Et l'obstacle?

Un grand écuyer peut-il aussi sauter des barres, faire des concours hippiques? Qu'en était-il du maître de ce point de vue?

Je n'ai que des informations limitées, mais les voici. Arrivé pour la première fois au manège en juillet 1968, je n'y ai jamais vu un seul obstacle, et pourtant, le maître raconte dans ses mémoires qu'il avait dressé Farsista dans sa carrière encombrée d'obstacles; c'est donc qu'au début de l'été ou au printemps 1968 ils avaient disparu, pour ne plus revenir!

Deux ou trois ans après, le maître nous racontait, après les reprises du soir, comment et pourquoi il avait arrêté les reprises et leçons d'obstacle, du jour au lendemain, perdant d'ailleurs une clientèle fidèle de portugais. Un jour, il avait monté un cheval à l'obstacle pour montrer quelque chose à un élève ou résoudre une difficulté avec le cheval. En sautant, nous racontait-il, «j'ai eu de la peur». Et de nous expliquer qu'il avait acquis une telle connaissance de la morphologie du cheval, durant le saut et tous autres exercices équestres, qu'il avait en faisant sauter le cheval évalué tous les risques que prend le cavalier et qu'il fait prendre à son cheval. Il avait alors décidé que l'obstacle était trop dangereux (pour les pieds et les tendons des chevaux), et de ne plus jamais en faire (il avait quarante-trois ans à ce moment). Sa vision de son métier lui interdisait d'enseigner une chose qu'il ne ferait plus, et tous les chevaux d'obstacle avaient dû partir dans les deux ou trois jours suivants.

Le même jour il nous avait expliqué qu'il avait fait beaucoup de concours hippiques, et en avait gagné pas mal; mais il ne se considérait pas comme particulièrement doué dans ce domaine.

Dans son attitude vis-à-vis des concours de saut d'obstacle, il n'y avait aucun rejet, contrairement à ce qu'il manifestait envers les concours de dressage. Et il aimait beaucoup les cavaliers d'obstacle, surtout évidemment quand leurs chevaux fonctionnaient bien. En 1976, je suis arrivé au Portugal juste à la fin des Jeux Olympiques de Montréal. Le maître avait vu la finale du jumping à la télévision et parlait avec beaucoup d'admiration du médaillé d'or Alwin Schockemohle, dont le cheval était effectivement très rond à l'abord des obstacles.

Dans la vidéo que la télévision portugaise a réalisée au début des années 60 sur l'équitation, on voit le maître donner une leçon d'obstacle à un cavalier qui monte dans son manège et saute quelques obstacles, avec une selle, avec la selle mais sans la sangle, puis sans la selle, puis avec un bandeau sur les yeux: des méthodes pédagogiques solides, mais à l'ancienne (ce n'est nullement une critique).

João Oliveira a lui même, dans sa formation d'écuyer, passé beaucoup de temps à sauter des obstacles. Il m'a raconté plusieurs fois comment son père le mettait à cheval dans le manège, sans selle ni rênes, à quatre ou cinq ans, et l'envoyant sur des obstacles qui évidemment lui semblaient gigantesques, l'obligeant à remonter par ses propres moyens quand il tombait (tomber de cheval et ne pas remonter tout de suite était un crime majeur pour le maître). Plus tard, Joâo a fait des concours hippiques en grand nombre, mais en tant que fils du «mestre», il ne pouvait pas gagner, son père le lui interdisait! Il ne pouvait pas non plus être mal classé, et il avait donc pour obligation d'être deuxième!! Et, paraît-il, ça allait mal quand il n'y arrivait pas. Connaissant la «glorieuse incertitude du sport», on voit que la jeunesse équestre de João n'a pas été facile…

Quelques autres histoires qu'il nous a racontées sont trop floues maintenant pour moi pour que je les retrace, mais il y a un détail important que bien sûr je ne pourrais pas oublier: c'est que les chevaux d'obstacle au manège du maître étaient tous dressés et assouplis: la basse école était le minimum d'éducation requis pour aller sur les barres; c'est évident mais enfin il faut le dire.

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Auteur: Jean Magnan de Bornier

Created: 2018-10-01 lun. 18:33

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