Les réflexes du cheval et du cavalier

Pour le maître, le cheval est avant tout un être hyper-sensitif; il n'a pas le cuir épais, ses nerfs sont à fleur de peau, et les aides peuvent en conséquence, et doivent si on veut faire de la belle équitation, être fines. Mais l'hyper-sensibilité se manifeste aussi par des réflexes très rapides, et il présentait souvent l'équitation comme étant (en partie) une course de vitesse (et surtout pas d'intensité) entre les réflexes du cheval et ceux du cavalier, ces derniers étant le plus généralement largement battus. Ainsi on entendait dans les leçons: «Untel, votre cheval a des réflexes plus rapides que vous» — une indication que l'équitation est bien un art d'exécution. Lui considérait que sa réussite avec les chevaux tenait pour partie à ses réflexes ultra-rapides.

En voici deux exemples que je ne pourrai jamais oublier.

Tête-à-queue

Lors d'un stage, premier travail du piaffer d'un cheval appartenant à un élève de longue date; l'élève veut avec force que son cheval piaffe et utilise ses jambes et ses éperons d'une manière agressive, voire brutale: ça ne marche pas et le maître décide d'aider à pied. Il s'approche du cheval avec une chambrière et la dirige vers les postérieurs sans toucher; mais le cheval qui est en colère commence un violent tête-à-queue, qui aurait dû se dérouler en un quart de seconde.

Une riposte immédiate de la chambrière a empêché de cheval, surpris, de mener à bien son mouvement; galvanisé par la résistance que son mouvement d'humeur a rencontrée, le cheval se calme rapidement et la leçon se poursuit dans le calme, le propriétaire du cheval ayant été lui-aussi, en passant, impressionné et calmé.

Ce que j'ai vu de cet épisode, c'est ceci: d'un côté un cheval qui se révolte avec violence et rapidité; de l'autre un humain qui réagit avec une grande lenteur, qui ne précipite pas du tout son geste, et qui pourtant gagne la course! Des réflexes, mais pas de précipitation: un secret de dressage qui, même quand on l'a identifié, reste la plupart du temps hors de portée.

Cheval qui s'échappe

Cette histoire se déroule dans le manège d'Avessada, en 1980 ou 82. Le maître a monté son premier cheval de l'après-midi, et un jeune Alter-Real entre, bridé, tenu par un palefrenier qui a pour mission de retirer la selle du cheval qui vient de travailler pour la mettre sur celui qui va travailler. La porte du manège est ouverte et il y a au moins une autre personne dans le manège.

La selle est posée sur le dos du cheval, la sangle ajustée mais à ce moment le cheval, toujours sous le contrôle du palefrenier, prend peur et s'échappe au galop, la selle tourne puis finit par tomber. Les palefreniers courent pour essayer de maîtriser le cheval. Mais le maître, dès que le cheval s'est libéré, court vers la porte! Il sait que le seul danger est là, le danger que le cheval quitte cet espace fermé du manège où il ne peut pas vraiment se blesser. Cette course vers la porte, alors qu'il est un quinquagénaire bien avancé, est celle d'un jeune homme. Elle est frappante parce qu'au milieu de ce (petit) chaos, elle est la seule chose qui a l'air sensée. Inoubliable!

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Auteur: Jean Magnan de Bornier

Created: 2018-09-08 sam. 19:46

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