espagnol.

On dit que le cheval marche au pas espagnol1 quand il lève les jambes de devant l'une après l'autre, en les portant en avant et en les tendant.

Le point principal à observer est la façon dont le cheval pose son pied à terre; car s'il est facile de lui faire lever les jambes, il est très difficile, au contraire, de les lui faire bien reposer à terre.

On doit commencer ce travail à pied, placé à l épaule gauche du cheval et sur la piste gauche, le mur l'empêchant de s'échapper à droite. On tient la tête de l animal un peu haute en la poussant vers la droite, pour rejeter la plus grande partie du poids de l 'avant-main sur la jambe droite de devant et permettre ainsi à la jambe gauche de se lever facilement.

i. On n'a jamais su, du reste, pourquoi ce mouvement se nommait pas espagnol. Il n'a d'espagnol que le nom et ne ressemble pas du tout à la façon de marcher du cheval andalous. Le cheval espagnol marche en pliant les genoux et en jetant le bas des jambes de dehors en dedans ; il fait ce qu'on appelle au delà des Pyrénées : El paso de campaiia (le pas de la cloche). On devrait plutôt appeler le pas espagnol : pas du conscrit, car il y a véritablement entre eux une très grande analogie.


Il faut ensuite toucher la jambe gauche de devant du cheval très légèrement du bout de la cravache; mais il est assez difficile de préciser exactement l'endroit de la jambe que l'on doit toucher. Le point sensible varie avec chaque cheval; il est situé entre le coude et le paturon.

La première impression du cheval est la surprise, " car il ne se rend pas encore compte de ce que vous lui demandez; aussi cherche-t-il généralement à vous échapper. Toutefois, il ne peut se jeter à droite : le mur l'en empêche; et s'il se jette à gauche, vous devez aussitôt le redresser avec la cravache. Il peut reculer; dans ce cas, on doit immédiatement le reporter en avant avec la cravache derrière les sangles. Presque toujours, au bout d'un moment, il manifeste son impatience en grattant le sol avec le pied de la jambe que l'on touche. Dès qu'il a levé cette jambe, on doit le caresser pour lui indiquer qu'il a fait ce qu'on lui demandait. Quand on a renouvelé cet exercice pendant plusieurs jours, le cheval, pour éviter d'être touché, lève la jambe aussitôt qu'il voit arriver la cravache. Lorsqu'il a bien compris et exécuté ce travail de -la jambe gauche, on soumet sa jambe droite au même exercice, en le plaçant à main droite, et en ayant soin de relever et de porter sa tête à gauche.

Comme le toucher répété de la cravache énerve le cheval, il faut, au début, se contenter du moindre signe de bonne volonté. C'est le meilleur moyen de ne pas rebuter l'animal. On obtient.généralement qu'il


lève les jambes à la première leçon ; mais la façon dont il les lève est loin d'être satisfaisante, car il ne les tend pas et se contente de faire des mouvements d'impatience, de gratter le sol, etc. Néanmoins, comme je viens de le dire, il faut, dans les commencements, se contenter du semblant d'effort qu'il fait pour lever les jambes ; on aurait beau insister, le frapper même, qu 'on n obtiendrait rien de plus que d'ahurir l'animal.

Cependant, il faut arriver graduellement à la tension. Elle ne sera suffisante que lorsque les jambes seront complètement tendues à la hauteur des épaules et placées horizontalement.

Ce n 'est, à mon avis, que lorsqu'on a obtenu cette hauteur et cette tension qu'on peut réellement dire que le cheval marche au pas espagnol.

Aussitôt qu 'il a compris ce qu'on lui demande et qu'il l'exécute correctement, c'est-à-dire qu'il tend bien ses jambes horizontalement, il faut lui apprendre à les reposer à terre dans les conditions voulues. Les jambes doivent se reposer à terre sans la moindre flexion du genou. C est de cela que dépend toute la bonne exécution du mouvement.

Pour y arriver, il faut, dès que la jambe est bien tendue, tirer le cheval en avant avec le filet, de manière qu'il pose le pied bien en avant, la jambe restant tendue jusqu'à ce que le pied touche terre. S'il pliait le genou, il ne pourrait faire qu'un petit pas; et, d 'ailleurs, comme les gepoux se plieraient inégalement, il en résulterait que les pas ne seraient pas. éga,ux.


Enfin, si on permet au cheval de plier les genoux, il est impossible de l'empêcher de gratter, ce qui rendra nécessairement les pas inégaux. Il faut donc exiger avec le plus grand soin la tension complète du membre jusqu'à ce que le pied soit revenu à terre.

Si le cheval pose bien les pieds à terre, les jambes étant ainsi tendues, les pas seront forcément égaux.

Dès que l'on obtient un seul pas très correct de chaque jambe, on ne doit plus continuer ce travail à pied, bien que les progrès fussent certainement plus rapides.

Le pas espagnol est, en effet, toujours beaucoup plus gracieux, brillant et régulier, quand l'écuyer-l'enseigne étant monté. En effet, quand vous êtes à pied, il vous faut tirer le cheval en avant ; vous ne pouvez donc pas le mettre dans la main, puisqu'en le tirant vous tendez l'encolure. La tête se trouve ainsi dans une position mauvaise, ce qui rend le cheval disgracieux.

Au lieu d'avoir à tirer le cheval en avant, il est infiniment préférable de le pousser avec les jambes : aussi n'est-ce que monté qu'on doit enseigner le pas espagnol.

Les deux premiers pas obtenus à pied, on se met donc en selle, et on cherche à faire exécuter le travail qui vient d'être expliqué.

Voici comment je m'y prends :

- Je tiens les rênes du mors et la rêne gauche du-


filet dans la main gauche ; la rêne droite du filet et la cravache sont placées dans la main droite.

Le cheval arrêté, je tends mon filet assez fortement pour placer la tête et l'encolure hautes. Je suis à main gauche, et je demande le premier pas à la jambe droite. Ayant le mur à ma droite, je suis certain que le cheval ne pourra se traverser quand je demanderai à sa jambe droite de se lever sous l'action de ma jambe gauche; tandis que, si je lui demandais de lever la jambe gauche, l'action de ma jambe droite ferait dévier la croupe à gauche.

Je porte mes-mains à gauche et je soutiens vigou- reusement ma jàmbe gauche, qui plus tard sera aidée par l'éperon.

La rêne droite du filet est plus tendue que la gauche; les deux jambes sont près des sangles de façon à empêcher le reculer, la gauche étant beaucoup plus soutenue. L'effet des rênes est de reporter presque tout le poids de l'avant-main sur l'épaule gauche. C'est maintenant à la jambe gauche du cavalier de faire lever la jambe droite du cheval. Pour cela, ma cravache étant bien descendue, j'en donne de petits coups sur l'épaule droite, tout en continuant à relever la tête avec le filet droit.

Ignorant ce que je lui demande, le cheval commence toujours par s'impatienter; aussi faut-il n'in- - sister que très doucement. Cependant il faut insister jusqu'à ce qu'il lève la jambe. Dès qu'il a fait le moindre mouvement de la jambe droite, il faut cesser


et caresser, puis faire un tour de manège et recommencer.

Huit jours ne se passeront pas sans que le cheval tende les deux jambes -, car il va sans dire que je fais exécuter le même travail, en sens Inverse, pour la jambe gauche.

A partir de ce moment, je combine l'action de la ,-cravache et de mes jambes, et à mesure que j'obtiens plus facilement l'effet voulu, je diminue l'effet de la -cravache et augmente celui de la jambe, jusqu'à ce que j'obtienne l'obéissance à la jambe seule.

Dès que le cheval répond par une tension complète - à l'attaque des jambes et au besoin des éperons, je ne me sers plus du tout de la cravache; et il m'est alors facile de le pousser 'en avant, sur la main, ce qui m'était impossible étant à pied.

Détaillons maintenant l'action des aides pendant ~tout le mouvement :

L'action de la jambe gauche et de la rêne droite ,-fait lever la jambe droite du cheval. Au moment où il va la reposer à terre, je le pousse en avant de mes deux jambes, dont l'action a pour double résultat de le maintenir droit et de l'obliger à poser sa jambe droite, complètement tendue, en avant de sa jambe gauche. 'Mes rênes sont également tendues-pendant le pas -en avant, jusqu'au moment où le pied se pose à terre. Ma jambe droite et ma rêne gauche ,-viennent' alors ..fair'e lever à leur tour la jambe gauche. C'est ainsi qu'on fait la liaison d'un pas à l'autre, liaison: qui duit


être faite avec beaucoup de soin pour obtenir la parfaite régularité du mouvement.

On a donc, comme toujours, recours à un effet diagonal.

On fait aussi du pas espagnol au reculer. Ce sont, les rênes qui ramènent le cheval en arrière aussitôt la tension de jambe obtenue. Le difficile dans ce mou- vement rétrograde est d'empêcher l'arrière-main de dévier à droite ou à gauche, chaque fois qu'on ramène en arrière du membre qui est posé l'autre membre de devant qui est en l'air.

Il arrive très souvent que le cheval, se portant plus vivement en arrière, échappe dans ce sens et ne tend, plus les jambes de devant qu'à moitié. Il faut, dans; ce cas, recommencer à toujours le porter en avant sur le même temps et exiger la tension complète.

Il ne faudrait pas croire qu'on doit toujours infailliblement réussir, même en suivant à la lettre les. prescriptions que je viens d'indiquer. C'est à l'intelligence du cavalier de profiter de toutes les circonstances qui se présentent pour faire comprendre au cheval ce qu'on veut obtenir de lui. Il y a là une question de tact. D'ailleurs, quand l'écuyer dresse son premier cheval, n'étant pas sûr de lui-même, il est forcément obligé de tâtonner. Ce n'est guère qu'après avoir dressé trois ou quatre chevaux qu'il pourra exactement reconnaître s'il fait bien ou s'il manque à la bonne règle.

. Le pas espagnol ne doit être demandé au cheval:


que lorsqu'il est déjà très assoupli, et surtout parfaitement obéissant aux aides. Il faut, en effet, être bien sûr de pouvoir toujours le porter en'avant. Or, dans ce travail, vous lui demandez de supporter l'éperon sans presque se porter en avant.

Comme, de plus, vous êtes forcé d'avoir les mains hautes pour élever l'encolure, vous reportez ainsi une grande partie du poids de la masse sur l'arrière-main et vous risquez l'acculement. La conséquence, c'est qu'il peut arriver que le cheval lève les deux jambes au lieu de n'en lever qu'une : ce sera la pointe, défense peu redoutable, puisque c'est un mouvement en avant; ou la cabrade, plus dangereuse, surtout si les mains agissent.

C'est parce qu'il faut éviter ces défenses qu'il est nécessaire que le cheval, avant d'arriver à ce point du dressage, se porte franchement en avant, dans toutes les circonstances, au contact des éperons. Si malgré cela la défense se produit, les deux éperons énergique- ment appliqués au moment précis où le cheval lève les deux jambes, — les mains rendant tout, — transforment la cabrade en pointe en provoquant le mouvement en avant.

Du reste, il arrive à chaque instant, dans le cours du dressage, que l'on est obligé de renoncer à obtenir momentanément le mouvement que l'on enseigne, pour porter le cheval en avant. Pour peu qu'on tolérât parfois l'acculement, on ne tarderait pas à être impuissant à porter d'autorité le cheval en avant. Il com-


prendrait vite que par l'acculement il échappe au rassembler, et il y aurait recours à chaque instant.

Tout travail sur place, qui a pour but d'apprendre au cheval à supporter les éperons sans presque se porter en avant, est toujours dangereux. Il a souvent pour résultat de rendre le cheval rétif et, dans ce cas, c'est toujours la méthode qu'on accuse, alors que l'on devrait bien plutôt incriminer la manière dont on l'applique. Il est d'ailleurs aussi difficile à un écuyer qui dresse son premier ou ses premiers chevaux d'éviter l'acculement. Très souvent le cheval est acculé alors que l'écuyer ne s'en aperçoit même pas. Règle généràle, quand le cheval ne remonte pas sur la main, il est acculé. Aussi ma devise est-elle : En avant, toujours en avant, et encore en avant !

Je reconnais, du reste, que l'on n'obtient jamais de concession de la part du cheval sans une lutte plus ou moins vive; mais il ne,faut pas oublier que de cette lutte dépend la domination de l'homme sur l'animal 1. Si vous demandez à votre cheval une chose difficile sans l'y avoir suffisamment préparé, non seulement il y aura une lutte; mais — ce qui est beaucoup plus grave — c'est le cheval qui en sortira vainqueur. Il faut donc se rendre compte de l'instant précis où telle

1. Il est bon de noter qu'après chaque leçon orageuse, si l'homme est sorti vainqueur de la lutte, le cheval se montre d'une docilité exemplaire dans les leçons suivantes. Il n'y a pas d'exception à cette règle.


ou telle chose peut être demandée. C'est une question dé tact. -- * -

Si, le cheval y étant mal préparé, vous lui demandez trop tôt un travail donné, vous pouvez être-certain de ne pas aboutir : faute de préparation suffisante, il y aura sûrement résistance 'de la part de l'animal.

Le même travail, au contraire, peut sans inconvénients être dèmandé plus tard. Il vaut mieux essayer de dresser son cheval en une année qu'en six mois. Plus un cheval est difficile, plus il faut consacrer de temps à son éducation. Mettez six mois, s'il le faut, à le bien équilibrer aux trois allures naturelles et à lui apprendre à reculer correctement, avant de lui ensei-r gner le travail de haute école et les allures artificielles.

Je n'attacherais aucune importance au pas espagnol, si on n'était obligé de l'apprendre au cheval, pour pouvoir plus tard compléter son éducation de haute école, par les pirouettes sur trois jambes, le trot espagnol et le galop sur trois jambes.

Pour cela, il est de toute nécessité que l'écuyer puisse obtenir à son gré les tensions de jambes, et qu'il les obtienne surtout par l'éperon, seul moyen de maintenir le cheval en équilibre, de le pousser sur la main et dans la main, et de l'obliger à tenir les jambes aussi hautes et aussi tendues qu'il le faut.

Il est, hélas! un autre moyen d'apprendre au cheval le pas espagnol; moyen, je m'empresse de le dire, que je n'emploie jamais, mais dont je suis pour;-


tant obligé de parler, car il est très en vogue dans la nouvelle école. Je désigne ainsi cette génération d'écuyers qui s'est formée depuis la mort de Baucher et a substitué aux airs d'école si brillamment exécutés par lui une série de contorsions bizarres, obtenues grâce à une foule d'accessoires, dont l'emploi nécessite le concours d'un nombre d'hommes plus ou moins considérable.

Pour enseigner le pas espagnol suivant la méthode de la nouvelle école, il faut toute une escouade d'écuyers : quatre hommes et un caporal, pas un de moins et quelquefois davantage.

On commence par mettre une entrave au paturon de chaque jambe de devant : à chacune de ces entraves est attachée une corde, et chaque corde est tenue par un homme. Un troisième personnage tient le cheval par la bride et est en même temps préposé au maniement de la cravache. Le caporal monte sur le dos dé l'animal, tandis que l'on confie à un cinquième bourreau la haute mission de tenir la chambrière. Voyons maintenant les mouvements d'ensemble auxquels l'escouade va se livrer sur la malheureuse bête.

L'homme n° 3, qui tient la cravache, tape sur la jambe gauche du cheval; le n° i, qui tient la corde correspondant à cette jambe, tire sur la corde et tend la jambe, tandis que le caporal qui est sur le dos de l'animal exerce une pression de la jambe droite pour habituer le cheval à tendre sa jambe à l'approche de l'éperon ; au même moment, le n° 5, qui tient la cham-


brière, touche l'animal sur la croupe pour forcer le mouvement en avant.

Voilà donc un pas de la jambe gauche obtenu. L'homme n° 2, qui tient la corde correspondant à l'entrave du paturon de la jambe droite, n'entre naturellement en scène que quand l'escouade fait exécuter à la jambe droite la manœuvre que nous venons de décrire pour la gauche. Et cette double manœuvre continue tant que l'animal n'a pas pris l'habitude du pas espagnol.

En argot, cela pourrait tout aussi bien s'appeler : « passer le cheval à tabac ». Quant à moi, je cherche vainement, en effet, le mot pour qualifier ce genre d'opération : ce n'est assurément pas du dressage et cela n'a rien de commun avec l'équitation.

III

Pirouette renversée sur trois jambes.

La pirouette renversée sur trois jambes, la quatrième restant tendue en l'air, pendant toute la durée de la rotation de la croupe autour des épaules, est le mouvement le plus facile à apprendre au cheval. Je parle, bien entendu, du cheval déjà équilibré, puisqu'il s'agit de réunir en un seul mouvement des rotations de croupe et des tensions de jambes.


Vous commencez par demander au cheval, placé au centre du manège et au repos, quelques pas de rotation de croupe, en l'arrêtant tous les trois ou quatre pas pour lui faire tendre la jambe.

Comme vous vous servez de la même jambe pour les deux mouvements, ,celle-ci ne doit jamais quitter les sangles, "tandis que c'est la jambe opposée qui arrête la rotation.

Exemple : je veux la rotation de la croupe autour des épaules de gauche à droite. C'est ma jambe gauche qui décide la rotation et aussi la tension de la jambe droite du cheval. Quand le cheval a fait à peu près le quart du tour, je l'arrête en soutenant ma jambe droite, tandis que ma jambe gauche, qui reste près des sangles, fait sentir l'éperon, en même temps qu'une faible pression sur le filet droit force l'animal à tendre sa jambe droite.

En recommençant souvent, on obtient vite que le cheval fasse un pas ou deux de rotation sans poser sa jambe droite à terre, et peu à peu on finit par faire exécuter la pirouette complète. On doit, pendant tout le temps, s'appliquer à soutenir assez fortement la jambe opposée qui pousse le cheval sur la main et l'empêche de s'acculer. Le cheval, pour être bien placé, doit avoir la tête et l'encolure hautes, avec un petit pli de l'encolure à droite. L'action de la rêne droite du filet est nécessaire pour amener ce pli et pour aider à soutenir la jambe droite en l'air.

On emploie les mêmes moyens en sens inverse


pour faire exécuter la pirouette de droite à gauche, avec tension de la jambe gauche.

La difficulté est de maintenir la jambe droite tendue, l'équilibre sur trois jambes étant tel que le cheval puisse rester dans cette position et se mouvoir de l'ar- rière-main autour de la jambe gauche de devant qui forme pivot et ne bouge pas de place.

Il faut, dans la pirouette de gauche à droite, porter les mains vers la gauche, en tendant faiblement les rênes droites de façon à porter le poids de l'avant- main sur l'épaule gauche. Pour la pirouette de droite à gauche, c'est la jambe droite qui forme le pivot : il faut donc porter les mains à droite et tendre les rênes gauches pour qu'à son tour la jambe droite porte le poids de l'avant-main et permette ainsi à la jambe gauche de se lever.

IV

Pirouettes renversées et ordinaires, les pieds croisés.

La pirouette renversée, les pieds de devant croisés, s'exécute comme la pirouette renversée sur trois jambes, avec cette différence que les jambes de devant, au lieu de se tendre successivement en l'air, restent à terre et se croisent pendant que le cheval tourne.'


Dans la pirouette ordinaire, les pieds croisés, c'est l'avant-main qui tourne et les jambes de derrière qui se croisent.

La première est d'une très grande simplicité; la seconde est d'une exécution très difficile.

V

Reculer sans rênes.

Ce mouvement n'est pas très difficile à enseigner; mais il n'est pas sans inconvénients pour le cheval ni sans danger pour le cavalier, en ce sens que, les jambes et les éperons agissant seuls pour porter le cheval en arrière, il peut en résulter l'acculement et la cabrade.

Je ne conseille pas aux écuyers jeunes et inexpérimentés de tenter cet exercice avant d'avoir dressé plusieurs chevaux. Ce n'est guère qu'à ce moment qu'ils pourront juger sainement de son opportunité.

On pourra, sans inconvénient, le demander aux chevaux impétueux et toujours prêts à se porter en avant. Ce serait au contraire une erreur de cherchér à l'apprendre à un cheval mou ou froid, qu'une action vigoureuse des jambes peut seule déterminer à se pÓrter sur la main.

En tout cas, on ne doit l'enseigner à aucun cheval,


avant d'être certain qu'il n'en abusera pas pour reculer malgré le cavalier et comme moyen de défense; en un mot, devenir rétif.

Je ne commence donc cet exercice que lorsque le cheval m'est tout à fait soumis et, notamment, lorsque je suis sûr de pouvoir le porter en avant, quelles que soient les circonstances.

Pour l'obtenir, je commence par employer les mêmes procédés que ceux indiques, au chapitre Reculer. C'est-à-dire que j'emploie les jambes et la main ; puis, par degrés, je diminue la main, et enfin j'abandonne l'action des rênes en indiquant au cheval au moyen des jambes — et c'est là la difficulté — que l'arrière-main doit entamer le mouvement. Il faut en quelque sorte que le cheval soit tiré en arrière par les cuisses et l'assiette, et qu'il reçoive une impulsion d'avant en arrière.

Au début, je rencontre une hésitation d'autant plus grande que, jusqu'ici, j'ai habitué le cheval à toujours se porter en avant à la moindre pression des jambes. Il faut donc conserver tout son calme et ne pas trop insister, car c'est surtout quand il ne comprend pas que le cheval s'irrite le plus. On devra se contenter de deux ou trois pas en arrière, et, aussitôt, en faire faire le même nombre en avant, en relâchant des cuisses et en attaquant du talon ou de l'éperon. Évitez surtout de laisser le cheval reculer plus vite que vous ne le désirez.

En résumé, au début, j'approche les jambes et'je


tiens mes rênes assez tendues pour amener le reculer. Le mouvement rétrograde obtenu, je m'empresse de caresser, et je recommence "en augmentant chaque fois la pression des jambes et en diminuant la tension des rênes. Enfin, quand peu à peu le cheval a bien compris, je les abandonne complètement.

VI

Balancer de l'avant-main.

Dans le balancer de l'avant-main, le cheval lève successivement les jambes de devant sans les tendre et berce, pour ainsi dire, son avant-train de l'une à l'autre jambe, en les écartant le plus possible au moment où elles touchent terre.

Ayant à ma disposition les tensions des jambes précédemment apprises, il m'est facile d'en tirer le balancer de l'avant-main.. Pour cela, il faut ne pas trop élever la tête et l'encolure, et ne demander que .des tensions peu vigoureuses de jambes afin de n'avoir que des demi-tensions. On les obtient de la façon suivante : le cheval étant arrêté, je lui fais lever la jambe droite comme pour la tendre; mais au moment où . elle se lève, et avant qu'elle soit complètement tendue, je porte mes poignets à droite. Tout le poids de l'avant-main qui pesait sur la jambe gauche se trouve


par suite subitement porté à droite, et le cheval retombe naturellement de ce côté en éloignant la jambe droite de la jambe gauche.

Ce premier pas obtenu, je demande le second à la jambe gauche, en employant les mêmes procédés. J'ai alors un temps de chaque jambe séparément, et il me reste à les lier en rapprochant les temps et en les cadençant. Une augmentation plus énergique des mains augmentera naturellement l'écart des jambes.

L'action des jambes du cavalier est la même que pour les tensions des jambes, mais elle doit être simultanée des deux côtés, de manière à empêcher le balancement de la croupe.

Au bout de peu de temps, on obtient le balancement de l'avant-main de droite à gauche et réciproquement.

Ce n'est que lorsque ce balancement est bien régulier que l'on doit exiger un plus grand écartement des jambes. Plus l'écart est grand, plus le balancement est lent, moelleux et agréable à l'ceil. On arrive facilement à un mètre d'écart, quelquefois à un mètre et demi.

Le balancer de l'avant-main se fait sur place, et il peut aussi se faire en avançant. Dans ce cas, il est plus gracieux et il a en outre l'avantage de ne jamais déterminer l'acculement. Mais il est beaucoup plus difficile, car aux actions que nous venons de décrire il .faut ajouter l'impulsion en avant.


VII

Balancer des hanches.

Ce mouvement demande plus de tact dans l'assiette que le précédent. Pour l'obtenir, il faut agir très légèrement de la main et tâcher de faire prendre au cheval un faible point d'appui sur le filet en le poussant dessus, de façon que le poids de la masse soit reporté sur les épaules. Les hanches se trouvant allégées, leur mobilisation est plus facile.

On aura soin de tenir le cheval en place et très calme, car, cette fois, nous allons lui demander deux temps de suite. Un seul temps n'aurait pas de signification comme mouvement d'école et ne comporterait aucune indication pour le cheval.

J'exerce une pression très légère de la jambe droite : aussitôt le cheval lève sa jambe droite de derrière, comme pour faire un pas de côté à gauche. Mais, au moment où cette jambe s'approche de la jambe gauche de derrière et avant qu'elle se pose à terre, une pression de ma jambe gauche la repousse à sa place et fait en même temps lever la jambe gauche du " cheval, qui va se poser à côté de la jambe droite, comme pour faire un pas de côté à droite.

Si le cavalier ne saisit pas avec précision le mo-


ment où le cheval va poser sa jambe droite, cette jambe touche terre, sans que le cavalier l'ait repoussée à droite par l'action de sa jambe gauche. Dans ces conditions, la jambe droite du cheval se posera tout près de la jambe gauche, et il n'y aura plus assez d'écart pour qu'il puisse se produire un petit mouvement de balancer.

Il faut se contenter de ces deux premiers pas jusqu'à ce que le cheval les fasse froidement, puis les lui demander en sens inverse, c'est-à-dire de gauche à droite. Ce n'est que plus tard qu'on pourra en faire exécuter quatre et augmenter progressivement ce nombre.

Je recommande à l'écuyer de ne pas chercher à obtenir un grand écartement avant que le balancement soit très régulier.

Pour obtenir le plus grand écartement possible, on fait intervenir l'éperon, afin de donner plus de vigueur au mouvement.

Dans le balancer des hanches, le cheval a une tendance naturelle à porter la tête basse. Au début, je le tolère dans une certaine mesure, parce que cela allège l'arrière-main. Mais, aussitôt que le travail est bien su, j'exige toute la hauteur de l'encolure et la position dont le cheval d'école ne doit jamais s'écarter 1.

i. Avec la tête basse, un cheval n'est jamais ni gracieux ni léger. C'est cependant cette position défectueuse de la croupe haute que prennent tous le.s chevaux dressés à la cravache. ^ Cela s'explique : en frappant sur la croupe avec la cravache,


En poussant davantage avec les jambes et en accentuant un peu plus le toucher de l'éperon, on obtient aisément un petit piaffer de l'avant-main qui accompagne le balancement des hanches.

Si on pousse le cheval en avant en lui faisant faire de tout petits pas, on obtient le balancer des hanches avec passage de l'avant-main.

Exécuté sur place, le mouvement est moins gracieux qu 'en marchant, car on manque alors d'impulsion, et il est moins facile de maintenir l'encolure haute. Enfin, comme il faut obtenir une certaine élévation des quatre membres, on devra éviter de jeter le poids du cheval plus en avant qu'en arrière : on s 'attachera, au contraire, à le maintenir soigneusement en équilibre 1.

vous amenez forcément — par le résultat des actions provoquées — le soulèvement de cette partie du corps. C'est pourquoi je condamne l'emploi de la cravache dans le travail de haute école.

Les chevaux routines, je ne puis pas dire dressés, au moyen de la cravache, sont toujours laids et mal équilibrés. Ayant l encolure au niveau du garrot et la croupe haute, ils sont enterrés de l'avant-main et, par conséquent, dans une position qui est l'antipode de celle du vrai cheval d'école. (Voir plancheXXX.) Celui-ci doit constamment avoir l'encolure haute et les jarrets bien flexibles sous le centre.

i. Je crois avoir le premier fait exécuter le balancer des hanches avec passage de l'avant-main en 1880, à Paris, avec Amour, cheval de pur sang.


VIII

Trot espagnol.

Le trot espagnol est, de toutes les allures artificielles, la plus facile et la plus brillante. Le cheval connaissant déjà parfaitement le pas espagnol, rien n'est plus simple que de le porter au trot.

Il suffit d'augmenter l'action des aides pour donner au cheval une plus grande énergie. Vous mettez d'abord le cheval à l'allure du pas espagnol, et, quand vous avez fait quelques pas, il faut profiter du moment où la jambe du cheval se lève pour faire sentir l'éperon avec plus de vigueur.

Je n'ai jamais eu de chevaux qui aient hésité longtemps à prendre cette allure. Mais, comme je l'ai dit bien souvent, je me contente de peu au début de tout travail nouveau.

Supposons, par exemple, qu'au moment où la jambe droite est tendue, j'attaque vivement de l'éperon à gauche; le cheval fait un petit saut en avant : c'est le premier temps. Je m'en contente et le caresse, puis je recommence.

Quand je suis sûr de mon premier temps, je n'en demande pas deux, mais je recommence tout simple-


PLANCHE XXIV Fio. i.



ment pour la jambe gauche ce que j'ai fait pour la jambe droite.

Lorsque j'obtiens de mon cheval un seul temps de trot sur chaque jambe, je lui en demande alors deux, mais seulement quand chaque temps isolé est correct en longueur et en hauteur, et facilement exécuté.

Si une jambe est plus paresseuse que l'autre, ce qui arrive presque toujours, je travaille uniquement cette jambe : c'est le meilleur moyen de frapper la mémoire du cheval et de lui faire comprendre, par mes attaques, qu'il agit de cette jambe avec trop de mollesse.

Une fois l'harmonie établie, je lie les deux premiers temps, puis j'en demande quatre et pas davantage pendant longtemps, quand même le cheval chercherait à en faire plus de lui-même.

Il vaut mieux se contenter de quatre temps bien soutenus que de chercher à en obtenir immédiatement un plus grand nombre qui seraient douteux.

Dans le trot espagnol, le cheval déploie une grande énergie 1. Aussi ne faut-il pas en abuser, car, si vous vouliez en peu de temps obtenir vingt ou trente temps, il est certain que les derniers ne seraient pas aussi

i. Voir planche XXIV, figure i. Markir (pur sang, par Cyrus, pur sang anglo-arabe, et Thérésinepur sang) au trot espagnol, diagonale droite en l'air, mise en main complète. Tête un peu au delà de la verticale, mâchoire fléchie. Même planche, figure 2. Germinal au trot espagnol diagonale gauche en l'air, simple mise en main. Jamais la cravache ne donnerait des tensions de jambes comme celles obtenues dans ces deux


brillants que les premiers. Il s'ensuivrait que le cheval prendrait la mauvaise habitude de ne pas tendre ses jambes avec énergie.

Si, au contraire, vous savez vous contenter de peu, vous pouvez exiger que votre demande soit exécutée avec d'autant plus d'énergie qu'elle est modeste.

Il faut attendre que le cheval exécute le trot espagnol sans effort pour lui demander de le soutenir longtemps. Quand cette allure lui sera très familière, il n'éprouvera plus aucune fatigue, et vous pourrez alors l'exiger pendant deux ou trois tours de manège ; mais il ne faut jamais aller au delà.

J'ai déjà dit que, pendant le dressage, il ne fallait jamais laisser prendre au cheval l'initiative d'aucun mouvement. Si vous le lui permettez, il en abusera et n'attendra plus vos sollicitations. Il fera fréquemment ce qui lui est facile ou ce qui lui plaît, mais non ce qu'il vous plaira qu'il fasse.

Ainsi, quand vous enseignez les changements de pied au galop, très souvent le cheval va au-devant de votre demande : si vous le laissez faire, jamais vous n'obtiendrez des changements réguliers, puisqu'il les exécute à son gré, sans qu'il vous soit possible de les régler.

Quand le cheval prend l'initiative d'un mou-

photogravures. C'est uniquement l'affaire de l'éperon. On remarquera comme, dans les deux cas, le jarret en l'air s'engage bien sous le centre. C'est là tout le secret de l'élévation de l'avant-main. C'est le bon équilibre dans toute l'énergie de l'impulsion. La dépense d'énergie dans la figure i est telle que les paturons sont fléchis aa point de toucher le sol. -


vement que vous lui avez appris, vous devez donc le corriger, mais doucement, bien entendu. Si vous le laissiez maître de son initiative, il ne tarderait pas à en abuser, et votre autorité serait perdue.

Si je dis que la correction ne doit jamais, dans ce cas, être très forte, c'est qu'en définitive le cheval, en prenant l'initiative d'un mouvement qu'on lui a appris, donne toujours une preuve de sa bonne volonté; néanmoins, je le répète, il ne faut jamais le tolérer. Chaque fois qu'il veut exécuter un mouvement de lui-même, on doit le replacer dans la position qu'il occupait auparavant et l'y maintenir jusqu'à ce qu'il y reste sans chercher à en sortir.

J'ai vu souvent des chevaux, auxquels on avait appris le pas espagnol, s'en servir plus tard comme défense. A tout ce qu'on leur demandait, ils ripostaient en tendant les jambes sur place. Cela vient de ce qu'on leur a appris les airs artificiels trop tôt. Il faut avant d'en arriver là que le cheval ait une grande souplesse, et qu'il soit d'une obéissance impeccable dans toutes les allures naturelles.

Les jeunes écuyers veulent généralement aller trop vite. Cela les amuse de voir leur cheval tendre les jambes ; et, dès qu'il le fait, même de sa propre initiative, ils le caressent, quittes-plus tard à s'étonner quand, demandant autre chose, ils ne l'obtiennent point.

Il est très compréhensible que le cheval se serve du pas espagnol comme défense quand la progression du dressage a été défectueuse. On l'oblige, en


effet, lorsqu'on lui enseigne ce mouvement, à supporter l'éperon tout en le maintenant en place. C'est là le grand danger dans tout le dressage; car si le cheval n'a pas été habitué d'abord à se porter franchement en avant à l'attaque de l'éperon, il tend la jambe ou se renferme sur l'éperon. Avant d'arriver à enseigner au cheval à supporter l'éperon sans bouger, il faut donc qu'on soit toujours sûr de pouvoir le porter en avant par l'éperon quand on voudra.

Il arrive, du reste, très souvent que, par mollesse, le cheval se sert comme défense d'un air auquel il est accoutumé. Jamais il ne se servira d'un air où il faut beaucoup d'énergie. Comme nous venons de le dire, il faut naturellement le replacer dans la position primitive et l'empêcher d'en sortir1.

Au surplus, le cheval doit être tellement occupé de son cavalier pendant toute la durée de la leçon, que rien autre ne doit exister pour lui. En revanche, toute préoccupation qui ne se rapporte pas au

i. Quand, au contraire, l'animal sait bien faire une chose qu'il exécute souvent et avec rapidité, s'il lui prend un jour la fantaisie de ne plus vouloir obéir, il faut être très énergique et le réduire à l'obéissance par tous les moyens possibles. Je recommande même de ne jamais céder, sans quoi l'animal comprendrait vite qu'il lui suffit de s'entêter pour devenir le maitre et sortir vainqueur de la lutte. L'écuyer doit, néanmoins, toujours conserver son sang-froid et ne jamais se mettre en colère, ou du moins ne se laisser aller à ce sentiment que dans la mesure nécessaire pour lui donner l'énergie et lui faire oublier les dangers de la lutte.

C'est par des fautes de ce genre que le dressage du cheval,


cheval doit également disparaître de la pensée de l'écuyer.

L'homme doit, pour ainsi dire, s'emparer de l'animal tout entier et le rendre tellement attentif à ses exigences, qu'il ne puisse penser à autre chose qu'à ce qui va lui être demandé. Quant à moi, je m'empare du cheval que je monte, de façon à ne lui laisser qu'une idée dans la tête : que va-t-il me demander ?

Certains auteurs disent : « Il faut tant de temps pour arriver à ceci ; tant pour cela ; au bout de tant de leçons, on doit obtenir telle ou telle chose », etc. C'est une grave erreur. On ne sait jamais d'avance combien on sera obligé d'employer de temps pour arriver à faire exécuter correctement tel ou tel travail.

Certains chevaux apprennent très rapidement tel assouplissement ou tel mouvement que d'autres apprennent très difficilement. Par contre, les premiers se montrent souvent très récalcitrants quand il s'agit de leur enseigner un mouvement que les seconds peuvent saisir immédiatement. Il en résulte que l'on doit tenir grand compte dans le dressage des aptitudes

une fois terminé, se dénature et se perd très vite, s'il n'est pas toujours maintenu dans toute sa correction. La moindre faute, tolérée un jour, s'aggrave le lendemain, devient une habitude vicieuse et ne pourra être redressée plus tard qu'au prix des luttes les plus énergiques. Un cheval dressé n'est pas une machine qu'il suffit de remonter. C'est un être vivant qui cherche constamment à échapper aux aides de l'écuyer et qu'il faut incessamment maintenir dans la parfaite correction du travail.


particulières de chaque cheval, et ne point se décourager parce que l'on n'obtient pas de résultat dans le laps de temps indiqué par le livre. C'est contre ce découragement que je m'efforce de réagir.

Ainsi, j'ai eu des chevaux qui apprenaient le pas espagnol en huit jours, tandis que j'ai dépensé trois mois de travail et d'efforts pour l'enseigner à d'autres, tout en m'y prenant de la même façon.

Avec certains chevaux légers et bien conformés, j'ai obtenu des changements de pied au galop presque immédiatement, tandis qu'il faut généralement six mois pour arriver à les faire exécuter convenablement à la plupart des chevaux. Et il en est de tout ainsi en équitation.

IX

L'épaule en dedans au galop.

J'ai rangé les demi-voltes au galop dans l'équi- tation courante, parce qu'on peut avoir besoin, à la promenade, de quelques pas de galop sur deux pistes plus ou moins correctement exécutés pour pouvoir se ranger même au galop. J'aborde maintenant l'étude du galop dans l'équitation savante.

Lorsque le cheval exécute correctement les demi- voltes au galop, je cherche, pour le travail de l'épaule


PLANCHE XXV Fie. 2.

FIG. 1.



en dedans, à détacher les épaules du mur, toujours au galop. Le cheval y est, du reste, admirablement préparé par le travail des deux pistes au pas d'école et plus encore par les demi-voltes au galop.

Je fais partir mon cheval au galop sur le pied gauche étant sur la piste de droite où je le maintiens pendant quelques foulées; puis, je porte mes mains à droite pour détacher les épaules du mur, mais très peu, d'un mètre environ. J'agis vigoureusement de la jambe droite, pour pousser les hanches de droite à gauche, tandis que la jambe gauche reçoit pour ainsi dire les hanches que la jambe droite vient de lui envoyer et rejette l'impulsion sur la main. C'est en effet la jambe gauche qui pousse le cheval en avant et l'empêche ainsi de s'acculer. C'est encore la jambe gauche qui règle l'allure en empêchant le cheval de s'échapper à gauche. Car, si rien ne vient entraver la rapidité de l'allure dans la marche de côté, soit au pas, soit au trot ou au galop, c'est alors le cheval qui règlera cette allure et, fatalement, il la précipitera de côté pour éviter le rassembler; c'est-à-dire qu'il ne marchera plus sur deux pistes.

Il faut donc, pour que le mouvement soit régulier, que l'écuyer puisse en régler la cadence à toutes les allures, et qu'il ait toujours les jambes près, afin de garder le cheval dans la main et pouvoir constamment l'obliger à se porter en avant1.

J. Voir les photogravures, planches XXV et XXVI. Planche XXV, fig. 1. — Germinal au galop, l'épaule en


J'ai dit que, pour détacher les épaules du mur, je portais les mains à droite. C'est seulement la pression de la rêne gauche sur l'encolure qui doit amener les épaules à droite. Mais celles-ci sont à peine détachées du mur que la pression de gauche à droite de la rêne gauche doit cesser, sous peine d'arrêter les épaules. Il faut immédiatement porter les mains à gauche, la rêne gauche tirant directement de ce côté, et la rêne droite faisant pression à son tour sur l'encolure pour pousser les épaules de droite à gauche. C'est un effet de la diagonale gauche. La rêne gauche,

dedans, allant de droite à gauche. C'est le deuxième temps du galop: la diagonale droite est à l'appui. Le jarret droit vient de faire sa détente et la jambe gauche de devant n'est pas encore posée.

Même planche, fig. 2. — Germinal au galop, l'épaule en dedans, allant de gauche à droite. Diagonale gauche à l'appui.

Planche XXVI.— Germinal au galop, l'épaule en dedans, allant de gauche à droite dans le rassembler complet. On remarquera que le cheval gagne naturellement moins de terrain. On remarquera surtout que le galop du rassembler est à quatre temps : jambe gauche de derrière, jambe droite de derrière, jambe gauche de devant, jambe droite de devant. Dans la planche XXVI, la jambe droite de derrière vient de se poser après la jambe gauche de derrière, et la jambe gauche de devant — qui aurait dû se poser en même temps que la jambe droite de derrière pour faire le troisième temps, diagonale gauche à l'appui — n'est pas encore posée. Le galop est donc bien à quatre temps. Il est à noter qu'il y a bien un moment où la jambe droite de derrière et la jambe gauche de devant qui composent la diagonale gauche sont en même temps à l'appui; mais ce qui fait les quatre temps, c'est que la jambe droite de derrière devance un peu à l'appui la jambe gauche de devant.


PLANCHE XXVI



en tirant LÉGÈREMENT l'avant-main à gauche1, empêche l'arrière-main de devancer l'avant-main. Dans les deux pistes, les hanches sont toujours disposées à dépasser les épaules, surtout dans les demi-voltes, et c'est une faute que l'on doit soigneusement réprimer; car, du moment que les hanches dépassent les épaules dans la ligne oblique, le cheval est acculé.

Je fais ensuite exécuter le même travail pour l'épaule en dedans au galop, de gauche à droite2.

X

Pirouettes au galop.

Dans la pirouette au galop, les jambes de derrière du cheval doivent marquer le galop pour ainsi dire sur place, en s'élevant et en se reposant presque au

i. Pendant longtemps, j'ai, comme tous les écuyers depuis Baucher, plié l'encolure du côté où va le cheval. J'ai reconnu que c'était une faute, car rien n'est plus propre à arrêter l'impulsion. Je me borne à incliner légèrement la tête du cheval du côté où il va, en ne faisant qu'un très léger pli à l'encolure. La rêne opposée du côté où l'on marche peut alors avoir son plein effet pour pousser l'avant-main, maintenir le cheval droit et assurer, par sa combinaison avec l'autre rêne et les jambes, le maximum d'impulsion.

2. Je ne parle pas de l'épaule au mur, parce que je considère ce travail comme un mauvais exercice. Le cheval, en effet, est tenu par le mur, au point que ce n'est plus le cavalier qui le dirige.


même endroit, tout en pivotant, pour que les hanches restent sur la même ligne que les épaules qui décrivent un cercle autour du centre. Jamais le cheval ne doit prendre un appui continu sur un des membres postérieurs, comme certains auteurs le prétendent, car, dans ce cas, il cesserait d'être au galop.

Avant de demander les pirouettes au galop, il faut les enseigner au pas, le cheval très rassemblé.

Pour cela, je place mon cheval au centre du ma- nège. Si je veux faire la pirouette, les épaules tournant autour de la croupe de gauche à droite, je porte mes mains à droite, la rêne droite tirant la tête à droite et la rêne gauche poussant l'encolure et les épaules également à droite, les deux jambes bien soutenues, la jambe gauche un peu plus en arrière pour fixer la croupe et empêcher qu'elle ne dévie, tandis que la jambe droite pousse le cheval sur la main afin d'éviter l 'acculement. Ce travail exige beaucoup de finesse et de légèreté de main. Si les mains font force de gauche à droite, on fait un renversement des épaules, mais non la pirouette. Si les mains font force d'avant en arrière, c'est l'acculement.

Quand le cheval a bien compris ce travail et l'exécute facilement au pas, je le mets au galop sur un périmètre un peu plus grand, et je raccourcis peu à peu, non pas d avant en arrière, mais par les épaules, en gagnant du terrain de côté. J'augmente l'action des jambes pour maintenir l'allure. Les jambes de derrière doivent marquer le galop pour ainsi dire sur place, ■


en s'élevant et se reposant presque au même endroit ; mais, comme je viens de le dire, le cheval ne doit jamais tourner en s'appuyant continuellement sur l'un des membres postérieurs. La pirouette doit être exécutée le plus lentement possible. La grande difficulté consiste précisément à obtenir un galop très lent sans qu'il s'éteigne. J'emploie les moyens inverses pour la pirouette de droite à gauche.

On peut aussi faire des pirouettes renversées au galop. Elles consistent à faire tourner la croupe autour des épaules. C'est un excellent exercice au pas ; mais je n'apprends jamais à mes chevaux à l'exécuter au galop, car la grande difficulté dans tout travail consiste précisément à faire marcher les épaules. Dans les pirouettes renversées, au contraire, vous apprenez au cheval à garder ses épaules en place, ce qui est un non-sens en équitation. Au surplus, le mouvement est disgracieux, car les jambes de devant, ne pouvant gagner du terrain, restent raides en piétinant sur place.

En revanche, les voltes ordinaires et renversées sont gracieuses et utiles. On obtient les voltes ordinaires et renversées au moyen des mêmes aides que les pirouettes, seulement vous faites parcourir un grand cercle au cheval au lieu de le faire tourner sur place.

Quand on commence une volte, il est difficile de déterminer exactement d'avance le diamètre du cercle ~ qu'on va parcourir, et ce serait cependant le seul moyen, pour le cavalier, de savoir si son cheval est juste. Pour s'en rendre compte, il suffit de tracer un


cercle au centre du manège. Si le cheval le suit exactement, c'est que sa position est bonne et qu'il est bien équilibré dans l'impulsion.

Quand le cheval exécute correctement au galop tous les différents exercices que nous venons de décrire, on peut alors lui demander n'inporte quel mouvement au galop. Rendu souple et obéissant par tous les exercices précédents, il ne refusera jamais de se soumettre aux exigences de son cavalier, pourvu que celui-ci soit patient et s'applique à se bien faire comprendre de lui.

XI

Changements de pied au temps.

Nous avons traité, dans le galop de promenade, . des changements de pied de dehors en dedans et sur la ligne droite. Nous allons maintenant parler des changements de pied dans le galop d'école.

Ce n'est que quand les changements de pied deviennent très faciles de dehors en dedans que je les demande de dedans en dehors. J'emploie naturellement les mêmes procédés. Mais il faut au début éviter soigneusement de les faire exécuter dans les coins, le côté de dehors du cheval ayant, en raison du tournant, plus de chemin à parcourir, ce qui exige un sou-


tien plus énergique de la jambe opposée1 pour éviter de traverser le cheval et pousser la masse en avant sur la main. On ne doit demander les changements de pied de dedans en dehors dans les coins du manège que quand on les a obtenus très facilement dans la - ligne droite2.

Je ne demande jamais l'épaule au mur3 au galop avant d'avoir obtenu les changements de pied en l'air, c'est-à-dire au galop sans temps d'arrêt, — parce que, lorsqu'on demande le changement de pied de dehors en dedans, le cheval cherche presque toujours à jeter ses hanches en dedans, comme il ferait dans l'épaule au mur, puisque ce sont les mêmes aides. Si la jambe du dedans ne reçoit pas instantanément le changement de pied que lui envoie la jambe du dehors, le cheval se traverse nécessairement. Jamais dans ces conditions les changements de pied ne seront réguliers ni bien faits. Et comme il faut toujours deux ou trois foulées

i. La jambe opposée signifie la jambe opposée à celle qui fait le changement de pied. Si je suis à main droite, mon cheval étant au galop à droite, je fais jambe droite pour changer de pied et jambe gauche pour garder mon cheval droit. Si je ne recevais pas le cheval sur la jambe gauche, la croupe dévierait inévitablement vers le mur.

2. Il demeure toujours très difficile de faire exécuter correctement les changements de pied dans les tournants.

3. J 'ai expliqué plus haut que je ne faisais pas, à proprement parler, d'épaule au mur, en ce sens que je me refuse à laisser guider mon cheval par le mur. Je me sers de cette expression parce qu'elle est courante. Mais, comme je fais toujours ce travail loin du mur, dans les voltes, il serait plus exact de l'appeler :-Tépaule en dehors.


pour redresser le cheval, ils seront même impossibles à des temps rapprochés.

Du côté du dehors, le mal est moins grand, puisque le mur empêche un trop grand écart des hanches.

Lorsque les changements de pied sont correctement exécutés sur les deux pieds, à main droite et à main gauche, et surtout dans les coins du manège, je commence alors seulement à les régler, ce qu'il est impossible de faire avant d'être certain que le cheval changera de pied chaque fois et aussitôt que je l'exigerai.

Je me contente d'abord de demander au cheval de changer de pied toutes les huit ou dix foulées de galop, et encore je n'exige qu'un seul changement sur chaque pied. S'il s'anime, il faut l'arrêter et revenir aux départs.

Pour être bien d'accord avec le cheval, il faut compter les foulées de galop. Exemple: je suis à main droite, galopant sur le pied droit; je compte i, 2, 3, 4, 5, 6, chaque nombre marquant une foulée de galop. A la sixième, je change de pied; puis je fais exécuter le même exercice sur le pied gauche. Si le cheval fait bien les deux changements que je lui ai demandés, je l'arrête et je le caresse. Puis je recommence en ne lui demandant qu'un seul changement sur chaque pied.

Au bout de quelques jours, quand. je sens que le cheval èxécute franchement ce travail, je lui demande


quatre fois, puis six fois le changement de pied, toujours à la sixième foulée. Aussi longtemps que le cheval accepte ce travail avec calme, je lui demande progressivement un plus grand nombre de fois ce même changement de pied à la sixième foulée, ou, comme on dit, au sixième temps, sans toutefois en abuser.

Dès que le cheval s'anime, je l'arrête, mais sans le caresser; il pourrait croire que je l'encourage -à s'animer. Je le mets au pas et dans la main, puis je recommence et ne termine la leçon que quand il a pris les changements de pied avec calme.

L'écueil des changements de pied est tout entier dans les préparatifs que fait généralement l'écuyer pour les obtenir. Je ne parle pas, bien entendu, de la préparation du cheval, qui est indispensable, mais simplement des mouvements de l'écuyer avant le moment précis où il veut faire exécuter le changement de pied. Il est extrêmement important qu'il reste toujours tranquille dans les foulées, pendant lesquelles le cheval ne doit pas changer. Ainsi, pendant les cinq premières, il ne doit pas faire le moindre mouvement. Il ne doit changer ses aides qu'au sixième temps, mais avec ensemble et une grande décision. Si, au quatrième ou au cinquième temps, vous préparez le changement de pied, vous ferez certainement fausse route, car le cheval, étant déjà très sensible aux aides et attentif à vos demandes, se désunira sous l'action de vos préparatifs. Si vous touchez aux rênes, c'est l'avant-main


qui changera, et si vous modifiez vos jambes, ce sera l'arrière-main. Mais comme il n'y a pas d'accord entre les aides, le cheval ne fera pas de changement de pied.

On impute la faute au cheval qui se désunit, et on a tort, car c'est presque toujours le cavalier qui l'a provoquée en ne restant pas complètement tranquille jusqu'au moment décisif.

Il arrive aussi que le cheval, croyant bien faire, n'attend pas votre demande : il devance votre désir ou ce qu'il croit être votre désir. C'est pourquoi on ne saurait trop recommander à l'écuyer une tranquillité absolue pendant les cinq premières foulées de galop.

Il arrive, avec tous les chevaux, que, lorsqu'ils savent faire facilement les changements de pied, ils en exécutent d'eux-mêmes et sans y être aucunement provoqués.

Il faut, dans ce cas, corriger le cheval; car si vous lui laissez prendre l'initiative d'un mouvement que vous ne lui avez pas demandé, vous ne pourrez obtenir aucune régularité dans les changements de pied.

Quand je dis qu'il faut corriger, j'entends qu'il faut réprimer la faute. Ainsi, votre cheval étant au galop sur le pied droit, s'il change de pied avant que vous le lui demandiez, il faut simplement attaquer plus vigoureusement qu'à l'ordinaire, avec l'éperon gauche, pour l'obliger à rester sur le pied droit. On agirait naturellement de même avec l'éperon droit, si le cheval était parti au galop sur le pied gauche. Toute-


fois, la faute ayant été réprimée dans les conditions que je viens d'indiquer, évitez de demander aussitôt, et dans la même leçon, le changement de pied en l'air: cela pourrait amener une confusion dans l'esprit du cheval. Revenez plutôt aux départs en le tenant longtemps sur le même pied.

Si vous avez plusieurs fois réprimé la même faute et si vous prenez soin de caresser l'animal chaque fois qu'il ne change de pied que sur votre demande, il comprendra vite qu'il ne doit rien faire sans que vous le lui ayez demandé. Mais, je le répète, ne faites exécuter les changements de pied que si vous n'avez pas été obligé de corriger auparavant. Il vaut mieux consacrer plusieurs leçons à réprimer la faute. Le cheval comprendra beaucoup mieux, il restera plus calme et son dressage n'en avancera que plus rapidement.

Ce n'est que lorsque le cheval a bien compris qu'il doit toujours attendre ma demande que je lui fais exécuter des changements de pied plus rapprochés. Au lieu de commencer au sixième temps, je demande le changement de pied au quatrième, en employant toujours les mêmes procédés. Je me contente, les premières fois, d'un seul changement sur chaque pied, puis je le demande progressivement les jours suivants un plus grand nombre de fois.

On observera que la somme d'énergie que le cheval est obligé de déployer sera d'autant plus grande que les changements de pied seront plus rapprochés. Il peut en résulter que l'animal s'irrite et s'embrouille :


dans ce cas, il faut l'arrêter, le mettre quelque temps au pas, mais ne pas le caresser. On recommencera ensuite les départs au galop sur chaque pied avec mise en main, sans lui demander de changement de pied, et on ne terminera la leçon que lorsque le cheval sera redevenu tout à fait calme.

Chaque fois que j'éprouve des difficultés dans les changements de pied, je reviens aux départs au galop et j'y trouve du profit. Ces départs sont pour le cheval ce que les gammes sont pour le pianiste, ou encore les battements pour les danseurs.

De quatre temps je passe à trois, puis à deux, et finalement à un temps, où chaque foulée de galop doit successivement se faire sur une jambe différente. Je laisse pourtant s'écouler un temps assez long entre chacune de mes demandes, de quatre à trois, de trois à deux, ou de deux à un seul temps.

Si vous voulez aller trop vite, vous n'arriverez à rien; le cheval se trompera forcément, car vous ne lui aurez pas donné la possibilité de comprendre la différence qu'il y a entre ces changements de pied demandés à des temps différents.

Aller doucement, en équitation, c'est être sûr d'arriver vite. C'est d'ailleurs le cheval qui m'indique le moment où je puis, sans compromettre son équilibre, ses forces et sa légèreté, augmenter le nombre et le rapprochement des changements.

C'est seulement lorsqu'il est calme, léger, lorsqu'il exécute les changements de pied avec facilité et que


j'obtiens ces changements à deux temps, puis à un seul temps, pendant deux ou trois tours de manège sur les deux mains, que je lui demande le même travail à deux temps dans les voltes et changements de main. Quand je suis satisfait des résultats obtenus, je demande alors le changement de pied au temps dans les mêmes mouvements.

L'écuyer qui est parvenu à faire exécuter les voltes et changements de main en obligeant le cheval à changer de pied très régulièrement à chaque foulée peut être satisfait de lui-même et de son cheval : il a résolu la plus grande difficulté de l'équitation.

XII

Changements de pied sur place.

Pour faire exécuter les changements de pied au galop sur place, il faut procéder comme pour le changement de pied au temps, avec cette seule différence que le rassembler doit être plus complet.

Il semblerait qu'il fallût ici une plus grande tension des rênes et une diminution de l'action des jambes pour ralentir l'allure. C'est une erreur, car alors la main rejetterait les jarrets en arrière du centre. Il faut, au contraire, agir vigoureusement des deux jambes pour maintenir l'impulsion, sans quoi le cheval s'étein-


drait. La main doit s'emparer, avec une très grande légèreté, de cette impulsion et la refouler vers le centre de gravité du cheval, qui se trouve toujours près des . jambes du cavalier quand le cheval est bien équilibré.

Les changements de pied faits complètelnent sur place sont à peine perceptibles à l'œil, par la raison bien naturelle que, le cheval ne gagnant pas de terrain en avant, l'écart d'avant en arrière que les jambes de devant ont entre elles, ainsi que les jambes de derrière, est peu apparent. Il en résulte que, pour saisir les changements de pied, il faut que le spectateur soit placé très près du cheval.

C'est à Baucher que nous devons l'invention de cet exercice difficile et compliqué. Il l'a brillamment exécuté avec Turban, et non avec Partisan, comme beaucoup le prétendent.

XIII

Piaffers et passages.

Le passage dit naturel est un trot très rassemblé, court, très haut et régulièrement cadencé d'une diagonale à l'autre. Ce n'est pas tout. Il faut encore, pour que l'on puisse dire que le cheval passage, que les jambes de devant, enlevées très vigoureusement^


PLANCHE XXVU FIG. i.

FIG. 2.



quoique moelleusement, restent un instant en l'air, les genoux et les pieds fléchis. Les jambes de derrière s'élèvent, les jarrets et les paturons plient en se portant sous le centre. En somme, les quatre membres doivent être levés haut en cadence, de façon que le cheval soit en l'air d'une diagonale à l'autre. Le mouvement doit être aussi lent et aussi haut que possible. Cet air est gracieux et brillant. On l'appelle passage naturel1.

Toutefois, il faut savoir qu'il n'y a pas de cheval qui passage de lui-même. Le passage ne s'obtient que par le dressage. Certains chevaux ont de très grandes prédispositions au passage, notamment ceux qui ont l'allure lente, qui ont des genoux, comme on dit, c'est- à-dire qui marchent haut en pliant bien les genoux et qui, très souples des jarrets, élèvent haut les jambes de derrière \ en un mot, ceux qui ont le pas lent et relevé.

i. Voir les photogravures.

Planche XXVII, fig. i. Germinal au passage. Diagonale droite en l'air.

Planche XXVII, fig. 2. Markir au passage. Diagonale gauche en l'air. Dans les deux planches, on remarquera l'élévation des membres, avec la prédominance des jambes de devant en hau- teur. L'éperon seul permet d'arriver à ce résultat. Chez les chevaux dressés à la cravache, c'est le contraire qui a lieu, la cravache sur la croupe produisant fatalement l'élévation de l'arrière-main.

Dans la figure 2, le paturon, fléchi au point de toucher terre, prépare la détente énergique qui donnera la hauteur ; tandis que, dans la figure 1, c'est le mouvement en avant qui est le plus accentué.


Le cheval qui marche les jambes raides sans plier les genoux ni les jarrets est impropre à cet air. Je ne vais pas jusqu'à dire qu'on ne puisse l'obtenir de lui; mais, en supposant qu'on l'obtienne, il est disgracieux à l'œil, car le bas des jambes traîne presque à terre, ce qui donne au cheval un air de raideur.

Il est extrêmement difficile d'expliquer comment on obtient le passage naturel. C'est d'abord en rassemblant le cheval, puisqu'il n'y a pas de passage possible si le cheval n'est rassemblé. Mais le rassembler ne suffit pas, car, si bien rassemblé que soit le cheval, il nous reste maintenant à le faire passager.

La mise en main et le rassembler étant parfaits, il faut employer l'éperon pour obtenir l'élévation des membres qui donnent le passage.

Mon cheval mis au pas, bien équilibré, je l'excite à prendre le trot en le poussant fortement des jambes, en même temps que je le retiens de la main, pour l'empêcher de s'étendre. Le cheval, ne pouvant étendre les jambes, les élève et gagne ainsi en hauteur ce qu'il perd en longueur. En même temps, l'éperon aidant, il arrive à faire, pour ainsi dire, de petits sauts d'une diagonale à l'autre. Voilà le commencement du passage. Mais la cadence n'est pas encore correcte, car le cheval s'irrite toujours au début, ne sachant pas ce qu'on lui demande. Gardez-vous d'insister trop longtemps, pendant les premiers jours, si vous voulez éviter des défenses.


Le cheval, inquiet de se voir attaquer et ne comprenant pas le motif de ces attaques, puisque le travail est nouveau pour lui, finit quelquefois, dans la crainte des éperons,— qui sont toujours près, — par tomber dans une sorte de désespoir1.

Si vous insistiez dans ce moment, vous auriez tort, et, du reste, vous ne sortiriez probablement pas vainqueur de la lutte. Car le cheval le plus doux, pris d'affolement, trouve une force extraordinaire et se livre à des défenses d'une violence incroyable.

Il faut donc toujours rester très calme, et, au moindre signe de cadence, c'est-à-dire au premier, ou, au plus tard, au second temps, cesser l'action de vos aides, caresser le cheval, lui donner le temps de se calmer et ensuite recommencer.

L'écuyer qui a une grande finesse de tact arrête au premier temps et caresse. Mais, moins il a le tact développé, moins il est apte à reconnaître si le temps est cadencé. Dans ce cas, il continue, tâchant toujours de saisir la cadence et n'aboutissant qu'à énerver son cheval.

C'est ce qui explique qu'un écuyer habile et très fin obtient tout de son cheval sans le rendre vicieux ni lui' donner aucune tare. Pouvant, en effet, saisir le

I. Il arrive généralement un jour, ou même une période de quelques jours, au cours du dressage, où le cheval énervé prend une grande résolution et joue son va-tout. Il se jette alors dans les défenses les plus désordonnées. Quand l'écuyer, à force de tact et d'énergie, a vaincu ses dernières résistances, le cheval est soumis : il n'est pas encore dressé.

1


moindre signe d'obéissance, il cesse aussitôt le travail pour faire comprendre au cheval, par des caresses, qu'il a bien fait. L'extrême rapidité avec laquelle il perçoit les plus petites nuances lui évite de surmener le cheval, de le rebuter, et de le réduire à des luttes dans lesquelles ils s'usent tous les deux.

Au contraire, l'écuyer malhabile à saisir les nuances, celui qui ne sent pas bien la cadence dès qu'elle se produit, continue à faire agir l'éperon pour obtenir plusieurs temps cadencés et être bien sûr qu'il ne se trompe pas. Cela est déjà un châtiment pour le. cheval, mais le pis est que, ne sachant même pas pourquoi il est châtié, il se défend, tandis que l'écuyer continue ses attaques. Il en résulte que, lorsqu'on lui redemandera du passage, le cheval, croyant que c'est la souffrance qui va recommencer, se défendra de nouveau et s'affolera à l'approche des jambes, par cette seule raison qu'il aura été corrigé sans avoir pu comprendre pourquoi.

L'important est donc de saisir les moindres signes de bonne volonté, et aussi de savoir se contenter de peu. Quand le cheval ne craint pas l'approche des jambes, si vous n'êtes pas trop exigeant, il arrivera toujours un moment où il se cadencera avec une grande facilité et même avec plaisir. Vous pourrez alors demander davantage, car, le cheval ayant compris, vous n'aurez plus à craindre de surexciter son système nerveux.

Tout le travail des deux pistes peut se faire au


PLANCHE XXVIII Etc. 2.

FIG. I.



passage, mais il est difficile de l'exécuter correctement 1.

Il y a un autre passage, dit artificiel, qui n'est qu'un corollaire du pas espâgnol, c'est un passage sans rassembler, et par conséquent contraire à toutes les données de l'équitation. Je l'ai pratiqué dans ma jeunesse, quand je n'avais pas encore assez de tact pour arriver au passage naturel. Aujourd'hui, je ne l'enseigne jamais 2.

Le piaffer n'est que du passage naturel exécuté sur place. Il y a deux sortes de piaffers, l'un lent et élevé, difficile à obtenir, et que tous les chevaux ne supportent pas ; l'autre, précipité et près de terre, que l'on peut obtenir de presque tous les chevaux.

I. Voir les photogravures.

Planche XXVIII, fig. l, Markir au passage sur deux pistes de gauche à droite, diagonale gauche en l'air. La position est des deux pistes, les actions sont celles du passage.

Planche XXVIII, fig. 2. Markir au passage sur deux pistes de gauche à droite, diagonale droite en l'air. Ici, c'est le mouvement des deux pistes qui se prononce. La jambe gauche de derrière qui gagne peu de terrain garde son élévation. La jambe droite de devant, après s'être élevée comme la jambe gauche de devant dans la figure 1, prononce son mouvement de gauche à droite et s'éloigne de la jambe gauche pour gagner du terrain à droite.

2. Je pourrais faire une observation analogue pour un certain nombre d'airs artificiels auxquels j'ai renoncé depuis bien longtemps, quand je dresse un cheval pour moi, non parce qu'ils ne sont pas conformes aux données de l'équitation, mais parce que je ne les trouve pas assez savants. Tels sont : le pas espagnol, les pirouettes renversées sur trois jambes, les pirouettes ordinaires et renversées, les pieds croisés, le reculer sans rênes, le balancer de l'avant et de l'arrière-main.


Le piaffer haut et lent ne diffère du passage naturel qu'en ce sens qu'il doit être exécuté complètement sur place. On y arrive en raccourcissant le passage pas à. pas, jusqu'à ce qu'il se fasse sur place. Le piaffer demande donc plus de rassembler, et par conséquent plus de jambes et plus de finesse de main 1.

Quand on n'a pas le passage à sa disposition, le piaffer est alors une conséquence du pas. On obtient facilement le piaffer précipité d'un cheval vigoureux et impatient. Mais, s'il n'est pas enseigné selon les règles de l'équitation, il ne sera jamais régulier.

Il ne suffit pas, en effet, que le cheval soit vif et vigoureux pour que l'on arrive à le faire piaffer en l'excitant, soit de la cravache, soit avec les jambes, soit encore par des appels de langue. Par ces moyens, vous arriverez sans doute à provoquer son impatience, mais non à lui apprendre comment il doit poser ses pieds à terre; et vous pouvez être certain que, s'il les y pose régulièrement, ce sera par un pur effet du hasard. Presque toujours, les jambes de derrière s'enlèveront

i. Voyez les photogravures.

Planche XXIX, fig. i. Markir au piaffer, diagonale droite en l'air.

Planche XXIX, fig. 2. Markir au piaffer, diagonale gauche en l'air.

On remarquera, dans les deux figures, l'énergie des actions marquée par l'abaissement des paturons jusqu'à terre et par la hauteur d'élévation des jambes de devant, toujours plus grande que pour les jambes de derrière, contrairement à ce qui a lieu dans le piaffer appris à la cravache.


PLANCHE XXIX FIG. I.

FIG. 2.



et se reposeront à terre en même temps, ce qui n'est pas une allure.

Il faut apprendre le piaffer au cheval en le calmant. Ce n'est que lorsqu'il est calme qu'il peut comprendre ce qu'on lui demande.

Pour obtenir le piaffer, vous devez rassembler votre cheval en fermant les jambes jusqu'à l'éperon. Il est difficile d'expliquer, dans un livre, à quel moment précis l'éperon doit agir pour renforcer l'action de la jambe: il y a là évidemment une question de tact. Il est plus facile de l'indiquer sur le terrain, car on voit alors si le cavalier se sert trop ou pas assez du fer. Comme nous-l'avons déjà dit, l'éperon doit arriver pour déterminer le cheval à céder à la jambe quand l'action de cette jambe est restée insuffisante par elle- même. D'ailleurs, le cheval a besoin de sentir les éperons pour rester rassemblé1. Enfin, comme pour faire piaffer le cheval vous devez l'empêcher d'avancer, si vous n'arrivez à l'éperon, il se jettera infailliblement à droite ou à gauche en forçant la jambe. On doit donc user des jambes tant qu'elles suffisent à maintenir le

1. On a souvent discuté si l'éperon était une aide ou un châtiment. En réalité, je l'ai déjà dit, il est tantôt l'un, tantôt l'autre, selon les besoins. Pendant le dressage, il doit toujours être une aide, et ne devenir un châtiment que quand le cheval se révolte ouvertement. Encore faut-il rechercher si c'est par pur caprice de sa part et non par votre faute que l'animal s'est révolté. Si c'est par caprice, l'éperon doit servir à le châtier; mais souvenez-vous, dans tous les cas, que les Anglais appellent avec grande raison les éperons : persuaders.


cheval ; néanmoins, pour le tenir en respect, l'éperon doit toujours friser le poil.

Pour arriver au piaffer1, il faut procéder par de petits picotements des éperons2; et, comme toujours, il faut, au début, se contenter de deux temps.

Je touche mon cheval à droite et à gauche, mais presque simultanément3. Mon éperon droit jette la jambe droite de derrière sous le centre, ce qui force la jambe gauche de devant à s'élever, tandis que mon éperon gauche se faisant sentir à son tour, juste au moment où le bipède diagonal gauche est en l'air, produit un effet semblable sur le bipède diagonal droit. J'ai donc obtenu mes deux premiers temps de piaffer; mais, pour commencer, ces deux temps doivent être si rapprochés l'un de l'autre qu'ils n'en forment, pour ainsi dire, qu'un seul4 ; exactement comme en escrime, quand le tireur fait: Une, deux, très serré5.

i. Le piaffer précipité et le piaffer lent s'obtiennent par les mêmes moyens. Je m'attache exclusivement au piaffer lent.

2. C'est ce que La Guérinière appelait excellemment le pincer délicat de l'éperon.

3. En effet, si j'attaquais exclusivement d'un côté sans recevoir immédiatement le cheval sur la jambe opposée, je n'aboutirais qu'à jeter les hanches de côté.

4. Si je les espaçais, j'aurais alternativement un écart à gauche et à droite dans le genre du balancer.

5. Il résulte de ce que je viens de dire que ces deux premiers temps sont nécessairement des temps de piaffer précipité. Quand on commence le piaffer, on ne peut savoir d'avance ce qu'il sera. En général, le cheval cherche toujours à le précipiter, en raison de l'impatience que lui causent les attaques. D'ail-


Il arrive souvent qu'aux premières attaques'précipitées, le cheval bondit. S'il se-porte en avant en bondissant, il n'y a pas grand mal : cela vous indique seulement que vous avez agi trop vigoureusement des éperons. Il faudra donc en user plus légèrement quand vous recommencerez.

Si vous répétez souvent ces deux premiers temps de piaffer, le cheval, au point de dressage où nous en sommes arrivés, comprendra vite ce que vous lui -demàndez. Dès qu'il marquera bien droit les deux premiers temps, sans manifester la volonté de se dérober à vos attaques, vous pourrez alors lui en demander quatre, puis six, etc., et vous continuerez à en augmenter le nombre, tant que vous le maintiendrez aisément dans cette position ; mais n'abusez pas.

leurs, le piaffer précipité ayant moins de hauteur exige moins d'efforts que le piaffer relevé. Une fois le piaffer obtenu tel quel, il reste à le régler, et c'est là que se manifeste le tact de l'écuyer. Le difficile, c'est d'empêcher le piaffer précipité, ou plutôt de le transformer en piaffer lent, en donnant la hauteur qui résulte du rassembler. Plus le ressembler sera complet, plus la hauteur sera grande. Énergie des jambes, légèreté de main, et surtout délicatesse du tact pour la combinaison des aides, ainsi s'obtient le piaffer lent relevé. Dans le piaffer précipité, les jambes, s'élevant peu au-dessus du sol, restent raides. Dans le piaffer relevé, le bipède en l'air fléchit fortement en gagnant en hauteur, tandis que les paturons du bipède posé fléchissent au point de toucher terre (voir planche XXIX, figure 2) pour lancer, à leur tour, la masse en hauteur par leur détente.

Quand on va du passage au piaffer en raccourcissant le passage, les temps du piaffer se règlent plus facilement, en raison de la cadence déjà obtenue ; mais le tact de - l'écuyer n'est pas moins nécessaire.


Il faut naturellement cesser et porter le cheval en avant, dans la main, aussitôt que vou-s sentez qu'il peut vous échapper, soit en jetant ses hanches de travers, soit en essayant une pointe, soit encore, ce qui est pire, en reculant.

Dans le premier cas, il faut redresser les hanches d'un vigoureux coup d'éperon donné du côté où le cheval se jette ; c'est une correction.

Si l'animal fait une pointe, vous êtes forcé de rendre la main pour éviter un accident ; mais il ne faut pas que les éperons quittent les flancs 1 (voir planche XXXII) : leur action doit, au contraire, s'augmenter de petites attaques, tant que le cheval n'est pas redevenu calme dans la main 2.

Reste le reculer, qui est plus difficile et plus dangereux à combattre.

Si sur de petites attaques. le cheval se met à reculer vivement, il faut rendre tout et avoir recours aux attaques les plus vigoureuses. L'attaque répétée de l'éperon près des sangles est un moyen auquel nul animal ne résiste, si elle est énergiquement continuée. D'ailleurs, j'ai déjà dit qu'il ne fallait jamais attaquer le cheval sur place avant de lui avoir appris à se porter franchement en avant sur l'éperon. Je ne suis donc pas exposé à avoir à lutter contre la défense que je décris. Si cela m'arrivait cependant, j'en viendrais

i. Sans cela il pointerait à chaque instant.

2. Alors il s'est rendu, il a véritablement fait sa soumission.


facilement à bout par les attaques répétées du fer 1. Mais si, faute de dressage suffisant, on se trouve en présence de cette défense, et si on n'est pas capable de prolonger suffisamment les attaques répétées de l'éperon derrière les sangles, alors prenez la cravache, le bâton, la trique, recourez à un auxiliaire armé d'une cham- brière, au feu s 'il est nécessaire, mais à tout prix faites porter le cheval en avant. Ici, nous sommes en pleine lutte, et il importe de savoir qui de l'homme ou du cheval sera le maître. Vous ne devez donc céder sous aucun prétexte. Tous les moyens sont bons à employer, car il faut que vous sortiez vainqueur de la lutte : sinon votre cheval est rétif2.

Si, en effet, le cheval sent qu'il peut en reculant échapper au travail, vous êtes perdu ; non seulement vous ne serez plus le maître, mais il sera le vôtre. Toutes les fois que vous voudrez vous servir des éperons pour n'importe quel mouvement, il reculera ; et si vous ne lui infligez pendant qu'il recule une correction exemplaire, il faut renoncer au dressage et — ce qui est encore plus sage — au cheval.

On doit, néanmoins, toujours conserver son sang- froid, tout en étant très énergique. Si vous vous laissez

i. Alors les éperons doivent faire comme un roulement de tambour.

2. Il va sans dire que je ne conseille de recourir aux grandes attaques, et même aux moyens violents, que lorsque le cheval s entête à reculer. Alors il n'y a plus "qu'un objectif pour l'écuyer : ne pas être vaincu.


aller à la colère, vous serez plus vite épuisé que le cheval. Sous le bénéfice de cette réserve, châtiez froidement et fort, jusqu'au moment où l'animal, sentant que, plus il recule, plus sa souffrance s'aggrave, il se décidera alors à se jeter en avant.

Dans ce cas, on doit aussitôt caresser le cheval, descendre et profiter de la concession qu'il vient de faire pour terminer la leçon.

Que la lutte se produise au commencement ou au milieu de la leçon, peu importe : dès que le cheval a cédé, il faut s'en tenir là; car, si vous recommencez le travail, vous n'êtes pas sûr d'obtenir une deuxième concession dans la même leçon, surtout si le cheval s'est entêté longtemps. D'ailleurs, vous êtes fatigué et lui aussi; il ne peut donc plus vous opposer que la force de l'inertie : c'est la plus terrible de toutes. Vous pourriez le tuer de coups qu'il ne bougerait pas. C'est que vous avez dépassé ses forces, et, en insistant, vous n'arriveriez qu'à le rebuter pour toujours.

Il faut donc profiter de la moindre concession. Il faut surtout éviter de prolonger la correction quand le cheval se porte en avant. Autrement, il ne saura plus à quel moment il fait bien ou mal, puisqu'il continue à être battu, qu'il se porte en avant ou qu'il recule.

Je recommande donc à l'écuyer, d'une façon particulière, de ne jamais perdre son sang-froid, tout en étant de la dernière énergie.

J'ai eu un très beau pur sang noir, nommé Négro, que j'ai monté en public pendant quatre ou cinq ans.


Jamais ce cheval ne m'a manqué un travail, et pourtant il était quinteux, criait et pissait quand on l'attaquait. Lorsque j'ai commencé à le dresser, il se mettait à reculer aussitôt qu'il sentait l'approche des jambes.

Durant deux mois, il n'a pas cessé de reculer sous moi pendant vingt minutes chaque jour. J'étais désespéré. Tous les écuyers prétendaient que jamais je n'arriverais à le porter en avant, et pourtant il a fini par céder. Il est même devenu un excellent cheval pour dames, et n'est jamais retombé dans la fâcheuse habitude que j'avais eu tant de peine à lui faire perdre.

Pour y arriver, je n'ai employé que l'éperon par picotements. JAMAIS L'ÉPERON NE DOIT RESTER ADHÉRENT AUX FLANCS 1, Les éperons dont je faisais usage étaient très acérés, et je les appliquais, comme toujours, le plus près possible des sangles2. J'avais soin, naturellement, de caresser l'animal aussitôt qu'il se portait

1. En effet, ce qui fait que le cheval fuit l'éperon, c'est que la douleur se renouvelle à chaque instant. Si l'éperon reste adhérent aux flancs, le cheval se couche sur le fer, et on aboutit inévitablement à la rétivité.

2. C'est là, et là seulement, que l'attaque de l'éperon donne l'impulsion. L'attaque plus en arrière peut déterminer un mouvement en avant, mais sans impulsion. De plus, elle rend le cheval chatouilleux en raison de sa sensibilité beaucoup plus grande en cet endroit. C'est l'attaque le plus près possible des sangles qui seule amène le jarret sous le centre : d'où l'impulsion. En ce qui me concerne, je mets constamment mes sangles en lambeaux.


en avant. Toutefois, j'avoue qu'après vingt minutes d'une lutte sans relâche, j'étais complètement épuisé, aussi bien que mon cheval. Pour dresser un animal pareil, il faut donc être jeune, avoir en selle une solidité à toute épreuve et de bons reins, car ce sont toujours les reins qui se fatiguent le plus.

Quand je dis qu'il faut cesser de tenir le cheval en place dans les trois défenses que j'ai citées, c'est afin d'être toujours maître de lui. S'il résiste aux attaques sur place, je le porte en avant à tout prix. Puis je le renferme et je recommence jusqu'à ce qu'il cède. Le point sur lequel j'insiste, c'est qu'on est toujours maître du cheval tant qu'on peut le porter en avant.

On comprend assez que toutes ces observations ne concernent pas uniquement le piaffer et le passage. Si je les ai développées assez longuement, c'est que ce sont toujours les mêmes moyens que l'on emploie pour combattre les défenses, — toujours les mêmes auxquelles le cheval ne manque pas de se livrer chaque fois qu'on l'attaque de l'éperon en le maintenant en place 1.

i. Beaucoup d'écuyers, présentant des chevaux qui se détendent, disent, pour s'excuser, qu'on ne peut rien faire d'animaux qui ruent, pointent ou reculent chaque fois qu'on leur fait sentir l'éperon. La simple vérité, c'est que leur méthode est défectueuse. Parfois ils se vantent d'avoir donné de telles corrections à leur cheval qu'il est resté plusieurs jours sur la paille. Cela prouve seulement leur brutalité. Dans les pires défenses, je n'ai jamais maltraité un cheval au point de le mettre sur la paille. Je ne l'ai même jamais assez fatigué pour qu'il ne puisse reprendre son travail le lendemain.


Les hommes de la nouvelle école, dont j'ai déjà eu occasion de parler dans le chapitre précédent, emploient, pour enseigner le piaffer, un moyen non moins bizarre que celui dont ils se servent pour enseigner le pas espagnol, mais plus sauvage encore.

On ouvre la porte du manège et on place le cheval la tête tournée du côté de l'écurie, tout près de l'ouverture de cette porte, pour exciter son impatience.

Un homme est sur son dos, un autre homme le tient au caveçon, et un troisième se place derrière le cheval, la chambrière à la main 1.

On met ensuite à chaque paturon un bracelet en cuir auquel est attaché un morceau de bois en forme d'œuf.

Dès que le cheval bouge un pied, ou plutôt quand il le pose, l'œuf frappe sur la couronne et l'oblige à relever le pied. L'homme qui le monte l'actionne des éperons; l'autre, qui est placé derrière, l'actionne de la chambrière, tandis que l'homme qui tient le caveçon, et se trouve placé devant la tête du cheval, empêche celui-ci d'avancer, en lui donnant des coups de caveçon sur le chanfrein. Le cheval, ainsi emprisonné, manifeste très vivement son impatience, et

1. Ces messieurs n'opèrent qu'en troupe. Toujours plusieurs bourreaux pour une victime. Ils sont d'ailleurs tellement convaincus qu'on ne peut s'y prendre autrement qu'ils croient qu'on se moque d'eux quand on leur dit que l'écuyer doit enfourcher son cheval et le dresser seul sans l'aide de personne. Cela leur paraît simplement impossible.


comme, chaque fois qu'il pose un-pied, l'œuf le frappe sur la couronne et le' lui fait relever, il fait une espèce de piaffer précipité qui n'est ni gracieux ni régulier. Au surplus, -on habitue de çette façon le cheval à piaffer devant la porte de l'écurie, ce qui est sans doute très ingénieux et ne demande pas grand savoir. Mais il y a un inconvénient à user de ce procédé : dès que vous tournez la tête de l'animal du côté opposé à l'écurie, il ne montre plus aucune impatience et cesse de piaffer.

Voilà ce qu'est le cheval mécanisé. Je m'arrête, n'ayant l'intention de ne donner qu'un aperçu du sys- tème employé par la nouvelle école pour dresser le cheval. Pour toute espèce de travail, les adeptes de cette école emploient les mêmes moyen's. Je n'entreprendrai pas de les décrire.

Le cheval auquel on a appris à piaffer avec le seul concours des rênes et des jambes, et par des effets d'ensemble, piaffe n'importe où, au- gré du cavalier, quel que soit le moment ou l'endroit.

Il n'en est pas moins vrai que le système de l'école nouvelle est employé presque partout. On dresse maintenant les chevaux sans les monter et par des moyens analogues à ceux que l'on pourrait employer pour dresser des singes ou des chèvres. C'est ce qu'on appelle ironiquement, à Vienne, Pudeldressirung, du dressage de caniches1.

1. Il faut ranger dans la même catégorie la recommandation


Planche XXX



Il est, du reste, facile de se rendre compte des raisons qui font que le piaffer, appris dans de telles conditions, sera toujours mauvais. D'abord, question décisive : tout progrès est impossible. Ensuite, l'action de la cravache ou de la chambrière ayant pour résultat d'élever la croupe, les jambes de derrière dépasseront en hauteur les jambes de devant et l'encolure s'affaissera nécessairement. Or, dans le piaffer comme dans le passage, les jambes de devant doivent toujours dominer comme hauteur. Cela s'obtient quand on enseigne ces mouvements avec le seul secours des mains et des jambes, car les jarrets sont alors poussés sous le centre de l'animal, ce qui provoque l'élévation de l'encolure, et par conséquent une plus grande hauteur de l'avant-main 1.

faite par certains auteurs de chanter un air à deux temps à un cheval à qui on apprend le piaffer ou le passage.

Je n'ai jamais dressé un cheval avec une musique quelconque. Tout mon orchestre est dans mes éperons.

Quand mes chevaux entendent la musique pour la première fois, cela les déconcerte d'abord, mais ils s'y font facilement.

i. Comparez les figures i et 2 de la planche XXIX avec la planche XXX exécutée d'après une photogravure publiée dans un récent ouvrage où l'on enseigne le piaffer à la cravache. Dans la planche XXX, la position de la tête et de l'encolure sont si défectueuses, l'avant-main est si surchargé que l'animal ne peut pas lever la jambe droite de devant qui devrait être en l'air, comme dans les figures 1 et 2 de la planche XXIX. Dans la planche XXX, au contraire, le cheval plie simplement le genou, le sabot traîne à terre. Il ne piaffe que de l'arrière-main, qui est plus haut que l'avant-main. Contre l'intention de l'auteur, tous les vices du piaffer à la cravache sont rendus frappants par cette figure.


On comprend que les chevaux de la nouvelle école ne sont jamais dressés dans la véritable acception du mot. Ce sont tout au plus des machines, des automates que le premier venu peut faire mouvoir et dont il pourra obtenir tel et tel travail, bon ou mauvais, pour peu qu'on lui ait indiqué comment, à quel moment et à quel endroit il faut toucher certaines parties du corps de l'animal..

Les écuyers de la nouvelle école se gardent bien, du reste, de jamais chercher à dresser des pur sang, sachant par expérience que des chevaux nerveux, énergiques, puissants, ne se laisseraient pas ligoter. Ils soutiennent, pour s'excuser, que les pur sang manquent de souplesse. La vérité est au contraire que le pur sang est le cheval le plus souple, mais aussi le moins endurant.

C'est d'ailleurs à cette nouveile école qu'on doit toutes ces amazones qui, ne pouvant ou ne voulant pas apprendre à monter à cheval, trouvent beaucoup plus simple d'acheter une bête mécanisée et la font travailler à coups de cravache, sur les jambes, la tête, la croupe, et enfin un peu partout, de la manière la plus disgracieuse.

Les vrais amateurs sont loin de goûter ce genre d'équitation, tout fait de contorsions, et qui consiste presque toujours, soit à obliger le cheval à se traîner sur les genoux, soit à allonger la tête par terre comme un veau qui attend le couteau, soit encore à marcher sur des balustrades, etc.


Sans doute, le gros public, peu au courant de l'équitation, applaudit quand même; mais il est triste que l'art de l'équitation soit tombé si bas.

Pour savoir si le cavalier possède réellement la science du cheval, il suffit de regarder l'animal. Quand celui-ci. est léger, toujours bien placé, toujours dans l'impulsion, et exécute tous les mouvements avec tant d'entrain qu'il paraît travailler avec plaisir, vous pouvez être certain que vous n'avez pas affaire à un adepte de la nouvelle école et encore moins au cheval mécanisé, dont j'ai parlé plus haut.

J'ajoute que l'homme doit toujours monter sans cravache, et que l'amazone ne doit user de la cravache que pour suppléer l'action de la jambe droite, c'est- à-dire pour en frapper à droite, et rien qu'à droite, un peu en arrière des sangles.

Il n'est pas douteux que la méthode adoptée par l'école nouvelle sera de préférence suivie par ceux que rebute tout travail, ce genre d'équitation étant à la portée de quiconque l'a vu pratiquer pendant quelques jours. On peut au contraire regarder travailler, pendant des années, un véritable écuyer et n'apprendre que très peu de chose. L'écuyer ne se sert, en effet, que des mains et des jambes, et encore avec tellement de délicatesse, avec des mouvements si atténués, que l'œil du spectateur peut à peine les saisir.

En somme, la nouvelle école dresse le cheval au moyen de trucs. C'est pourquoi, dès qu'il est en pos-


session de ces trucs, le premier venu peut obtenir certains résultats.

L'ancienne école est à la nouvelle ce que le piano est à l'orgue de Barbarie. Pour avoir véritablement du talent sur le premier de ces instruments, il faut de longues études et une grande persévérance; encore n'y arrive pas qui veut. Tandis que, pour jouer de l'orgue de Barbarie, il suffit d'avoir le bras assez solide pour tourner la manivelle. Dans le premier cas, on peut, avec du travail et de la patience, devenir un artiste; dans le second, on fait du bruit et c'est tout.

XIV

Différence entre le passage et le trot espagnol.

Même parmi les gens qui montent bien à cheval, beaucoup confondent le passage avec le trot espagnol.

Dans le passage, les genoux et les paturons sont fléchis; dans le trot espagnol, ils sont dans l'extension.

Dans le passage, moins on parcourt de terrain, mieux cela vaut, alors le temps de soutien est plus accentué et le cheval paraît s'enlever sous lui.

Dans le trot espagnol, au contraire, on doit chercher à prendre le plus de terrain possible à chaqué


foulée. Pour être brillante, il faut que l'allure soit haute et allongée, sans toutefois être précipitée, car, si vous allez trop vite, les jambes de devant ne pourront pas marquer le temps de soutien.

II y a aussi un autre trot que l'on appelle nageur, dans lequel le cheval doit trotter de toute sa vitesse, en indiquant avec les membres antérieurs un temps de soutien en l'air; mais, comme l'allure est très rapide, il s'ensuit que ce temps de soutien est beaucoup moins accentué que dans le trot espagnol.

Je considère, d'ailleurs, que ce n'est pas là un air d'école. Le cheval qui trotte beau de l'épaule et du genou l'exécute naturellement. Je me contente de le mentionner.

XV

Serpentine au trot.

Ce mouvement consiste à faire.faire au cheval quatre pas de côté à gauche et quatre pas de côté à droite, au

*

trot rassemblé. Le cheval doit, tout le temps, marcher sur deux pistes, l'avant-main prenant toujours un peu plus de terrain du côté où l'on marche, pour éviter que les hanches ne dépassent les épaules.

Cet air paraît être simple, et il est au contraire très difficile à exécuter correctement. On s'apercevra très'


vite, en effet, qu'on n'a qu'un laps de temps extrêmement court pour replacer le cheval d'une diagonale à l'autre, moelleusement et sans secousse.

Tout le mérite et aussi toute la difficulté de cet exercice consistent à faire exactement quatre pas de chaque côté. Si le cheval en fait tantôt trois, tantôt cinq, il n'y a plus.ni difficulté, ni mérite, ni intérêt.

XVI

Galop sur trois jambes.

On peut faire galoper le cheval sur trois jambes. Dans ce cas, les trois premiers temps du galop s'exécutent comme au galop rassemblé (à quatre temps) et le quatrième temps se fait en l'air. Si, par exemple, on galope à droite, c'est la jambe droite qui reste en l'air sans jamais toucher terre.

Peu de chevaux exécutent brillamment le galop sur trois jambes. Beaucoup peuvent arriver à prendre cette allure, mais un cheval très énergique peut seul soutenir sa jambe en l'air, bien tendue, sans qu'elle touche jamais terre pendant toute la durée du mouvement. L'exercice n'est intéressant et n'a d'éclat qu'à cette condition.

Si le lecteur a suivi attentivement mes explications, il sait que le cheval est préparé à cet air d'école;


puisqu'il est habitué aux tensions de jambes. Malgré cela, il est très difficile de le faire comprendre au cheval et de l'exécuter. Il n'a, en effet, appris qu'à lever les jambes, à les tendre et à les poser à terre l'une après l'autre, tandis qu'il s'agit maintenant de lui faire tendre une .jambe seulement et de la maintenir dans cette position.

Si, par exemple, je désire du galop sur la jambe droite, restant en l'air, ce galop à quatre temps n'aura que trois temps à terre : le premier formé par la jambe gauche de derrière, le second par la jambe droite de derrière, et le troisième par la jambe gauche de devant. Le quatrième temps se marque en l'air par la jambe droite, qui est tendue de toute sa longueur et aussi haut que possible.

Avant de demander ce travail au cheval, il faut attendre qu'il soit complètement dressé et qu'il n'oppose aucune résistance.

A ce moment, en effet, j'aurai à ma disposition deux airs appris séparément : le galop ordinaire à droite et la tension de la jambe droite. C'est de la combinaison de ces deux airs que je vais tirer le galop à droite sur trois jambes.

Dans ces deux airs, c'est ma jambe gauche qui est mon principal auxiliaire.

En théorie, il semble qu'en attaquant vigoureusement à gauche, je dois obtenir facilement le galop à droite sur trois jambes. Mais, dans la pratique, ce n'est pas aussi simple, car, ayant mis votre cheval au


galop, vous aurez beau l'attaquer à gauche, cela ne le forcera qu'à jeter ses hanches à droite ou à se sauver, mais non à tendre sa jambe droite.

Il faut donc le mettre au galop à droite, et sur un temps d'arrêt lui faire tendre sa jambe droite. Cela obtenu, arrêter et caresser, puis recommencer très souvent.

Quand le cheval tend la jambe sans difficulté sur votre temps d'arrêt, il vous faut alors lui faire exécuter le même exercice sur un temps d'arrêt moins accentué.

Comme vous n'arrêtez pas complètement l'impulsion, puisqu'il ne s'agit que d'un demi-arrêt, le cheval, qui s'attend à lever la jambe sur l'arrêt, devance l'arrêt et fait presque toujours un temps de galop la jambe en l'air. Arrêtez, caressez et cessez la leçon.

On voit donc que ces deux mouvements, d'abord séparés, commencent à n'en plus former qu'un seul. Mais cela est insuffisant.

Quand le cheval a exécuté ce travail sans difficulté et sans raideur, vous devez demander la tension de la jambe sans demi-arrêt, en ayant soin simplement de ralentir l'allure et en élevant l'avant-main. Il faut aller bien doucement et se contenter pendant longtemps de deux ou trois foulées, la jambe complètement tendue et surtout soutenue.

1Si vous voulez communiquer assez de force au cheval pour qu'il puisse' tenir sa jambe en l'air, vous devez vous-même déployer une grande énergie. Car non


PLANCHE XXXI FIG. 2.

FIG. I.



seulement l'action de votre jambe gauche a pour but de soutenir la jambe droite du cheval en l'air, mais elle doit aussi, avec le concours de votre jambe droite, continuer à engager l'arrière-main sous le centre et, par suite, maintenir le cheval au galop. En d'autres termes, c'est par une énergique pression des deux jambes que vous maintenez le galop et, en même temps, c'est par de petites attaques répétées de l'éperon gauche que vous soutenez en l'air la jambe droite du cheval.

On devra déployer autant de force de la jambe droite que de la jambe gauche pour éviter que les hanches ne se jettent à droite. Si le cheval se traverse, il faut arrêter et le remettre droit avant de recommencer. Car, lorsqu'il est de travers, le cheval manque d'impulsion, et vous ne pouvez obtenir, dans cette position, que la tension de jambe ou le galop, mais non les deux réunis. Il est donc indispensable de maintenir le cheval très droit et de lui donner un point d'appui sur le filet droit, pour faciliter le soutien de la jambe droite.

Le galop sur trois jambes s'exécute indifféremment à droite ou à gauche1.

Je ne sais si d'autres avant moi ont enseigné cet air. En tout cas, je ne l'ai jamais vu exécuter par per-

1 . Voyez les photogravures.

Planche XXXI, fig. 1. Germinal, au galop à gauche sur trois jambes, mise en main sans rassembler. Le galop est à quatre temps, bien qu'il n'y ait pas de rassembler, parce que le sou-


sonne, et je n'en ai trouve la description dans aucun traité d'équitation.

XVII

Passage en arrière.

Cet air est d'une très grande difficulté d'exécution, car il s'agit de gagner du terrain en arrière, tout en

tien énergique de l'avant-main retient en l'air même la jambe qui n'est pas tendue.

Planche XXXI, fig. 2. Germinal, au galop à droite sur trois jambes dans le rassembler.

On remarquera combien l'énergie de l'éperon, nécessaire pour le rassembler, augmente la tension de la jambe restant en l'air, et, en engageant l'arriè.re-main sous le .centre, accroît la hauteur des actions.

La planche XXXII représente Germinal pointant, la jambe droite tendue, au moment où je lui demandais le galop à droite sur trois jambes dans le rassembler. Le cheval avait commencé par tendre mollement la jambe. C'est l'attaque plus énergique de l'éperon qui a amené cette pointe, en même temps que la jambe droite se plaçait dans l'extension parfaite. En somme, c'était l'obéissance absolue, et le cheval, immédiatement après la pointe, se mettait au galop à droite sur trois jambes dans le rassembler. C'est aussitôt après cette pointe qu'a été prise la photographie reproduite dans la planche XXXI, fig. 2.

On remarquera que, conformément à ce que j'ai recommandé, les éperons restent aux flancs dans la pointe, tandis que je rends les mains. — Les rênes, en effet, sont beaucoup moins tendues dans la planche XXXII que dans la figure 2 de la planche XXXI, où les mains agissent, tandis qu'elles vont à l'encolure dans la planche XXXII.


PLANCHE XXXII



maintenant les battues des diagonales bien cadencées et en conservant la même élévation des membres postérieurs que dans le mouvement en avant. Dans tout mouvement rétrograde, les jambes de derrière ont une tendance à ne quitter le sol que le moins possible. A moins que l'on ne soit absolument sûr de soi, — comme il faut l'être quand on aborde de pareilles difficultés, — on produit souvent, malgré soi, trop d'effets d'avant en arrière, ce qui fait refluer le poids de l'avant-main sur l'arrière-main, qui perd ainsi de son élévation. Pour obvier à cet inconvénient, il faut faire reculer par l'assiette, comme je l'ai indiqué, et non par les mains.

Ce serait une erreur de croire que l'on va aisément du passage en avançant au passage en arrière. Pour obtenir le passage en arrière, il est nécessaire de passer par le piaffer naturel, lent et élevé, qui n'est en définitive que le passage exécuté sur place.

C'est seulement lorsque le cheval piaffe correctement sur place que l'on peut essayer de gagner quelques centimètres de terrain en arrière à chaque battue,

Pour cela, j'augmente ma puissance de jambes. J'exige plus de rassembler sans tirer d'avant en arrière, et je porte mon assiette plus au fond de la selle en m'y appuyant fortement à chaque battue.

Par suite du rassembler porté à son maximum, l'équilibre et la mobilité du cheval sont tels que le moindre déplacement du corps du cavalier entraîne,


en effet, le cheval dans n'importe quel sens; en arrière, par conséquent, dans le cas qui nous occupe.

Ce moyen d'obtenir le passage en arrière est long et difficile, mais c'est le seul qui donne un résultat.

XVIII

Piaffer ballotté.

Dans le piaffer ballotté, les membres latéraux droits doivent se lever et se poser à la même place, tandis que les membres latéraux gauches font un temps en avant et un temps en arrière, en revenant également toujours à la même place.

Non seulement les jambes gauches doivent marquer ces temps de va-et-viènt d'arrière en avant, mais la hanche et l'épaule gauches doivent accentuer ce mouvement sans que les membres de droite y participent en rien. Ceux-ci ne doivent que piaffer régulièrement sur place.

Baucher a obtenu avec beaucoup d'éclat ce piaffer d'une jument nommée Stades. Quant à moi, j'ai dressé à cet air d'école quatre chevaux, qui l'ont exécuté plus ou moins brillamment suivant leur degré d'énergie.

Il est très difficile d'expliquer comment on en:


PLANCHE XXXIII Fl(;. 2.

FIG. I.



seigne le piaffer ballotté : je vais pourtant. essayer de le faire.

On observera tout d'abord qu'il ne doit être demandé qu'à un cheval qui a le piaffer haut et lent. Comme, à cette allure, il est d'une extrême mobilité, il suffira de la- moindre tension des rênes pour rejeter un membre un peu en arrière, de même que la plus petite augmentation du toucher de l'éperon poussera aussi un membre un peu plus en avant.

Étant au piaffer, il faut, à l'aide des jambes, pousser la jambe gauche de derrière du cheval sous le, centre où elle se pose. La diagonale droite étant à l'appui, la jambe gauche de devant qui, sous la même action des jambes de l'écuyer, a été portée en avant au moment où la jambe gauche de derrière se pose sous le centre, reste soutenue en l'air, le genou ployé, la jambe droite de derrière étant aussi en l'aire Aussitôt, la main doit agir pour reporter en arrière la jambe gauche de devant qui vient se placer derrière la jambe droite de devant, et forme avec la jambe droite de derrière le poser de la diagonale gauche, tandis que la jambe gauche de derrière forme à son tour un temps en l'air, et que la jambe droite de devant exécute son mouvement de piaffer2.

i. Photogravure. Planche XXXIII, fig. r.

2. Photogravure. Planche XXXIII, fig. 2.

On remarquera, par la comparaison avec la figure 1, que pour le mouvement en arrière le filet est un peu plus tendu. L'angle de la branche du mors est à peine plus ouvert, et l'assiette pousse en arrière.


On voit que, pour le mouvement en avant, c'est la jambe gauche de derrière qui se pose devant la droite (fig. i), et que, pour le mouvement rétrograde, c'est - la jambe gauche de devant qui se pose en arrière de la droite (fig. 2), ce qui produit le va-et-vient d'arrière en avant.

Si on a compris mes explications, on a dû remarquer que ce piaffer s'exécute, comme le piaffer ordinaire, par la diagonale, malgré le va-et-vient latéral. Il est bien difficile d'indiquer avec une précision mathématique le moment exact où le cavalier doit agir de telle rêne ou de telle jambe, l'action des deux rênes et des deux jambes se faisant sentir dans une succession de mouvements si rapprochés qu'elle est presque continue. C'est là que se déploie dans toute sa beauté cette qualité suprême de l'écuyer : le tact équestre. Ce que je puis dire, c'est que j'augmente l'action de l'éperon droit pour produire le mouvement en avant de la jambe gauche de derrière et aider à soutenir en l'air la jambe gauche de devant; mais en même temps j'agis fortement de ma jambe gauche pour empêcher le membre postérieur gauche. de dévier à gauche, puisqu'il est poussé par ma jambe droite.

Pour le mouvement rétrograde, j'ai mes rênes tendues, mais la rêne gauche un peu plus que la droite, au moment de faire reculer la jambe gauche de devant.

Le cavalier doit, tout le temps, se servir beaucoup des jambes et même de l'éperon, mais presque pas de, la rêne droite et très peu de la rêne gauche.


XIX

Galop sur place, galop en arrière.

Le galop sur place est un galop porté à son maximum de raccourcissement. Il est de tous points semblable au galop en avant, sauf que les jambes ne doivent pas gagner de terrain. Quand on y est arrivé, on est bien près du galop en arrière. Le galop en arrière est une allure régulière et qui se décompose en quatre temps, exactement comme le galop en avant dans le rassembler. C'est le plus difficile et le plus compliqué des airs. Je conseille de ne l'essayer que tout à fait-jen dernier lieu, et surtout de ne le demander qu'à des chevaux d'élite. Il faut, en effet, des reins et des jarrets exceptionnels pour supporter le rassembler poussé à son maximum, sans lequel il est impossible d'obtenir ce mouvement.

Gant, pur sang, par Gantelet et Mlle de la Roma- nerie, exécutait le galop en arrière en se jouant, et, après avoir fait le tour de la piste à cette allure, il était aussi frais qu'avant.

Baucher n'a pas su ou pu décrire le galop en arrière. Voici la définition qu'il donne de cet exercice dans la quatorzième édition de sa méthode d'équi- tation, page 155, définition qui évidemment corres-


pond à l'exécution qu'il en faisait : « Reculer au galop, le temps étant le même que pour le galop ordinaire ; mais les jambes antérieures, une fois élevées, au lieu de gagner du terrain, se portant en arrière, pour que l'arrière-main exécute le même mouvement rétrograde aussitôt que les extrémités antérieures se posent sur le sol. J)

Comment Baucher peut-il faire une pareille description du galop en arrière, après avoir dit qu'il se faisait comme le galop en avant ? Sans doute, le galop en arrière est comme le galop en avant, dans le rassembler, une allure à quatre temps \ mais c'est précisément pour cette raison qu'on ne peut appeler galop une allure dans laquelle l'arrière-main ne fait son mouvement rétrograde que quand les extrémités antérieures se posent sur le sol.

Qu'est-ce donc que cette allure dans laquelle les deux pieds de devant se posent à terre en même temps, et les deux pieds de derrière de même ? Dans ces conditions, où est le galop ?

Point n'est besoin d'être un grand écuyer pour comprendre que Baucher définit une allure à deux temps, le premier temps se faisant sur l'arrière-main et le second sur l'avant-main. Mais cela n'est plus du galop ; ce sont tout bonnement des petits sauts en arrière. Il n'y a galop que si les jambes de devant se posent l une après l'autre, de même que les jambes de derrière; et, de plus, quand l'une de ces jambes de derrière se trouve à terre en même temps que la


jambe opposée du devant, ce qui forme, soit la diagonale gauche, quand le cheval galope à droite, soit la diagonale droite, quand il galope à gauche.

Baucher a inventé l'expression galop en arrière, mais il a absolument méconnu cette allure. La preuve en est qu'il n'a jamais dit sur quel pied le cheval galope ou doit galoper.

Ayant dressé Gant pour une dame, je lui ai appris le galop en arrière sur la jambe droite, afin que l'amazone puisse le maintenir à cette allure avec son éperon qui est à gauche. J'ai fait plus, je suis arrivé à mettre un cheval au galop en arrière sur un pied ou sur l'autre, à ma volonté, et à l'y maintenir. Germinal, pur sang, par Flavio et Pascale, que j'ai dressé pour moi, galope en arrière sur l'un ou l'autre pied. Je revendique l'honneur d'avoir le premier obtenu ce résultat. Lorsqu'un cheval galope en arrière, aussi bien que lorsqu'il galope en avant, on doit toujours pouvoir dire sur quel pied il est.

Le galop en arrière à gauche doit se faire comme si le cheval avançait au galop à trois temps1. Premier temps : jambe droite postérieure; deuxième temps : diagonale droite ; troisième temps : jambe gauche de devant. La grande difficulté est d'empêcher que les jambes de derrière se posent sur le même plan; de même pour les jambes de devant. Il faut que la jambe droite de derrière se pose plus en arrière que la jambe

1. Bien que nous sachions que ce galop soit en réalité à quatre temps.


gauche de derrière, afin de maintenir presque la même distance d'avant en arrière, entre ces deux jambes, que dans le galop ordinaire. Je dis presque la même distance à dessein, car, les foulées étant plus raccourcies, la distance est nécessairement moins grande. Je n'ai - pas besoin d'ajouter que la jambe droite de devant doit être en arrière de la jambe gauche de devant, comme dans le galop en avant. C'est le maintien de la position respective des jambes de derrière entre elles et des jambes de devant entre elles qui fait la grande difficulté du galop en arrière.

Nous avons vu qu'une foulée de galop se compose de trois temps à terre : du poser de la jambe postérieure, de la diagonale et de la jambe antérieure. ~

Ceci est rigoureusement exact dans le bon galop de chasse, ou ce que nous appelons le galop gaillard.

Mais dans le galop de course et dans le galop sur place, ou dans le galop en arrière, c'est-à-dire aux deux extrêmes, la foulée se décompose en réalité en quatre temps. Dans le galop à gauche, par exemple, les deux membres qui forment la diagonale gauche, au lieu de toucher le sol simultanément, s'y reposent successivement clans l'ordre suivant : jambe droite de derrière, jambe gauche de derrière, jambe droite de devant, jambe gauche de devant.

Dans le galop de course, ce fait est très accentué, mais la rapidité de l'allure l'empêche d'être apparent. Dans le galop sur place et plus encore dans le galop en arrière, il est beaucoup moins. accentué, et pour


PLANCHE XXXIV



cette raison il est presque imperceptible à l'œil. En effet, à cette allure, les jambes effleurent seulement le terrain et ne le quittent que de quelques centimètres. Dans les deux cas, pour le constater, il faut des instruments de précision ou la photographie instantanée. Quoi qu'il en soit, le fait existe ; on peut donc dire que, dans le galop de course et dans le galop sur place et en arrière, il y a quatre impulsions successives.

Observons cependant que, dans le galop sur place et en arrière, la diagonale fonctionne comme dans le galop ordinaire, avec cette seule différence, qui est le point que nous tenons à mettre en lumière, que le poser de la jambe postérieure précède d'un temps presque imperceptible, il est vrai, mais parfaitement réel, le poser de la jambe antérieure qui forme la diagonale

Pour obtenir le galop sur place, je commence par raccourcir tous les jours mon galop; mais par le raccourcir dans l'impulsion, c'est-à-dire en poussant le cheval des jambes sur la main, qui devra être d'autant

1. Voir la photogravure.

Planche XXXIV. Germinal, au galop en arrière, deuxième temps. La photographie est prise au moment où la diagonale droite va être à l'appui; la jambe gauche de derrière est déjà posée et la jambe droite de devant ne l'est pas encore. De là, les quatre temps, la diagonale droite faisant deux temps au lieu d'un seul.

On doit noter que, même dans cet extrême rassembler, la tête demeure un peu au delà de la verticale. C'est que, comme on peut le voir, le reculer se fait par l'assiette, non par les rênes, qui ne sont pas tendues.


plus fine qu'on veut le rassembler plus grand. C'est en augmentant peu à peu tous les jours mes effets de raccourcissement que j'arrive au galop sur place, mais au galop sur place dans l'impulsion et non dans l'ac- culement. Dans le galop acculé, il est impossible de garder le cheval dans la main : il finit nécessairement par échapper au cavalier en reculant.

Il s'agit maintenant de passer du galop sur place au galop en arrière. Pour cela, mon cheval galopant sur place avec une facilité et une légèreté telle que je n'ai plus du tout besoin de main, je cherche à gagner un centimètre ou deux en arrière par mon assiette et par les jambes et non par la main. Les jambes enlevant le cheval, je profite du moment où il est en l'air pour porter mon assiette en arrière. C'est mon assiette que je déplace et non le haut du corps, en quittant presque l'étrier pour mettre tout mon poids sur les fesses. La mobilité du cheval est telle, — à un moment où d'ailleurs il n'est pas à l'appui 1, — qu'un mouvement du cavalier est suffisant pour lui faire gagner en arrière le peu de terrain qui suffit pour commencer le galop en arrière. En répétant et en augmentant tous les jours peu à peu ces effets, on arrive à obtenir le galop en arrière tel que je l'ai décrit. Si on cherchait

i. C'est le moment que nous avons pris pour changer de pied, entre le dernier temps d'une foulée et le premier temps de la foulée suivante. C'est le moment, à peiné saisissable, où on peut tout demander au cheval, parce qu'il est en l'air.' Un souffle le déplace.


le recul par des effets de main, le rassembler serait immédiatement perdu, parce que la main rejetterait loin en arrière les jarrets, qui doivent rester sous le centre. Et, une fois dans cette position, l'arrière-main surchargé aurait perdu la mobilité qui doit lui permettre de gagner du terrain en arrière.

XX

Airs d'école nouveaux.

J'ai créé un certain nombre d'airs d'école. Je me contenterai de les énumérer. Ils s'exécutent d'après les mêmes principes et au moyen des aides dont nous avons fait une application et un usage constant pour l'enseignement des mouvements qui précèdent .

il' Nouveau pas espagnol, consistant à faire un pas en avant et un pas en arrière. La jambe gauche, par exemple, se tend et fait son pas en avant, puis la jambe droite se tend également en avant, mais revient faire son pas en arrière. C'est la diagonale gauche qui avance et la diagonale droite qui recule. Je continue ce mouvement aussi longtemps qu'il me plaît. Puis je change de diagonale : c'est la jambe droite qui fait, à son tour, son pas en avant et la jambe gauche qui, après s'être tendue en avant, revient faire son pas en arrière : ici


c'est la diagonale gauche qui recule. On alterne les diagonales à volonté.

2° Serpentine au passage. C'est le même mouvement que la serpentine au trot; mais il est évidemment d'une exécution beaucoup plus difficile.

3° Galop sur trois jambes, à droite et à gauche. 4° Deux pistes au galop sur trois jambes, également des deux côtés.

5° Voltes et pirouettes ordinaires au galop, sur trois jambes à droite et à gauche.

6° Trot espagnol à deux temps sur chaque jambe. Le trot espagnol ne s'est fait, jusqu'à ce jour, qu'à un temps sur chaque jambe, c'est-à-dire un temps à droite, un temps à gauche. Dans le trot espagnol à deux temps, je fais exécuter successivement deux temps sur la jambe droite, la jambe gauche restant tendue; et, immédiatement après, deux temps sur la jambe gauche, la jambe droite restant tendue. Le mouvement se continue à volonté. Au second temps, le cheval avance naturellement un peu moins qu'au premier.

7° Trot espagnol à un et à deux temps, alternativement. C'est-à-dire en sous-entendant le mot jambe : droite, gauche; droite, droite; gauche, droite; gauche, gauche. Je prolonge ce mouvement à mon gré pendant un ou deux tours de manège. Je crois pouvoir affirmer que cet air est le plus compliqué qu'on ait encore obtenu en équitation.

8° Le galop sur place et en arrière, sur trois jambes.


PLANCHE XXXV FIG. I.

FIG. 2.



La grande difficulté de cet air est d'obtenir et de maintenir l'impulsion en avant pour la jambe tendue pendant que les trois autres sont au reculer1.

Tous ces airs s'exécutent, bien entendu, au moyen des aides que j'ai décrites plus haut. Y revenir serait fastidieux et d'ailleurs inutile pour quiconque a lu attentivement les chapitres qui précèdent.

XXI

Cheval d'école pour dames.

Quand le cheval, dressé en haute école, est destiné à une dame, il doit être plus assoupli et travailler de droite à gauche avec plus d'aisance que de gauche à

I. Voir les photogravures.

Planche XXXV, figures 1 et 2. Germinal, au galop à droite en arrière sur trois jambes. Figure l, deuxième temps. La jambe droite de derrière vient de se poser après la jambe gauche de derrière. L'éperon, pour obtenir la tension de la jambe, donne l'impulsion que retient l'assiette qui pousse au reculer. On remarquera que la tête du cheval est un peu au delà de la verticale et que les deux rênes sont làches.

Figure 2, troisième temps. La jambe gauche de devant vient de se poser en arrière de son point de départ, et la jambe droite, qui devrait venir à l'appui au quatrième temps, reste en l'air.

Le rapprochement des trois membres à l'appui montre le terrain gagné en arrière. L'assiette est toujours au reculer. Les rênes, surtout la rêne droite du filet, sont un peu plus tendues pour maintenir la jambe droite en l'air.

Ces figures permettent d'apprécier la finesse des aides.


droite. La raison en est simple : l'amazone fait exécuter les mouvements de gauche à droite aussi facilement qu'un cavalier, puisqu'elle a de ce côté les mêmes aides, jambe et éperon. Mais, il en est tout autrement des mouvements de droite à gauche, pour l'exécution desquels la cravache remplace la jambe droite du cavalier. Or la cravache est loin d'avoir la même puissance que la jambe armée de l'éperon; et si le cheval n'est pas très facile de ce côté, la cravache est impuissante à lui faire exécuter les mouvements de droite à gauche. Il en est de même pour tout le travail. Dans les deux pistes, notamment, le cheval se tient moins bien et n'est.pas aussi complètement dans la main de droite à gauche que de gauche à droite. Le changement de pied est aussi plus difficile de droite à gauche. Dans le pas espagnol, la jambe gauche se lève moins haut, et la tension est moins vigoureuse à gauche. Si l'on emploie la cravache avec plus de force, on amène un soubresaut. En outre, quand l'amazone agit énergiquement du bras droit pour donner un coup de cravache, il est bien rare que la main gauche reste immobile et ne donne pas, sur la bouche, une saccade qui fait prendre au cheval une position irrégulière.

Presque toutes les amazones traversent leurs chevaux sur la droite : cela provient de ce qu'ayant un vigoureux auxiliaire à gauche, elles en abusent, tandis que l'aide de droite se trouve trop faible pour rétablir l'équilibre. " " .


C'est pour obvier à ces inconvénients que le cheval d'école pour dames doit être plus facile de droite à gauche.

Quant au cheval de promenade, il suffit simplement qu'il reste droit.



QUATRIÈME PARTIE



Commentaires sur Baucher.

Baucher est assurément le plus grand et le plus habile écuyer que nous ayons eu, si l'on ne considère que l'équitation de haute école1. Sans doute, ce n'es t i. En ce qui me concerne, je me réclame hautement de Baucher. François Caron, mon maître, était son élève. J'ai étudié à fond la méthode de Baucher dans toutes ses parties . Sans Baucher, je ne serais jamais arrivé en équitation au point où je suis.

Il y aurait vraiment ingratitude de ma part à mentionner le nom de Baucher, sans rendre en même temps un hommage mérité à son rival Victor Franconi, de qui j'ai reçu tant d'excellentes leçons. Victor Franconi, par sa hardiesse et sa solidité, aussi bien que par l'impulsion qu'il donnait à ses chevaux, se rapprochait beaucoup plus de l'équitation du comte d'Aure.

Il faudrait une longue liste si l'on voulait citer tous les maîtres envers qui les écuyers d'aujourd'hui sont redevables. La France peut se vanter d'une admirable pléiade de grands écuyers. Si l'Italie peut citer un Pignatelli, l'Angleterre un Newcastle, l'Allemagne un comte de Schweppe, la France peut mettre en regard des centaines de noms illustres, en tête desquels brillent — pour ne parler que des anciens — des écuyers comme Dupaty de Clam, La Guérinière, le chevalier d'Abzac, le marquis de Bigne, etc., etc.

L'école de Hanovre, la plus célèbre des écoles étrangères, est le rejeton direct de la grande école de Versailles.

La France est, sans contestation possible, le pays classique de l'équitation.


pas lui qui a inventé la haute école, qui est le fruit du travail de nombreuses générations d'écuyers. Mais il a su trouver et coordonner une méthode nouvelle et véritablement surprenante. Aucun écuyer n'avait, avant lui, obtenu d'aussi merveilleux résultats. Il a vaincu bien des difficultés et a certainement aplani un grand nombre des obstacles que rencontrera toujours sur son chemin l'écuyer qui veut dresser un cheval d'école.

Enfin il a créé des airs nouveaux qu'il a exécutés avec une précision remarquable. Sa méthode est surtout admirable en ce qu'elle est basée sur la conservation du cheval par l'équilibre, la gymnastique rai- sonnée, les assouplissements et une juste répartition des forces1. Elle a, de plus, cet immense avantage sur les méthodes anciennes, de donner très promptement des résultats. Ainsi, avec la méthode Baucher, on peut dresser un cheval de promenade en deux mois et un cheval d'école en huit ou dix mois; tandis qu'autrefois il fallait deux ou trois années pour obtenir ce dernier résultat, et encore les anciens écuyers n'abordaient jamais les difficultés que Baucher a vaincues2.

i. J'ai adopté dans mon travail ce que j'appelle les trois clefs d'or de la méthode Baucher. Ce sont : io ses assouplissements complets avec plus d'élévation de la tête et de l'encolure ; 2° ses attaques pour renfermer le cheval ; 3° son rassembler, que j'ai perfectionné.

A part cela, je me rapproche davantage de l'ancienne école de Versailles, en ce sens que je tiens toujours pour les grandes allures et pour la nécessité de laisser étendre le cheval.

2. J'ai dressé jusqu'à ce jour trente-cinq chevaux d'école. Personne n'est encore arrivé à en dresser un aussi grand nombre:


Je vais plus loin, ils ne les soupçonnaient même pas.

Nous devons donc nous incliner avec reconnaissance devant ce maître de l'art équestre.

Est-ce à dire que Baucher soit exempt de critiques ? Non, certes ; et, pour ma part, je suis loin de partager toutes ses idées. Je pense même qu'il est de mon devoir de combattre ceux de ses procédés que je trouve faux. J'ai eu déjà plusieurs fois, dans le courant de cet ouvrage, l'occasion de relever certaines erreurs du grand écuyer. lime reste encore à critiquer quelques- unes de ses opinions.

Ainsi, tout d'abord, je dis que la méthode Baucher, qui consiste à renfermer complètement et constamment le cheval entre les mains et les jambes du cavalier, est dangereuse pour les gens peu avancés en équitation et pour ceux aussi qui travaillent ou dressent leurs premiers chevaux sans être sous l'œil d'un

Baucher, qui est mort à soixante-quatorze ans, en avait dressé vingt-six. N'ayant que cinquante-six ans, j'espère doubler ce nombre si j'arrive à l'âge du savant écuyer. Quant aux chevaux de promenade que j'ai dressés, je les compte par centaines.

Certes, je n'ai pas la prétention de me croire plus fort que certains de mes illustres devanciers : je sais qu'avant moi d'autres ont fait aussi bien, peut-être mieux. Si je mentionne ces faits, c'est simplement pour montrer les résultats de ma méthode. Je suis persuadé que tout écuyer qui voudra la suivre pourra obtenir les mêmes résultats, pour peu qu'il soit assez bien doué de la nature et qu'il ait l'amour du cheval.

Peu d'auteurs ont donné, au sens propre du mot, une véritable méthode de dressage. Je n'ai cessé de compulser tous les ouvrages qui ont trait à l'équitation : aucun ne donne un ensemble vraiment complet.


maître1. Elle n'est donc pas à la portée de tout le monde, et elle ne peut être pratiquée sans inconvénients que par ceux qu'une étude sérieuse y a préparés.

Baucher dit que tous les chevaux ont la même bouche et la même sensibilité des flancs. Cette opinion est des plus erronées. Je prétends, au contraire, qu'il est impossible de trouver deux bouches et deux flancs ayant exactement le même degré de sensibilité.

Sans doute, comme pour les feuilles d'un même arbre, la différence ne sera pas toujours très apparente ; mais, néanmoins, elle existe et ne saurait être niée.

Que l'on arrive à rendre tous les chevaux légers à la main et tous les flancs sensibles à l'éperon, c'est possible et même certain; mais ce que je nie, c'est qu'on puisse donner à tous la même légèreté et le même degré de sensibilité.

Baucher ajoute que, quand un cheval tire sur la main, sa bouche n'y est pour rien et qu'il suffit de changer son équilibre. Examinons cette opinion. Prenons, par exemple, les chevaux de pur sang à l'entraînement et laissons-leur à tous leur équilibre de course : la tête basse, l'encolure allongée et la croupe haute. Qu'arrive-t-il ? Les uns ne s'appuient pas assez sur la main, et ils courent mal; d'autres tirent juste assez pour bien courir; d'autres encore tirent trop

i. C'est peut-être ce qui explique que les Bauchéristes purs. ont abouti souvent à rendre leurs chevaux rétifs.


fort ; il en est enfin qui s'emportent malgré la solidité des bras et la vigueur de leur cavalier.

Qu'est-ce que cela prouve, sinon qu'ils n'ont pas tous le même degré de sensibilité de la bouche, puisqu'ils sont tous dans la même position ?

Remarquez que tous les chevaux à l'entraînement ont une même embouchure : un simple bridon. On ne peut donc pas mettre sur le compte du mors leurs différentes manières de tirer sur la main.

J'ai fait à ce sujet des expériences qui ne peuvent laisser aucun doute. Aussi, je ne crains pas de poser en principe que : 1° chaque cheval a une sensibilité de bouche qui lui est propre et qui n'est jamais exactement la même que celle d'un autre cheval ; 2° cette différence de bouche subsiste, quels que soient l'allure, le travail et l'équilibre.

Ainsi, j'ai possédé et dressé en haute école deux chevaux de pur sang qui avaient eu des succès sur le turf : Redonbt, par Parmesan ; Gant, par Gantelet et Aille de la Romanerie. Je ne les ai eus qu'à l'âge de cinq ans, et j'en avais fait de remarquables chevaux d'école.

Redoubt avait la bouche fine et délicate; il donnait et maintenait le rassembler complet presque sans effet des rênes. Gant avait la bouche plus ferme : pour le rassembler au même degré, il fallait avoir les rênes tendues.

Montant alternativement l'un et l'autre, je me rendais au champ d'entraînement, derrière Bagatelle, au


pas, au trot ou au galop, observant pendant le trajet, à ces différentes allures, la même différence de bouche que j'avais constatée au manège dans le travail d'école le plus fin.

Arrivé sur le champ de courses, la gourmette détachée et les rênes du mors nouées sur l'encolure, je faisais prendre à mes chevaux un court galop d'essai. Très rapidement, l'un et l'autre retrouvaient leur . position et leur train de course. Je leur faisais ensuite parcourir environ mille mètres à fond de train. Jamais on n'aurait cru qu'ils étaient restés dix-huit mois sans courir. Mais chacun montrait dans le train de course la différence de bouche qu'il avait marquée dans le travail de haute école et pendant la promenade.

Pendant la course, Redoubt tirait juste assez sur la main pour bien courir. Gant, au contraire, prenait un fort point d'appui, tirait vigoureusement et s'emballait. J'arrêtais le premier comme je voulais après quelques galopades, tandis que je ne parvenais à arrêter le second qu'au bout de cent cinquante ou deux cents mètres, et encore bien moins avec la main que par la voix.

Après la course, je regagnais l'écurie au pas, pour laisser souffler mes chevaux; et aussitôt arrivé, sans débrider, je leur faisais exécuter leur travail de haute école. Ici encore, je retrouvais, sans la moindre altération, leur qualité de bouche exactement la même qu'auparavant.


Pendant la promenade, mes chevaux étaient légers sans être assis sur les hanches1; pour la course, ils avaient tiré tout aussi fort que s'ils n'avaient jamais été dressés en haute école; et revenus au manège, bien assis sur leurs hanches, ils étaient aussi légers que s'ils n'avaient pas couru.

Notez que, pendant l'expérience que je viens de rapporter, mes chevaux avaient été placés successivement dans trois équilibres absolument différents :

1° Pendant qu'ils se rendaient au champ de courses, ils étaient dans l'équilibre que l'on devrait toujours avoir pour la promenade, l'équilibre horizontal. Ils gardaient donc la position d'équilibre qui résulte de la simple mise en main.

2° Pendant la course, ils avaient l'équilibre de course, c'est-à-dire qu'ils étaient sur l'avant-main.

3° Au manège, à la reprise de haute école, ils reprenaient leur équilibre d'école, c'est-à-dire qu'ils étaient assis sur les hanches ou, en d'autres termes, qu'ils étaient sur l'arrière-main. L'équilibre avait donc été modifié trois fois. L'emploi des aides avait également été tout différent, suivant le travail demandé. Mais le point essentiel que je soutiens contre Baucher, c'est que, quel que fût le travail, l'emploi des aides, et surtout l'équilibre, qualités ou défauts de bouche subsistaient absolument. Dans les trois équilibres, je retrouvais la même différence de bouche.

1. C'est l'équilibre de promenade, l'équilibre horizontal.


J'ai renouvelé cette expérience avec vingt chevaux de pur sang dressés en haute école, et toujours j'ai été amené à la même conclusion : vous pouvez changer l'équilibre sans que, pour cela, la bouche change.

Toutefois, il est évident que le cheval qui a la tête basse fait porter au cavalier sa tête et son encolure; tandis que, si vous changez l'équilibre en plaçant la tête et l'encolure hautes, elles ne pèseront plus sur la main.

Baucher confondait la sensibilité de la bouche avec la légèreté qui résulte du changement de position de la tête et de l'encolure.

Parlons maintenant des flancs.

Qui croira qu'un cheval lourd, commun et lymphatique, a la même sensibilité des flancs qu'un cheval vigoureux, nerveux et généreux j ?

Que l'on puisse arriver à faire exécuter au premier presque les mêmes exercices qu'au second, je l'admets : mais à quel prix! Il faudra lui labourer les flancs de l'éperon pour obtenir un semblant d'énergie. Avec le second, au contraire, il suffira de l'approche du talon pour développer des actions énergiques.

Jamais un cheval chatouilleux, quinteux, ramingue, ne supportera l'éperon avec la même docilité, la même confiance qu'un cheval ayant bon caractère et peu

1. Autant dire que tous les hommes sont chatouilleux au même degré. - .


susceptible. On n'arrive, en aucun cas, à modifier complètement l'œuvre de la nature. Il y a plus : un cheval naturellement chatouilleux le devient encore davantage quand il est soumis au contact continuel des éperons. Il arrive même que celui qui n'est pas chatouilleux le devient quelquefois par suite des exigences du dressage.

De même un cheval qui a de mauvais reins, les jarrets faibles ou toute autre tare, ne sera pas guéri pour avoir passé par la méthode Baucher. Ses imperfections ne feront même souvent que s'accroître en raison des souffrances qu'il endure quand on l'oblige à prendre telle ou telle position, soit le ramener simple sans jambes 1 ou le rassembler complet. Baucher était donc loin de compte quand il prétendait que sa méthode guérissait tous les maux.

Règle générale, plus le cheval est faible et souffreteux, moins il faut lui demander d'efforts, sous peine de le rendre impropre à tout service. Avec un tel animal, il ne peut être question d'équitation fine : il est incapable de supporter le rassembler. Demandez-lui simplement de se porter en avant, et estimez-vous heureux si vous en faites un passable cheval de promenade.

Un autre point sur lequel Baucher me paraît être absolument en dehors de la vérité, c'est lorsqu'il pré-

i. D'ailleurs, j'ai déjà dit qu'on ne doit se servir du ramener simple qu'avec un cheval généreux, qui donne vigoureusement dans la main.


tend détruire les forces instinctives du cheval et n'agir que sur des forces transmises.

Cette théorie est tellement bizarre et contraire à la nature des choses, que je ne puis m'empêcher de croire que l'expression employée par Baucher a mal traduit sa pensée.

En effet, qu'est-ce que les forces instinctives? Ce sont apparemment les forces naturelles, c'est la vigueur musculaire. Si ces forces sont détruites, que reste-t-il ? Que sont encore ces forces transmises dont parle Baucher? d'où viennent-elles? On transmet un courant électrique ou un effet moral; mais, pour transmettre une force, il faut l'avoir produite d'abord, et nous savons : 1° que le cavalier ne doit pas déployer de force, puisqu'il doit toujours rester souple; 2° que même si le cavalier déployait de la force, sa puissance comparée à celle du cheval serait insignifiante.

De quels moyens dispose le cavalier ? Il n'en a que deux : les jambes et les mains 1.

Les jambes réveillent sans doute la vigueur du cheval quand elles sont bien soutenues, mais elles n'y ajoutent aucune force. Elles provoquent simplement le cheval à déployer l'énergie dont il est susceptible.

Quant aux mains, elles ne doivent pas déployer de force. Si, dans un cas exceptionnel, elles font un effort, cet effort ne peut avoir pour but que de contre-

x. Les jambes, aides d'impulsion; les mains, aides de rétention et de direction.


carrer celui du cheval. Elles ne lui transmettent pas une force, elles arrêtent partiellement les siennes.

Deux jockeys arrivent au poteau presque ensemble, les chevaux étant aussi épuisés l'un que l'autre. Si l'un des deux jockeys est très vigoureux, il pourra, en déployant une grande énergie des mains, des jambes, de la cravache, paraître communiquer une forte impulsion à son cheval et obtenir ainsi deux ou trois galopades plus vigoureuses qui lui suffisent pour gagner. Voilà une force qui a l'air d'être transmise, mais, en réalité, le jockey a simplement stimulé, par une action vigoureuse, tout le reste d'énergie dont le cheval est capable, et l'a portée à son maximum pendant deux ou trois secondes.

Autre cas : des chevaux, revenant d'une longue chasse, sont exténués. Ils descendent une pente rapide au bas de laquelle se trouve un fossé. Certains chevaux, n'étant pas soutenus, buttent ou tombent : au contraire, un cavalier attaque vigoureusement son cheval et l'empêche de tomber. Voilà encore une force qui paraît transmise momentanément. En réalité, là encore, le cavalier n'a fait que réveiller la vigueur et l'énergie de son cheval, et c'est la force naturelle de celui-ci qui a tout fait;

Prenons un cheval de haute école à la fin de son travail. Souvent il s'éteint, c'est-à-dire qu'il n'a plus de brio dans ses mouvements. Néanmoins, je veux encore lui en faire exécuter quelques-uns et des plus énergiques. Dans ce cas, je suis obligé de recourir


aux éperons et de m'en servir avec une certaine vigueur pour faire vibrer le cheval sous l'attaque. Est-ce une force que je lui ai transmise ? Non, c'est un reste d'énergie que j'ai réveillé, et qu'il dépense en force.

En résumé, le cavalier ne transmet pas de force à son cheval ; il utilise, en les dirigeant, les forces naturelles de celui-ci, il les modère ou les excite à son gré.

Je veux croire que Baucher entend simplement dire que, toutes les fois que le cheval cherche à employer d'autorité ses propres forces (qui sont instinctives), le cavalier les arrête ou les dirige, surtout si elles ont pour but une violence : un bond, une pointe ou un tête-à-queue, par exemple. Mais, quand le cheval met toute son énergie, qui, apparemment, est aussi instinctive, à donner un bon pas, un grand trot ou un galop bien accentué, j'imagine que l'on ne doit pas chercher à la détruire. Baucher ne détruisait ni ne transmettait les forces : il les dirigeait. Il s'emparait des forces par des assouplissements et une éducation bien comprise; et, par suite, empêchant le cheval d'en user à sa guise, il le dominait.

Du reste, le cheval pourra toujours se soustraire à la force par la force, et, dans ce cas, le cavalier sera bien vite au bout des siennes. Aussi l'écuyer doit-il toujours chercher à empêcher le cheval de se rendre compte de ses propres forces, de façon à éviter qu'il -ne songe à s'en servir contre lui.

: On y arrive en sentant et en devinant d'avanceles


intentions du cheval. L'écuyer qui a du tact prévoit les défenses, les sent venir et les pare avant que le cheval ait eu le temps de les exécuter.

Baucher, après avoir passé sa vie à dresser des chevaux, tels que Partisan, Buridan, Capitaine, Stades, etc., se plaint que ses chevaux n'étaient pas toujours légers dans les changements de direction. La raison qu'il en donne, c'est que, avec sa manière de travailler, il n'obtenait que l'équilibre du second genre, que j'appelle, moi, équilibre imparfait ou rassembler incomplet. Suivant lui, l'équilibre du premier genre, que j'appellerai équilibre parfait ou rassembler complet, s'obtient en faisant agir les mains sans les jambes et les jambes sans les mains. Mais, là, Baucher se trompe gravement, car, s'il a fini par trouver l'équilibre du premier genre, c'est grâce à l'élévation de la tête et de l'encolure qu'il a adoptée vers la fin de sa carrière, à un moment où il ne pouvait plus monter à cheval. Il ne pouvait pas obtenir le rassembler complet en plaçant la tête et l'encolure de ses chevaux comme il faisait. La tête était trop basse et l'encolure pliait par le milieu : aussi arrivait-il forcément que la légèreté lui échappait par moments.

Pour ce qui est d'obtenir le rassembler complet par des effets de mains sans jambes et de jambes sans mains, c'est tout simplement absurde.

On lit dans la quatorzième et dernière édition de Baucher, page 82 : « Ma méthode met tellement le cheval dans la dépendance du cavalier que, par la


combinaison des effets de jambes et de mains, nos moindres mouvements suffisent pour diriger à notre gré les ressorts de ce puissant animal. » Rien de plus exact. Mais pourquoi prétend-il, dans la même édition, page 178, que la seule et véritable équitation doit se faire « jambes sans mains et mains sans jambes » ? Comment n'a-t-il pas vu que ces deux assertions se ] contredisent ? Les jambes du cavalier ont pour office de rendre le cheval vaillant dans ses hanches, et la main galant dans sa bouche. Sans le concours simultané de ces deux aides, on peut faire des tours de force : il n'y a pas de bonne équitation possible.

Du reste, ce qui prouve que Baucher se trompait lorsqu'il croyait avoir trouvé l'équilibre parfait avec « jambes sans mains et mains sans jambes », c'est qu'il dressait le cheval avec les deux aides et qu'il n'arrivait que plus tard à se servir de l'une sans l'autre. Du reste, comme on est forcé de se servir des jambes pour donner l'impulsion et de la main pour diriger, il s'empressait de revenir aux deux aides.

Dans ces conditions, pourquoi abandonner une aide à laquelle on est forcé d'avoir recours à chaque instant ? En veut-on la preuve ? Essayez de faire le travail des deux pistes sans jambes : rien n'indiquera au cheval que les hanches doivent marcher, surtout si vous demandez les deux pistes au galop ou au pesage. Essayez de demander du trot espagnol, toujours sans jambes : le cheval lèvera un peu les


jambes de devant en place, mais rien ne lui donnera l'impulsion nécessaire pour prendre le trot. Changez les aides et demandez le même travail sans employer les mains. L'action des jambes, pour obtenir l'élévation et la tension des membres antérieurs, aura pour résultat de jeter brusquement le cheval en avant, puisque rien ne le retient et n'élève l'avant-main. Il en serait de même dans tous les airs.

Je conviens cependant que, quand l'éducation du cheval d'école a été poussée à son dernier degré de finesse, il exécute pour ainsi dire tous les mouvements sans le secours des aides : il suffit, pour l'y amener, de les lui indiquer avec les rênes flottantes et un simple frôlement du pantalon. Ce n'est, en somme, qu'une question de nuances \ mais tout l'art est précisément fait de nuances.

Quoi qu'il en soit, puisque Baucher avoue qu'il n'avait que l'équilibre du second genre (rassembler incomplet), je suis autorisé à croire que mes chevaux d'école sont supérieurs aux siens; car, depuis dix ans, j'obtiens ce qu'il appelle l'équilibre du premier genre, le rassembler complet. Je m'empresse, du reste, d'ajouter que c'est grâce à Baucher qu'en cherchant, je suis arrivé à trouver ce rassembler, qui n'est possible qu'avec une grande hauteur de tête et d'encolure. Au surplus, quand je dis que mes chevaux d'école sont supérieurs à ceux de l'illustre maître, je n'ai pas la prétention de croire qu'ils sont plus justes que ne l'étaient ceux de Baucher, puisque ces derniers


l'étaient complètement. Je veux simplement dire que j'obtiens les mêmes airs d'école, tout aussi régulièrement que mon savant prédécesseur, mais avec beaucoup plus de hauteurs de tête, d'encolure et des membres, c'est-à-dire avec un équilibre plus complet, — nécessitant par conséquent un effort moindre, — et ' surtout avec beaucoup plus d'impulsion.

Dans ses ouvrages sur l'équitation, Baucher ne tient que peu ou point compte du moral du cheval à l'extérieur. Évidemment, il y a là une lacune.

C'est que Baucher ne montait jamais dehors. Sans avoir été son élève, je l'ai suivi et étudié pendant ses voyages en Autriche, en Italie, Suisse, etc., de I847 à i85o. Or, pendant ces trois années, je ne l'ai jamais vu sortir à cheval. On a prétendu très inexactement qu'il n'était pas solide en selle et que, pour cette raison, il n'osait se montrer à la promenade ou à la chasse. Cela n'est pas admissible. Je veux bien admettre qu'il n'était pas aussi prime-sautier et brillant cavalier que le comte d'Aure, qu'il n'avait peut-être pas la solidité à toute épreuve de ce dernier; mais cela ne prouve pas qu'il craignait de monter au dehors. Le fait d'avoir dressé plusieurs chevaux prouve jusqu'à l'évidence qu'il était solide en selle, car, pendant le dressage, il y a toujours des luttes plus ou moins violentes.

Il faut donc chercher ailleurs les raisons qui empêchaient Baucher de sortir.

Baucher, étant un novateur et par conséquent un


chercheur, n'éprouvait aucun plaisir quand il lui fallait abandonner le cheval à lui-même, comme on le fait à la promenade. Pour arriver à nous tracer la voie, il a fallu qu'il consacrât toute sa vie à son œuvre. Elle seule l'intéressait. Monter sans travailler n'était pour lui qu'un ennui. Voilà pourquoi Baucher ne s'est jamais occupé du cheval de promenade ou de chasse, de son caractère, de la manière de le monter, de le conduire, et de l'énorme différence qui sépare le cheval de manège renfermé suivant sa méthode et le cheval d'extérieur à qui on laisse une grande latitude.

Ne montant pas au dehors, Baucher ne mettait jamais ses chevaux aux grandes allures. C'est une faute, car le cheval passe très facilement de la position allongée au rassembler. L'allure à fond de train, pourvu qu'elle ne soit pas trop prolongée, a l'avantage de lui permettre de s'étendre, ce qui le repose en changeant l'équilibre, en même temps qu'elle lui développe et fortifie les poumons.

Du reste, le défaut capital de Baucher était de renfermer constamment son cheval. J'estime, quant à moi, qu'il est de principe, au cours des leçons de dressage, de laisser le cheval s'étendre après chaque concession. Enfin, je tiens qu'il faut d'une manière générale, pendant le dressage du cheval, lui donner l'habitude de s'étendre de temps à autre aux trois allures. Il n'y a pas d'équilibre, pas de position qui ne finisse par fatiguer. Qu'on en change et l'on y reviendra avec plaisir.


Une dernière observation. A la page io3 de la quatorzième édition de son ouvrage, Baucher rapporte une conversation qu'il a eue à Berlin avec des officiers allemands 'qui passaient pour avoir une certaine connaissance du cheval.

Ils disaient : « Nous voulons que nos chevaux soient en avant de la main. » Baucher répondait : « Je veux que les miens soient derrière la main et en avant des jambes. »

Eh bien, moi, je ne suis ni de l'avis des officiers allemands ni de l'avis de Baucher. Le cheval doit être en avant des jambes et légèrement- sur la main. C'est toujours la question des nuances. A moins cependant qu'il ne s'agisse des chevaux de l'armée, car alors il y a bien autre chose qu'une nuance, et, dans ce cas, je me sépare complètement de Baucher. J'ose même dire que le seul fait de [prétendre que les chevaux doivent être derrière la main devrait suffire pour exclure à jamais sa méthode de l'armée. Mettre en pratique une pareille opinion ne pourrait amener que de l'hésitation chez le cheval, car c'est la main qui le dirige. Le cheval hésite toujours quand il ne sent pas la main. Or, s'il est derrière la main, il ne sent pas les rênes. C'est tout le contraire qu'il faut faire avec le cheval d'armes, qui doit toujours être franchement sur la main.

Tels sont les points principaux de la méthode Baucher, sur lesquels je suis en désaccord avec l'illustre maître.


Néanmoins, je le répète, j'ai pour lui la plus sincère admiration.

Baucher a été un créateur, et tous ceux qui s'occupent d'équitation doivent lui rendre hommage comme à un maître. Il avait en même temps la grande qualité de ne rien décrire qu'il ne fût capable d'exécuter. Beaucoup d'autres, après lui, ont longuement écrit sur l'équitation, et souvent pour décrire de magnifiques mouvements qu'ils auraient été fort en peine de faire exécuter à leurs chevaux. Baucher, lui, prouvait la supériorité de sa théorie en la mettant en pratique.



CONCLUSION

Pour être un cavalier accompli, ou du moins pour se rapprocher, autant qu'il est possible, de la perfection, il faut pouvoir subir les cinq épreuves suivantes :

io Monter un coquin;

2° Courir un steeple;

3° Courir une course au trot;

4° Courir une course plate au galop;

5° Savoir dresser et monter un cheval d'école. Monter un coquin, lorsqu'il ne s'agit que de rester sur son dos, est simplement affaire de solidité et de courage. Il suffit d'être bon cavalier et un peu casse- cou. Mais, si l'on parvient à prévoir les défenses par le tact et à les prévenir, alors on fait de l'équitation raisonnée.

Je mets le steeple au second rang. Il demande plus de solidité et de hardiesse. Il faut être surtout bon cavalier plutôt que bon écuyer. Mais le steeple exige moins de finesse et de tact que les épreuves suivantes.


La course au trot vient, suivant moi, au troisième rang, au point de vue du jugement et du savoir qu'il y faut développer. Il est évident que, si le jockey ne juge pas bien quand le cheval est dans son maximum,

il continuera à le pousser et lui fera facilement prendre le galop. Mais ce jugement est beaucoup plus facile que dans la course plate au galop, où il faut con- j naître le maximum, en être toujours près et ne le donner qu'au moment voulu.

Je place en quatrième lieu la course plate au galop, considérant que c'est véritablement de l'art que d'approcher seulement du talent des F. Archer, Watts, Cannon, Webb, etc. Pour courir en plat au galop,

il faut avoir le sentiment du train très développé. Le jockey qui ne saisit pas bien le train qu'un cheval peut soutenir sans s'épuiser rapidement ne sortira jamais de l'ordinaire. Quand on pense que le maximum d'un cheval de course donne tout près d'un kilomètre par minute, on comprend combien il est difficile d'avoir, à une seconde ou deux près, le sentiment du train.

S'il s'agissait simplement dans une course de courir les uns après les autres, le premier venu pourrait le faire. La difficulté est de mener et de garder le train qui convient le mieux au cheval que l'on monte. Si on ne peut le placer où et comme on veut, sans avoir à lutter contre lui, on reste dans la moyenne comme talent.

Si le jockey tire trop fort sur les rênes, le cheval


s'épuise par les efforts qu'il fait contre la main. Dans ce cas, c'est bien moins sa bouche qui souffre que ses reins et ses jarrets. Il en résulte une fatigue de l'ar- rière-main, qui empêche le cheval de donner son maximum à l'arrivée. Si au contraire le jockey ne retient pas assez son cheval, celui-ci donne trop tôt son maximum de vitesse, et il est également épuisé avant le moment voulu.

Il faut donc avoir assez de tact pour ne pas tomber . dans l'un ou l'autre de ces deux extrêmes.

Enfin le dernier terme, c'est de savoir dresser un cheval d'école. Il faut, en effet, pour y arriver, posséder le savoir, la finesse, le tact au suprême degré. Il faut encore avoir une connaissance exacte des forces du cheval, qui seule permet de le dresser sans le tarer.

Dans le dressage du cheval d'école, ce n'est pas seulement le sentiment des effets des mains et des jambes qui est poussé à son extrême limite ; l'assiette elle-même doit percevoir les moindres mouvements de l'arrière-main. Par l'assiette, le cavalier se rend compte de ce qui se passe sous lui. Par suite, il peut réprimer la moindre faute commise et récompenser immédiatement la plus petite marque de bon vouloir. C'est là qu'est tout le secret du dressage.

Il y a plus, l'écuyer qui dresse le cheval d'école agit seul et ne dépend que de lui-même. Toute faute commise doit lui être imputée, comme aussi tout mouvement bien exécuté est son œuvre. Cela n'est vrai que pour le travail d'école.


Le cheval de course, pour ne citer que celui-là, passe entre bien des mains, entraîneurs, lads, jockeys, etc., et chacun, s'il y a faute commise, peut l'imputer à son voisin. Seul le cheval d'école est l'œuvre exclusive de celui qui l'a dressé. A une critique de Baucher, le comte d'Aure répondit un jour : «Je ne suis pas dresseur de chevaux. » Que dressait-il donc ? Est-ce le mot dresseur qui sonnait mal à son oreille ? Pour moi, je n'en connais pas d'autre. Sans doute il ne faut pas confondre l'écuyer qui dresse finement un cheval avec le piqueur qui le dégrossit, mais j'ose dire qu'on n'est écuyer qu'à la condition de pouvoir dresser son cheval. C'est le dressage qui est la pierre de touche de l'écuyer. C'est le cheval dressé qui témoigne pour le dresseur.


ANNEXE

J'étais en représentation, à Bruxelles lorsque M. le comte d'Oultremont vint me demander de donner une séance, avec mes chevaux, au Cercle royal dont il était le président. Il m'exprima le désir que cette séance fût accompagnée d'explications orales. « Vos aides sont si fines, me dit-il, que nous ne saisissons pas toujours très bien quels moyens précis vous employez pour arriver au résultat que nous constatons. Nous voudrions savoir comment vous pouvez obtenir tant avec si peu d'efforts. Donnez-nous des explications. »

La séance eut lieu une après-midi du mois de décembre 1890. Tous les officiers supérieurs, membres du Cercle, étaient présents. Je fis travailler mes chevaux, mais non pas comme dans une représentation. Tantôt plaçant bien mon cheval pour obtenir, dans des conditions correctes, le résultat cherché, tantôt donnant au cheval une mauvaise position pour en montrer l'inconvénient et arrivant jusqu'à la faute, j'accompagnai chaque partie du travail d'explications théoriques qui trouvaient immédiatement leur confirmation dans la pratique.

Après la séance, les officiers du 2' régiment de guides me firent demander par M. le commandant Fivé de vouloir bien instituer un cours à leur usage.


J'acceptai avec un plaisir extrême. Le manège du 2e guides fut mis à ma disposition tous les jours de dix heures et demie à midi. Le cours se composa de trente leçons 1.

Voici la progression que j'instituai et qui fut exécutée de point en point.

2e RÉGIMENT DE GUIDES DE S. M. LE ROI DES BELGES

PROGRESSION DU TRAVAIL DE DRESSAGE

EXÉCUTÉ SOUS LA DIRECTION

DE

M. JAMES FILLIS

Première Leçon.

Mettre le cheval à la longe quelques jours, à main droite et à main gauche, pour le rendre obéissant.

I. — Mise en main; Flexion de la mâchoire : de pied ferme, puis en marchant. (La main droite tenant les deux rênes de bride à cinq centimètres du mors, haute pour relever l'encolure. La rêne gauche du filet dans la main gauche qui se porte en avant, en opposition avec la main droite.)

Dès que le cheval obéit, caresser et recommencer. i. Il en fut de même pour le ier régiment des guides qui mit son manège à ma disposition, tous les jours, de neuf heu-res» à dix heures et demie.


II. — Appuyer : faire céder le cheval à la jambe droite et à la jambe gauche.

2e Leçon.

I. — Flexion de la mâchoire : pied à terre. — Même flexion étant à cheval.

Il. — Trot raccourci : 1° Sur le bipède diagonal gauche.

— 2° Sur le bipède diagonal droit.

Trot enlevé.

III. — Épaule en dedans : à main droite et à main gauche. IV. — Volte renversée.

3e Leçon.

I. — Répétition de la 2e leçon.

II. — Changement de main diagonal : aux deux tiers du changement de main, appuyer de deux pistes (aux deux mains).

III. — Épaule en dedans : répéter le même mouvement aux deux mains.

4e Leçon.

I. — Répétition de la 3e leçon.

II. — Trot raccourci et changement de main sur la diagonale. III. — Prendre le galop : à main droite et à main gauche.

IV. — Mise en main.

5e Leçon.

I. — Répétition de la 4e leçon.

II. — Galop sur la diagonale.

III. — En cercle.

IV. — Changement de main en passant au trot.

V. — Mise en main.


6e Leçon.

I. — Flexion latérale de la tête sur l'encolure (les rênes tenues comme pour la tlexion de mâchoire).

II. — Galop sur la diagonale.

III. — En cercle et changement de main.

IV. — Épaule en dedans.

V. — Galop sur la ligne droite et changement de main.

VI. — Mise en main.

7 e Leçon.

I. — Trot : mise en main.

II. — Pied à terre: flexions de la mâchoire et latérales. III. — Répéter les flexions en marchant.

IV. — Trot raccourci : mise en main.

V. — Galop et contre-galop.

VI. — Épaule en dedans.

VII. — Épaule au mur.

VIII. — Rassembler en marchant.

Se Leçon.

Répétition de la 7e leçon.

9e Leçon.

I. — Répétition de la 7e leçon.

Il. — Cadence du trot et rassembler constant.

III. — Augmenter la mise en main.

10e Leçon.

I. — Même progression du travail.

II- — Trot rassemblé et mouvements de deux pistes.

III. Demi-tour sur les hanches. -


lie Leçon.

I. — Répétition de la leçon précédente.

II. — Galop et contre-galop sur la ligne droite.

12e, 13e et 14e Leçons.

I. — Répétition du travail de la 1 le leçon.- 15e Leçon.

I. — Répétition du travail précédent.

II. — Augmentation du rassembler et de la mise en main. III. — Épaule en dedans sur le cercle.

IV. — Épaule au mur sur le cercle.

V. — Galop sur place.

16e Leçon.

I. — Trot raccourci. — Mise en main.

II. - Pied à terre : .flexion sur le mors.

III. — Pas d'école : épaule en dedans.

— Épaule au mur.

Changement de main de deux pistes.

IV. — En cercle : mêmes mouvements.

V. — Galop. — Contre-galop.

VI. — Changement de main en passant au trot. VII. — Mise en main complète.

17e Leçon.

I. — Même progression du travail.

II. — Augmenter la mise en main.

III. — Demi-tour sur les hanches.


18e Leçon.

Répétition de la même progression.

19e Leçon.

I. — Trot : mise en main.

II. — Pied à terre : flexions sur le mors.

III. — Trot d'école : épaule en dedans. — Épaule au mur. IV. — Demi-tour sur les épaules.

V. — Galop. — Contre-galop.

VI. — Changement de main au galop : en arrivant à la piste opposée, au pas et départ au galop par la position de tête (à chaque main).

VII. — Sur la ligne droite : galop à droite : quelques foulées,

— au pas. — Galop à gauche. — Répéter plusieurs fois le même mouvement.

VIII. — En cercle : épaule en dedans. — Épaule au mur.

IX. — Au galop : épaule en dedans. (Jamais épaule au mur, au galop, pour ne pas habituer le cheval à se traverser.)

X. — Au pas : mise en main complète.

20e Leçon.

I. - Trot : mise en main.

II. — Pied à terre : flexion sur le mors.

III. — Pas d'école : épaule en dedans.

— Épaule au mur.

Changement de deux pistes.

IV. — En cercle ; mêmes mouvements.

V. — Galop. — Contre-galop. — Changement de main en passant au trot.

VI. — Mise en main complète.

21e Leçon.

I. - Flexions sur le mors (en marchant la tête haute). "


— Rassembler. — Trot d'école. — Épaule en dedans.

Épaule au mur.

III. — Arrêter. — Reculer. — En avant. (Répéter plusieurs fois le même mouvement.)

IV. Pas d école : demi-volte et épaule en dedans en terminant la demi-volte (aux deux mains).

V. — Galop : sur la ligne droite.

Contre-galop : sur la ligne droite.

Changement de main au galop : au pas en arrivant à la piste et changer de pied.

VI. — Demi-volte au galop : changer de pied à la piste. VII. Épaule en dedans : un galop. — Aux deux mains. VIII. — En cercle au galop. — Contre-galop sur le cercle.

IX. — Au pas : mise en main complète.

22e Leçon.

!• — Répétition de la leçon précédente.

II. — Galop : doubler dans la longueur.

Volte renversée : redresser sur le même pied. — Changer de pied.

III. — Volte ordinaire avec l'épaule en dedans. — Même mouvement à l'autre main.

IV. — Pas.

V. — Galop à droite. — Galop à gauche. — Trois temps sur le même pied.

VI. — Pas. — Mise en main complète.

VII. — Préparation au passage.

23e Leçon.

I. — Répétition de la leçon précédente.

II. — Mise en main plus complète pour finir. III. — Préparation au passage.

24e Leçon. I. — Répétition de la 22e leçon.


II. — Rassembler plus complet chaque jour pour arriver au passage.

25e Leçon.

I. — Répétition de la 226 leçon.

II. — La mise en main la plus complète pour finir.

26e, 27e, 28e, 29e et 30e Leçons.

I. — Répétition du travail de la 228 leçon. La mise en main de plus en plus complète.

II. — Passage : quelques foulées.— Caresser. — Recommencer.

Bruxelles, le % janvier 1891.

Le Commandant adjudant-major, F. DE HASE.

Les résultats furent excellents, comme l'atteste la lettre ci-après, au sujet de laquelle j'adresse à Messieurs les signataires mes remerciements les plus cordiaux.

CHER MONSIEUR FILLIS,

Au moment où vous allez faire paraître une nouvelle édition de votre Traité des principes de dressage et d "équitation, nous tenons à vous donner un témoignage de notre admiration pour les excellents principes que vous nous avez enseignés.

Vous nous avez appris à joindre dans le dressage une énergie raisonnée à une patience victorieuse. \ Plus de vivacités 1 plus de corrections intempestives si préjudiciables à la réussite.

Aussi, grâce à votre méthode et à votre direction, avons- nous réussi, en trente leçons, à mettre parfaitement des chevaux de caractère tout différents, sans qu'aucun d'entre eux fût taré,


et nous devons reconnaître que les principes que nous avions suivis jusqu'à ce jour sont loin de nous avoir donné des résultats aussi rapides et aussi satisfaisants.

Nous avons tenu, cher monsieur Fillis, à apporter le tribut de nos éloges aux nombreux témoignages d'admiration que vous avez reçus de toute part et vous prions d'agréer l'expression de nos sentiments distingués.

Le Commandant adjudant-major.

F. DE HASE.

Le Capitaine commandant,

LAMBERT.

Commandant, FIVÉ. Lieutenant, CEC. HERG. Capitaine, DE FORMANOr. JER Lieutenant, P. BIOURGE. Lieutenant, LE GRAND. Lieutenant, G. JEIDELO. Capitaine, M. LECLERQ. Lieutenant, F. DocQ.

1cr Lieutenant, Comte JEAN DE MEROD. JER Lieutenant, M. D'HESPEL. i el, Lieutenant, R. PYCKE. 1 cr Lieutenant, VANLOQUERE. Capitaine, BIA.

Je dois noter qu'en Belgique personne n'a eu l'idée de me reprocher de montrer mes chevaux dans un cirque. On estime au contraire, dans ce pays, que; c'est le seul endroit où puisse se produire le travail équestre et qu'il est aussi naturel pour un écuyer de monter à cheval dans un cirque que pour un artiste lyrique de se montrer à l'Opéra, ou pour un académicien de s'habiller de vert pour tousser un discours sous la coupole de l'Institut. Je dois noter en même temps que je n'ai rencontré à Bruxelles aucune défiance de l'élément militaire à l'endroit du pékin. On se borne à demander à un écuyer de


bien connaître ce qu'il a la prétention d'enseigner. De fait, les officiers de cavalerie doivent connaître non seulement l'équitation, mais encore un nombre infini d'autres choses qui leur laissent très difficilement le temps de pousser la science équestre jusqu'à ses dernières limites. De là la nécessité des spécialisations, aussi bien pour l'instruction du cavalier militaire que pour le reste. Je crois rapporter fidèlement l'opinion, en ces matières, des

officiers de cavalerie de l'armée bejg€^âjvèî^qui j'ai eu l'honneur de me trouver en relati ;'\ " ■/, \


TABLE DES MATIÈRES

Pages. DÉDICACE V II PRÉFACE IX PRÉFACE DE LA TROISIÈME ÉDITION xv PREMIÈRE PARTIE

I. Le cheval 3 II. Nourriture du cheval 9 III. Intelligence du cheval 10 IV. Influence du regard de l'homme sur le cheval .. 12 V. Influence de la voix de l'homme sur le cheval . 13 VI. Les caresses i5 VII. Les corrections 16 VIII. Embouchure des chevaux 18 IX. La martingale 23 X. La selle 25 XI. Les étriers 27 XII. La cravache 3o XIII. Les éperons 3o XIV. Position du cavalier 31 XV. Position de l'amazone 40 DEUXIÈME PARTIE

I. Travail à la longe . 53 Il. Travail rapproché, marche en avant ..... 64


Pages. III. Mise en main, flexion directe 69 IV. Moyen de rendre un cheval docile au montoir. 88 V. Tenue des rênes 94 VI. Manière d'apprendre au cheval à céder aux jambes et à l'éperon au moyen de la cravache. 98 VII. Cheval monté, premières défenses, moyens de les combattre. 101 VIII. Le pas 111 IX. Arrêt et stationnement 112 X. Changements de direction 115 XI. Flexions latérales 122 XII. Rotations de la croupe et des épaules.... i32 XIII. Pas d'école 144 XIV. Reculer 145 XV. Le ramener, la mise en main et le rassembler.

Le tact équestre , , 151 XVI. Pas de côté et deux pistes i65 XVII. Le trot 175 XVIII. Le galop 188 XIX. Vol tes et demi-voltes au galop ...... 198 XX. Changements de pied 202 XXI. Chevaf de promenade 214 XXII. Chevaux peureux 23o XXIII. Chevaux qui battent à la main 2 36 XXIV. Chevaux qui s'emportent 238 XXV. Le saut 245 XXVI. Courses plates 258 XXVII. Cheval de chasse 262 XXVIII. Le cheval d'armes 266 TROISIÈME PARTIE

I. Équitation savante 3oi II. Pas espagnol i .... 3o3 III. Pirouette renversée sur trois jambes .... 314 IV. Pirouettes renversées et ordinaires, les pieds croisés 316 V. Reculer sans rênes 3ij VI. Balancer de l'avant-main 319


Pages. VII. Balancer des hanches 321 VIII. Trot espagnol 324 IX. L'épaule en dedans au galop 33o X. Pirouettes au galop 333 XI. Changements de pied au temps 336 XII. Changements de pied sur place 343 XIII. Piaffers et passages 344 XIV. Différence entre le passage et le trot espagnol.. 364 XV. Serpentine au trot 365 XVI. Galop sur trois jambes 366 XVII. Passage en arrière 370 XVIII. Piaffer ballotté 372 XIX. Galop sur place, galop en arrière 375 XX. Airs d'école nouveaux 381 XXI. Cheval d'école pour dames 383 QUATRIÈME PARTIE

Commentaires sur Baucher 389 Conclusion r- . 409 Annexe .... v -........- 413 1



Paris. — MAY & MOTTERoz, L.-Imp. réunies 7, rue Saint-Benoît









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Auteur: James Fillis

Created: 2018-09-08 sam. 19:46

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