L'équitation espagnole et ses dérivés
Traduction de l'article «Equitação Espanhola e suas derivações» paru dans Diana, janvier-février 1949, par Jean Magnan de Bornier.
L'équitation espagnole des seizième et dix-septième siècles a eu, pour l'utilisation du cheval, une influence extraordinaire.
Elle est née des nécessités du combat contre les maures, et alors que l'équitation de ces derniers se modifiait, elle en vint à se modifier elle aussi.
Dans des régions semi-désertiques comme l'Afrique du Nord et l'Andalousie, il n'était possible de parcourir de longues distances qu'avec des chevaux légers, rapides et résistants.
Comme pour supporter cela il fallait que les chevaux portent peu de poids, les cavaliers ne pouvaient pas porter de lourdes armures, et il en est résulté le remplacement du combat de choc par le combat d'habilité, et les chevaux se transformèrent en chevaux de type berbère, et les harnachements et la manière de monter, dans le système dit «à Gineta», commun aux maures et aux chrétiens.
Quand les espagnols allèrent en Italie et s'emparèrent de la Sicile puis de Naples, l'équitation à la Gineta se transforma en équitation d'école, dite Haute-École, et de là, aux dix-septième et dix-huitième siècles, émigra en France, en Allemagne et dans le reste de l'Europe.
Cette équitation a été celle de tout le dix-huitième siècle jusqu'à ce que la Révolution Française et les courses de chevaux n'introduisent l'équitation militaire et à l'anglaise.
L'équitation sportive moderne descend de l'équitation anglaise de course et de chasse.
Dans les pays en contact avec l'Espagne, l'équitation s'est maintenue plus ou moins dans le type ancien et dérive, avec peu de changements, de l'équitation à la Gineta.
Il en est ainsi de l'Espagne moderne et du Portugal.
Quand au seizième siècle les espagnols conquirent l'Amérique, ils emmenèrent leurs chevaux et leur style d'équitation, qui au long du temps et des nécessités prirent des couleurs régionales.
Les chevaux espagnols, très rustiques et féconds, ont en moins d'un siècle occupé l'Amérique du Sud, Centrale et du Nord , atteignant quelques millions, et naturellement ils maintinrent plus ou moins le type fondamental de la race.
La reproduction en régime sauvage fait revivre des types plus primitifs et, comme c'est naturel, les animaux étaient les meilleurs là où le climat était le plus propice.
Le cheval est un animal des climats tempérés, et il souffre passablement à l'équateur. Pour cette raison les meilleurs étaient les nord-américains, mexicains, argentins et chiliens, et les plus faibles, ceux des hautes régions montagneuses de l'Amérique du Sud, au Venezuela et en Colombie, et d'Amérique Centrale et du Brésil.
On connaît assez bien tout le processus d'importation vers les Antilles et de passage vers diverses parties du continent américain.
Il est curieux de voir comment on monte à cheval dans différentes parties de ce continent.
Les centres de diffusion ont été variés.
Le Mexique a été le grand centre de diffusion pour l'Amérique du Nord, et ce furent la monte et les harnachements mexicains des anciens andalous qui amenèrent, en Californie, au Texas, en Arizona, au Colorado, etc…, les harnachements et équipements américains, et ce fut depuis le Mexique que se diffusa l'utilisation du lasso et tout le travail de gardiens de vaches et de chevaux chez les cow-boys du sud des États-Unis.
Un autre grand centre fut le centre venezielien-colombien, et là le harnachement est resté plus attaché aux formes espagnoles anciennes, à tel point que les arçons sont proches des nôtres, et aussi que les étriers qu'on y utilise sont en bois, mais contrairement aux nôtres, creusés dans une seule pièce de matière.
Le Chili a des selles du même type parce que son équitation vient de Saint Domingue via le Pérou. Ces selles ont toutes une structure en fer et bois.
En Argentine en revanche, du fait probablement d'un développement moins rapide dans les premiers siècles, les harnachements sont dérivés du type du bât, et furent particulièrement construits sans métal.
L'équitation y est beaucoup plus primitive que celle du Mexique, laquelle est, comme on dit, la plus proche de l'ancienne équitation espagnole.
Dans tous ces pays le cheval est un grand auxiliaire du travail des champs, et pour cette raison le dressage comporte une forte domination du cheval, avec des arrêts et démarrages brusques et des voltes.
Pour attraper au lasso, aux boules, trier et accompagner le bétail, il faut des chevaux rapides et soumis.
Après avoir fait de nombreux croisements, tant en Argentine qu'au Chili, au sud du Brésil et même en Amérique du Nord, on a constaté les avantages des chevaux d'origine espagnole pour le travail avec le bétail.
L'Argentine a créé la race des criolos, petits et courageux. Il en a été de même au Chili et au Brésil avec le Mangalarga et le Criola.
Aux États-Unis les chevaux Palomino et Appaloosa, les Pintos, les Tennessee Walker, les Morgan et American Saddlebred, et les Quarter Horses, ont comme origine commune le Mustang ou cheval sauvage, dérivé de l'espagnol.
Il est intéressant de voir que chaque type d'utilisation exige un cheval particulier.