Questions de musique

Le maître aimait monter à cheval en musique, je crois que personne ne peut l'ignorer. Il avait beaucoup de goût pour l'opéra et le chant en général. Mais ses choix étaient plus éclectiques. Voici comment j'ai vu évoluer sa pratique en la matière à partir de 1968 (année de mon premier contact).

La première fois que l'ai vu monter, c'était sur Farsista, un grand Alter-Real; ce cheval dressé à tous les airs du grand prix (et peut-être aussi au pas et au trot espagnol), et qui avait des allongements spectaculaires, était monté aux accords de l'Ouverture de Tannhauser, musique pleine d'énergie et 100% germanique. Les autres chevaux de cette époque travaillaient souvent avec la musique de Beethoven: pour Corsario c'était la sixième ou la neuvième symphonie, et Ansioso travaillait, lui, avec les deuxième et troisième mouvements du concerto L'Empereur. La coïncidence du rythme de son passage et de celui du troisième mouvement était parfois saisissante au point de donner la chair de poule.

Les années suivantes, de nouveaux chevaux amenaient de nouvelles musiques, comme le troisième concerto de Beethoven et le premier de Brahms, ainsi qu'un disque de piano (Chopin, Liszt) pour l'anglo-arabe Harpalo Prince.

Nous voilà au début des années 70, où j'ai commencé à entendre des voix en plus des instruments: ce fut d'abord la Missa Solemnis de Beethoven puis le Requiem de Verdi. À partir de cette étape, le chemin vers l'opéra était ouvert et en 1973, au moment du déménagement du manège à Avessada et par la suite, il devint la seule musique que le maître écoutait à cheval, avec une prédilection marquée pour certaines voix, dont en particulier celle de Giacomo Lauri-Volpi. Verdi était le premier choix, mais Puccini et les véristes étaient aussi à l'honneur.

Un jour, en 1976 (ou 75?), João avait présenté à une élève américaine le travail d'un cheval qu'elle lui avait confié en dressage, le maître étant dans la tribune. João avait mis une musique pour instruments à vent que je ne connaissais pas mais qui, je pense, était de Mozart. Son père avait fulminé contre «cette horrible musique allemande»!

Dans le manège de Povoa, il y avait parfois de la musique pour les reprises, mais cette habitude s'est perdue avec le déménagement; il y avait un disque de musiques «de l'École de Vienne», avec des airs viennois (les Strauss, von Suppé…) qui permettaient de rythmer le pas, le trot, le galop, le passage. Il fallait mettre tel ou tel morceau pour le pas, tel ou tel autre pour le trot, etc. C'était très agréable de monter comme ça, mais pour le maître cela n'avait aucune dimension artistique: là aussi il s'agissait de musiques «horribles» mais destinées à nous faire comprendre la cadence. J'aimais bien aussi être dans la tribune, chargé de changer les morceaux au fur et à mesure, sur un disque qui avait d'ailleurs déjà pas mal souffert au fil des années.

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Auteur: Cj

Created: 2018-09-28 ven. 09:02

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